jeudi 15 juillet 2010

Retrouvez moi sur mon nouveau blog



La Social NewsRoom, c'est le nom de mon nouveau blog, hébergé à l'adresse suivante : http://benoitraphael.com

.Une suite logique et une nouvelle aventure, que je raconte ici. C'est un nouveau média à la production quotidienne,  qui se veut riche en témoignages et en données pour réfléchir ensemble sur la monétisation digitale et les nouveaux modèles de l'info.

A tout de suite !

vendredi 28 mai 2010

Mes deux mois avec l'iPad

L'iPad sort aujourd'hui en France après deux mois d'exploitation aux Etats-Unis. Avec un peu moins d'engouement, apparemment. Tandis qu'outre-atlantique la tablette a dépassé en moins de deux mois le million d'exemplaires vendus.


Arrivée de l'ipad en france
envoyé par 20Minutes.

En attendant, j'entends et je lis encore depuis quelques jours les mêmes interrogations autour de la dernière création de Steve Jobs :

1) Est-il utile ou futile ?
2)Au fait ça sert à quoi, à qui ?
3) Va-t-il sauver la presse payante ?

J'ai fait partie des early adopters qui sont allés chercher l'iPad aux Etats-Unis le jour du lancement, début avril. Depuis, je vis avec cette drôle de bête au quotidien.

Dans le cadre de l'agence RevSquare, que je lance ces jours-ci avec un petit groupe d'excellents professionnels (RevSquare est un concept innovant d'agence de consulting, centrée sur la monétisation digitale) nous avons d'ailleurs monté la semaine dernière un petit événement autour de l'iPad.

Parmi nos premiers invités : le patron de RMC Sports, François Pesenti, Arnaud de Saint-Simon, Pdg de Psychologies Magazine, et Frédéric Siterle, ancien patron du Figaro.fr et fondateur du prometteur MySkreen.com, dont la nouvelle formule vient de sortir ce matin.


L'occasion pour nous de revenir sur les mirages et les vraies opportunités de cet outil clivant.

Voici donc quelques réflexions après deux mois d'utilisation intensive.

1- Ce n'est pas un ordinateur. Ce n'est pas un téléphone.
Inutile de le comparer à votre MacBook ou votre iPhone.

L'iPad, c'est effectivement un nouvel outil dans la chaîne ordinateur/ smartphone. Il ne remplace donc pas un ordinateur, encore moins un téléphone même s'il s'apparente à un gros iPhone. Il se place entre les deux.

En fait, si je devais aujourd'hui acheter un ordinateur, je laisserai sans doute mon MacBookPro pour acheter un iMac de bureau que je laisserai chez moi. Et je me déplacerai avec mon iPad. 

En fait, l'important pour moi serait d'avoir accès à tous mes dossiers depuis n'importe quel ordinateur ou tablette et qu'ils se synchronisent instantanément. C'est le stade ultime du cloud computing (l'accès aux logiciels et aux documents via Internet sans passer par votre disque dur), qui en est encore à ses balbutiements. 
Et l'iPad est construit pour le cloud computing.



2- L'iPad, comme les prochaines tablettes des concurrents d'Apple, est donc surtout le chainon manquant dans la panoplie d'outils qui marquera l'ère de la continuité des écrans. 
L'important, demain, ce ne sera pas d'avoir une tablette, un ordinateur ou un iPhone, mais de pouvoir être connecté en permanence avec ses données et de pouvoir interagir avec elles. 
L'iPad est une interface mobile. Pas un ordinateur.

3- Personnellement, comme la plupart des early adopters avec qui j'en ai discuté, je ne me sépare presque jamais de mon iPad. 

Je pourrais m'en passer, mais il a changé mes usages dans bien des domaines.

- Il est très léger, plus léger qu'un Mac Air, et plus petit. Je peux le tenir à la main comme un carnet de notes. J'ai accès à Internet depuis n'importe où, en 3G (via mon téléphone) ou en Wifi.

- Lors de mes rendez-vous, je peux faire une présentation powerpoint à mon interlocuteur en un clic. C'est beaucoup plus agréable et spontané que de le faire avec un laptop.

- Je l'utilise essentiellement pour : consulter et envoyer mes e-mails, lire mes flux RSS via une application qui se connecte sur mon Google Reader, surfer sur le Web, prendre des notes ou rédiger des textes, regarder des vidéos.

- Je ne prends mon laptop que lorsque j'ai besoin de faire des opérations complexes : faire un powerpoint, un tableau excel, écrire un texte sur lequel j'ai besoin de faire beaucoup d'éditing, travailler sur plusieurs documents (l'iPad n'est pas encore multitaches).

- J'utilise également mon laptop pour écrire sur mon blog parce que le navigateur Safari de l'iPad est incompatible avec Blogger, ma plateforme de blogs. De plus, gérer les photos (je ne peux pas uploader de photos sur Blogger depuis l'iPad), les liens, avec Safari n'est pas idéal.


4- L'iPad n'est pas vraiment un livre numérique. En tout cas, ce n'est pas un lecteur passif destiné à la consultation numérique de contenus papier. Dans ce sens, ce n'est pas un clone du Kindle d'Amazon (le lecteur de livres numérique dominant sur le marché). Pour plusieurs raisons.

L'écran est merveilleux pour regarder des photos ou des vidéos. La qualité est excellente. Surprenante, même. Il est également vraiment adapté à la lecture  des bandes dessinées.

Par contre:
- il est rétro-éclairé (ce qui n'est pas le cas du Kindle). Les yeux fatiguent donc très vite. Je peux lire un article sur le Net, mais pour un livre, je suis obligé de reposer mes yeux au bout de quelques minutes.
- en plein soleil ou à la lumière, il y a énormément de reflets (et de traces de doigts!), ce qui perturbe la lecture. Impossible de lire plus de 5mn au soleil.

