dimanche 25 février 2007

Journalistes citoyens : les nouveaux correspondants de presse ?


"20 minutes.fr" m'a demandé, ainsi qu'à une dizaine d'acteurs de la blogosphère comme Loïc Le Meur, Carlo Revelli, Gilles Klein, Christophe Grebert ou Joël Ronez, de commenter le rapport de Marc Teissier rendu au ministère de la Culture sur l'évolution de la presse à l'ère du numérique.
Ce rapport (que vous pouvez télécharger ici) prévoit notamment la création d'un statut du journaliste citoyen, fondé sur le modèle du correspondant local de presse, ainsi que la mise en place d'un label de qualité pour les sites d'information.
Vous pouvez lire le dossier de 20 minutes ici.

Je reproduis ci-dessous ma contribution, mais vous invite vivement à consulter les autres :

1/ Création d'un statut de «correspondant en ligne» :

Cette proposition n'est pas surprenante, mais révèle une approche partielle, sinon partiale, du phénomène.
Le journalisme citoyen c'est d'abord l'expression d'internautes souhaitant prendre part à l'information Ce n'est pas l'émergence d'une nouvelle catégorie de journalistes, mais bien l'expression de la volonté des citoyens de participer à l'information, de ne plus être dépendant de ce qui a été longtemps ressenti comme la "dicature" des grands médias, et donc d'établir un nouveau contre pouvoir face à ce quatrième pouvoir devenu tout ou trop puissant.

Je trouve assez dangereux de confiner les "citoyens" dans une catégorie de "sous-journalistes" ou de journalistes "différents", "authentiques", par la création d'un statut. La plupart d'entre eux ne souhaitent pas être journalistes, pas plus qu'ils ne veulent être députés ou maires. Cela ne les empêche pas de vouloir participer au pouvoir. La plupart de ces citoyens sont d'ailleurs les premiers à demander aux journalistes de faire leur métier. Mais de bien le faire...
A l'origine du journalisme citoyen il y a d'abord ce sentiment que les médias traditionnels ne reflètent pas la réalité telle que les gens la vivent. Il y a une remise en cause de la pratique journalistique contemporaine, mais rarement de celle du rôle du journaliste.
C'est la pratique journalistique qui doit évoluer.

Le rapport Teissier s'est arrêté en chemin : le journalisme citoyen n'est pas un aboutissement, mais une étape. Il préfigure l'émergence de nouveaux médias, non pas purement citoyens, mais participatifs. C'est à dire une collaboration entre journalistes et citoyens dans la fabrique de l'information.

Si l'on a comparé les journalistes citoyens aux correspondants locaux de presse, c'était surtout pour souligner que la valorisation et la prise en compte par un média professionnel de contenus générés par les citoyens était une vieille tradition de la presse locale française. Et que cette dernière avait en cela une expérience qu'elle devait aujourd'hui mettre à contribution pour embrasser pleinement le phénomène du journalisme citoyen. Pas pour adapter un vieux système à l'Internet ! Le problème avec les CLP, c'est qu'ils sont rarement représentatifs de la population. Dans certaines communes (mais pas partout), ils contribuent d'ailleurs à creuser le fossé entre le journal et ses lecteurs. Ce que la presse locale fait aujourd'hui sur le papier avec quelques correspondants, elle pourra le faire demain en ligne avec l'ensemble de la population.
Reproduire le statut de CLP en ligne serait aller contre l'intérêt des quotidiens régionaux : enrichir son contenu local et se rapprocher des habitants de sa zone de diffusion.

Ce ne sont donc pas aux élus d'encadrer un nouveau statut, mais plutôt aux médias (nouveaux et traditionnels) de développer de nouveaux outils collaboratifs. C'est ce que j'essaie de faire, comme d'autres, avec " quelcandidat.com". Nous n'en sommes tous qu'aux balbutiements.


