samedi 23 décembre 2006

Presse locale et internet : comment tirer un dinosaure avec une laisse ?


Je rebondis sur mon post de mercredi, et sur le long commentaire d'Hubert Guillaud, qui me permet de relancer ce débat passionnant.
Je retiens notamment sa réflexion sur la nécessité d'un contenu éditorial spécifique:
"Sincèrement, je ne pense pas une seconde que les gens attendent une masse critique d'information (un volume particulier). Ils attendent surtout un décryptage de ce qu'il se passe sur le net local, augmenté d'une sélection d'information qui va justement donner de la matière à la communauté électronique locale : matière à débat, à réflexion, à rebonds... C'est en s'inscrivant dans les sujets traités en ligne localement, en apportant des compléments d'information, des réflexions nouvelles, que la presse locale peut se tailler une place en ligne."

Sur le fond, Hubert Guillaud a raison, mais on ne peut pas évacuer la question de la masse critique aussi rapidement. Le contenu local fait de l'audience, qu'il soit adapté ou non à la cible, il fait de l'audience parce qu'il est local et (pour l'instant) quasi exclusif. Et si on veut gagner de l'argent aujourd'hui sur Internet avec du contenu il faut beaucoup, beaucoup d'audience.
Cependant, il est vrai que l'on peut traiter une partie de cette question par la publication gratuite des archives du journal.

Cependant, et c'est là où je rejoins Hubert, pour se tailler une place durable sur le Net, le quotidien doit afficher un vrai engagement éditorial sur le Net. Et ne pas se contenter de capitaliser sur sa marque et son contenu éditorial traditionnel.
Et pour cela, je ne crois pas à la révolution massive au sein des rédactions des quotidiens régionaux. On ne fait pas avancer un dinosaure en le tirant vers l'avant avec une laisse. Je peux vous garantir que ça ne marche pas.

Si le dinosaure ne sait pas où il va, il ne se mettra pas à courir. Même poursuivi par la menace de l'extinction, le dinosaure ne court pas. Mais il peut faire un pas ou deux.
On peut le faire venir en lui montrant qu'il se passe des choses devant. Petit à petit. Une carotte, une lumière, une jolie dinosaurette.

Il me semble plus intéressant, dans ce contexte très critique, plutôt que de placer d'emblée les journaux face un lâcher prise industriel autant nécessaire que terrifiant, de militer pour la mise en place de produits éditoriaux nouveaux. Hors des créneaux habituels de la presse papier. Autour de la vidéo, par exemple. Des produits simples, sexy, générateurs d'audience. Des produits bons pour la marque et le moral, animés par de petites équipes de journalistes ou de prestataires, chargés de lancer des conversations, d'apporter des contenus spécifiques, des éclairages sur l'actualité, de provoquer, de surprendre, d'interpeller et de donner envie.

Cela peut aussi passer par le recrutement d'une poignée de correspondants web parmi les blogueurs locaux chargés d'animer, à leur niveau, et de façon indépendante, la conversation locale.

Cependant, il est indispensable de faire pousser cette dynamique sur le terreau une rédaction intégrée, ou de plus en plus intégrée. Avec les journalistes et les correspondants des rédactions papier qui prennent l'habitude d'envoyer des contenus pour le web, texte, photo et vidéo.

Toute la différence entre ce modèle intégré et les rédactions distinctes ou, à l'inverse, le "bi-média" qui n'a pas fonctionné à Libération, réside justement dans le fait que, si dans une rédaction intégrée, on distingue bien les fonctions, les rythmes de l'info et les contenus, on ne pose pas de barrières. Après, c'est une question d'organisation.
Un journal et sa dynamique web, ce n'est pas toujours le même métier, mais c'est bien, au fond, le même média.

Qu'en pensez-vous ?

mercredi 20 décembre 2006

L'homme de l'année : vous



Après Gorbatchev, Jean-Paul 2, Clinton, Bush et Bill Gates, la Une du Time's Man of the year 2006 : "YOU" (vous).
Le message est clair.
Personnalisation du média, participation, contenu généré par l'utilisateur... que feront les médias français dans ce sens, en 2007 ?
L'avenir pourrait bien être passionnant.

Presse locale : comment embrasser la révolution Internet

J'évoquais dans mon précédent post l'analyse d'Antoine de Tarlé, Dga de Ouest France, sur l'attitude de la presse quotidienne régionale face à l'Internet.
Analyse perspicace, mais qui ne répond pas à la récurrente question du "comment on fait".
Les enjeux, et donc les chantiers, sont de taille. Mais ils effrayent les patrons de presse. Le vrai péril n'est pourtant pas niché dans la révolution Internet, mais dans le fait de ne pas appréhender les changements qu'elle impose à leur juste dimension.

- Comment réorganiser les rédactions autour de la production multimédia et notamment de la production vidéo ?

La vidéo est l'avenir de la locale sur le Net.
Comment le prendre en compte sans embaucher des dizaines de reporters télé ?
En révolutionnant l'organisation des rédactions autour de la production multimédia : distribuer des appareils photo/vidéo aux localiers, organiser l'envoi de vidéos par les correspondants locaux, inventer des fonctions de secrétaires de rédaction du web...
Les journalistes locaux (qui sont déjà polyvalents), et les photographes professionnels, sont moins réticents à manier une caméra qu'on ne le pense.

- Comment prendre en compte la volonté des internautes de participer à l'information ?

Cette volonté n'est pas une mode accrochée au phénomène du web2.0. Elle est profonde. Elle peut permettre à la presse locale, qui a l'expérience de l'animation des correspondants amateurs, d'enrichir son contenu et de renforcer ses liens avec la population, sans dépenser des fortunes.
Comment ? En transformant concrètement le média local en média participatif. C'est à dire en organisant cette conversation en profondeur grâce, encore une fois, à une nouvelle organisation au sein des rédactions, et à la mise en place de process de participation sur le Web, animés par la rédaction, et valorisants pour l'internaute.

- Comment créer des communautés ?

Le média local doit (re)devenir média social. Il doit héberger et animer les communautés locales sur le Net. C'est le meilleur moyen de qualifier une audience, d'aller sereinement vers le média à la carte, et de lancer facilement de nouveaux produits innovants sur le Net.
Les internautes doivent avoir envie de venir sur le site du journal pour y trouver l'information utile, mais aussi pour rencontrer d'autres internautes. Il doit donc disposer d'outils pour se présenter aux autres, pour se sentir valorisé, et pour interagir avec la communauté.

Deux règles : l'utilisateur est fournisseur de contenu, mais il est aussi lui-même un contenu.

- Comment prendre en compte toute la dimension d'Internet et générer des contenus spécifiques sans débourser des millions ?

1) En résolvant le problème de la masse critique d'infos locales gratuites adaptées au lectorat du Net : breaking news envoyées par une rédaction intégrée mais aussi par les correspondants locaux, création d'une véritable base de données locales associée à un moteur de recherche, et recrutement de blogueurs, nouveaux correspondants locaux du Web.
2) En organisant, encore une fois, la participation des internautes à l'info locale. Il ne suffit pas d'ouvrir les vannes. Il faut animer.


- Quel modèle payant efficace ?

Dites vous déjà qu'Internet ne fonctionne pas comme le papier.
Ce n'est pas parce que l'on vend un média d'information chez le marchand de journaux, qu'on le vendra également en le numérisant sur Internet.
Cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien vendre sur Internet.
- Mais il faudra d'abord régler la question du micro-paiement.
-Il faudra inventer de nouveaux contenus adaptés au web, utiles et exclusifs (donc indispensables...), et payables à la carte en un seul clic.
- Les internautes sont également prêts à payer un abonnement pour de vrais services sur Internet, comme le dating (les sites de rencontre) par exemple, mais pas seulement.
Question : la presse régionale est-elle, sinon organisée, prête à offrir ce nouveaux type de services spécifiques au web ? C'est à dire à créer de nouveaux métiers ?


Et vous, quelles sont vos idées ?

lundi 18 décembre 2006

Internet : l'analyse d'un dirigeant d'un grand groupe de presse régionale

Le fait qu'un responsable d'un grand groupe de presse régionale, en l'occurence Antoine de Tarlé, directeur général adjoint de Ouest France (et ancien Dga de TF1), décide de publier une longue analyse sur sa vision de l'Internet est un événement suffisamment rare et important pour que l'on dévore le dit document.
Edité par l'association "En temps réel" (pour le débat et la recherche), "Presse et internet : une chance, un défi" (que vous pouvez télécharger ici en format Pdf) est le retour d'expérience d'un groupe pionnier en France dans ce domaine. Mais il est surtout, pour qui connait les coulisses de ce milieu, un miroir assez représentatif de l'état d'esprit aujourd'hui d'un certain nombre de dirigeants de la presse quotidienne régionale française face aux enjeux d'Internet.

Antoine de Tarlé préconise "un nouveau modèle reposant sur l'articulation de plusieurs supports ayant chacun son économie propre et pouvant ensemble financer une rédaction dont la mission restera de collecter, vérifier et mettre en forme l'information".
Il constate que les dirigeants de presse "ont tendance encore maintenant à n'y (Internet) voir qu'un prolongement du journal, une concession faite à un public qui ne fait pas son devoir en s'informant en priorité par le papier mais dont on espère qu'il y reviendra (...) Or, il s'agit bien d'autre chose : la combinaison de l'instantané et de l'interactivité, ce que même le quotidien le mieux organisé ne parvient pas à réaliser complètement."
C'est bien d'un contenu spécifique dont il est question. Pas un nouveau support pour le journal papier, mais pour l'entreprise d'information. La nuance est de taille.