5- Je ne l'utilise donc pas pour lire des journaux ou des magazines en e-paper.

Je les ai pourtant tous testés. LeMonde.fr, Les Echos.fr, Paris Match, GQ...

Transposer un magazine ou un journal sur l'iPad, comme s'il s'agissait de papier électronique est une erreur. Ce n'est pas fait pour ça. Même en implantant des mini-readers dans la feuille.

Les seules applications efficaces sont celles qui sont conçues pour l'iPad et proposent une vraie expérience d'utilisation: on joue avec les fonctions tactiles, on a accès au Net, à des infos en temps réel, à une mise en scène adaptée à l'écran, une mise en écran tactile plus qu'une mise en page.

6- Par contre, la meilleure application, c'est le navigateur Internet.
Ce qui change beaucoup de chose par rapport à l'iPhone.
La plupart des applications médias de l'iPhone se justifient parce que la navigation web n'est pas évidente. Il est plus facile de circuler sur l'appli du NYTimes que sur son site mobile.

Sur l'iPad, c'est le contraire. J'ai plus de contenus et de souplesse sur le site web du NYTimes, consulté via le navigateur de l'iPad, qu'avec l'application.

Pas simple pour les médias...


Lors de la rencontre RevSquare de la semaine dernière, le contraste était révélateur : 

RMC Sport, qui est structurée comme une agence multimédia, va lancer son appli iPad en juin prochain: "L'AppSport". Le résultat ressemble à un magazine nouvelle génération, mais complètement adapté à l'iPad, avec du contenu photo, vidéo et live. "Produire pour l'iPad ne nous coûte presque rien", car les journalistes de RMC Sport sont organisés pour produire en continu des contenus digitaux vidéo (pour BFM-TV), radio (pour RMC), et photo + texte (pour les médias en ligne du groupe). Ils produisent même des guides papier vendus en kiosque...



A l'inverse, Arnaud de Saint-Simon, qui avait organisé une journée iPad pour le Syndicat de la presse magazine, nous expliquait que produire pour l'iPad, sauf à reproduire l'imprimé sur l'écran, coûterait très cher aux magazines, "car il faudrait complètement modifier notre organisation". Une organisation tournée d'abord vers le print.


A lire sur Business Insider, une petite étude qui montre la différence d'usage entre les possesseurs d'iPad et d'iPhone. C'est plutôt encourageant. Elle positionne l'iPad davantage comme un reader et un outil de productivité.



 7- Mes applications favorites


- Evernote : le parfait exemple de la continuité des écrans. Je prends des notes sur mon iPhone, mon iPad, ou mon ordinateur. Je les retrouve instantanément sur tous les écrans.

- Wired: encore imparfait et un peu trop CD-Rom. Mais il y a eu un vrai effort de réalisé pour faire de l'appli du célèbre magazine américain une expérience digitale originale sur écran tactile.

- La suite bureautique d'Apple : un traitement de texte (Pages), un tableur (Numbers) et un powerpoint-like (Keynote).

- FeeG+: Un lecteur de flux RSS qui se branche sur Google Reader et propose une vraie appli média d'agrégation. Inutile de télécharger les applications de vos médias favoris, tous leurs contenus peuvent être réunis dans ce programme!

- Twitterrific: Pour l'instant, un des meilleurs clients twitter sur iPad.

- BFM-TV: une vrai télé de poche et des reportages à la demande. Avec un bon système de partage.

- Adobe Ideas: un outil intuitif pour faire des croquis.

8- Celles que j'aime le moins : 

- LeMonde.fr et Les Echos: ce sont de simples Pdf adaptés à l'iPad.

- Le Figaro. L'appli est incompréhensible: une sorte de cube que l'on manipule sans que l'on saisisse vraiment pourquoi. Tous les contenus sont payants. Alors qu'ils sont gratuits via le site Internet, accessible depuis le navigateur iPad !

(A lire également : le témoignage et l'analyse de Mémoires Vives sur l'iPad.)

mardi 27 avril 2010

Twikio et Twitter: la fin du ranking à la Google ?


Invité par l'ami Pierre Chappaz, j'ai assisté hier soir à la présentation de Twikio, la dernière innovation des labs de Wikio.
Twikio, qui signifie Twitter+Wikio, est un nouvel algorithme qui permettra au célèbre agrégateur de médias de classer les contenus des blogs non plus seulement en fonction des backlinks (c'est à dire les liens pointant vers le contenus) mais aussi en fonction des citations sur Twitter.

Le passage du système des backlinks à celui de Twitter n'est pas anodin. L'exploitation des liens pour calculer la pertinence des contenus est la base du système du PageRank de Google.
Développé en 1998 par Larry Page et Sergei Brin (à l'époque beaucoup moins célèbres et riches qu'aujourd'hui...), le PageRank a marqué le début d'une nouvelle ère. Celle du "web 1", si vous voulez, qui permettait aux utilisateurs de trouver des informations pertinentes non plus en fonction de la hiérarchisation des annuaires ou des journalistes, mais du nombre de reprises par les sites Internet ou les blogueurs. C'est à dire en fonction du nombre de liens hypertextes (backlinks) pointant vers tel ou tel contenu.
Si les gens en parlent, c'est que ça doit être intéressant... Une vraie révolution à l'époque, qui a entrainé la fameuse fragmentation de l'information. A l'origine de la chute d'un certain modèle de presse.

Jean Véronis, le responsable de Wikio Labs, est à l'origine du fameux classement Wikio des blogs. Le chercheur, basé à Aix-en-Provence, a passé ces dernières années à analyser les liens hypertextes des blogs pour en tirer des tendances et des "buzz".

