vendredi 30 juin 2006

Libé, tout un symbole

A lire ce matin le dernier édito -émouvant et historique- du patron co-confondateur de Libération (ici). Serge July quitte le journal et dresse en guise de révérence un portrait assez juste et pessimiste de la presse quotidienne française.
Juste mais, il me semble, tellement arc-bouté sur le papier... Le "Papier", cette matière magique à laquelle nous sommes encore, nous les gens de la presse, irrationnellement attachés.
Le quotidien d'informations "n'est plus viable économiquement dans sa forme ancienne", constate Serge July. "Il a besoin d'être soutenu financièrement par des activités bénéficiaires externes".
C'est le mot "externe" qui me gène. Tout comme me gênait le concept du bi-média tel qu'il avait été inventé par Libé. Bi comme deux, et pas un... : Le "multi-média" (dans le sens de multi-supports) est-il tellement externe au concept de journal qu'il ne parviendrait pas à en être le moteur, la philosophie de développement principal ?

Libération "affronte, comme tous les quotidiens généralistes payants dans le monde, le maelström de la révolution numérique, qui est, en plus intense, en plus violent, en plus rapide, ce que furent toutes les révolutions industrielles, lorsque chaque jour venait bouleverser l'ordre précédent des choses. C'est le propre de toutes les révolutions véritables, ce qui les rend à la fois dramatiques et excitantes." Libé, ex-quotidien révolutionnaire, survivra-t-il à cette révolution-là ? Il n'en prend pas le pas. Même si un certain nombre de fonctionnalités web 2.0 vont bientôt apparaître sur le site du quotidien (lire le post de Pierre Chappaz ici).

La "production de contenus signés Libération" coûte cher, calcule July. Elle ne suffira pas, d'ailleurs. Des marques aussi emblématiques que Libé ne peuvent pas se contenter de n'être que des producteurs de contenus.

Il est intéressant de noter que la plupart des journaux qui, dans le monde, ont choisi l'audace face à Internet (production multimédia, network social, web 2.0, commentaires, citizen journalism...), sont aujourd'hui en pleine croissance : ils gagnent de l'argent et augmentent leur pénétration du marché. Pourquoi pas la presse française ?

Après TF1, M6 investit dans la "MySpace" attitude

Après le lancement par TF1, mercredi, de "Wat.tv" (lire ici), c'est au tour du concurrent M6 de se lancer dans le Web 2.0 communautaire.
Au programme :
- "Wideo.fr" un service de publication et de partage de vidéos façon YouTube, en collaboration avec Kewego.com.
- Yootribe.com, un site de network social entre MySpace et Viaduc pour les jeunes : ils mettent leurs infos, leurs amis, leurs photos, leurs favoris. En partenariat avec ClicMobile, ils pourront voir en direct où se trouvent leurs amis sur une carte depuis leur téléphone portable.
- Enfin Skaaz.fr, est un service innovant de "chat" mettant en scène un avatar intelligent.
Il se passe des choses très intéressantes dans le monde des médias aujourd'hui, pendant que la presse papier française continue de se contorsionner sur ses questions d'identité et de business model.
On se rend bien compte que l'enjeu, aujourd'hui, c'est d'abord la maîtrise des communautés. Comme une première brique pour conquérir les territoires du futur.
Les deux briques suivantes ? Selon moi : la mobilité, et le local.

Sources : Pointblog et Le Journal du Net

mercredi 28 juin 2006

Eric Tourtel : "L'info online doit être gratuite"

Olivier Douard m'a fait parvenir une interview -réalisée en mai dernier sur son blog- d'Eric Tourtel, chef de publicité online chez Unidad Editorial qui gère les espaces publicitaires du site du quotidien national espagnol El Mundo .
Je vous invite à la lire (ici). Je ne partage pas toutes ses idées sur l'avenir de la presse papier (qui devra être demain une presse d'opinion et d'investigation mais pas d'actualité, déclare-t-il, je ne suis pas contre a priori, mais je dis : pas seulement ça), mais Eric Tourtel s'exprime également sur le lancement du quotidien gratuiit à imprimer chez soi, "24 Oras" d'El Pais :
"Je pense que c'est un bon produit (...) Certaines personnes imprimeront leur journal et le liront dans le metro en rentrant. La limite de ce service? le nombre de lecteurs... Je pense que l'audience sera tellement faible que ce service ne pourra pas être rentable, car les annonceurs paient le nombre d'impacts."
Sur le débat gratuit/payant sur Internet, Eric Tourtel est catégorique :
"A l'exception des journaux à contenu très spécifique (journaux financiers par exemple), qui peuvent vendre leur contenu, ou du moins certaines études, je pense que l'information online doit être gratuite. En Espagne, les quotidiens qui ont voulu faire payer leur contenus ont subi des baisses d'audience terribles. Je pense que la publicité, et la vente online sont et seront les grands moteurs de la presse online."
Il a raison, même si la simplification des paiements en ligne pourrait aussi changer la donne dans ce domaine. Le jour où l'on pourra débourser 1 dollar sur le Net en un clic, comme sur Itunes, beaucoup de choses changeront dans l'univers de la presse en ligne. Mais les gens paieront sans doute pour des contenus différents de ceux que l'on voit circuler aujourd'hui.

Le site "elmundo.es" est le quotidien online le plus lu du monde en langue espagnole, et le troisième après le NY Times et le Washington P
ost.
"L'an dernier les ventes totales de publicité ont été de 8 millions d'euros et www.elmundo.es a généré un bénéfice net de 3 millions d'euros!! (...) Il est de notoriété publique que la publicité représente plus de 80% du chiffre d’affaires total."

mardi 27 juin 2006

Tariq Krim : la pub est morte sur le web 2.0

A voir, l'interview (ici, en anglais) du fondateur français de Netvibes. Tariq Krim y parle de Netvibes (4 millions d'utilisateurs en seulement 8 mois), mais aussi de l'avenir de l'Internet après la vague Web 2.0.

J'aime beaucoup cette phrase de Tariq Krim, répondant à une question sur la stratégie marketing de Netvibes :
"Nous ne devons pas connaître nos utilisateurs, nous devons travailler avec eux".

J'adapte à la presse quotidienne : "Nous ne devons pas connaître nos lecteurs, nouss devons travailler avec eux". Définition de la presse 2.0 ?