Antoine de Tarlé est moins convaincant, par contre (mais toujours représentatif), lorsqu'il limite le phénomène myspace à une entreprise de "voyeurisme collectif", alors qu'il s'agit d'un puissant moteur de communauté et d'audience qualifiée qui, à mon avis, fera du groupe média Newscorps l'un des principaux concurrents de Yahoo et Google dans quelques années).
Il n'est pas non plus convaincant (mais également représentatif!) lorsqu'il défend le modèle payant, dont il semble faire une question de principe. Aujourd'hui, à part le dating, aucun modèle payant n'est satisfaisant sur l'Internet régional. Tant qu'il sera compliqué de payer 0,5€ sur Internet, et tant que ce que l'on se contentera de proposer à des internautes de - de 40 ans le contenu du journal (tournois de boules et galettes des rois), il me parait difficile d'argumenter sur le modèle payant autrement que sur le mode idéologique.

Au bout du compte, même s'il a l'immense mérite de dresser un portrait sincère et bien renseigné de la situation de la presse locale face au Net, le document ne propose guère de solutions concrètes à ces enjeux. Ce n'était peut-être pas son objectif.

A mon avis, mais on le voit notamment en Grande Bretagne, les changements à opérer sont plus profonds, plus radicaux peut-être, que ce que semble suggérer l'auteur dans son analyse.
Des enjeux colossaux mais paralysants pour les dirigeants de presse, parce que bien trop éloignés des modèles industriels qu'ils ont appris à maîtriser.
C'est là le principal obstacle à la nécessaire révolution de la presse.
Je reviendrai sur cette révolution nécessaire dans mon prochain post.

(Sur ce document, lire également les posts d'Emmanuel Parody et de Danielle Attias)

vendredi 15 décembre 2006

Une interview dans "MotsAndCo"

Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour mettre à jour ce blog, mais d'autres s'en chargent pour moi !
Mickael de "MotsAndCo" publie aujourd'hui une interview que je lui avais accordée il y a quelques jours. Vous pouvez la lire ici. Profitez-en pour découvrir le contenu de cet excellent blog consacré aux médias en ligne et aux techniques de rédaction web.

mardi 5 décembre 2006

Bientôt de retour

Après les discours, les actes.
En pleine finalisation d'un nombre important de projets, je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer au débat. Ce qui explique mon absence des blogs depuis quelques jours.
Je m'excuse auprès de toutes les personnes qui m'ont sollicité ou interpelé ces derniers temps et auxquelles je n'ai pas encore pu répondre.
Je serais bientôt de retour et un peu plus disponible, je l'espère.
En attendant, je vous invite à visiter ma page del.icio.us (ici).Elle enregistre au fil des jours mes lectures et trouvailles sur le Net que j'aurais pu bloguer si j'avais eu neuf vies...

samedi 11 novembre 2006

Maville.com : les journaux doivent-ils abandonner leur marque sur le Net ?

Je reporte ici un débat entamé par mail avec plusieurs confrères à propos de la sortie de la version béta de la nouvelle formule du site maville.com Produite par le quotidien régional Ouest France, le service maville.com est une marque nationale qui propose aux journaux locaux français une sorte de pack tout prêt pour la publication électronique de leurs infos locales.
Le site est plutôt réussi, même s'il n'innove pas beaucoup (et si je n'aime décidément pas le nom, vieillot et impersonnel) :

- L'accent est mis sur l'info pratique, avec des bases de données d'infos services et de loisirs (ciné, sorties) impressionnantes.
- Le site propose un début de communauté avec la possibilité offerte aux internautes de donner leur avis sur les restaurants, les bars et les films, sur le modèle de cityvox.
- Toute l'info locale du journal y est proposée gratuitement. Et on voit apparaître dans une fenêtre en haut à gauche une poignée de breaking news envoyées en direct et en bref par les journalistes du quotidien.
- Enfin, les petites annonces bonnes affaires, emploi de proximité et auto sont gratuites. Ce qui, pour un quotidien régional, est déjà une belle audace.

Le réseau maville.com, pour l'instant limité à la Bretagne et la Normandie va bientôt s'agrandir puisqu'un certain nombre de quotidiens régionaux, comme La Provence et Nice Matin par exemple, envisagent de l'adopter en 2007.

En fait, au delà de son côté clef-en-main, bien pratique pour se lancer rapidement dans la bataille, maville.com répond à la problématique de la publication de la petite locale sur le Net. Problématique dominée par l'angoisse de la canibalisation et le débat gratuit/payant (largement développé sur ce blog). Maville.com est une façon de proposer un produit spécifique web alimenté en grande partie par le contenu hyperlocal du quotidien régional, mais sans donner l'impression de mettre le journal gratuitement sur Internet. Ce qui est pourtant le cas.

Hier, un ami, responsable d'un quotidien, me posait la question : "Doit-on jouer la marque unique ou la complémentarité des marques ? En gros un portail du quotidien régional et ma ville dedans ou un site "institutionnel" avec du payant, des archives…et un réseau de sites style maville en parallèle."
J'ai répondu un peu rapidement en faveur de la première solution. Sauf en cas de blocage au sein du journal sur le passage de la locale en gratuit. Auquel cas l'option 2 permettrait de travailler librement sans réveiller le volcan.

Mais la première option n'est pas entièrement satisfaisante non plus, à mon avis. Pourquoi ?

- Mettre le journal en ligne n'est pas une solution à terme. Cela permet de créer du contenu attractif (la petite locale) et donc du trafic. Mais parce que la cible et le support sont différents, l'info locale ne doit pas être la même. Ni les mêmes sujets (faut-il mettre en ligne l'expo du troisième âge ?), ni la même forme (faut-il publier des papiers de plus de 1500 signes en petite locale ?), ni les mêmes matériaux (une seule ou plusieurs photos ? Et pourquoi pas de la vidéo à la place des photos?), ni le même temps (pourquoi se limiter à l'info du matin alors que l'on peut proposer l'info 24/7?), etc. Question : comment on fait pour ne pas dépenser des millions supplémentaires ? Il y a des solutions.

- Si l'on propose un contenu et un ton différents de ceux du quotidien régional, comment le communiquer, notamment à ceux qui rejettent l'image du journal ? Comment afficher la différence ? Et comment adopter un ton plus décalé, plus libre, sans porter atteinte à la marque, plus traditionnelle du journal ? Faut-il créer une marque spécifique, autour du nom de la commune par exemple ? Mais dans ce cas, ne risque-t-on pas de perdre le bénéfice de la marque ? Et de rater en plus une occasion de moderniser cette dernière sur sa spécialité : la locale ? Peut-on réfléchir à une solution intermédiaire ?

Qu'en pensez-vous ?

jeudi 9 novembre 2006

France : six titres de presse sur dix n'ont pas de site Internet

Je reviens d'une conférence à Paris organisée par MLP. J'y avais été invité pour intervenir sur la presse face à Internet.
L'occasion de découvrir une étude présentée par Deepblue/Isobar sur le sujet : un état des lieux effectué sur 250 sites internet d'éditeurs de presse.
Premier chiffre, éloquent, qui témoigne du retard considérable de la France dans ce domaine : 6 titres de presse sur 10 n'ont pas de site Internet (57% des titres OJD). Les mieux lotis sont les titres d'information générale (92%). Mais la presse mag thématique et de loisirs paraît hors du coup. La presse féminine notamment, très frileuse dans ce domaine, est largement sous représentée (44%), tandis que le site aufeminin.com cartonne (4 millions d'euros de résultat net l'an passé). Les causes : un certain désarroi face à la révolution des usages, et la peur du gratuit et de la cannibalisation du papier par le Net. Surtout pour les magazines dits de niche, qui ont du mal à conceptualiser un modèle économique viable sur Internet.
Conséquence :les créneaux thématiques sont aujourd'hui dominés par les pure players, qui, eux, se posent beaucoup moins de questions.
Selon les chiffres avancés par l'étude Deepblue, en économie, Boursorama l'emporte face au quotidien Les Echos. En presse féminine, aufemin.com, cité plus haut, écrase la concurrence. Le premier magazine sur ce créneau, Psychologies arrive en 6eme position. Sur la santé, Doctissimo, encore un pure player, occupe seul le terrain. Face à lui : aucun site de titre de presse mesuré. Enfin, sur la thématique auto, l'Argus, premier site de presse arrive 6eme contre le numéro 1 Caradisiac. Deux exceptions : L'Equipe, N°1 sur le sport et Le Figaro et Le Monde sur la thématique actualité .
Côté recettes publicitaires, la part de marché des sites des titres presse ne dépasse pas 15% du chiffre d'affaires pub Internet, toujours selon l'étude de Deepblue, citant des chiffres TNS Secodip sur le 1er semestre 2006. 1er titre presse papier : 01 informatique (6% de part de marché, sur son espace de téléchargement plus que sur ses contenus). Les autres sont loins derrière : 2eme, Le Nouvel Observateur (1,5%), suivis par Le Monde et l'Equipe (1%).

jeudi 2 novembre 2006

53% de Français connectés à Internet

Ce sont les chiffres publiés par Mediamétrie (télécharger le document ici en PDF) pour le mois de Septembre 2006. Des statistiques en progression constante. En septembre dernier 28 046 000 individus de 11 ans et plus se sont connectés à Internet, soit 53,7% de la population. Une hausse de 12% par rapport à septembre 2005.
Plus impressionnant : 88,6% des internautes français (37% de la population) sont connectés au haut-débit. Soit une hausse de 36%. Nous continuons de battre des records internationaux. Je suis d'ailleurs surpris que la vidéo ne se développe pas plus vite sur les sites des journaux français.
Enfin, toujours selon Médiamétrie, 52,9% des foyers (13,5 millions) étaient équipés d'un micro-ordinateur au troisième trimestre 2006. 1,2 million de foyers se sont équipés en un an (+10%). Parmi eux 10,9 millions de foyers sont connectés à Internet, soit 42,6%, contre 35,5% au troisième trimestre 2005. Le temps passé sur le web par visiteur unique, à la maison ou au travail, a augmenté de 2h19 minutes entre septembre 2005 et 2006 : on passe de 19h52 à 22h11 .
Ls sites les plus visités : 1) Google 2) Orange 3) MSN 4) Free 5) Yahoo 6) Pages jaunes.