2/ Label de qualité :

Il y a, tout le monde l'a vite compris, un vrai danger dans cette proposition. Et, encore une fois, une approche biaisée du phénomène.
Labéliser les médias "sûrs" et les médias "non sûrs" reviendrait à hiérarchiser étatiquement la tuyauterie et les sources de l'information. Tentative maladroite et dangereuse de reprendre le contrôle de la fabrique de l'information. C'est aller à l'encontre de l'attente des utilisateurs. Et donc de l'intérêt des médias.

Il y a, au contraire, une chance à saisir dans cette révolution du "média c'est moi" : une explosion des contenus, une nouvelle richesse, une nouvelle authenticité, mais aussi de plus en plus de fouilli, et donc une nouvelle fonction pour les médias et les journalistes : celle d'agréger, de trier, de sélectionner, de filtrer ou de valoriser l'ensemble de ces contenus. Mais aussi de clarifier la conversation et d'animer ces communautés émergentes.

Rien n'empêche par ailleurs les médias, traditionnels ou individuels, d'adhérer à une charte, de se regrouper en labels. Rien n'empêche les journalistes de continuer de faire leur travail avec cette nouvelle matière.
Cette révolution était sans doute nécessaire, elle amènera à un nouvel équilibre. Une loi ne ferait que figer un processus encore en gestation.

vendredi 16 février 2007

Comment la présidentielle révolutionne le média Internet

C'est généralement le contraire que l'on entend : le Web est en de révolutionner l'élection présidentielle française, l'élection se jouera sur le Net ou la dernière : Internet aura en 2007 l'influence qu'ont eu les Guignols en 2002.
Ce que je vois surtout, c'est un paysage bouleversé, souvent renversé, une profusion d'initiatives médiatiques individuelles et des polémiques qui naissent sur Internet, et des documents, passés à la trappe des médias, qui ressurgissent sur la toile.
Dernier en date, le fameux "coming out" politique d'Alain Duhamel : ce "scoop" serait resté dans l'ombre des médias traditionnels si la fameuse vidéo où l'éditorialiste explique qu'il votera François Bayrou n'avait pas été repérée par un blogueur 10 jours après avoir été postée sur Dailymotion (voir la vidéo ici sur quelcandidat.com).
Dailymotion, justement. Ce clone français du géant YouTube, est en train de s'imposer depuis le début de la campagne comme LA "télévision" de la présidentielle. C'est sur Dailymotion qu'ont surgi la plupart des documents vidéo qui ont agité la campagne. C'est encore sur cette plateforme entièrement dédiée au contenu généré par l'utilisateur que l'on peut voir ou revoir les débats télévisés de la veille.
C'est aussi sur Internet que surgissent, spontanément, depuis quelques mois, de nouvelles chaînes de "télé" : La télé libre du reporter John-Paul Lepers, ancien de TF1 et Canal+. "IPol", le magazine de la présidentielle, par des anciens de Canal+ également. Et puis il y a les "little is big". Les amateurs d'hier élevés au rang de médias de demain : Nicolas Voisin, chômeur talentueux, crée avec trois sous le "Politic Show", programme vidéo phare de la couverture de la campagne électorale sur le Net. En quelques mois, ce "journaliste citoyen" a bouleversé, plutôt en bien, les codes du journalisme télé et de l'interview.
Enfin, quand le publicitaire star Jacques Séguéla décide de l'ouvrir, que fait-il ? Il crée sa télé sur Internet :




Evénement médiatique majeur, où la frustration du citoyen en mal d'expression face aux médias est la plus forte (on se souvient du séisme du "non" au référendum), l'élection présidentielle est en train de faire émerger brutalement un phénomène en gestation. La prise de parole spontanée n'a jamais été aussi abondante. Vous voulez devenir média ? Tentez votre chance sur Dailymotion. Ou sur Agoravox. Ou, depuis quelques jours, sur quelcandidat.com qui ouvre la marche en France du média collaboratif.