Son constat aujourd'hui est qu'il y a de moins en moins de liens.

Mais surtout que ce système de "ranking" basé sur les liens est de moins en moins efficace pour évaluer la pertinence des contenus. Pourquoi ? Parce que nous sommes passés d'un web sédimenté à un web en temps réel.

En 10 ans, on est passé de la recommandation des moteurs de recherche (le PageRank de Google) à celle des médias sociaux comme Twitter et Facebook.

Certes, après un bref passage dans la "bulle" du Web 2.0, où l'on a pensé ce serait le vote des utilisateurs (le système Digg) qui permettrait de hiérarchiser les contenus.

Avec Twitter et Facebook, nous sommes véritablement entrés dans une nouvelle ère: celle de l'Internet des réseaux. Ce fameux web+mobile en temps réel que Google a tant de mal à prendre en compte.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le géant américain multiplierait les contacts techniques avec Twitter, explique Jean Véronis. Pas seulement pour afficher de vagues tweets dans les moteurs de recherche, ce qui n'a que peu d'intérêt, mais pour prendre en compte la recommandation des contenus en temps réel dans leur pagerank.
Pas simple.
Une vraie révolution, que l'on mesure mal. Sans doute "la plus importante depuis l'apparition du web", ose le patron de Wikio Labs.
Un changement de paradigme qui fait dire aux observateurs que Facebook est en train de devenir le nouveau Google. Que, désormais, nous aurons autant besoin de SMO (Social Media Optimization) que de SEO (Search Engine Optimization) pour donner du poids à nos contenus. Notamment depuis que Facebook est passé devant Google News pour l'apport de trafic dans les sites d'infos.

Nous sommes en train de passer du référencement par sédimentation à la recommandation en temps réel.

Essentiel pour les sites d'info.

La fin du lien hyper-texte ? Peut-être pas encore. Mais l'architecture dans laquelle il s'inscrit, et qu'il a lui même contribué à créer, est complètement bouleversée. Jean Véronis se souvient du vertige qui l'avait saisi lorsque, à la fin des années 80, il avait cliqué sur son premier lien hypertexte. Imaginant encore mal la révolution que cette "simple" fonctionnalité allait entraîner. On entrait alors dans la troisième dimension de l'information. Les médias sociaux en ouvrent une nouvelle, tout aussi imprévisible.
Le lancement d'OpenGraph par Facebook la semaine dernière en est l'exemple le plus fascinant. Et effrayant...

Twikio s'appuie sur cette tendance pour proposer les contenus qui buzzent en temps réel, en combinant l'ancien système de réputation à la recommandation sur Twitter, matérialisée par le nombre de "re-tweets".  C'est à dire le nombre de fois où un contenu a été repris sur Twitter. Le résultat est ensuite comparé aux nombre de liens pointant vers ce contenu sur les blogs pour créer un nouveau ranking mixte.



Le service est encore en béta privée, il ne sera en ligne qu'en juin prochain mais j'ai pu jeter un coup d'oeil aux résultats. Ils sont assez surprenants. Twikio permet de détecter automatiquement les buzz en temps réel, grâce à une analyse poussée de Twitter. En gros, plus un lien vers un article est "re-twitté", plus il fait monter le score. Le poids de chaque membre de Twitter est pondéré en fonction de la communauté à laquelle il appartient (certaines communautés, comme les professionnels du référencement ou les blogueurs high-tech, ont tendance à re-tweeter plus facilement que d'autres, ce qui brouille le baromètre).
Demain, Twikio devrait également prendre compte le nombre de followers de chaque émetteur (c'est à dire le nombre de personnes abonnées à son fil Twitter).

Et Facebook ? C'est à l'étude. "Mais pour l'instant, les informations sont encore trop verrouillées", constate Jean Véronis. Avec OpenGraph la donne pourrait peut-être changer..

mercredi 7 avril 2010

IPad: premières impressions d'un "early adopter"


Comme certains d'entre vous ont pu le voir sur Twitter, ou sur certaines chaînes de TV (je n'ai pas trouvé les liens vers BFM-TV, si vous avez..., merci RichardTrois pour le lien) et de radio, j'ai eu la chance de pouvoir me rendre à New York le jour du lancement du iPad, avec l'ami Geoffrey La Rocca de RMC.

Je ne vais pas m'étendre sur le déroulé des événements. De nombreux compte-rendus ont déjà été faits. Je retiens simplement l'étonnante capacité qu'ont les Américains de faire du lancement d'un produit un moment de fête.  Mais surtout le professionnalisme d'Apple. Il y avait certes moins de monde que prévu, mais l'excellente organisation a permis d'éviter les bousculades et l'attente (moins de 20mn pour être servi après l'ouverture des portes). On aime ou on n'aime pas, mais j'ai pris une belle leçon de marketing.





1) Sauveur de la presse écrite ?

Premier constat, après de nombreuses heures de prise en main: l'iPad ne va pas sauver la presse écrite.


L'idée que la sortie d'un e-book allait brutalement changer les usages, c'est à dire faire oublier aux lecteurs quinze ans de navigation libre sur le web pour revenir au format traditionnel du magazine dans le même environnement fermé que jadis, était évidemment naïve.

Elle parait encore plus saugrenue une fois que l'on a eu la tablette en main.

Certes, les premières applications presse que j'ai pu tester pourraient être améliorées.
Je passe rapidement sur celle du Monde, simple Pdf porté sur e-paper, ridicule et inutile. Celle de Paris Match est dans le même esprit: on reproduit le magazine, à l'identique, sur iPad. Time Magazine fait pire: chaque e-magazine est venu plus de 4$!