(Source : tarifmedia.com et Mediamétrie)

mercredi 1 novembre 2006

Presse en ligne : le payant est-il payant ?

A lire ici, l'excellente analyse de Jeff Mignon sur les stratégies contenu gratuit ou contenu payant pour la presse en ligne. J'étais justement en train de préparer un post sur le sujet, histoire de mettre un peu de raison et de chiffres dans un débat trop souvent irrationnel. Jeff apporte un certain nombre de données parlantes. Elles confirment les chiffres que j'avais de mon côté.

La vente du contenu en ligne rapporte-t-elle de l'argent ?
La vente de contenus en ligne rapporte aujourd'hui entre 2000 et 20.000 euros par mois, calcule Jeff.
- Pour ce que j'en sais, les chiffre d'affaires des quotidiens régionaux les plus actifs dans ce domaine vont en effet de 15.000 à 17.000 euros par mois sur le contenu payant. Certains , par contre, plafonnent à 1500 euros pas mois.
Lorsqu'ils conservent une partie gratuite (sur la grande locale par exemple), les sites des journaux locaux n'enregistrent pas forcément de chute de leur audience. Mais elle progresse en général moins que les autres, lorsqu'elle progresse. Par contre, ceux qui on basculé tout leur contenu en ligne ont vécu des baisses très fortes, entre 60 et 70%.
- De son côté, le Monde, qui met l'essentiel de son contenu gratuitement en ligne, enregistre une bonne audience. Et fait également du chiffre d'affaires sur sa version abonnés (qui fournit essentiellement des services supplémentaires plus que du contenu) : 2,8 millions d'euros par an.
- Un exemple édifiant, présenté lors de la World Digital Publishing Conference de Londres jeudi dernier : celui du Irish Times qui, avec ireland.com a misé sur le payant. La situation est idéale : la marque presse la plus connue du pays, le nom de domaine le mieux référencé d'Irlande (trouvez mieux qu'ireland.com en Irlande !). Au départ, le site fournissait news et email gratuits. En 2001, ils ont réalisé une enquête auprès des internautes leur demandant s'ils étaient prêts à payer pour un service premium. 10% ont répondu oui. Mais quand le site est passé payant, seuls 3,5% ont accepté de payer ! Résultat : une chute de 76% du trafic. On est passé de 25 millions de pages vues en 2001 à 6 millions en 2002. En 2006, le trafic est remonté à 15,5 millions. Ce qui fait toujours une perte de près de 50% depuis 2001. L'abonnement entre pour 63% dans le CA du site, la pub 22%, les services 9% et la vente de contenu 3%. Aujourd'hui, le site atteint à peine le seuil de rentabilité. La seule marge de progression qu'envisage ireland.com aujourd'hui, c'est la pub : "Nous devons l'augmenter de 40%". Oui, mais comment ?

Quelle est la marge de progression pour la vente de contenu en ligne ?
C'est en fait la vraie question. Une fois que vous avez atteint un certain volume d'abonnés, comme dans tous les marchés, la courbe se tasse. Pour les journaux qui ont réussi à atteindre 200.000 euros de CA par an, la question est la suivante : comment faire évoluer ce chiffre ?
La réponse, c'est la publicité. Mais au prix où elle est aujourd'hui vendue sur Internet (très faible), le seul moyen de gagner de l'argent avec la pub, c'est de faire du volume. Et le volume se fait avec les faits divers et la petite locale (qui capte en général plus de la moitié du traffic lorsqu'elle est gratuite).
L'enjeu du volume n'est d'ailleurs pas seulement sur les pages vues, il est sur la communauté que vous êtes capable de fédérer sur Internet.

Ceux qui ont mis tout le contenu gratuit en ligne gagnent-ils de l'argent ?
Les quotidiens régionaux le Bien public, de la Nouvelle République , de la Dépêche du midi, ou de Ouest France publient leur locale gratuitement sur le Net. Pour ce que j'en sais, leurs chiffres de progression sont beaucoup plus importants. Ce qui est logique. La question c'est : est-ce que cette stratégie permet de dépasser, ou de prévoir de dépasser chiffre d'affaires qui aurait réalisé si on avait choisi l'option de la vente de contenu ? La réponse est oui.
En terme d'audience : le Bien Public, par exemple, a enregistré une progression de +40% de ses pages vues en septembre 2006. Et + 20% de visiteurs uniques. Le prix du CPM (coût pour 1000 pages vues) sur la pub locale est autour de 20 euros (4 euros en moyenne), et il n'y a quasiment jamais de ristourne. Le CA et la fréquentation sur les petites annonces en ligne ont également progressé.
Et en terme de chiffre d'affaires : le BP gagne de l'argent, son chiffre d'affaires est en progression constante. Et ses prévisions pour 2007 sont impressionnantes.
Le Vorarlberg Nachrichten, quotidien régional autrichien, qui fournit tout son contenu gratuit en ligne, gagne de l'argent sur Internet. Son audience sur sa région est supérieure à celle de Google. Internet représenterait 10% de leur CA. Leurs prévisions seraient de passer à 20% en cinq ans. C'est énorme.

Ceux qui ont mis leur contenu gratuit en ligne perdent-ils des lecteurs ?
Il est assez difficile de répondre à la question, puisque l'ensemble de la presse perd des lecteurs. La Provence, par exemple, n'a pas de site Internet, n'a pas non plus de concurrence en terme de news sur Internet, et perd beaucoup de lecteurs.
Ce que l'on constate, c'est que ceux qui ont mis leur contenu en ligne n'ont pas perdu plus de lecteurs au moment où ils l'ont fait. Certains sont en baisse, mais pas plus qu'ailleurs. Ouest France, qui distribue son contenu gratuitement sur le Net (bien qu'à travers maville.com), tout comme La Nouvelle République du Centre, présentent des ventes globalement stables.
Il n'existe à l'heure actuelle aucun chiffre attestant de la cannibalisation du papier par l'Internet.
Pour l'anecdote, le quotidien local américain "New York Post" qui publie son contenu gratuitement en ligne également, vient d'annoncer une progression de ses ventes de 5%.

La tendance est-elle au payant ou au gratuit ?
Après avoir été au tout gratuit, puis au tout payant, puis au gratuit avec couche payante, elle revient aujourd'hui au gratuit : au Royaume-Uni par exemple, où la presse est très dynamique sur le Net, 43% des journaux ne fournissent pas de contenu payant en ligne et n'ont pas l'intention de le faire, 37% le font, et 20% ont l'intention de le faire. En 2004, 18% des journaux seulement ne faisaient pas payer et n'avaient pas l'intention de le faire, 58% étaient sur un modèle payant et 24% avaient l'intention d'y passer.

dimanche 29 octobre 2006

World digital publishing conference : The Guardian, global et local

L'audace et le dynamisme du quotidien britannique Guardian sur Internet n'est évidemment plus à démontrer. C'est la conséquence d'une vision présentée jeudi matin lors de la World digital publishing conference de Londres par Carolyn McCall, chief executive du Guardian Media Group :
il n'y a jamais eu autant d'oppportunités pour les journaux.

1- Ils ne sont plus limités aux textes et aux photos. Ils peuvent désormais jouer avec tous les médias, notamment la vidéo (le Guardian produit des reportages pour la télévision)
2- Ils passent d'une logique d'audience à une logique communautaire. Les journaux s'occupent de leurs communautés. A voir : le site de voyage communautaire du Guardian, où les internautes déposent conseils et commentaires.
3- De national et régional, le média devient global et local. "Nous vivons, avec Internet l'explosion des frontières traditionnelles".