Et à propos de la publicité :
"La publicité est morte sur le Web 2.0. Elle doit désormais se concevoir comme un service. Il faut se demander quel nouveau service vous pouvez proposer aux internautes et le sponsoriser."
Tariq Krim ne parle pas seulement du modèle économique de Netvibes (il n'y aura pas de publicité sur la plateforme, mais des modules de services sponsorisés), mais de ce que nous dit le Web 2.0. Dans ce nouvel univers hyper interactif, c'est l'utilisateur qui prend le pouvoir, c'est donc lui qui décides'il va regarder ou non une publicité. Pour continuer d'exister sur ces nouvelles plateformes, la pub n'a que deux solutions : être utile (développer des services, comme l'explique T.Krim), ou être séduisante (créer des petits films que les utilisateurs se passeront entre eux). Dans les deux cas, elle échappe potentiellement aux médias.

(Source : CNet, Kelblog)

vendredi 23 juin 2006

Google expérimente le "cost per action"

C'est une petite révolution dans le monde de la pub sur Internet. Le géant Google, qui truste une bonne partie du marché avec son système de liens sponsorisés (adsense), a proposé à certains de ses annonceurs de tester le modèle du "cost per action" (CPA): l'annonceur ne paie que lorsque l'internaute a effectué une certaine action après avoir cliqué sur la pub, comme remplir un formulaire ou effectué un achat.
Ce système (qui coûtera plus cher à l'annonceur) n'est apparemment pas destiné a remplacer le "cost per clic" (CPC, coût par clic) d'Adsense, mais il confirme l'évolution du marché publicitaire dans ce domaine : les annonceurs recherchent l'efficacité, et se contentent de moins en moins du modèle classique basé sur l'audience (le CPM, coût pour mille impressions de page) pratiqué massivement par les journaux, et même du "cost per clic" de Google, jugé encore trop aléatoire .

(sources : journalism.co.uk, Editors Weblog et MediaPost)

Le nouveau Digg veut concurrencer les sites d'infos généralistes

Le pionnier des news générées par les internautes, Digg.com, lancera une version profondément remaniée de son service lundi prochain. La présentation exclusive et les visuels sont sur le blog Techcrunch (lire ici, en français et l'interview de Kevin Rose sur Talkcrunch).
Digg.com permet aux internautes de proposer leurs propres informations, puis de voter pour les articles les plus intéressants pour les faire remonter sur la homepage. Depuis quelques jours, la concurrence s'agite sur le créneau de la distribution de news, avec l'annonce du lancement par Netscape d'un service similaire (lire ici), et l'ouverture de Wikio en France.
Pour sa nouvelle mouture, Digg, qui était très orienté infos technologiques, s'ouvre sur les news généralistes avec de nouvelles sections.
Ce qui fait dire à Techcrunch que Digg est en train de se poser comme concurrent sérieux au site Internet du New York Times en terme de popularité (270 millions de pages vues contre 340 pour NYTimes.com, mais le trafic du site doublerait tous les deux mois) :
"Et ce qui est le plus incroyable, c'est qu'ils font tout cela avec seulement 15 employés."

(A lire également sur le sujet : le post de "Publishing 2.0", de Journalism.co.uk et de Read/Write Web)

"Le buzz" : TF1 lancera son "Myspace killer" le 28 juin

Si vous voulez déjà voir à quoi ressemblera "le buzz", la plateforme de network social de la chaîne de télé française, la version alpha est accessible ici. "Le buzz" est une sorte de super Myspace, qui permet aux internautes (pro ou amateurs) d'envoyer leurs créations musicales, vidéo ou photo afin de les soumettre au vote, et aux commentaires de la communauté. "Le buzz" n'est donc alimenté que par le contenu envoyé par les internautes.
En décembre, un chaîne de télé cablée (LeBuzz TV) prendra le relais et diffusera les vidéos les plus populaires. C'est d'ailleurs l'une des particularités de ce service : s'il semble moins universel que Myspace (il est pour l'instant plus ciblé création artistique qu'espace intime, mais des évolutions sont prévues qui iraient dans ce sens), son contenu servira à alimenter un programme TV ciblé jeunes.
La téléréalité de demain est sans doute en train de se jouer sur "Le buzz".
En tout cas, avec ce service inédit et cette nouvelle marque, TF1 est en train d'occuper un terrain très intéressant sur le Net.
A noter que Myspace, la marque aux 70 millions d'utilisateurs, s'apprête à lancer une version française de sa plateforme dans les prochains mois.

(source : buzz-tv et Fred Cavazza)
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MISE A JOUR : Le nom définitif du "Buzz" est "WAT". L'adresse officielle depuis le lancement est ici.

mardi 20 juin 2006

Journal permanent : le Guardian suit l'exemple d'El Païs

Le quotidien britannique poursuit sa stratégie d'innovation en proposant un service de journal permanent gratuit à imprimer chez soi.
Un concept inauguré le 24 avril dernier par le journal espagnol El Païs (lire ici), avec "24 horas".
"G24", c'est le nom du service proposé par le Guardian, permettra aux internautes de télécharger et d'imprimer un digest de l'actualité (en format Pdf) constamment remis à jour, qu'il pourront ensuite lire dans le métro en rentrant du travail.

(Sources : Editors Weblog et The Guardian)

lundi 19 juin 2006

Après Wikio, Netscape attaque le nouveau marché des news interactives

Sommes nous à l'aube d'une nouvelle ère de médias Internet ?
Alors que le moteur de recherche de news, Wikio, créé par Pierre Chappaz, ouvre ses portes ce matin (lire mes posts ici et ici), le navigateur mythique des premiers temps d'Internet, Netscape, annonce sa reconversion dans l'info interactive.
Ce "Netscape 2.0" permettra aux internautes de proposer des news (articles, photos, vidéos), qui seront ensuite sélectionnées par une équipe de journalistes avant d'être mises en ligne. Les news seront ensuite soumises au vote des internautes pour hiérarchiser la "Une". AOL (qui a racheté Netscape) a embauché 8 journalistes à plein temps et 15 à mi-temps, pour animer le site, vérifier les informations, converser avec les contributeurs (citizen journalists) et développer éventuellement l'information.

Wikio se démarque un peu de ce principe, puisque les news (texte et podcasts) ne sont pas sélectionnées par une rédaction mais récupérées automatiquement par algorythme à partir d'une liste de sources (environ 10.000), avant d'être soumises au vote des internautes. Néanmoins, le service comporte lui aussi un volet "citizen journalism" : les membres inscrits ont la possibilité de soumettre leurs articles.
Wikio, qui se veut exhaustif, manque encore un peu de précision sur les news spécialisées mais il est le premier en France à combiner les articles des médias traditionnels (façon Google News) et les posts des blogs (façon Digg).
Quoi qu'il en soit, il faut s'attendre à voir se développer à l'avenir ce nouveau type de média interactif. Pas impossible non plus que les journaux s'y mettent. Ou s'en inspirent...