La plus réussie jusqu'ici, est l'application du Wall Street Journal. Les éditions du jour sont payantes, mais on peut consulter gratuitement une édition "live". L'expérience est plutôt agréable. L'appli reprend l'architecture d'un journal traditionnel, ce qui se marie plutôt bien avec le format de la tablette, et remplace généreusement les photos par des vidéos. Ce qui donne la drôle d'impression de se retrouver devant le Daily Prophet, le fameux journal papier de Harry Potter, dont les photos sont animées.

Seul hic: la navigation web avec Safari est très agréable et n'a rien à voir avec celle sur iPhone. Ce qui réduit l'intérêt de l'application. Pour l'instant, il est presque plus intéressant d'aller sur le site du NY Times...



...que sur son application iPad.



Pour nous ramener vers leurs applications, les médias devront donc sérieusement travailler leurs interfaces, afin d'offrir une expérience utilisateur vraiment compétitive.
Sans doute devront-ils envisager les applications comme des hors-séries, des packaging "jetables", plutôt que comme des médias tout en un. Et faire appel à des game designer (les professionnels du jeu vidéo).

A ce titre, l'application d'AP, présentée comme un album photo/vidéo, est déjà beaucoup plus ambitieuse (même si je la trouve est assez ratée, par ailleurs).



2) L'avenir des appli média est là:


Parmi la première livraison, les applications média les plus intéressantes étaient les agrégateurs.


- Newsrack, par exemple, se branche sur votre compte Google Reader pour télécharger tous vos flux RSS. L'interface, sans être révolutionnaire, est claire et agréable, avec des outils de partage et la possibilité de "sortir" pour aller sur Internet.



Je peux y lire mes blogs favoris, mais aussi les sections du NY Times et du Monde qui m'intéressent.
C'est devenu la première application que j'ouvre sur mon iPad.


- StumbleUpon: il s'agit de l'application du service du même nom, que vous connaissez peut-être déjà sur Internet. Ce méta-média s'appuie sur ce que partagent les utilisateurs pour proposer une sélection de news, de photos, de vidéos et de billets de blogs.



- Early Edition: présente vos flux RSS sous la forme d'un journal dont on tourne les pages.



On le voit bien, si l'ergonomie de l'écran nous ramène au format magazine, cela ne veut pas dire que les médias papier sont avantagés. Rien n'empêche de présenter une sélection de contenus venus de plusieurs médias en ligne et de les présenter dans une interface ergonomique à la manière d'un journal ou d'un livre.

L'iPad est finalement plus une nouvelle façon d'aborder les contenus qu'un e-book au sens où on le comprenait jusqu'ici.


3) Mais à quoi va servir l'iPad ?

L'expérience utilisateur de l'iPad est vraiment incroyable. Les actions sur l'écran tactile sont fluides, agréables, l'expérience est à la fois sensuelle et intellectuelle.
Alors, oui, on peut le voir comme un objet hybride, difficile à situer entre notre smartphone et notre ordinateur portable. On peut le voir comme une gadget de trop.
Mais on peut aussi le voir comme une nouvelle façon d'aborder l'ordinateur, les médias, et le réseau.
Comme l'explique très bien Steven Levy dans Wired, cela fait des années que les interfaces des ordinateurs n'ont pas évolué. Alors que le web a bouleversé nos usages, nous avons conservé notre vieille façon d'utiliser un ordinateur: un clavier, un écran, des logiciels, des fichiers, des prises de connection (USB, Hdmi...), des lecteurs de BlueRay, de DVD venus remplacer le lecteur de disquette...

L'iPad ne va sans doute pas assez loin, on peut penser que la vision de Google du cloud computing (logiciels directement en ligne) et du réseau devrait ringardiser l'écosystème des applications installées sur la tablette. Nous verrons. Mais l'outil nomade tactile révolutionne déjà l'antique ordinateur. C'est une première étape. Et c'est la principale innovation de l'iPad: Plus qu'un e-book ou un mini-lecteur de médias, la tablette d'Apple est un "ordinateur" nouvelle génération.



Très léger, nomade (10 heures d'autonomie!), proposant une qualité d'image fantastique, l'iPad me permet certes de télécharger et de consommer des médias (livres, films, photos, jeux...) mais surtout de produire et de partager. Je peux écrire des textes, travailler sur des tableurs ou des présentations, retoucher mes photos, faire ou d'écouter de la musique, dessiner, prendre des notes, partager mes fichiers, régler mes achats...

A ce titre, le clavier tactile est une merveille d'ergonomie. Zéro défaut!
Personnellement, je laisse désormais mon Macbook Pro chez moi et ne me déplace qu'avec mon iPad.


4) Un outil incomplet

Dans cette optique, d'ailleurs, l'iPad est loin d'être parfait. Et même assez frustrant.

- L'écran: Il est agréable, certes, mais il se comporte assez mal au soleil. Trop de reflets. Lire un livre en pleine lumière est assez fatiguant. Même dans l'obscurité, l'écran rétro-éclairé abime les yeux, contrairement au Kindle.

- La portabilité des applications iPhone: Elle est présentée comme un atout. En fait, vous vous rendre vite compte qu'elle ne présente pas beaucoup d'intérêt. Le clavier devient ridiculement petit, et la résolution est médiocre.

- Pas de multi-taches: Devoir jongler entre les appli est vite frustrant. C'est un vrai handicap.

- Pas de connection usb: Une lacune qui limite l'utilisation de l'objet comme un nouvel ordinateur portable (même si on peut le connecter à un ordinateur). Partager ses fichiers est possible (une fonction d'iTunes vous permet d'importer vos documents Word ou Excel par exemple), mais il est très compliqué de les faire naviguer entre les différentes appli. Encore un handicap qui milite pour le Cloud Computing.