Global : En janvier prochain, le Guardian, qui envisage de devenir un média leader dans le monde grace à Internet, lancera une homepage internationale afin de toucher, notamment, les internautes américains (7 millions de visiteurs uniques).
Local : L'exemple du Manchester Evening News (qui fait partie du groupe Guardian) regroupe l'un des plus gros quotidiens régionaux d'Angleterre (distribué gratuitement en centre-ville), un hebdo gratuit (Manchester Metro News), une radio, une télévision (Channel M) et le site "Manchester Online". Pénétration du marché : 85% ! Qui dit mieux ? "Quand vous allez dans cette région", souligne Caroyln McCall, "il vous est difficile de ne pas tomber sur la marque."
Lorsque Channel M a obtenu une interview exclusive du premier ministre britannique Tony Blair, la vidéo a été diffusée en même temps sur Internet et ouverte à la conversation. Le lendemain, une synthèse de l'événement (interview + commentaires des internautes) était publiée dans le journal, qui s'est également bien vendu.

Pour Carolyn McCall, les décideurs multimédia dans les journaux doivent faire face à cinq challenges :
1- "Une vision claire" de la stratégie digitale. Mais elle ne suffit pas. Il faut sans arrêt la répéter aux dirigeants, aux équipes, pour les rassurer et les re-convaincre. "Répéter sans cesse, c'est la seule façon de communiquer".
2- "Rester proche des utilisateurs" : il faut développer une base de données de ce que font les utilisateurs et des besoins qu'ils expriment.
3- "Innover pour apprendre" : il faut commencer quelque part (il n'y a pas de point de départ idéal), puis maintenir sans arrêt un rythme d'innovation.
4- Etre au top en terme de développement : comme pour le papier, la distribution est tout, "delivery is everything".
5- Tenir un tableau de bord de la progression de vos revenus numériques. "Vous aurez toujours besoin, pour convaincre, de montrer que ça augmente".

- Lire, sur le même sujet, l'article de journalism.co.uk
- Lire et visionner également l'intervention de C.McCall lors de l'AOP Online Publishing Conference le 4 Octobre dernier, équivalente à celle donnée lors de la World digital publishing.

samedi 28 octobre 2006

World digital publishing conference : le temps des travaux pratiques

L'édition 2006 de la World digital publishing conference, qui réunissait depuis jeudi matin à Londres, les décideurs multimedia des quotidiens papier du monde entier, s'est achevée hier à Londres.
Première impression à l'issue de ces deux journées particulièrement denses : la sensation d'un bouillonnement, plus intense encore que lors du congrès mondial des journaux de Moscou en juin dernier.
La presse écrite est désormais pleinement entrée dans la logique du multi-plateformes (papier, TV, radio, Internet, mobile). Aux portes de la France, partout où les journaux se sont engagés de manière audacieuse dans des stratégie Internet et mobile, on ne se demande plus s'il faut se transformer en entreprise multimedia ou pas. On se réjouit de l'être, de s'être éloigné enfin du rivage. Les indicateurs de croissance sont tous au vert dans ce secteur, et porteurs de bonnes nouvelles. On n'est même presque plus perturbé par les vieux démons de la profession : cannibalisation et débat gratuit/payant.
Bref, la conférence avait des allures d'ateliers pratiques, où l'on aurait recyclé le "faut-il y aller ?" en "comment on fait ?".
Au vu de l'incroyable multiplicité des expériences présentées lors de ces deux jours, il y aurait presque de quoi s'angoisser. Par quel bout faut-il donc prendre le problème ? Par quoi commencer ? Tout le journal sur Internet et même plus ? La vidéo, la vidéo et encore la vidéo ? Les réseaux sociaux ? Un Myspace local ? Le journalisme citoyen ? L'intégration des rédactions papier et internet ? Celle des services publicité ? La refonte totale des outils d'édition et de publication ? Les petites annonces ? Du e-commerce ? Les pages jaunes ? Les jeunes ? Les vieux ? De quoi devenir fou.
Bob Benz, general manager of interactive media chez Scripps Newspapers, conseille de ne pas voir trop grand :
"Lancez de petits projets, et observez ce que font les consommateurs et ce qu'ils veulent. Démarrez simplement, limitez l'investissement pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas."
Les autres intervenants, ne disaient pas autre chose : personne n'a la solution. Nous sommes dans l'ère de l'expérimentation. "Personne ne peut connaître le futur", assure Carolyn Mc Call du Guardian. "Il faut essayer".
"90% des innovations qui ont réussi ont démarré en suivant la mauvaise stratégie", précise à son tour Bob Benz. Il faut donc se donner les moyens de pouvoir changer de stratégie en cours de route. Si le projet est trop lourd, il sera difficile de faire marche arrière.

(A propos de l'intervention de Bob Benz, lire également le post de Paid Content)

mardi 24 octobre 2006

Londres à l'heure de l'Internet

Je m'envole ce matin (quatre heures...) pour Londres, où je dois assister à la World Digital Publishing Conference organisée par l'Association mondiale des journaux. La conférence sera entièrement consacrée à la mutation nécessaire des quotidiens papier en médias multi-plateformes, avec notamment les retours d'expérience d'un certain nombre de titres prestigieux, certes, mais surtout audacieux en la matière, comme le Guardian, la BBC et le quotidien japonais Asahi Shimbun.
J'aurai l'occasion d'en reparler...

Des journalistes papier avec une caméra sur la tête

Le Net est en train de révolutionner le monde de la vidéo. Et c'est la presse écrite qui pourrait être la mieux placée pour participer à cette mutation. Avec son immersion sur le terrain supérieure aux médias audiovisuels, et son réseau de correspondants pro et amateurs, les entreprises de presse devraient investir un maximum sur la vidéo.
C'est ce que fait l'Evening Herald de Plymouth sur son site Internet (ici). Le quotidien régional britanique a équipé l'un de ses reporters d'une caméra utilisée par les policiers pour la surveillance (voir ici la description du matériel).
Il s'agit d'une caméra miniature reliée à une console de la taille d'un gros IPod, qui se glisse au dessus de l'oreille. L'effet d'immersion dans l'événement est total. Même le journaliste finit par oublier qu'il a une caméra. Les images sont brutes, le reporter ne cherche pas à cadrer, il regarde, il vit l'événement. Une exploitation de la vidéo très excitante et abordable pour un journaliste écrit peu habitué à la vidéo.
Le reporter du Herald, Tristan Nichols, est parti en Sierra Leone, où il a utilisé sa "headcam" pour réaliser des interviews et enregistrer en brut les opérations des unités de Plymouth actuellement en exercice dans l'Ouest africain (visionner les reportages ici). A voir une séquence particulièrement marquante, où l'unité tombe dans une embuscade. Décoiffant !
Ce parti-pris de l'image brute et de l'immersion dans l'événément (comme si vous y étiez) est une piste très intéressante pour la presse écrite : peu ou pas d'éditing professionnel, une approche du reportage très naturelle (on oublie la caméra et le bloc-notes) et un rendu brut qui plait aux internautes.
"C'est un travail où l'on peut tout faire soi-même, et où il suffit de se promener au milieu des gens pour faire ses interviews. C'est vraiment le futur", explique Tristan Nichols.
Lorsqu'on les interroge, ces derniers déclarent préférer les vidéos peu retouchées des quotidiens, plus sincères (elles montrent l'envers du décor), plus immersives, plutôt que les reportages édités façon TV proposés en ligne par les chaînes de télévision.

(Sources : Press Gazette et Editors Weblog)

vendredi 20 octobre 2006

Ce que font les Français sur Internet

Une nouvelle étude de l'observatoire européen NetObserver (Novatris), présentée en détail par le Journal du Net (ici), dresse un bilan des usages des Européens sur le Net, pays par pays.
On se rend compte globalement, par rapport à leurs voisins, les internautes français ont une bonne image de la publicité et sont assez peu friands de services payants.

- Les Français adorent converser : les internautes Français restent les champions des blogs. Avec 15% de créateurs de blogs, ils sont seconds juste derrière l'Espagne (17%), largement en tête sur toutes les pratiques de communication en ligne. 58% des Français utilisent les messageries instantanées (MSN, Yahoo messenger...), 38% utilisent les outils de télécommunications, et 10% pratiquent le podcasting.

- Les Français n'aiment pas payer... : sur les services de téléchargement et de divertissement payants, la France est en queue de peloton loin derrière l'Allemagne. 15,4% utilisent les sms sur leur mobile, 9,9% jouent ou téléchargent des jeux vidéo en ligne, 9,8% téléchargent de la musique (27% au Royaume-Uni), 9,8 achètent des logos pour leur téléphone, et 10,6% achètent du développement de photos en ligne. Côté sites payants pratiques : les Français sont encore à la traîne pour les services d'enchères (15,7% contre 37% d'Allemands...), et peu demandeurs des services payants en général (8,9% pour la publication et la consommation de petites annonces, et 3,5% pour les services de rencontres).

- ... mais ils aiment la publicité : Non seulement les français adorent ce qui est gratuit, mais ils ont plutôt une attitude positive par rapport à la publicité en ligne, à condition qu'elle ressemble à du contenu : plus d'un Français sur trois (37%) clique sur les liens sponsorisés dans les moteurs de recherche, un record en Europe. Par contre ils sont moins nombreux à cliquer sur les bannières : 22% visitent un site après avoir cliqué sur la publicité (ils sont avant derniers derrière le Royaume Uni, l'Espagne et l'Italie). Enfin 55% participent à des jeux publicitaires (ils sont largement en tête, devant les Anglais, 35%).
56% des internautes français trouvent que la pub en ligne les aide à découvrir de nouveaux produits.