- Site de Wikio : ici. Lire également sur le sujet l'analyse publiée sur "Le web 2.0 en action" (ici), Techcrunch (ici) et celle de Pierre Chappaz (ici).
- Site beta de Netscape : ici. Lire également les posts de Publishing 2.0 sur Netscape (ici) et de jouranlism.co.uk (ici)

dimanche 18 juin 2006

Les lecteurs de presse sur Internet consomment plus

C'est ce que constate une enquête publiée par la Newspaper Association of America : les personnes lisant fréquement la presse en ligne sur Internet font plus d'achats sur le Net que le reste des internautes américains.
82% d'entre eux achètent en ligne, contre 55% des lecteurs occasionnels de la presse en ligne.
Ces lecteurs assidus sont en général plus jeunes que les occasionnels, restent plus longtemps connectés (19h par semaine contre 9h pour les non lecteurs) et gagnent mieux leur vie. 40% d'entre eux ont entre 18 et 34 ans.
L'étude a été menée auprès de plus de 11.000 lecteurs de 10 grands titres de la presse quotidienne locale américaine.
Elle montre que pour 54% d'entre eux, lire les news locales sur Internet est devenu une habitude quotidienne.
Toujours selon cette enquête, (“Power Users 2006: An Engaged Audience for Advertising and News,” réalisée par MORI research), 76% de ces lecteurs fidèles cherchent des produits à vendre en ligne. Et 78% consultent Internet pour trouver les heures d'ouverture et les adresses des magasins.
Je n 'y vois que des bonnes nouvelles pour la presse locale. Ses (futurs) lecteurs en ligne seront des clients en or pour les annonceurs : ils consomment plus sur Internet, ils restent plus longtemps en ligne et cherchent des infos pour consommer.

(Source : NAA et Reuters )

Le "Sun" lance son site de PA gratuites

Le quotidien populaire britannique vient de mettre en ligne un vrai site "killer". S'inspirant du principe de la Craig's List, qui a fait perdre des millions de dollars à la presse américaine (et qui vient de s'attaquer à la France), les "Sun local classifieds" sont en fait un moteur de recherche de petites annonces gratuites. Le site agrège les PA d'autres sites sous la bannière du quotidien. Le service propose ainsi plus de deux millions de PA chaque jour (animaux, emploi, immobilier, automobile etc.). Ce qui est énorme.
Lors du congrès mondial des journaux à Moscou, le chairman de "News International" (le groupe propriétaire du Sun et de The Times) avait expliqué que sa stratégie était de "protéger et d'étendre la marque de ses journaux en développant les audiences en ligne et sur mobile".
Après la décision du Times et du Guardian de faire passer le Web avant la version papier pour leurs reportages phares, voici une nouvelle audace de la presse britannique. Que font les Français ?
En un an, le "Sun" a fait progresser son audience en ligne de 52% (136 millions de pages vues au mois de mars dernier).


(Source : journalism.co.uk)

samedi 17 juin 2006

"L'avenir de la presse est dans le multimédia"

Je tombe par hasard sur une interview qui m'avait échappé dans le Challenges du 13 avril dernier (accès payant ici). Kjell Aamot, le Pdg du groupe Schibsted qui possède entre autres le quotidien gratuit "20 minutes" et le quotidien norvégien payant VG, l'un des médias les plus innovants sur Internet.

Quand on lui demande si le quotidien 20 minutes n'est finalement qu'une marche vers Internet, il confirme :

"L'avenir est dans le multimédia. Les jeunes ne lisent plus la presse. D'où l'accent sur Internet et bientôt les services par téléphone."


Sa vision du journal ? Il ne meurt pas avec la baisse des ventes. Il est un média multi-supports avec un taux de pénétration maximum :

"Aujourd'hui 48% des Norvégiens lisent VG chaque jour, sur papier, sur Internet ou sur téléphone mobile."
Joli score pour un groupe qui a aussi mis l'accent sur la technologie.
"Nous voulons devenir un acteur majeur d'Internet. Etre en concurrence avec Yahoo! et Google par exemple."
Schibsted a donc racheté et mis en ligne un panel important de services Web, dont un moteur de recherche. Et a remporté le gros lot :

"En 2001, le groupe perdait 28 millions d'euros sur le Net. Aujourd'hui, le "online" représente 38% de notre profit. En Norvège, par exemple, une bannière de publicité pour 24 heures se paie 8000 euros, le même prix qu'une page de pub dans la version papier".
Voilà qui devrait faire réfléchir les patrons de presse français encore frileux.
VG revend d'ailleurs aux autres journaux ses outils de blog et de journalisme citoyen. La Scandinavie est un excellent terrain d'expérimentation. Le taux d'équipement Internet et mobile est l'un des plus élevés d'Europe, et les dépenses en ligne y sont quatre fois plus importantes qu'en France.

mercredi 14 juin 2006

Pierre Chappaz : les médias sont-ils obsolètes ?

J'étais hier à Paris où j'étais allé, entre autres, écouter Pierre Chappaz, ex fondateur de Kelkoo, parler de l'avenir des médias dans l'univers anarchique du Web 2.0. Qu'est-ce que le Web 2.0 ? C'est le consommateur, le télespectateur ou le lecteur qui prend le pouvoir.
Pierre Chappaz est venu présenter son nouveau jouet, "Wikio", le moteur de recherche d'infos, dont la sortie officielle est annoncée pour lundi prochain. Wikio propose une approche destructurée de l'info, en abolissant toute hiérarchisation par les journalistes (ce sont les internautes qui votent pour les sujets les plus pertinents), et en mêlant les actus provenant des médias traditionnels et celles des blogs. Pour l'avoir vu fonctionner, le système a été suffisamment bien pensé pour éviter le désordre façon "digg.com". Au contraire, Wikio apporte un vrai "plus" aux internautes, en élargissant leur horizon d'informations et d'expertise. "Les blogueurs ne sont pas journalistes, mais ils peuvent apporter une vraie expertise sur certains sujets qu'ils connaissent, et il serait dommage de s'en priver", commente Chappaz, qui a équilibré son moteur de recherche par tout un système de pondérations et de sources pré-sélectionnées (dont 10.000 blogs). Après son lancement en France, Wikio s'attaquera cet été au marché britannique, allemand, italien et espagnol. Puis à celui, déjà très concurrentiel, des Etats-Unis.
Pierre Chappaz est aussi venu parler de son protégé Netvibes, l'une des plus belles progressions de l'histoire de l'Internet, en terme d'utilisateurs. Et les deux projets, s'ils sont très différents, suivent la même voie. Netvibes est un bureau virtuel sur Internet, une sorte de page d'accueil qui vous permet d'installer tout ce dont vous avez besoin : infos nationales, locales, météo, photos de vos amis. C'est un super lecteur RSS, doublé d'une application multitâches, personnalisable à l'infini.
Et si vous supperposez les deux outils, vous comprenez que le futur se situe quelque part par là. Car si vous y regardez de plus près, vous vous dites : mais où est-ce qu'ils mettent les médias, dans tout ça ? Où plutôt : quelle place allons-nous, lecteurs, laisser aux médias, si nous pouvons nous fabriquer notre propre média ?
Eh bien, suggère Pierre Chappaz, les médias vont disparaître sous leur forme actuelle. "Le média 2.0 ne sera plus un diffuseur de contenu" (ce sont les agrégateurs comme Netvibes et les moteurs de recherche qui joueront ce rôle). "Le média sera un producteur de contenus, une marque".
"Le média, c'est vous", c'est d'ailleurs le slogan de Wikio.