- Le prix des applications : On tourne en moyenne autour de 9$ l'appli. Deux à trois fois plus cher que sur iPhone. Les livres sont assez cher aussi: premier prix à 9,9$. On trouve parfois la version papier pour moins cher!

- L'absence de webcam. Frustrant, à l'heure de Chatroulette!

- L'absence de flash: La lecture des sites Internet est sérieusement limitée. Même si de plus en plus de médias abandonnent la technologie flash pour pouvoir être lus sur iPhone et iPad.
Plus généralement, il y a encore des progrès à faire avec le navigation web. Je n'ai pas pu rédiger mon billet depuis l'iPad par exemple. L'interface de Blogger présente de vrais problèmes de compatibilité.

D'ailleurs, l'ergonomie particulière de l'iPad (tout sur un écran, absence de scrolling vertical, pas de flash, la dimension tactile) va certainement bouleverser la façon dont nous concevrons, demain, nos sites web.

D'ici là, j'attends les prochaines versions. Et les tablettes des concurrents. On verra alors si les 300.000 ventes du week-end se transformeront en ras-de-marée. Et si l'iPad est bien la première étape d'une révolution des usages.

- Pour aller plus loin: Je vous conseille la sélection de liens d'AFP Médiawatch.
- Les photos et les captures d'écran sont de moi.

mercredi 31 mars 2010

Les mirages de l'iPad


Qu'on ne s'y trompe pas : je serai l'un des premiers à faire la queue pour acheter l'iPad à 9h, samedi à New York.
Un produit créé par un homme qui est à l'origine de 4 révolutions des usages , ne peut pas être boudé. Steve Jobs est en effet le créateur du Macintosh, de l'iPod, de l'iPhone. C'est même lui qui a "fait" les studios Pixar.
Bref. Quand Steve Jobs sort un nouveau jouet, il n'est pas naïf de se dire qu'il a peut-être encore mis le doigt sur le point de rupture d'une nouvelle révolution.
Mais de quelle révolution parle-t-on?
Depuis la présentation de l'iPad lors de la dernière keynote, une sorte de frisson irrationnel parcourt la sphère des médias traditionnels: avec l'iPad, les non acheteurs de journaux et de magazines papier vont enfin se remettre à acheter nos produits.
J'ai même entendu (de mémoire): Le web, c'est fini. C'était un mauvais cauchemar. Nous allons pouvoir nous remettre au travail comme avant et vendre nos journaux. Le iPad, c'est le nouveau kiosque à journaux.

C'est tout le mal que je leur souhaite. Pas plus que vous je ne m'amuse du fameux "Papercuts" qui, faute de financement (et d'innovation) jette sur le pavé des milliers de journalistes aux US. En France, je rencontre de plus en plus de rédac-chefs papier en recherche d'emploi, de réductions d'effectifs dans les rédactions, de désarroi face à une révolution qui bouleverse les modèles sans apporter de solution économique viable.

Soit.
Je suis également impressionné par la démonstration de Sports Illustrated, ou par celle de Wired, un peu moins par celle de VIV, qui me fait penser à nos bons vieux CD Rom...

Je suis convaincu que les perspectives de micropaiement offertes par le système iTunes sur iPhone (et demain sur iPad) ouvrent une nouvelle voie pour faire payer les utilisateurs.

Je trouve également passionnant le succès (aux US) du Kindle d'Amazon: 35% des livres achetés sur Amazon sont des e-books. Ce qui est énorme. Et prouve que la digitalisation de la lecture est désormais irréversible.

On se dit que pour les journaux, l'équation serait idéale, inespérée: même si Amazon et Apple se prennent une belle commission sur les ventes, les quotidiens économiseraient le coût de la fabrication et de la distribution (soit une économie de 60 à 70%).

Sauf que...

1- Un livre n'est pas un journal. L'usage est différent. Le contenu est différent, évidemment. Mais l'usage, surtout, est différent.
Demandez vous pourquoi la vente de la version e-paper du journal Libération sur iPhone, pourtant simplifiée par le micro-paiement iTunes et une belle interface, ne marche pas. Et je ne parle pas de la future appli du Monde, sur le même modèle.

2- Il y a de plus en plus d'applications de médias. Nous passons de l'infobésité (trop d'infos) à l'appli-bésité (trop d'applications iPhone). Trop d'infos= besoin de tri. Il sera difficile de vendre un quotidien ou un magazine tout-en-un comme avant à des lecteurs habitués à picorer les contenus au fil de la journée, au fil des suggestions de leurs twitter, facebook (qui a dépassé Google News en renvoi de trafic), netvibes... Dans la Top List des applications iPhone, on voit de plus en plus d'agrégateurs d'infos qui sélectionnent les meilleurs contenus des sites et des journaux. Des sortes de Google News pour iPhone...

3- Le marketing des applications iPhone va ressembler de plus en plus à celui de l'édition des livres ou des jeux vidéos: si vous voulez vendre votre appli, vous devez la placer dans le Top10 dans les 3 première semaines. Sinon elle tombera dans les limbes de l'Appstore. Vous devrez également placer votre produit sur d'autres appli, sous forme de pub, ou d'appel contextualisé par exemple, pour essayer de tenir le plus longtemps possible. Ce phénomène va aller en s'accentuant.

4- La vraie révolution de l'iPad (et de l'iPhone), est bien celle de l'interface. Nous sommes passés de l'ère du site web, à celle du portail, puis à celle de l'info liquide. Les supports nomades tactiles signent le retour de l'interface. Une interface qui ressemble à la "vraie vie", qui nous rapproche des gestes quotidiens... Le quotidien "The Sun" ne se trompe pas quand il compare le papier à l'iPhone dans cette vidéo parodique.
Ce n'est en effet pas tant le contenu que l'on va vendre, que l'usage appliqué à ce contenu facilité par l'interface.

