lundi 19 novembre 2007

Facebook + média = polymédia


Et vous, que faites vous avec Facebook?
Michel Levy-Provençal (Rue89 et France 24) a eu une idée: il a créé un mini-média public-privé, en exploitant la puissance du Facebook. Il appelle ça le "polyblog".
Tout le monde connait Facebook, ce réseau social d'un nouveau genre (42 millions d'utilisateurs dans le monde, beaucoup d'étudiants) qui est en train de devenir un navigateur web alternatif : il est à la fois un moteur de recherche social, un site de rencontres, un hyperblog et un nouveau système de distribution de l'info s'appuyant sur la recommandation.

Facebook pose beaucoup de questions aux médias :

- Avec Google, il participe à la fragmentation de l'audience (qui finit par ne plus sortir de Facebook et consulte les infos via des liens envoyés par leurs amis facebookiens)
- Il est un puissant média social et de distribution : comment en profiter ?
- Enfin, Facebook propose un fil d'informations qui résume toute vos activités et celles de vos amis : un mix d'infos privées et publiques qui bouleverse le champ de définition de l'info.
Avantage : Facebook est une plateforme ouverte. Cela signifie que tout le monde peut développer des outils pour Facebook et créer un lien avec ses usagers. Via ce qu'on appelle les API (des interfaces qui permettent par exemple à deux services internet de trouver un protocole commun afin d'échanger ou de mixer leurs données).

L'ouverture de Facebook aux développeurs extérieurs étant récente (le 24 mai 2007), peu d'expériences ont encore été tentées jusque là. Je retiens la plus intéressante : celle du Washington Post il y a quelques mois.

Et, ce week-end : celle de Michel Levy-Provençal, alias Mikiane.

Voici ce qu'il écrit sur son nouveau blog :

"J'ai (...) décidé de me doter d'un tout nouveau système qui ressemble à la fois à un blog, qui dialogue avec Facebook, Twitter, et les autres outils que j'utilise habituellement, et surtout qui me permette de filtrer la publication de mes notes en fonction de mon audience : Un POLYBLOG !

En basant le système sur quatre catégories de lecteurs, je réponds à mes besoins:

  • Les anonymes lisent mes notes publiques et peuvent les commenter
  • Les connaissances accèdent à un niveau d'information plus confidentiel, à la limite du personnel
  • Les amis sont autorisés à visualiser mes billets personnels
  • Et les confidents percent mes secrets !

Ce qui est intéressant dans la démarche de Michel, c'est l'intégration dans un média (ici, son blog) d'une mécanique d'interaction avec un réseau social.

"Mikiane.com est un Polyblog. C'est un système qui permet différents niveaux de lecture en fonction de l'audience. Les utilisateurs enregistrés ont accès à plus d'informations que les autres. Pour être enregistré il suffit de créer un compte ou être connecté à Facebook"

En exploitant la logique du réseau social, Michel s'en sert pour hiérarchiser socialemement les infos qu'il distribue. Il a aussi la possibilité de publier en Une les fils d'infos publiques ou privées: les siennes ou celles de son entourage sur Facebook. Et de filtrer également ses destinataires.

Michel travaille activement à l'intégration d'articulations Facebook sur ses sites d'information.

La question, ce n'est donc pas : et vous que faites vous sur Facebook ? Mais bien : comment exploitez-vous la puissance de Facebook? Et en quoi Facebook peut vous aider à mieux gérer la distribution de vos contenus, la participation, et la communauté ?

D'autres idées ?

Pour aller plus loin, je vous conseille de lire cette étude réalisée par Fabernovel sur Facebook.

dimanche 18 novembre 2007

La participation populaire est-elle nulle?

Question provoc. Mais qui me vient d'une réflexion entendue hier, aux journées nethiques. J'y étais invité pour parler, avec d'autres confrères et blogueurs, de la déontologie dans le nouveau paysage de l'info sur le Net.

La réflexion, donc. Celle d'un intervenant (par ailleurs excellent blogueur). Que je résume :

Quand on lit les commentaires sur les articles, finalement, on se rend compte que la plupart d'entre eux sont inintéressants. Il y a d'ailleurs aujourd'hui des sites et des blogs qui s'interrogent sur un éventuel retour aux posts sans commentaires (ce ne sont pas ses propos exacts, je n'ai pas eu le temps de prendre de notes. Et peu importe leur auteur: je traduis une idée souvent entendue).

Sous-entendu :
- On se réveillerait avec la gueule de bois (mais un peu rassuré quand même). La participation aurait permis l'émergence de quelques excellents blogueurs, mais tout le reste serait d'un niveau très médiocre.
- Les médias auraient suivi, par crainte d'être dépassés (ou par intérêt financier), le "culte de l'amateur", avant de réaliser que, dans leur majorité, ces amateurs, ces anonymes qui ont trouvé sur le Net un accélérateur de popularité, seraient aussi inintéressants (d'un point de vue intellectuel) qu'on le pensait. Ouf!