Avec le web 2.0, "les médias sont confrontés à une nouvelle distribution des contenus", explique Pierre Chappaz. "Le média n'est plus tout seul, il est au milieu d'un océan. Mais il peut mettre des crochets sur le chemin de navigation de l'internaute" Les crochets étant les flux RSS, les podcasts et le référencement auprès des moteurs de recherche, qui permettent à l'internaute, depuis son Ipod, sa page d'accueil Netvibes ou depuis son bureau Vista, d'accèder à son information sans passer par la homepage des médias traditionnels.

Puisque la distribution leur échappe, l'avenir est aux médias qui ne se contenteront pas de fournir du contenu, mais qui sauront se rendre utiles :
- en aidant l'internaute à naviguer dans cet océan d'infos, c'est à dire en lui proposant de nouveaux outils. Et je fais confiance à l'imagination légendaire des patrons de rédaction pour s'investir dans ce challenge.
- en s'occupant de leurs communautés, s'ils en ont une, en investissant dans le "social networking".
Avec son projet "Buzz", TF1 est d'ailleurs en train de préparer une petite révolution dans ce domaine...

Les blogueurs locaux veulent défendre leurs droits

Et ils ont désormais leur blog : WebCitoyen.com. "Pour la défense de la libre expression citoyenne sur le Web". A visiter, donc. On y débat beaucoup de la frontière souvent floue entre journalistes et certaines catégories de blogueurs (notamment locaux) qui, par la force des choses, par la passion, par l'envie d'informer, en viennent à approcher le métier de journaliste.
Tous les blogueurs ne sont pas journalistes, tous n'en n'ont pas envie, mais le blog est définitivement un média. Et comme la radio locale en son temps, il fera naître une nouvelle génération de journalistes.
En attendant, les blogueurs "citoyens" galèrent. Et certains impatients pensent déjà à la carte de presse au lieu de continuer à bousculer le métier... ils le font pourtant très bien.
Si j'ai un conseil à donner aux rédactions locales qui envisagent de se développer sur le Net : repérez ces pionniers du Web local. Ils ont défriché le terrain, ont dû se débrouiller avec des bouts de ficelle, ils font face aux intimidations des élus (ils ne sont pas les seuls !), et ils adorent la locale, leur ville, et la conversation. Surtout, ils sont entièrement multimédia et ils sont nés avec l'Internet. Les quotidiens régionaux auront sans doute besoin de quelques uns de ces blogueurs là pour dynamiser les rédactions du futur.

"Demain tous journalistes" sélectionné par "Stratégies"


Voilà qui fait toujours plaisir. "Demain tous journalistes" a été sélectionné par le magazine Stratégies dans sa rubrique "Les favoris de Stratégies". A lire ici.

Priorité au web : la contamination ?

Après le Guardian (lire ici et ici) la semaine dernière, c'est le quotidien The Times qui vient de prendre la décision de pousser ses lecteurs sur le web. Le rédacteur en chef du "Times Online", Peter Bale, a annoncé qu'il allait demander à ses correspondants à l'étranger d'écrire leurs articles "en direct" de sorte à les publier sur Internet sans attendre la publication papier.
La décision est à la fois logique et révolutionnaire. Révolutionnaire dans le sens où elle marque, pour la première fois pour des quotidiens de façon aussi forte, la volonté de privilégier l'Internet à la version papier. Ce qui n'est pas rien. Même si les coûts de production sont énormes, les revenus des journaux proviennent toujours essentiellement des ventes des éditions papier. Et que si un quotidien peut fournir du contenu web à volonté (au contraire des enterprises pure Web), c'est parce qu'il bénéficie de toute la "news organization" du journal (notamment les correspondants à l'étranger). Une machine qui ne pourrait jamais tourner sans les revenus de l'édition papier.
Mais la décision est logique : le business model du quotidien payant est mort, alors que le Net est en pleine expansion. Il est donc normal que le Guardian et The Times agissent en cohérence : l'Internet est les coeur de toutes les stratégies développement des journaux, dans le monde entier. Puisque l'on considère qu'Internet c'est l'avenir, pourquoi ne pas le favoriser ?
Reste à savoir si ces deux quotidiens ne risquent pas de tuer l'ancienne poule aux oeufs d'or avant que la nouvelle ne soit en âge de donner de bons oeufs. L'avenir le dira. Mais il sourit généralement aux audacieux... Le Times Onlines annonçait la semaine dernière une explosion de son audience : 8 millions de visiteurs contre 1,5 million il y a à peine 18 mois. On comprend mieux leur audace...

(Source : Journalism.co.uk et Editors Weblog)

lundi 12 juin 2006

Bluffton Today : l’avenir est à l’hyperlocal

« En 2040, les gens ne liront plus les journaux. Ce n’est pas une question de papier ou d’encre, mais de contenu. Passer le contenu du journal sur le Web ne règlera rien».

Steve Yelvington, journaliste et désormais spécialiste en stratégie Internet, à l'initiative du Bluffton Today, a connu cette apocalypse avant l’heure. Etouffé par un climat hyperconcurrentiel, le « Savannah Morning News » en Caroline du Sud (USA) a perdu ses lecteurs. Le journal a fermé ses portes. Il a fallu tout reconstruire.
Et comme juste à côté, la petite commune de Bluffton était en pleine explosion, « nous avons décidé de bâtir un nouveau journal, gratuit, et un nouveau site Internet. »

La suite confirme une règle dont on entend de plus en plus parler ces derniers temps : l’Internet hyperlocal a de l’avenir. Mieux : plus la communauté est petite, plus les internautes accrochent (lire à ce propos, ici, la success story d'un média hyperlocal, "The Lawrence Journal World").