5- Sauf que l'iPhone et l'iPad sont des outils connectés.
Ce qui nous ramène à l'info liquide, en live, hyperdistribuée sur les médias sociaux. Mais à travers une expérience utilisateur révolutionnée par l'interface.

6- Cela veut dire que:

- Ce ne sont pas les journaux ou les magazines portés sur e-paper (avec des vidéos et une architecture CDrom) que l'on va vendre, mais des interfaces agréables et élégantes qui donneront un accès de qualité (expérience, valeur ajoutée, tri...) à une information en réseau.
- La durée de vie de ces appli va faire que ces interfaces risquent d'être "jetables", le contenu restant liquide, et qu'elles devront être en permanence packagées et repackagées, comme on le fait aujourd'hui pour des hors-séries et les verticaux.
- Il faudra penser ces interfaces tactiles connectées comme des produits en soi, qui tirent parti de ce nouvel environnement. Et pas simplement faire un portage du papier à l'iPad, ce serait reproduire l'erreur des journaux dans les premiers temps du web.
- Il faudra notamment recruter des game designers, ces professionnels de l'expérience utilisateur dans le jeu vidéo.

7 - Si la presse écrite ne fait pas ça, si elle ne comprend pas quelles révolutions des usages entraînent le succès des smartphones et des tablettes tactiles (posez vous la question: qu'est-ce qu'un produit d'info sur un device tactile nomade en réseau?), d'autres le feront. Et prendront la place des leaders, comme les pure-players l'ont fait sur le web.

Bref, l'i-Pad sauvera peut-être la presse, si la presse arrête de s'accrocher à ses anciens modèles.

mardi 30 mars 2010

Pour une charte des droits sur Internet (Jeff Jarvis)


Je relaie ici la proposition de Jeff Jarvis (auteur de "What Would Google Do") de rédiger, à l'instar de la charte des droits de l'homme, une "charte des droits dans le cyberespace".

Sa proposition est évidemment à discuter et à enrichir. Mais l'inscription d'une telle charte à l'Onu par exemple, permettrait d'installer un certain nombre de réalités. Et de faire comprendre qu'Internet n'étant pas juste un média, mais un accès à un réseau d'échanges d'informations, d'idées et de contenus, la protection de l'accès à ce réseau est devenue indispensable.
Pas très à la mode, ça, en ces temps troublés d'Hadopi et d'Acta.

Voici les propositions de Jeff, et mes commentaires:

1- Nous avons le droit de nous connecter
"C'est un préalable et une condition incontournable au principe de liberté d'expression: avant de pouvoir nous exprimer, nous devons pouvoir nous connecter.
Hillary Clinton définit ce droit comme "l'idée que les gouvernements ne devraient pas empêcher les citoyens de se connecter à Internet, aux sites, ou entre eux". "

En France, on voit que ce droit est sensiblement remis en cause depuis la loi Hadopi qui prévoit de couper l'accès à Internet aux internautes qui auront téléchargé illégalement des contenus. Couper Internet, c'est couper l'accès à l'information. C'est comme couper l'eau. Ajout (merci Authueil): C'est d'ailleurs ce qu'avait exprimé le 10/06/09 le Conseil constitutionnel saisi après le vote de la loi Hadopi 1, reconnaissant ce droit fondamental (assimilé au droit à la liberté d'expression et de communication).
A l'aune de la reconnaissance de l'accès à Internet comme un droit, cette mesure sévère pose toujours la question de la proportion entre la sanction et l'infraction (si tant est qu'on ne discute pas la caractérisation même de l'infraction: pirater ou partager?).

2- Nous avons le droit de nous exprimer
"Personne ne doit pouvoir léser notre liberté d'expression. Les contraintes à cette dernière doivent être limitées au minimum."

La question pouvant être celle-ci: les canaux de diffusion de l'info se rapprochant de plus en plus des mécanismes du peer-to-peer (d'internaute à internaute VS diffusion de masse), du privé-public, le principe de neutralité du Net doit-il nous inciter à donner plus de souplesse aux conversations sur le réseau qu'on ne le donne médias ? Ou pas, tout étant public donc soumis aux mêmes règles de publication ? Ou alors, a minima, devons-nous mettre en place des règles de publication préalable à toute expression libre (une connection préalable à un forum fermé par exemple permettrait de passer de la sphère publique au "privé collectif"...)? Ou bien doit-on tout laisser ouvert et mettre en place une charte de balisage, comme je le proposais dans mon dernier post ?

3- Nous avons le droit de nous exprimer dans nos langues.
"La domination de la langue anglaise s'est estompée au fil de l'arrivée de nouveaux langages sur le Net. Ce qui est une bonne chose. A condition que, dans cet Internet polyglote, nous puissions bâtir des ponts entre les langues. Nous voulons parler dans nos propres langues, mais aussi nous parler entre nous".

C'est l'un des grands enjeux de ces prochaines années. Et un levier de développement non négligeable des médias Internet notamment, dont les modèles économiques souffrent de l'étroitesse des marchés nationaux. De nouvelles technologies permettent désormais de traduire simultanément des vidéos (en analysant le texte) dans plusieurs langues. Reste à améliorer les traductions en temps réel, un peu comme cela se pratique dans les congrès, le Web étant une sorte de conférence transnationale. Pour cela, il faudra s'appuyer sur les algorithmes et les communautés.

4- Nous avons le droit de nous assembler
"L'Internet nous permet de nous réunir sans passer par des organisations et de collaborer. Cette possibilité est menacée par certains régimes, autant que la liberté d'expression."