D'autres lui répondront que, non, certains médias parviennent à canaliser la participation et recueillent des contenus intelligents... et de citer la qualité des commentaires du monde.fr (c'est vrai) ou ceux de la page "Comment is free" du Guardian. Intelligent, certes (ces gens là existent) mais pas très grand public!

Venant d'un blogueur influent, cette réflexion me ramène d'ailleurs à cette vieille impression : le phénomène des blogs, loin d'avoir permis l'émergence d'une expression populaire, a surtout apporté une bouffée d'oxygène à l'élite. Elle en avait besoin, c'est vrai. Et il y a de nombreux blogs très intelligents que je suis avec intérêt.

Mais bon, tout ça, c'est toujours le problème d'une élite. Pas des gens comme vous et moi (non, non, je ne fais pas partie de l'élite... on ne m'invite nulle part et, en bon ex-provincial, je ne comprends toujours rien aux codes de cet univers passionnant).
Ce n'est pas non plus le problème des responsables de médias qui cherchent à produire du contenu qui soit le plus proche du quotidien de leurs lecteurs.

Alors... cette participation populaire? Est-elle aussi "nulle" qu'on le dit?

Il n'y a qu'à écouter les radios locales ou participatives (et populaires) comme RMC Infos pour s'en rendre compte. Quand elle est animée, canalisée, mise en valeur, accompagnée (dans ce cas précis, c'est l'action conjuguée du journaliste animateur et du "standard" qui prépare les appels), cette participation de l'audience apporte une vraie valeur ajoutée. On est effectivement plus dans le témoignage que dans l'analyse. Les opinions ont tendance à s'annuler sur un site Internet, les témoignages, eux, nous interpellent toujours. Ils constituent bien souvent la matière première de l'info.

Quand je discute avec mes proches, ma famille, ou des gens rencontrés au hasard d'un café, je constate que, même (pour prendre un cas extrême) chez l'ouvrier bourru un peu extrême droite, il y a une souffrance à exprimer, un regard sur le quotidien qui peut toucher les autres, les interpeller, tout en apportant une image concrète, brute, du réel. C'est toute la valeur du partage d'expériences.

Ne leur demandez pas (à mes proches), par contre, de s'exprimer à travers les outils du web. D'abord, parce que ceux-ci sont compliqués. Mais aussi parce que ce mode d'expression (un fil de commentaires écrits) n'est pas forcément celui avec lequel ils sont le plus à l'aise.

Il y aura donc toujours besoin d'un travail d'animation, d'accompagnement et de mise en valeur de cette participation. C'est sans doute un nouveau métier pour les journalistes de demain (mais la radio a déjà bien défriché le terrain).

La participation, ce n'est pas forcément le "journalisme citoyen", les anonymes devenus journalistes. Mais plutôt une explosion des sources et des modes d'information pour rendre l'info plus vivante, plus proche de la réalité et du quotidien de l'audience.

Quatre pistes :

1- Ne pas se contenter de laisser ouvert le média aux commentaires et aux contributions. Il faut animer, former, éditer. Un commentaire maladroit et mal écrit peut cacher un témoignage fort. Il ne faut pas hésiter à contacter leurs auteurs.

2- La pratique du web est encore réservée à une élite : envoyer une photo avec son mobile, monter un film (un vrai, pas une copie d'une émission de télévision) et le mettre sur Youtube, créer son blog et le rendre lisible, c'est encore compliqué. Un wiki, c'est extrêmement complexe. Twitter, c'es branché, mais c'est incompréhensible. Il faut créer des sites simples. Et faciliter la participation.

3- Le témoignage ne vient pas tout seul. On témoigne : si d'autres témoignent, si le média est puissant et/ou si je me suis approprié la plateforme, si on est écouté par le plus grand nombre ou par un spécialiste (voire une célébrité), si c'est utile (on ne témoigne pas parce qu'un média nous demande de témoigner ou d'envoyer nos photos, les gens ne sont pas idiots...).

4- Il y a des tas de contenus amateurs potentiellement passionnants sur le Net (ici par exemple), mais pas toujours bien construits, compliqués à trouver, à lire ou à replacer dans leur contexte. Certains contenus passent inaperçus alors que, replacés dans un contexte d'actu, peuvent apporter une vraie valeur informative. Quel est le rôle d'un site média dans cet environnement ?

(Il y aussi quelques bons exemples de participation spontanée à l'actu...)

(Illustration : "Le culte de l'amateur", d'Andrew Keen)