Ce qui est intéressant dans l’expérience du Bluffton Today, c’est qu’ils ont joué à fond la communauté et le lien social. Et que le site Internet a été utilisé au départ pour faciliter le lancement du journal.
Avec 16.000 exemplaires distribués aujourd’hui, « nous avons saturé toutes nos cibles géographiques. »
Le quotidien est gratuit et hyperlocal. Rien à voir avec nos gratuits français. « Il met l’accent sur la vie locale, sur les passions et les intérêts de la communauté ». L’info nationale est présente, mais en format condensé.

Parallèlement, le site internet (ici) organise la conversation. Ce site, hyperlocal lui aussi, propose bien sûr des news, des agendas et une foule infos utiles à la communauté. Mais il se veut surtout le reflet de cette communauté en faisant participer les internautes au contenu : « Nous ne demandons pas à la communauté de faire l’information, mais de converser, de réagir et d’envoyer ses photos. Sur les événements locaux, nous demandons aux internautes de photographier les gens présents, pas l’événement lui-même».
Résultat : le site Internet se remplit des visages colorés des habitants de Bluffton. « The face of real life », commente Steve Yelvington.

Néanmoins, la participation ne s’arrête pas à cette locale-miroir : le site propose aux internautes de créer leurs propres blogs, qui peuvent ensuite être repris sur le journal. « La conversation alimente l’info » et vice-versa.
« Avant, nous étions les gardiens de l’information et de la vérité.
Aujourd’hui, nous devons être là pour animer, guider, et savoir quand il faut se mettre en retrait »

Steve Yelvington n'aime pas le terme de citizen journalist. Il préfère parler de citoyens et journalistes s'aidant mutuellement.
18 journalistes travaillent au Bluffton Today (les rédactions print et web sont intégrées). 4000 membres sont enregistrés sur le site, et 630 sont des « actives conversation starters ». Chaque sujet attire sept commentaires en moyenne. 280 photographes parmi les citoyens ont posté des photos. 90% des ménages disent lire occasionnellement ou régulièrement le journal.
L’expérience est donc un succès. « La prochaine étape ? Reproduire l’opération sur Savannah»….

Le modèle économique est encore balbutiant, mais c'est dans l'addition des des marchés locaux sur la région que : le site ne rapporte pas d’argent. Mais le journal gratuit, oui. « C’est un modèle très prometteur », me confiait Steve Yelvington la semaine dernière, à l’issue de sa présentation lors du World Editors Forum au Congrès mondial des journaux de Moscou, sans avancer de chiffres. « Il y a de l’espoir pour l’augmentation du lectorat sur les supports écrits ».

samedi 10 juin 2006

Presse sur le Net : contenu ou technologie ?

Histoire de prolonger la conversation, je rebondis sur le commentaire de Jeff Mignon sur son blog (ici), à propos de l'un de mes posts , "17 clefs pour l'avenir" (ici). J'écrivais, entre autres : "il faut se concentrer sur le contenu, pas sur la technologie." Voici son point de vue :
"La qualité et la variété (pour toucher des cibles différentes) du contenu et DES SUPPORTS seront déterminantes dans la bataille du net. Mais la maîtrise et le développement de la technologie le seront sans aucun doute autant. Comme hier, les entreprises médias ont inventé bien des technologies accompagnant et permettant le développement de la télévision, elles doivent à présent inventer celle du net. Et n'oublions pas qu'aujourd'hui, les rois du net sont aussi les rois de la technologie… pas du contenu. Surtout quand une partie de ce contenu -- l'information -- est en train de devenir une commodité. Je me trompe ?"
Sur l'information devenue une "commodité", je serais, disons, plus nuancé que Jeff. L'information, le contenu, c'est le nouveau pétrole du Net. Il est vrai que les "rois du Net" sont ceux qui ont bâti les technologies autour de ce contenu, mais sans ce contenu, il n'y aurait pas non plus de technologie gagnante. Et quand je vois l'avidité avec laquelle les managers des portails Internet regardent aujourd'hui nos contenus, je me dis que nous avons un trésor que nous ne savons pas exploiter (mais eux, ils savent!).

Les journaux doivent-ils devenir une part de l'industrie du Web ? Nous sommes au début d'une nouvelle ère, il y a encore toute une génération d'outils d'information et d'Internet social à inventer. Et il faut que les médias (et en particulier la presse écrite locale, qui dispose d'une vraie communauté) participent à ce développement. Cela pourra se faire en intégrant des développeurs, ou en travaillant en partenariat avec les start-up du Web 2.0, ou encore en les rachetant... à condition d'être prudent et cohérent. Ce n'est pas "contenu ou technologie", c'est la réfllexion sur le contenu qui doit guider la technologie.
Mais il n'est pas indispensable que tout le monde devienne Google.

Les médias doivent-ils devenir les "rois du Net" ? Je pense qu'ils doivent être d'abord utiles (et donc indispensables) à leur communauté, ce qui peut impliquer l'innovation technologique. Mais il faut éviter de s'éparpiller en courant derrière tout ce qui brille et s'appelle Web 2.0. Il est parfois utile de se recentrer sur son métier.
Certes, les médias doivent encore réfléchir à ce que sera leur métier dans ce nouvel univers... pas simple. Les contenus s'éparpillent, les portails aussi, les flux RSS font la loi.

Le débat est donc ouvert. Grand ouvert. Qui peut prévoir l'avenir ? Le patron du Guardian -qui est loin d'être un amateur- a peut-être raison quand il annonce qu'il veut s'attaquer au marché des moteurs de recherche (lire ici). Donc de la technologie.
Peut-être que ce qui importe, finalement, c'est surtout l'audace. Et une pincée d'intuition...

vendredi 9 juin 2006

Guardian : priorité au Web

Le quotidien britannique "The Guardian", très en avance sur Internet, vient de lancer une nouvelle politique éditoriale : les articles clefs des journalistes économiques et des correspondants à l'étranger seront publiés d'abord sur le Web avant d'être disponibles sur la version papier. Une première en Grande Bretagne. Et le signe d'une radicalisation de la stratégie de développement du Guardian (qui a sorti la nouvelle formule de sa version papier en septembre dernier) centrée désormais sur Internet.
Selon le Financial Times (ici), les dépenses publicitaires 2006 sur le Net en Grande-Bretagne devraient être plus importantes que dans la presse quotidienne nationale.