C'est une des particularité d'Internet: la mise en réseau simultanée des données et des individus a ringardisé le mode d'organisation des associations loi 1901, jusqu'aux traditionnelles manifestations dans la rue. Plus liquides, ces capacités de réunion offertes par Internet sont à la fois plus puissantes (parce que diffuses et spontanées), mais aussi plus fragiles (moins organisées).

5- Nous avons le droit d'agir
"Ces premiers articles sont une suite : nous nous connectons pour nous exprimer et nous assembler, et nous nous assemblons pour agir, et c'est comme cela que nous allons changer le monde. Pas seulement mettre en avant les problèmes, mais se donner les moyens de les régler. Voilà ce qui menace les institutions qui voudront nous stopper."

6- Nous avons le droit de contrôler nos données
"Vous devez pouvoir accéder aux données vous concernant. Ce qui vous appartient vous appartient. Nous voulons qu'Internet opère comme un principe de portabilité, ainsi vos informations et vos créations ne seront pas prisonnières d'un service (privé) ou d'un gouvernement, ainsi vous garderez le contrôle. Sans oublier que quand le contrôle est donné à quelqu'un, il est retiré à quelqu'un d'autre. Le diable se cache dans ces détails. Ce principe fait allusion au copyright et à ses lois, qui définissent et limitent le contrôle ou la création. Ce principe pose également la question de savoir dans quelle mesure la sagesse du peuple appartient au peuple..."

La question du contrôle des données personnelles est plus sensible aux Etats-Unis qu'en France où la loi 'Informatique et liberté" protège les citoyens. En partie, seulement, face à la mondialisation des services sur Internet et à la complexification des échanges sur le réseau.
Plus sensible: la protection et le contrôle de nos créations. De quoi sommes nous propriétaires, que pouvons nous contrôler dans un univers d'échanges et de work in progress, où tout contenu s'enrichit de l'apport des autres ?

7- Nous avons de droit à notre propre identité
"Ce n'est pas aussi simple qu'un nom. Notre identité numérique est faite de nos noms, adresses, discours, créations, actions, connections. Notez également que dans les régimes répressifs, maintenir l'anonymat (c'est à dire cacher son identité) est une nécessité. Ainsi l'anonymat, avec tous ces défauts, son passif et ses trolls, doit-elle également être protégée en ligne pour protéger le dissident et ceux qui dénoncent les pratiques illégales ou immorales dans leurs entreprises ou institutions. Notez enfin que ces deux articles - contrôle de nos données et de nos identités - constituent un droit à l'intimité."

Ces deux articles font référence à la protection mais surtout au contrôle de nos données, de notre identité, de notre vie privée. Ce qui, dans un monde googlisé et facebookisé est de plus en plus délicat. Le Net est transparent, infiniment transparent, ce qui est une bonne chose pour la liberté des citoyens face aux institutions, et pour l'accès à la connaissance et à l'information, donc au pouvoir, donc à la démocratie. Mais ce peut être également terrible pour l'individu s'il n'a pas les moyens de se protéger. Toutes ces questions sont loin d'être réglées. Le risque étant qu'au nom de la protection de l'intimité, on restreigne le droit à l'information. Passionnant débat.

8- Ce qui est public est un bien public
"L'Internet est public. En effet, c'est un espace public (plus qu'un medium). Dans notre précipitation à vouloir protéger l'intimité, nous devons faire attention à ne pas restreindre la définition de ce qui est public. Ce qui est public appartient au public. Rendre privé ou secret ce qui est public sert la corruption et la tyrannie."

C'est tout l'enjeu de la révolution qu'apporte Internet, en bousculant les frontières entre le public et le privé.
Dans quelle mesure la vie privée des hommes politiques, comme leur état de santé ou leurs liaisons, sert-elle l'information ? La question est loin d'être tranchée.

C'est également tout le débat en France sur l'ouverture des bases de données publiques aux citoyens, dont pourraient s'emparer les médias pour développer ce qu'on appelle le datajournalism. Contrairement aux Etats-Unis, les données sont quasi-inaccessibles en France, ce qui constitue pour beaucoup une entrave au droit à l'information.

Mais, au-delà, cette question concerne également celle de la valeur de l'information, de sa propriété, et de ce que peuvent en faire les citoyens. A partir du moment où une information a été publiée, dans quelle mesure puis-je la reproduire pour la partager ? La pratique du partage fait partie de l'ADN d'Internet, elle bouleverse les lois du copyright. Quand les majors et les médias parlent de "copie illégale", les internautes parlent de partage.
La généralisation du "RT" (rendu populaire par Twitter: re-tweeter, c'est à dire re-bloguer, reprendre l'info à l'identique pour la partager tout en la sourçant) va dans le sens d'une indispensable libéralisation du partage de l'information. Ce qui pose la question de la valeur de l'info et de qui la finance, si tout le monde peut la partager gratuitement.

9- L'Internet doit être construit et piloté de façon ouverte
Il doit continuer d'être construit et opéré sur la base de standards ouverts (comme HTML, PHP...). Il ne doit pas être contrôlé par aucune entreprise ou gouvernement. Il ne doit pas être taxé. C'est l'ouverture de l'Internet qui lui donne sa liberté. Et c'est cette liberté qui définit l'Internet.

Internet=liberté. Liberté=Internet. Internet est une précieuse découverte, un incroyable outil d'émancipation et de développement qui doit continuer d'être préservé.
Si les dérives que cette liberté entraîne parfois (et auto-corrige souvent) appellent à une prise de conscience collective, elles ne doivent pas justifier la prise de contrôle des échanges digitaux par un gouvernement ou un lobby. La force d'Internet est d'être un réseau, un nouvel espace, qui échappe aux individus et aux personnes morales. Son déploiement à grande vitesse pose donc continuellement la question du contrôle. Pas seulement du Net (pour les gouvernements et les entreprises), mais aussi de notre propre liberté (pour les individus).