- Le profil des internautes français : 52% sont des hommes, 48% des femmes. On y trouve 37% de CSP+, 32 de CSP- et 31% d'inactifs. Les tranches d'âges sont assez intéressantes : avec une majorité de 35-49 ans (33%), suivis par les 25-34 ans (23%), les plus jeunes et les séniors (tous les deux à 22%).

(L'étude a été menée par NetObserver entre les mois de mars et juin 2006 auprès d’un échantillon global de plus de 170.000 internautes recrutés sur plus de 400 sites européens.
Vous pouvez télécharger une synthèse de l'étude ici en pdf.)

mardi 17 octobre 2006

Media participatif : mode d'emploi

Comment passer d'un journal papier à un véritable média participatif local ?

Si les travaux pratiques vous intéressent, The Harstville Messenger a mis en ligne son "livre de cuisine du journalisme citoyen" à destination des petits journaux locaux. Le document (à télecharger ici) explique comment ce bi-hebdomadaire diffusé à 5880 exemplaire sur l'agglomération de Harstville aux Etats-Unis (20.000 habitants) s'y est pris pour créer un site internet participatif. C'est à dire un média local ouvert au contenu des internautes.

Une révolution menée en quelques mois :

Pas facile pour une rédaction peu habituée aux enjeux et aux règles très ouvertes de l'Internet de se lancer dans l'aventure du "pure web" : peur du cannibalisme, peur de ne pas savoir faire, peur que les internautes leur envoient n'importe quoi... des craintes que l'on retrouve également en France.

"Nous avions l’habitude de penser journal d’abord", rapporte le rédacteur en chef du Messenger. "Il était difficile d’évoluer Nous avions également peur de faire face à du contenu non approprié, impubliable. En 8 mois, nous n’avons rencontré aucun problème et avons même pu exploiter certains posts dans la version papier du journal."

Un nouveau site hyperlocal pour la communauté :

La rédaction a finalement opté pour la création d'un nouveau site, à côté de celui du journal : "ce dernier était difficile à mettre à jour. Et puis nous ne ne voulions pas être dans « l’ombre » du journalisme, ce qui aurait pu effrayer les gens".
Le site s'est donc appelé "Hartsville Today". Il a été conçu en deux dimensions : d'un côté il y avait la volonté de faire évoluer les journalistes du bi-hedomadaire vers une production de news 24/7. De l'autre, le projet de journalisme citoyen : l'objectif était de rapprocher les habitants du journal, partant de l'idée que "dans une agglomération de 20.000 habitants il y a forcément des événements qu'une équipe de 5 journalistes ne pouvait pas couvrir."

Tous correspondants :
"Le journalisme citoyen c'est l'idée que chacun de nous a une histoire a raconter, une observation, un commentaire à partager, et que nous devenons une communauté plus riche lorsque chacun peut être entendu".

Il y a donc cohabitation sur le site hyperlocal des breaking news des journalistes et des articles ou des photos envoyées par les habitants. En fait, le journal américain a réinventé notre système français de correspondants locaux de presse, mais dans une version plus souple et ouverte : tout le monde devient correspondant à Harstville.

Une vraie stratégie de recrutement

Les règles :
- Recrutez des journalistes citoyens : oubliez l’idée "si je crée un site ils vont venir". Allez visiter chaque communauté, faites la promotion du service, expliquez, proposez des petits paiements par exemple 15$ par mois pour le meilleur post…
- Recrutez des « stringers » pour démarrer le site : payés 50$ par semaine pendant 8 semaines, ces habitants ont été chargés de couvrir l’actu de la communauté et recruter de nouveaux contributeurs.
- Pour démarrer : commencez avec l'info du journal, recrutez des blogueurs locaux et des journalistes citoyens (il a fallu 15 semaines pour faire décoller les contributions, le temps de créer une section photo stable, en fait...)
- Impliquez la rédaction(la production des internautes peut donner des idées de sujets)
- Les jounalistes du Messenger participent également à la rédaction du site notamment pour publier des infos avant la publication dans le journal.

La conception

Une règle : pas de style journalistique demandé aux internautes. Le concept utilisé était : "raconter la communauté."

"Quand vous entamez la conception d’un site vous devez cesser de penser comme un homme de presse, mais vous devez penser comme vos utilisateurs".
Ainsi, les thématiques ont-elles été choisies non pas comme pour un journal mais en s'inspirant "de la façon dont les gens organisent leur vie" : arts, argent, santé, éducation, foi, voisins, animaux, gouvernance locale, clubs et hobbies etc.

Le contrôle :

- Questions : qui va monitorer le site ? Les articles doivent ils être édité ? Les utilisateurs doivent ils donner leur nom ou peuvent ils poster e avec un pseudo ?
- Les choix de la rédaction : les internautes ont la possibilité de poster avec leur mail et un pseudo (pour encourager la participation). Les productions des habitants ne sont pas éditées (en raison du manque de moyens humains). Par contre elles étaient monitorées par l’équipe de l'Université de Caroline du Sud (qui co-pilotait le projet) : à part un post dans un forum, elle n'a n’a jamais eu à supprimer d'article.

Quelques conseils :

- Des flux RSS partout et pour tout.
- Photos, photos, photos ! Créer des catégories pour aider les gens à poster leurs photos (évènements, les gens, patrimoine, sport amateur…)
- Attention à ne pas abreuver les internautes de langage technique ou d’avertissements juridiques. Résistez aux juristes ! Ecrivez simplement, rendez l’utilisation du site simple !
- Ne pas oublier la météo.

Les chiffres :

- Habitants enregistrés : Principalement les 18-29 ans : 32% (un groupe avait été créé dans le lycée local). Mais également une belle proportion de de 50-59 ans (18,3%) et de 40-49 (22 ,5%).
- Contributeurs : En tête, les 50-59 ans suivis des 40-49 ! Puis les 18-29.
- Contenu envoyé par les habitants : juste des photos (29%), conversation (14%), articles (13%), infos agenda (10%)
- Coût du projet : 11.475 dollars !
- Les visites ont doublé entre janvier et juin 2006 (site lancé en octobre 2005)
- En mars 2006 : 34 contributeurs actifs et 274 posts, 120 utilisateurs enregistrés
- Des faits divers ont été vus d’abord sur Harstville Today, postés par les habitants, avant que les journalistes en soient informés par leurs contacts…

(Lire également sur le sujet le post d'Innovations et celui de Common Sense Journalism)

mercredi 11 octobre 2006

Pourquoi YouTube et pas le New York Times ?

Pourquoi Google n'a-t-il pas acheté le New York Times online au lieu de YouTube ? C'est, à mon avis, la vraie question que devraient se poser les patrons de presse après la secousse sismique provoquée par le jackpot web 2.0 de l'année.

YouTube : 12 millions de visiteurs par mois. Le NY Times : 29 millions de visiteurs (un chiffre d'affaires de 832 millions de dollars, et plein de projets).

Susan Mernit le constate sur son blog :
"Si Google cherchait un lieu pour placer ses pubs adwords, ils auraient réfléchi à l'idée de racheter le NYTimes.com. Mais ils ne l'ont pas fait. Et le fait qu'ils aient choisi YouTube montre que le cercueil des médias de masse est déjà au bord de la tombe... (...) Le miracle de YouTube vient du fait que YouTube est une plateforme où la crème (les vidéos générées par les utilisateurs) déborde de la tasse pour être savourée par le monde, pendant que l'entreprise NY TImes est une organisation d'informations qui paie des milliers de journalistes, designers, commerciaux pour créer un contenu d'experts qui dit aux gens ce qu'il faut aimer et penser. Mais ça, c'était le passé."

Les producteurs de contenu n'intéresseraient-ils donc plus grand monde ?
Alors ?

Juste avant l'annonce du rachat de YouTube par Google j'étais en train de préparer un post où je résumais ce qui me semblait être les cinq clefs de l'avenir des médias online de proximité :

- Contenu généré par l'utilisateur
- Profil utilisateur
- Communauté
- Bases de données
- Vidéo vidéo vidéo

Pas de panique, d'accord. Mais il est temps de s'interroger, non ?



mardi 10 octobre 2006

La Dépêche du Midi teste le journalisme citoyen

Le quotidien régional toulousain a lancé le 26 septembre un nouveau service "Ma Dépêche". Un site entièrement consacré au "journalisme citoyen", c'est à dire aux informations générées par les utilisateurs.
Les productions sont classées par centre d'intérêt : "vos infos", "sports" (sport amateur), "vos bons plans" (essentiellement des annonces de manifestations apparemment), "votre vie" (on peut envoyer ses photos de mariage...), forum. Il y a également un espace pour poster ses photos. Et on pourra bientôt envoyer des vidéos.

L'initiative, une première pour la presse quotidienne régionale, mérite évidemment d'être saluée. Mais il y reste encore beaucoup de travail à faire...

Les plus :
- La multiplicité des outils de communication à disposition : Internet, mobile (MMS) et même courrier.
- Le langage simple.
- Les concours.
- La possibilité d'envoyer juste des photos.