(Source : Journalism.co.uk et Media Café)

jeudi 8 juin 2006

Moscow 2006: 17 clefs pour l'avenir

Juste avant de reprendre l'avion, quelques idées force en vrac, retenues tout au long du Congrès mondial des journaux et du World Editors forum qui viennent de s'achever à Moscou. Faites votre marché...

1- La tendance générale : il y a unanimité pour faire d'Internet le coeur de la stratégie de développement des journaux. Très en vogue également : la prise en compte du citizen journalism (participation des lecteurs à la production de l'information) et l'intégration des rédactions Web et "papier" dans un seul staff multi-média.
2- Pas d'idéologie, il faut garder l'esprit "pratique" façon Google : ne pas raisonner "Internet", "papier", "payant" ou "gratuit", mais aller chercher le lecteur là où il se trouve et lui apporter ce dont il a besoin, ce qui nécessitera sans doute de combiner gratuit, payant, web et print en fonction de l'usage.
3- Il faut être là quand le lecteur a besoin de nous. Et "être omniprésent tout au long du cycle de consommation du lecteur" (notamment en ligne).
4- Internet peut aider à augmenter l'audience d'un journal écrit s'il cible le bon lectorat (plutôt jeune et local) et s'il est capable d'organiser la conversation.
5- L'avenir est aux producteurs de contenu et aux portails internet agrégeant plusieurs producteurs de contenu. Les journaux doivent s'occuper de leur communauté.
6- Les quotidiens payants doivent se lancer dans les gratuits. Mais en ciblant clairement leur lectorat et en évitant de faire un "journal au rabais".
7- Une solution : un quotidien hyperlocal gratuit à lancer sur une commune de taille moyenne et associé à un site internet centré autour de la communauté. C'est aux quotidiens régionaux d'organiser cette production parce qu'ils sont les seuls à pouvoir les financer, les coûts étant marginaux pour eux.
8- Les petites annonces sont le coeur du modèle économique des journaux : il faut donc investir un maximum sur la stratégie dans ce domaine, et placer les meilleurs éléments à ces postes clefs. Ceux qui l'ont fait ont augmenté leur chiffre d'affaires, même sur le print.
9- "Le "print" a de l'avenir. Non seulement les journaux ne sont pas morts, mais ils peuvent encore renforcer leur diffusion. Une solution : augmenter l'audience et la portée de la marque en investissant sur les marchés segmentés, c'est à dire en allant chercher de nouvelles cibles de lectorat, comme par exemple les adolescents ou les minorités culturelles et leur proposer des publications (print et/ou web) spécifiques.
10- "Nous avons en plus une seconde chance avec Internet ! Le marché local en ligne est libre, la presse quotidienne peut s'en emparer." (Eugen Russ, patron du quotidien autrichien "Vorarlberger Nachrichten")
11- Il ne faut pas avoir peur de se réinventer, d'expérimenter sans cesse et essayer de savoir régulièrement ce que veulent les lecteurs.
12- Il faut se concentrer sur le contenu, pas la technologie.
13- Web/ Print : il y a peut-être aussi des solutions intermédiaires, comme une lecture adaptée sur le papier électronique. Peut-être. L'essentiel, encore une fois, est de faire tomber ce type de barrières pour répondre aux besoins réels des lecteurs.
14- Pas seulement augmenter la diffusion papier, mais augmenter l'audience globale. Cela peut passer par la création d'un journal gratuit, ou par celle de médias papier ou online spécifiques aux communautés culturelles.
15- Il y a bien deux cultures différentes, celle du papier (unidirectionnelle) et celle du Net (bidirectionnelle). Il faut embrasser la culture du Net et éviter le copier-coller. Il ne s'agit donc pas de vendre le journal en ligne. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir de couche payante.
16- Il faut aider le lecteur : sur le Net, il faut raisonner comme un portail plutôt que comme un diffuseur unique de contenu. Il faut donc offrir un maximum d'informations au lecteur, en multipliant par exemple les liens vers des articles d'autres médias à la fin de chaque news (Esten Saether, du quotidien norvégien Dagbladet).
17- Il ne faut pas raisonner en terme de "revenus", mais en "marge". Le CA du pionner de l'Internet Yahoo est 43% moins important que celui de Gannett l'un des groupes de presse les plus rentables, mais le pionnier de l'Internet gagne beaucoup plus d'argent (1,9 milliards de dollars contre 1,2 milliards) ! Sa marge bénéficiaire est de 36% contre 16% pour Gannett (Innovation-mediaconsulting).

mercredi 7 juin 2006

Moscow 2006 : les journaux, ces nouveaux médias

Je trouve enfin un peu de temps libre pour rédiger un premier post sur les passionnants débats qui animent le 59e congrès mondial des journaux et du 13e World Editors Forum de Moscou depuis lundi matin (le temps que durera la batterie de mon portable...).

Durant ces trois jours, le rendez-vous annuel de l’Association mondiale des journaux s’est fait le miroir fidèle, mais optimiste, des affres de questionnement dans lesquels sont plongés les patrons de presse aujourd’hui. Même si les situations dans chaque pays sont très différentes (différents niveaux de modèles technologiques et démocratiques), le monde de la presse montre le visage d’une industrie plongée dans la crise la plus violente de son histoire. La crise est sans précédent, mais elle sourit aux audacieux. Et les audacieux, dans ce domaine, sont plutôt britanniques, américains, espagnols, autrichiens ou scandinaves, certainement pas français, et ils sont venus donner un peu d’espoir durant ces trois jours aux bons vieux journalistes et patrons de presse terrifiés (mais ils sont de moins en moins nombreux) de voir leur métier « disparaître ».

Le métier n’est pas en train de disparaître. Il mute. Et il mute dans le bon sens. Parce qu’il est obligé d’intégrer aujourd’hui la concurrence de médias révolutionnaires agrégateurs de contenu (comme Yahoo News ou Google News) ou participatifs (FlickR,Wikinews) et la volonté (la liberté plutôt) du consommateur de choisir ce qu’il veut, de participer, et de réclamer de la transparence.