Entre Dan Gilmor "vous êtes le média" et Time Magazine "L'homme de l'année : vous", il y a eu deux ans. Le temps de la validation d'une prise de pouvoir : celle de l'utilisateur sur les médias. Une prise de la Bastille. L'implosion du quatrième pouvoir, qui ne disparait pas, mais doit désormais faire avec l'autre.
Et il n'a pas le choix, car c'est toute son économie qui est remise en cause.
Le cinquième pouvoir, ce n'est pas Internet, comme l'explique Thierry Crouzet dans son livre éponyme, le cinquième pouvoir c'est "vous". Et Internet est son vaisseau. Plus qu'un média, ce "vous" qui s'active via Internet façonne non seulement le paysage de l'information, mais bouleverser également les rapports sociaux et économiques. On n'a pas fini de philosopher sur la question. La psychanalise a exploré l'esprit humain. Il nous faudra un nouveau Freud ou Jung pour décrypter ce nouveau "ça".

lundi 12 février 2007

Lancement aujourd'hui : le média citoyen et participatif de l'élection présidentielle

Ouf !

Après plusieurs mois de travail acharné et de (très gros) stress, j'ai enfin le plaisir de vous annoncer l'ouverture du nouveau site du Dauphiné Libéré consacré aux élections françaises.
Vous pouvez y accéder ici.




Voici ce qu'en dit "Techcrunch", qui a pu tester le site en avant-première :

"Une initiative très intéressante du nom de QuelCandidat.com qui est une première à mon sens non seulement parce qu’elle émane d’un journal traditionnel mais parce que je crois qu’il s’agit de la première dans son genre en France. QuelCandidat est un média collaboratif dédié à l’élection présidentielle. Et les aspects en sont nombreux.
(...) Je trouve le site assez complet et les outils proposés sont assez diversifiés. Pour donner une dimension véritablement communautaire à ce site il aurait été intéressant de créer un réseau social autour de chaque candidat et de pouvoir adhérer à votre communauté et interagir avec d’autres membres"

"Quelcandidat.com" est donc un média participatif et citoyen. Le premier de ce genre lancé par un quotidien régional. C'est un site complet et généreux sur l'élection présidentielle. Mais c'est aussi et surtout une expérimentation passionnante qui nous amènera à explorer les frontières de nos métiers.

Durant les trois mois de la campagne nous allons tester toutes les formules possibles de média participatif, avec un véritable esprit Web2.0.

Dan Gilmor, Ohmynews et Agoravox ont ouvert la voie du journalisme citoyen. Nous voudrions participer, en France, à l'émergence du journalisme participatif, pierre d’angle du futur média 2.0.

Qu’est-ce qu’un média participatif ? C’est un site d’informations qui fait converser intelligemment les news de journalistes et celles des internautes « journalistes citoyens ».

A côté des dépêches et des articles professionnels, l'internaute peut poster directement son article, ses liens vers d'autres articles ou vidéos, comme si le site était son propre blog.

La différence avec les autres médias de citizen journalism c'est que, ici on fait converser professionnels de l'information et citoyens. C'est une valorisation à la fois du média (qui gagne en richesse et en interactivité), mais aussi des internautes.

Autre expérience : les blogs collaboratifs. Avec "Vu de la Murette", le journaliste travaille avec les habitants d'un village sur un long reportage interactif de deux mois. Les "village reporters" envoient leurs productions (textes, photos, vidéos, commentaires), le journaliste travaille avec eux le contenu, poste leurs articles, ou réalise des reportages selon leurs suggestions... ou celles des internautes.

Nous explorerons également cette voie du collaboratif et de la conversation avec une expérience sur Second Life.

Dans cet esprit, « Quelcandidat.com » est donc sans doute le premier média traditionnel entièrement participatif lancé sur le territoire.

Enfin, vous pourrez vous amuser sur le site avec un test exclusif : "A quel candidat ressemblez-vous ?" Nous avons posé 25 questions aux candidats. Répondez vous-aussi au questionnaire pour savoir avec quel homme politique vous avez le plus de points communs. Surprise garantie !

Un grand merci à Jean-Paul Fritz pour le travail sur les contenus, à David Testud, ainsi qu'à toute l'équipe de 5W Mignon Média, en charge du développement du site. En particulier Jeff Mignon et Christophe Mistral avec qui nous avons travaillé en parfaite symbiose.