Les moins:
- Le fait de séparer le site du "vrai" journal de celui des lecteurs, comme si on ne voulait pas mélanger les torchons et les serviettes. Une façon de dire: ici vous faites ce que vous voulez, mais ne venez pas polluer l'espace professionnel. Je me doute bien que ce n'était pas l'intention de l'éditeur, mais c'est pourtant ce message là qui passe.
- Tout est publié en vrac. Il n'y a aucune hiérarchie et, surtout, aucune communauté par localité. Faire participer les gens à l'actualité, ce n'est pas juste leur donner un terrain de jeu pour balancer des choses, mais de les impliquer dans un projet rédactionnel autour d'une communauté. Ici, la communauté, qui devrait être la commune, n'est pas clairement définie.
- L'ensemble donne l'impression d'une mauvaise copie de correspondant des années 60. On doit pouvoir faire mieux, et trouver d'autres manières de faire participer les gens. Il y a de bons exemples à l'étranger (j'y reviendrai dans un prochain post).
- Il n'y pas assez d'animation.

En conclusion :
Plus que de "journalisme citoyen", je continue de penser qu'il faut parler de média participatif. Nous avons hérité, dans la presse quotidienne régionale française, d'un système sans doute unique au monde : les correspondants locaux de presse. Ces correspondants, que l'on a longtemps considéré comme des sous-journalistes mal payés, préfiguraient en fait le phénomène du journalisme citoyen. Des gens comme les autres qui parlent de leur commune ou de leur spécialité par passion et parce qu'ils sont généralement mieux informés que les autres
Plutôt que de créer un "espace pour les gens", pourquoi ne pas améliorer ce que nous avons déjà ? Pourquoi ne pas élargir le corps des correspondants au reste de la population, grâce aux nouveaux outils du Net et du mobile ?
Ce qui permettrait d'intégrer graduellement les journalistes citoyens à la rédaction, grâce à un encadrement et une conversation organisée par des professionnels.

Le contenu généré par l'utilisateur est la clef de l'avenir de la presse. Et pas seulement une clef éditoriale, mais aussi une clef économique (plus vous impliquez l'utilisateur, plus vous qualifiez vos bases de données).

(Lire également le post de Philippe Gammaire sur le sujet)

dimanche 8 octobre 2006

La convergence est une stratégie de croissance

J'ai montré dans mon précédent post comment une entreprise de presse était en train de passer du média mono-support au moteur d'informations. Voyons comment nous autres journaux pourrions franchir le cap sans faire de la science fiction.
Que signifie la convergence des médias pour un journal ? Cela signifie revoir l'organisation de la distribution de l'info dans une approche "multi-médias". Une seule rédaction, mais plusieurs productions sur différentes plateformes.
Cela veut dire que vous ré-organisez votre rédaction (journalistes, preneurs d'images, secrétaires de rédaction, rédacteurs en chefs, correspondants...) non plus en "métiers" (papier, internet, photo, vidéo), mais en univers (sports, local, culture etc).
Concrètement : votre journaliste devra travailler son info pour plusieurs supports, donc sous différentes formes (son, texte, image) en fonction de l'heure de la journée et de la cible.
Vous aurez forcément besoin, au final, d'un système de gestion de contenus unifié mais vous n'il n'est pas indispensable de démarrer par là. On peut laisser les investissements lourds pour plus tard, une fois que la croissance de l'audience est engagée. Il faudra par contre sans doute un peu plus de journalistes intégrés, mais beaucoup moins que si vous aviez décidé de séparer le papier de l'Internet et de la vidéo. Et comme vous génèrerez de nouveaux revenus, vous entrez dans un cercle vertueux.
Science-fiction ?
"Certains patrons de presse pensent encore que la production d'infos intégrée n'est pas pour eux. Moi je pense qu'ils auront beaucoup de souci à se faire dans le futur..."
C'est ce que dit Dietmar Schantin, directeur du Newsplex. Newsplex est le programme expérimental de rédaction intégrée de l'Ifra, qui a inspiré les journaux d'Edipresse (lire mon précédent post) et le Telegraph pour ré-organiser la distribution de l'info autour du multimédia.

C'est une évidence... mais pourquoi les journaux refusent-ils de voir l'évidence de la convergence ?

- 1) Ils ont le nez dans le guidon et ont un journal à sortir chaque soir. C'est une bonne explication, pas une raison.
-2) Ils gagnent de moins en moins d'argent et ont de moins en moins de marge pour investir et donc prendre des risques.
- 2) Ils ne comprennent pas les nouveaux médias et ont peur de ne plus savoir faire.
- 3) Ils craignent encore la cannibalisation du papier par l'Internet (si l'information sort d'abord sur le Net avant de paraître sur le papier).
- 4) Et surtout : tant que le Net ne génèrera pas plus de chiffre d'affaires que le papier, la priorité restera au papier. Ce qui est suicidaire.

Pourtant, opter pour la convergence permet justement de travailler sur la croissance. Avec la convergence vous n'abandonnez pas l'ancien média pour un nouveau, vous le réintégrez simplement dans un nouveau process :
"L'idée de la convergence se résume à aligner vos process afin de gagner du temps. Et ce temps gagné peut alors être employé pour lancer de nouvelles activités sur les médias numériques."
"Le quotidien danois Nordjyske Medier, a monté une télévision sans augmenter le personnel. La convergence consiste à rendre les process standards plus efficaces afin de réinvestir le temps gagné dans de nouvelles activités. Parce que si vous avez un podcast à faire vous devez gagner du temps ailleurs. La convergence est une stratégie de croissance où l'on aura besoin de plus de monde pour s'occuper de ces nouvelles activités, mais en ayant les moyens. Parce que l'on aura plus d'audience et donc plus de publicité."

(Source : journalism.co.uk)

samedi 7 octobre 2006

Edipresse : la salle de rédaction du futur ?


Pendant que les quotidiens français continuent d'affronter leurs blocages internes, la Suisse a opté pour l’électrochoc. Le travail qui a été réalisé dans les rédactions des journaux d’Edipresse est impressionnant. En trois ans, le groupe a transformé physiquement, structurellement, ses journaux papiers en moteurs d’informations 24/7 pour le papier, le web, la radio, les mobiles et la télévision.

A l’occasion d’une visite organisée par l’Ifra, j’ai pu visiter le siège d’Edipresse et la rédaction « cross-plateform » du quotidien régional de Lausanne, « 24 heures ».

Edipresse est le 2eme groupe média suisse (derrière Tamedia). Avec 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, une batterie de magazines et de quotidiens régionaux :

- Le Matin : quotidien régional payant populaire, people et jeune ( le cœur de cible du lectorat est étonnant : 35 ans. Et la diffusion est en hausse, affirme son rédac chef). Le journal a un petit frère « Le Matin bleu » gratuit, ciblé jeunes également, et pas encore rentable.
- La tribune de Genève
- 24 heures (Lausanne)
- Le Temps : quotidien national de niche.


L’objectif : passer d’une production papier à une production d’informations multi-plateformes 24h/24 et 7j/7. Le chantier était colossal : Edipresse, qui a beaucoup d’argent, a décidé de tout faire en une seule fois : on change l’organisation des rédactions, les contrats des journalistes, et tous les systèmes rédactionnels.

L’idée :
un seul système rédactionnel et une seule base de données de stockage pour tous les titres, accessible depuis n’importe où. Dans chaque titre : une rédaction intégrée travaillant pour plusieurs supports. Des contenus neutres pouvant être repris et travaillés partout.

Concrètement :
- à partir du 6 mars prochain, chaque journaliste écrira, selon l’heure de la journée, pour le web ou le print (il sortira donc plusieurs « papiers » à partir d’une même information). Avant d'écrire son article pour le journal, il rédigera une brève qui sera publié aussitôt sur Net. Il y aura également un peu de vidéo pour la télé locale (mais elle est peu développée et prise en charge par un vidéaste). Les journalistes volontaires pourront être équipés d'une caméra (la vidéo sera ensuite éditée par l'équipe web)
- une équipe de 32 journalistes web est chargée d'éditer et d'enrichir les articles, de rédiger des contenus spécifiques, ou d'animer les sites internet.
- le flux d’infos est géré depuis un desk central, placé au centre de la salle de rédaction : on y retrouve notamment le rédacteur en chef de jour, le responsable du secrétariat de rédaction, le chef de la photo, l’animateur de sites internet.


« La salle de rédaction doit devenir le lieu de la conception et de la réalisation des bouquets de services informationnels »

Il n’y donc pas de rédaction ou de service multimédia à côté, mais une rédaction intégrée accueillant de nouveaux métiers complémentaires : animateur de site (sorte de « DJ de l’info » qui remplace l’ancien métier de webmaster),éditeur web, reporter web. Les rédactions de 24 heures et de la Tribune de Genève (280 journalistes) ont donc été réorganisées (fusion des rubriques nationales et internationales, départs volontaires, suppressions de "vieilles" rubriques) pour dégager 32 nouveaux métiers sans augmenter la masse salariale.

Ce qui est exemplaire dans le projet d’Edipresse, c’est avant tout l’effort d’aménagement intérieur. Toutes les salles de rédaction ont été repensées sur le modèle des rédactions open-space multimédias, disposées non plus en services mais en pétales thématiques autour d’un desk central redistribuant l’info sur les différents supports au fil de la journée.