On se rend compte de deux choses : l’avenir est aux producteurs de contenu mais pas en tant que mass media, aux portails d’agrégation d'informations, mais aussi aux « médias » qui s’occupent de leurs communautés, locales ou culturelles. Le journal généraliste dont l’essentiel de l’offre consiste à présenter de façon hériarchisée une information que l’on peut avoir par ailleurs n’a pas d’avenir : il faut trouver de nouvelles fonctions. La clef de ces fonctions c’est l’info locale et la communauté. Les journaux doivent s’occuper de leur communauté. On se rend compte que les mieux placés pour prospérer sur ce marché encore vierge, ce sont les quotidiens régionaux. Les nationaux auront plus de mal.

Il est donc inutile de s’inquiéter inutilement. La seule inquiétude que l’on peut avoir, ce n’est pas sur le potentiel extraordinaire des quotidiens dans ce nouveau monde, mais sur leur capacité à se réformer. Cette révolution dont on parle a d’ailleurs déjà atteint un stade avancé dans certaines rédactions « traditionnelles » comme à la BBC, au Washington Post, à El Correro ou encore chez le lauréat du « Newspaper of the Year 2006», le quotidien régional autrichien « Vorarlberger Nachrichten », honoré ce matin lors du congrès mondial des journaux.

Les exemples sont de plus en plus nombreux, si bien que l’on peut déjà constater les « dégâts » cette mutation: et il y a de quoi être enthousiaste. Je sors de ce congrès avec une énergie incroyable. Ce qui est en train de se passer dans ces rédactions est passionnant. Ces « vieux » médias innovants n’ont pas perdu leur « âme », je veux dire par là qu’ils continuent d’essayer d’informer leurs lecteurs avec méthode, à trier, à comparer et à mettre en perspective. Sauf qu’ils ont désormais mis à la disposition des lecteurs une batterie impressionnante d’outils de reportage, de témoignage, de participation et de conversation.
En permettant aux gens de participer à l’info, « nous avons élargi nos sources et rajouté des couleurs à notre palette d’infos», résume Steve Herrman, redacteur en chef de la BBC News Interactive (sans doute l’un des médias les plus novateurs dans ce domaine), projetant sur l’écran un patchwork bouleversant de contributions des internautes. Cette projection, à elle seule, a démontré que loin d’être une porte ouverte sur la médiocrité, le « tous journalistes », lorsqu’il est intelligemment animé et filtré, apporte surtout un sursaut qualitatif.

Ces audacieux, comme je les appelle, ont également gagné la confiance des internautes en jouant le dialogue et la transparence. Mais pas seulement. Les nouveaux outils dont ils se sont dotés (blogs, vidéo, hypertexte, conversation…) ont aussi rendu leurs propres rédactions particulièrement créatives (à noter que la tendance est l’intégration des rédactions web et print) : le journaliste écrit quand l’info mérite d’être écrite, et filme lorsque l’image parle d’elle-même, il peut également filmer les coulisses de l’info, il peut expliquer le processus de l’info ou ce qu’un journaliste ressent face à l’événement. Mais il peut aussi renvoyer vers d’autres témoignages, ou modifier son point de vue après les commentaires des internautes qui, bien souvent, sont aussi des spécialistes. Il peut également désormais connaître avec précision ce qui intéresse et ce qui n’intéresse pas le lecteur.

C’est ce nouveau « multi-média » que les différents intervenants on tenté de dessiner, lors de ce rendez-vous, un « média » au carrefour de la convergence (des pratiques rédactionnelles) et de la fragmentation (des infos), qui est aussi une formidable opportunité pour les journaux de reprendre la position centrale que leur avait "volé" la télévision il y a quelques années.
Mais il faudra se réformer, se restructurer en profondeur, pour passer d’un modèole industriel lourd à des structures plus légères, adaptées à ces nouveaux modèles économiques, qui génèrent moins de revenus, mais plus de marges.

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Ce n'était qu'une longue synthèse... Je reviendrai évidemment en détail sur les différentes interventions et retours d'expériences du congrès et du forum dans les prochains jours.
En attendant, je vous invite à vous rendre sur le site de l'événement (
ici, en français) et surtout sur le blog du World Editors Forum (ici, in english).

vendredi 2 juin 2006

Je m'envole pour Moscou

Je participerai demain (et jusqu'à jeudi prochain), au World Editor Forum et au Congrès mondial des journaux, le rendez-vous annuel et internationnal des décideurs de presse.
De quoi parlent les patrons de la presse quotidienne mondiale quand ils se retrouvent ? D'Internet, de presse gratuite... et de citizen journalism. La semaine s'annonce passionnante.
J'essaierai de bloguer depuis la Russie et de rendre compte des débats.

Bolloré lance ses journaux gratuits dans des villes moyennes

On savait que Vincent Bolloré, propriétaire de la chaîne de TNT française "Direct 8", s'apprétait à lancer le 6 juin son quotidien gratuit du soir. Ce qui est nouveau, c'est la liste des 13 villes où sera diffusé "Direct Soir" : "Le premier numéro, dont on ignore encore la physionomie, sera diffusé à 500.000 exemplaires à Aix en Provence, Avignon, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Roubaix, Saint Etienne, Toulon, Tourcoing, Villeneuve d'Ascq et Villeurbanne", indique l'AFP. "Il comptera 24 pages et sera doté d'un budget annuel «de l'ordre de 10 millions d'euros»".

En s'attaquant à des villes de taille modeste comme Avignon, Aix en Provence ou Villeurbanne, "Direct 8" s'installe là où les gros comme Métro et 20 minutes n'ont pas encore osé aller. Une façon de gagner du terrain en limitant les chocs frontaux.

J'avais écrit le mois dernier (ici) que "j'étais de plus en plus convaincu que la presse quotidienne régionale devait lancer un quotidien gratuit chaque capitale de ses départements". Et donc dans des villes moyennes.
L'idée paraissait encore suicidaire il y a un ou deux ans...

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Pendant, ce temps, l'OJD publie les chiffres de diffusion de la presse française, en recul général de 2,1% en 2005. La presse quotidienne recule globalement de 1,6% (-1,95% pour les quotidiens nationaux, -1,49% pour les journaux régionaux et départementaux), rapporte l'AFP. Tandis que la presse gratuite d'information, qui représente 378 millions d'exemplaires distribués en 2005, continue de progresser (+17,26%).