Ce petit film montre une vue d'ensemble de la salle principale et de son desk :



La salle de rédaction de 24 heures s'inspire du programme expérimental "Newsplex" à Columbia (USA). Elle est composée d’un immense plateau ouvert de 120 journalistes (et pourtant silencieux) autour d’un desk faisant face à un écran de travail géant et collaboratif (permet de choisir des photos, de visionner des chaines de télé ou de travailler sur le chemin de fer du journal).

Autour de la rédaction, on trouve des espaces projets, et des petits espaces cloisonnés pour les réunions, les interviews ou la détente.

C’est évidemment luxueux, mais nous sommes en Suisse. Et les patrons ont également investis dans l’immobilier. Ça aide….



Les six caractéristiques de la nouvelle entreprise de presse :


- Gérer des sources multimédia
- Elaborer des bouquets de services d’information
- Production en réseau 24/7
- Briser le concept de deadline
- Un catalogue en perpétuelle évolution
- Réinventer les modèles de distribution

samedi 30 septembre 2006

Pourquoi la presse écrite a raison de faire pression sur Google

Si la presse belge a eu, à mon avis, tort d'attaquer Google News de la façon dont elle l'a fait, la vigilance dont font preuve les journaux n'est pas un combat aussi vain qu'on veut bien le dire.
La presse écrite et digitale a tout intérêt à faire pression aujourd'hui sur Google. Pas pour protéger leur audience (à laquelle, au contraire, Google contribue) ou leurs textes et photos (Google News n'affiche qu'une accroche), mais parce qu'il y a sans doute un avenir pour l'info payante sur Internet.
Et Google le sait. Le patron de Google News, Nathan Stoll, l'expliquait en apparté à l'issue de sa conférence lors du congrès mondial des journaux de Moscou : "Je ne suis pas pour le tout gratuit. Si payer est pratique pour les gens, alors il faut faire payer. Mais rien ne bougera tant que payer 1$ sur Internet sera compliqué pour le client" (je cite de mémoire).

Autrement dit, l'avenir du payant est dans celui du micro-paiement. Qui existe aujourd'hui (Paypal, Click and Buy, Internet+...) mais il manque encore un système universel, ou un environnement à la I-Tunes.
Google le sait très bien puisque la firme californienne travaille sur des solutions de ce type.
Google News est plutôt bien placé pour développer demain le I-Tunes de l'info : sur le Net, sur mobile et pourquoi pas le futur e-paper, on pourra acheter une partie de son info (reste à savoir quel type de contenu multimédia à valeur ajoutée les internautes sont prêts à payer au clic). L'argent étant reversé aux producteurs de l'info. Pourquoi un agrégateur comme Google News et pas une boutique pour chaque média ? Parce que seul un système universel et personnalisable, façon Google desktop ou Netvibes sera capable de réunir la masse critique pour faire fonctionner le système.

Les journaux ont donc intérêt à maintenir une pression (amicale s'entend) auprès de Google sur le respect des droits d'auteur, s'ils veulent rester dans la course et devenir les acteurs des modèles payants de demain.

vendredi 29 septembre 2006

Tout le monde rêve de MySpace

J'ai déjà expliqué dans un précédent post pourquoi je pensais qu'il ne fallait pas jauger MySpace par rapport à son modèle économique intrinsèque, mais aux immenses possibilités business qu'il offrait. MySpace n'est que la pièce d'un puzzle très ingénieux. Un moteur de business. MySpace, c'est la communauté. MySpace coûte cher, mais la communauté n'a pas de prix.

Ce n'est pas innocemment que Ross Levinsohn, le président de Fox Interactive (qui détient MySpace) déclare publiquement que son objectif est de dépasser Yahoo (ici), dont le modèle économique repose également sur la communauté.

MySpace, encore une fois, est la base de données ultime, capable de générer de nouveaux business. C'est le formulaire le plus génial et le plus complet jamais créé sur le Net (les utilisateurs n'ont pas l'impression de remplir un formulaire, ils le font en créant leur page personnelle). Un formulaire et un lieu de vie captif sur lesquels Newscorp peut brancher du contenu, des petites annonces, des programmes télé ou encore du commerce ciblé.
"Fox Interactive n'est pas juste MySpace",précise Ross Levinsohn. Non, c'est du contenu (foxsports.com: infos sport, ign.com: communauté et infos sur les jeux vidéo, rottentomatoes: cinéma, askmen.com: portail tendance et style de vie, + une majorité de contenu généré par les utilisateurs...) branché sur une communauté gigantesque et "hyperqualifiée".
Selon un analyste de Wall Street, MySpace (qui vient de dépasser le leader de la vidéo en ligne YouTube) pourrait être évalué dans trois ans à environ 15 milliards de dollars (lire ici en anglais), soit trente fois la mise. Il donne l'exemple de publicités vidéo vendues à guichets fermés sur des programmes télé diffusés sur MySpace pouvant atteindre un CPM net (coût pour 1000 impressions de "pages") de 35$ voire 40$.

mercredi 27 septembre 2006

Quelle presse demain ?

Pendant que la presse francophone se bat contre ses angoisses (le conseil d'administration de Libération doit se pencher aujourd'hui sur la survie du quotidien national français), le débat sur l'avenir de la presse écrite n'en finit plus d'agiter microcosmes et macrocosmes (le quotidien Aujourd'hui en France/ Le Parisien consacre d'ailleurs aujourd'hui son dossier de page 2 à l'avenir de la presse écrite).

Deux visions de l'avenir croisées cette semaine sur les blogs :

Juan Antonio Giner, consultant chez Innovations, fait le bilan de la conférence européenne de l'International Newspaper Marketing Association qui vient de s'achever à Barcelone (ici) : il ne croit pas en la crise des journaux.

"- Le journal papier va devenir plus petit pour s'adapter aux nouveaux modes de vie des consommateurs : moins de pages, des pages plus petites, des articles plus courts (un gratuit, en fait, mais payant...)
- Le journalisme de qualité, dense, va émigrer et se développer sur le Net.
- Le nouveau produit phare sera customisable, interactif et à la demande.
- Avec la multiplication des options numériques, on pourra avoir son "journal" n'importe où, n'importe quand, sous n'importe quelle forme.
- La distribution de l'info se fera de façon segmentée grâce au micro-paiement façon I-Tunes.
- Le "journalisme citoyen" sera une nouvelle source d'informations, comme Reuters (...)".

De son côté, Olivier Niquet relève sur son blog les posts (ici et ici en anglais) du journaliste Hayden Shaugnessy sur le sombre avenir de la presse et de la télévision :

"1. D’ici cinq ans, les journaux se seront débarassés de la plus grande partie de leurs employés pour miser en ligne sur des rédacteurs qui leur offriront du contenu gratuit.
2. Les journaux prendront moins de place dans les kiosques, et plus de place en ligne. Leur influence diminuera.
3. Wikipédia ou un équivalent deviendra l’autorité pour agréger le contenu qui proviendra des journaux et des blogueurs.
4. Ce que vous connaissez relèvera de ce que vous pouvez croire et de qui d’autre croit.
5. L’affiliation sera cruciale pour juger de la justesse de l’information, et elle sera inscrite dans des mondes virtuels comme Second Life.
6. Comme toute l’information sera gratuite, tous devront se tourner uniquement vers la publicité pour survivre. De nombreux bureaux de nouvelles fermeront et le groupe des blogueurs locaux deviendra la source d’information primaire.
7. La télévision se concentrera sur le vedettariat et le bizarre et l’offre de qualité se déplacera vers le Web.
8. La télévision deviendra un mode d’interaction créative et de collaboration.
9. Toute organisation aura ses propres moyens de production et de diffusion. Par exemple, le réseau sportif pourra être exploité par Adidas, Puma ou Nike sans aucun intermédiaire.
10. Le “recommendeur” deviendra une nouvelle profession."
Qu'en pensez-vous ?

mardi 26 septembre 2006

76% des cadres sont connectés à l'Internet

C'est ce que révèle l'enquête -très instructive- d'Ipsos reprise (ici) par le Journal du Net. 76% disposent d'une connection à domicile. Et 57% ont un accès au haut débit. 28% se connectent plusieurs fois par jour chez eux. Tandis que 64% se connectent plusieurs fois par jour sur leur lieu de travail. L'achat en ligne est passé de 14% en 2001 à 58% en 2006.
Ils sont, de plus, dévoreurs de médias : 5 titres lus, 161 minutes de télé par jour, 135 de radio, et 54% se connectent 10h et plus par mois.
Les trois premiers sites visités ? Les pages jaunes, Google et Voyages-Sncf... (liste complète ici)

lundi 25 septembre 2006

Google : faux débat

En constatant le jugement confirmé en appel contre Google News, forçant le moteur de recherche d'infos à ne plus référencer les articles des journaux belges, je reste perplexe. Je ne suis pas le seul, mais quand même.
Au delà de tous les débats philosophiques et "juridiques" qui ont animé la blogosphère la semaine dernière, il n'y a finalement qu'une seule question à se poser : que va gagner concrètement la presse belge dans cette fausse victoire? Plus d'argent? Plus d'audience? J'aimerais voir les chiffres dans quelques mois.

Plutôt que de s'inventer des ennemis imaginaires, la presse francophone ferait bien de travailler à sa mutation. Je veux dire : de travailler réellement à sa mutation. C'est à dire à sa nouvelle identité.
Laquelle ne pourra pas se limiter à la publication jalouse de ses articles en ligne et à une poignée de blogs sympas.


(Pour mémoire, et pour ceux qui ont encore faim de débat sur Google, l'excellent post de Filloux au mois de juin)

dimanche 17 septembre 2006

54% des jeunes veulent créer ou partager leurs vidéos

Selon une étude réalisée par Accenture dans plusieurs pays, plus de 40% des internautes (10.000 ont été interrogés) visionnent ou téléchargent de la vidéo sur Internet. Mieux : 54% des jeunes déclarent vouloir créer ou partager leurs vidéos en ligne. En Chine, ils sont 82% ! Mais seulement 20% en Allemagne (je n'ai pas pu trouver les chiffres français, si vous les récupérez, dites le moi). Cependant, 54% des internautes préfèreraient télécharger et voir ces vidéos sur leur télévision plutôt que sur leur ordinateur (30%) ou leur téléphone (20%). Il y a peut être un créneau, ici, pour les fabricants de consoles de jeux. En tout cas, il y a besoin, pour les médias, de réinventer l'offre vidéo. Les expériences de YouTube et MySpace ne sont que des phases transitoires.
Avec l'explosion du haut débit, la vidéo va (re)devenir omniprésente dans notre quotidien.

(sources : mediaguardian et Jeff Jarvis)

Média Café :"Le quotidien régional, Le Bien Public, ouvre son site à la conversation"

A lire sur le blog de Jeff Mignon : "Le quotidien régional, Le Bien Public, ouvre son site à la conversation.

J'avais longuement détaillé leurs projets de refonte en mai dernier (ici).
La presse française commence à s'ouvrir petit à petit à la conversation. Même si au Bien Public, les commentaires sont modérés a priori (un certain nombre de propos racistes, notamment sur les faits divers, sont régulièrement écartés), comme à la Dépêche du Midi. Sur d'autres (Libé) on ne peut commenter que certains articles. Avec une contradiction de taille pour ceux qui vendent les archives du journal : quand l'article est basculé en zone payante, les commentaires disparaissent. On se dit qu'il y a là un vrai choix à faire : vente de contenu (c'est à dire fausse excuse pour protéger le "papier", quand on sait que la vente d'archives ne rapporte strictement rien aux journaux en ligne) ou conversation ?

"La presse traditionnelle a peu d'avenir en l'état"

C'est qu'a déclaré aujourd'hui Arnaud Lagardère, dans une interview donnée au "Journal du dimanche" (dont il est aussi le patron, avec Paris Match et la Provence).
"La presse traditionnelle a peu d'avenir en l'état alors que l'on va vers une dématérialisation du support traditionnel". Et il prédit : "La presse quotidienne a dix ans devant elle. Les coûts de production deviendront intenables".

Plus intéressant, sur la nécessaire transition des médias traditionnels vers les supports numériques, le patron du groupe Lagardère semble avoir compris qu'il ne s'agissait pas de basculer les articles de ses titres sur le Net :
"notre adaptation ne consistera pas à faire une transposition systématique et mécanique sur internet de tous nos titres de presse. Ce serait une erreur (...) Notre plus restera la richesse des contenus." Et d'ajouter: "On ne va pas subir la mutation des modes de consommation, on va jouer au contraire une partie de cette évolution (...) Chacun devra trouver sa voie, dépasser le cadre de sa mission traditionnelle".

La presse moteur de l'innovation dans les nouveaux médias ? Un rôle abandonné jusque là aux "pure plays" Yahoo et autres digg. Les trois prochaines années seront déterminantes.

(Source : AFP et JDD)

lundi 11 septembre 2006

La stratégie du lierre

J'ai l'habitude de rappeler sur ce blog que les journaux doivent désormais s'occuper de leur communauté. J'aime bien cette notion : être facilitateur d'informations et de services, et pas seulement être producteur d'informations et de services. Pousser ce principe jusqu'au bout peut nous mener très loin : savoir faire partir le lecteur pour le retrouver (en acceptant par exemple de l'envoyer vers d'autres sources d'infos), ou ne pas se substituer à ce qu'il pratique déjà mais lui permettre de mieux l'exploiter. Occuper le terrain, ce n'est plus, comme nous avions l'habitude de le faire sur nos territoires de diffusion, écraser la concurrence. Mais, au contraire, faire du concurrent un nouveau service dans notre botte, avec ou sans son consentement. C'est ce que j'appelle la stratégie du lierre. Ou du parasite, mais c'est moins joli :)
Chaque mois, de nouveaux services apparaissent sur le Net, de nouvelles sources d'informations. Chercher à les contrer toutes serait épuisant... et inutile. Si on aime son lecteur, on aime ce qu'il aime, et on se propose de l'aider. C'est la proximité.
Plutôt que de contrer MySpace, par exemple, en créant son propre service concurrent fermé, plutôt que de dire à son lecteur/internaute, "venez chez moi, pas chez eux", n'est-il pas plus ingénieux et généreux de lui offrir un service communautaire (local, si l'on est un quotidien local) "friendly" qui lui permettra d'exploiter plus simplement son compte MySpace ? Chaque nouveau service apparemment concurrent est à considérer comme une nouvelle pièce de notre environnement. Et donc de celui de l'internaute. L'ignorer, ce n'est pas lui rendre service. L'aider, c'est faire de tout nouveau service ou diffuseur d'info sur le Net une nouvelle opportunité, et pas une menace.
Être des facilitateurs du quotidien, du web, du local, voilà une belle stratégie pour les quotidiens.

(Photo : "Education à l'environnement")

dimanche 10 septembre 2006

MySpace, moteur à business ?

Avec ses cent millions d'utilisateurs, ses 45 millions de visiteurs uniques et ses 25 milliards de pages vues par mois, le phénomène MySpace -qui vient de débarquer en France- n'en finit pas d'interroger les observateurs. Pour ceux qui auraient raté le train, ce service propose aux internautes de publier leur espace personnel en ligne en y agrégeant, de façon assez sommaire, photos, vidéo, musique, blogs, listes d'amis et commentaires. C'est sommaire, mais ça marche.
Visionnaire, le patron de News Corp., Rupert Murdoch, en quête d'un nouveau graal sur Internet, l'a racheté l'été dernier pour 580 millions de dollars. Depuis, on ne cesse de s'interroger sur le modèle économique de MySpace. Coûteux et pas très rassurant pour les annonceurs, malgré les milliards de pages vues. Le contenu étant généré par ses seuls utilisateurs (essentiellement des adolescents) on peut comprendre la crainte de certaines marques de retrouver leurs publicités affichées, au hasard, sur la page perso d'un adepte du sexe ou d'un sataniste, quand il ne s'agit pas d'un dangereux pédophile.
Mais si l'on regardait les choses autrement ? Si l'on cessait de voir MySpace comme un service en ligne gratuit, condamné à séduire les annonceurs pour survivre ?
Isolé, MySpace ne présente peut-être qu'un intérêt financier limité (et encore...). Mais pris comme le coeur d'un système, c'est d'une autre dimension. Ce n'est pas ce qu'est MySpace qui est intéressant. C'est ce qu'il permet. Avec ses quarante millions d'internautes qui restent chaque mois en moyenne plus de deux heures sur le site à socialiser et à crier ce qu'ils aiment ou n'aiment pas, MySpace est un moteur à business en puissance. Une machine sur laquelle on devrait pouvoir brancher toute une série de services, de médias et surtout de nouveaux projets.
Avant de développer son empire médiatique sur Internet, Murdoch s'est donc d'abord créé une communauté. Mieux, un moteur social. A une époque, l'an passé, où les médias ne parlaient que de contenu, de CPM et de millions de pages vues, je trouve ça plutôt intelligent.
Même si la communauté en question est, pour l'heure, encore difficile à cerner et à maîtriser en terme de comportement, elle est là, elle s'exprime. Et elle est légion...
Nous verrons d'ailleurs si les nouveaux services de vidéo à la demande, bientôt de télévision et de vente de mp3 fonctionneront sur MySpace (quoique... avec Universal qui le propose désormais gratuitement, on peut s'interroger), mais ce n'est encore que marginal. Surtout, demain, tout le monde voudra être dans la "place". A l'heure de la fragmentation des supports de masse, tout le monde cherchera à se brancher sur ce moteur social hyper-personnalisé.
A commencer par les marques (Columbia Pictures, Burger King, Volkswagen...) qui sont prêtes à débourser entre 100.000 et un million de dollars pour avoir leur page personnelle sur MySpace (lire ici, en anglais). Le plus intéressant, c'est que ça marche : la mascotte des restaurants Wendys a désormais plus de 80.000 amis (ici). Ce qui veut dire que 80.000 internautes ont décidé de mettre la marque Wendy's dans leur liste d'amis !
MySpace permet aussi aux utilisateurs de faire partie de la liste d'amis de leurs groupes préférés. et de converser avec leurs idoles.
Le site est d'ailleurs en train de devenir un espace recherché d'annonces de concerts et d'infos/promotion.
Les internautes vont également bientôt bénéficier d'un service de news entièrement personnalisé, basé sur leur page personnelle.
Car finalement, et c'est là la force extraordinaire de ce service, MySpace est surtout une façon ludique de faire remplir à des millions de gens un formulaire d'une rare profondeur sur ses goûts, ses choix, ses relations. Une précieuse base de données.