L'utopie des médias de participation

A lire (ici) sur le site de Nouvelles Clés, le dossier consacré à l'émergence des médias citoyens. Dossier ouvert par Patrice Van Heersel. Mon confrère voit dans le phénomène du journalisme participatif et des blogs la réalisation d'un vieux rêve, qui présidait au lancement du quotidien Libération (aujourd'hui journal d'élite) sur la vague de mai 68 : "un journal par le peuple et dans le peuple". Et à l'arrivée des radios libres.
Patrice Van Heersel verse volontiers une larme de démagogie lorsqu'il oppose la "bonne" info citoyenne à la "mauvaise" info marchandise, distinction aussi éculée et simpliste aujourd'hui que l'était déjà la théorie de la lutte des classes à l'époque de mai 68. Mais il a surtout eu la bonne idée de reproduire l'interview de Francis Pisani, correspondant au Monde en Californie, universitaire, blogueur et spécialiste des réseaux, réalisée au mois de mars par les blogueurs de "Memoires Vives" :

"Plutôt que journalisme citoyen, j'utilise le mot « média de participation ». Je pense que nous sommes en train de passer, du « journalisme cours en Sorbonne » au « journalisme conversation » et ça change énormément de choses. (...) Si je suis si favorable au net, c’est que j’y vois d’abord un outil qui peut renforcer la capacité d’intervention des petits, des sans influence, des innombrables sans voix. Ce n’est pas la technologie en soi qui m’intéresse, mais le fait que leurs interventions deviennent plus signifiantes qu’avant." (Lire l'interview ici.)

Autre approche du sujet, celle de Jean-François Noubel (ici), qui évoque ce qu'il appelle un phénomène de "darwinisme social" :

"Derrière ces nouvelles technologies, ces wiki, ces blogs et tout ce qui est en train d’émerger, se profile tout un projet de société. Le réseau régule les espaces collectifs avec l’ensemble des possibilités et l’ensemble des interdictions. Et cet espace collectif, chacun peut se l’accaparer et le faire évoluer, puisqu’il est dans le domaine du libre. Quant à l’organisation pyramidale, contrôlée par une minorité, elle est désormais en pleine panique,tant la complexité du monde la dépasse. C’est pourquoi les grandes organisations sont si paumées… "

Il sera intéressant d'observer comment ces nouvelles pratiques, génératrices d'utopie, modèleront la dynamique industrielle de demain. A l'intérieur de l'entreprise (quelle organisation demain ?), mais aussi dans la perception de la marchandise (ou de l'info), laquelle est en train de passer de la dictature du marché à celle du consommateur. A ce propos, je vous conseille de lire l'excellent post de Hubert Guillaud sur le "crowdsourcing" (ici), où comment les entreprises font appel au "temps disponible des gens" pour résoudre leurs problèmatiques de contenu ou de recherche et développement.

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Source : Universmedias

L'émergence de l'Internet local

Le premier prix du blog citoyen a été décerné au blog hyperlocal "Greblog- Mon Grenoble", dans la catégorie "vie locale". J'en avais déjà parlé ici il y a quelques semaines. Créé par une petite équipe de passionnés, ce blog assez bien conçu, s'améliore et se "professionnalise" de jour en jour... Le phénomène des blogs citoyens me fait toujours penser à celui des radios locales au début des années 80, dans le sens où il permet l'émergence de nouveaux médias locaux. Et peut-être de nouveaux standards. Reste que la particularité d'Internet aujourd'hui est de fonctionner plus en réseau qu'en homepage. Il sera intéressant de voir comment les plus structurés de ces blogs locaux évolueront à l'avenir, s'ils se positionneront comme média de masse, comme portails communautaires (agrégateurs d'infos et de conversations) ou comme producteurs de contenu local noyés dans le réseau. Restera aussi à trouver le bon modèle économique, les niveaux d'audience étant assez faibles (ce qui restera la particularité du blog hyperlocal: toucher une petite communauté).
Allez également visiter le site du prix du blog citoyen (ici). 132 blogs hyperlocaux y sont recensés (ici), du blog politique ou associatif au blog d'info locale. J'en ai trouvé un particulièrement intéressant : le portail du réseau local du village du Pomeys (ici). Le site s'est construit autour d'un projet de réseau wifi local dans le village. Je trouve ça passionnant. Le projet exploite l'idée selon laquelle Internet peut rapprocher les gens qui habitent à proximité.
C'est exactement sur ce créneau que les médias locaux doivent construire leur action : jouer la communauté locale. L'internet local apporte une couche supplémentaire à l'Internet, qui est essentiellement perçu comme mondial et virtuel : aujourd'hui, les gens que je rencontre sur l'internet local, je peux les croiser demain dans la rue.
Il faut travailler sur cette fonction. Que peut apporter l'Internet local de plus à la communauté ? Et en tirer les conséquences en terme de produits. Internet doit d'abord être pensé comme ça : il doit permettre de résoudre les problèmes des gens. Qu'il s'agisse d'un besoin d'information, de service ou de conversation. C'est sur cette philosophie que Google a bâti son empire.

jeudi 1 juin 2006

TF1 va lancer une chaîne utilisateurs

Information confirmée mardi dernier par "e-TF1" lors de la conférence EBG. A lire sur le blog d'Emmanuel Parody (ici). Fin juin, TF1 proposera un service baptisé "Le Buzz". "Conçu avec Dailymotion, il est destiné à recevoir les productions vidéos des internautes". Un site qui préfigure le lancement à la fin de l'année d'une chaîne (apparemment sur le cable/satellite et sur les téléphones 3G) dont les programmes seront conçus avec ces mêmes vidéos. Mais associés à des programmes professionnels, apprend-on dans le quotidien Les Echos daté de mercredi.

"Si la production de podcasts par les internautes semble intéresser TF1 on ne peut pas dire que cette perspective ait déchaîné les passions (lors de la conférence)" rapporte Emmanuel Parody. "Le débat fut vertement évacué par Alain Weill (RMC, BFM-TV): "la radio faites par les auditeurs est un mythe, les gens veulent des programme de qualité"!

Mythe ou pas, ça vaut le coup d'essayer quand même. La demande est là, en tout cas. "Il y a une vraie demande pour aller vers de la télévision contributive" estime Didier Rappaport, Pdg De Daily Motion dans les Echos. "Une chaîne se servira des meilleurs contributions mais les éditorialisera". Pour répondre justement à ce problème de qualité.
On trouve également sur ce créneau la société Kewego qui vient de racheter la plateforme d'hébergement Pooxi. A noter que Yahoo vient tout juste de lancer son nouveau service de publication de vidéos, "Yahoo video".

Quoi qu'il en soit, on s'interroge toujours sur le modèle économique du podcast, conclut Emmanuel. Il est en effet impossible d'en mesurer l'audience (le nombre de téléchargements n'étant pas un indicateur sérieux). Vpod TV (un futur service d'édition et de diffusion de vidéo podcasts), proposera des publicités au début, au milieu et à la fin du clip.