C'est pour cela qu'avant de commencer à parler de devoirs, il faut commencer par les droits. C'est toute la vertu de la proposition de Jeff Jarvis.
Source : "A Bill of Rights in Cyberspace" (Buzzmachine)

mercredi 10 mars 2010

Bruni-Biolay: les limites du bistrot Internet

Loin de moi l'idée de tirer sur Internet. Pas mon genre.
Encore moins de faire la morale aux blogueurs et aux webjournalistes qui se sont amusés autour de cette "loverumor", cette #brulaybullshit au sommet.
Ce qui est intéressant dans la façon dont cette rumeur, qui circulait dans toutes les rédactions (et qui ne s'appuie sur aucune information avérée), est devenu un buzz international via Twitter et quelques médias internationaux peu scrupuleux, c'est ce qu'elle nous dit des usages du web, de ce réseau en mutation.
Et quelles leçons que nous pouvons en tirer.

Alors que la rumeur enflamme le web (voir le graphique Google Trends, ci desssous, reproduit par le site StreetPress qui montre une montée en flèche des requêtes Google sur le sujet) tout le monde y va de son couplet: Internet aurait une nouvelle fois la démonstration de son ADN poubelle. C'est faux. Internet a fait la démonstration de sa "floutitude"... de son insaisissabilité. De son statut à part, liquide, hybride. Et cela devrait entraîner bien plus de réflexion, voir d'humilité, que de leçons de morale.


Jean-Michel Apathie en profite pour allumer le feu. Sur son blog, il s'en prend à ces "amateurs" (comprenez: les blogueurs), "certains internautes" comme il dit, colporteurs de rumeurs, qui osent critiquer les journalistes alors qu'ils feraient bien pire.

Lisez plutôt :
"Des esprits férus de modernité opposent volontiers Internet et le journalisme, les internautes et les journalistes. Les seconds seraient au mieux lourdaux ou paresseux, au pire à la solde des pouvoirs quand les premiers enfin seraient libres et courageux. Le problème des premiers c’est qu’ils ne s’embarrassent de rien, ni de règles ni même de la plus élémentaire des morale. Ils véhiculent tout, le plus drôle comme le plus bête, le vrai comme le faux, le beau comme le moche, sans réfléchir à quoi que ce soit."

Mon ami Guy Birenbaum, que l'on ne peut pas accuser d'être anti-blogueurs (il est plus... sélectif, disons), s'en désole
:
"Les défenseurs les plus acharnés du net – dont je fais partie – ne se rendent parfois pas compte du mal qu’ils lui font. Depuis quelques jours, quelques pyromanes peu inspirés utilisent toutes les ressources du net (Twitter, blogs, etc.) pour propager LA rumeur."

LA rumeur, c'est bien entendu cette prétendue love-affair au sommet de l'Etat qui, à défaut d'être vérifiée, encore moins confirmée, est passée du statut de private joke à une net-polémique.

Je vous recommande à ce propos l'excellent décryptage de Gilles Klein sur "l'itinéraire d'une rumeur". Où l'on comprend, avec un mélange de fascination et d'effroi comment une poignée de tweets (messages postés sur le site Twitter) potaches s'est transformée, outre-manche, outre-atlantique (jusqu'en Inde) en "information".

Que s'est-il passé ?
La rumeur courait dans toutes les rédactions depuis plusieurs semaines déjà. Jusqu'à ce que des journalistes l'évoquent sur Twitter, dès le 26 février.


Ce qui est intéressant, c'est qu'aucun d'entre-eux ne présente la rumeur comme une information. La plupart du temps, on est dans de la conversation entre "amis" (entre "amis Twitter" s'entend!).

Quand Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, que l'on ne peut pas soupçonner de chercher le caniveau tweete avec humour : "Benjamin Biolay, c'est bien le mec qui...", ou quand Salam93 du Post.fr s'amuse (sans évoquer la rumeur) des allusions cachées chez les présentateurs d'I-Télé, il n'en faut pas plus pour qu'un internaut en tire des conclusions évidemment hatives.

Sur le site de journalisme citoyen Agoravox, l'auteur recoupe ce qui, pour les intéressés, n'étaient que des clins d'oeil amusés, et en conclut qu'il s'agit d'un début d'information:
"Si l’on recoupe ce tweet avec les allusions d’une journaliste de i>télé hier soir (vidéo ci-dessus), les choses se précisent", tranche-t-il. Ce qui est complètement faux. Mais l'auteur prend Internet pour ce qu'il n'est pas. Un média.
Sauf que l'important n'est évidemment pas ce qu'est Internet en réalité, mais la façon dont il est perçu par la plupart des gens. C'est à dire, quand même, un média. Certes, chaotique, mais une forme de média.

Plus intéressant encore, ce blog sur le site du grand quotidien "Le journal du dimanche", qui est un simple contenu amateur hébergé sur la plateforme du site comme chez beaucoup de médias. Sauf que le billet amateur apparait commune une info sur Google News (qui n'est pas géré par un journaliste, mais par un algorithme) :


Depuis, le JDD a supprimé le post. Trop tard.
Il n'en faut pas plus aux médias étrangers pour évoquer un "reportage du grand quotidien français".


Faut-il les blâmer ? Oui, parce que mes confrères d'outre-manche n'ont pas pris la peine de vérifier l'information. Mais oui-et-non parce que la présentation du blog n'est pas claire. La confusion des genres est évidente.

Et, au bout du compte, que nous apprend cette histoire ? Que le web est une poubelle ? Non.
Que les journalistes web sont des inconscients ? On voit bien que la propagation de la rumeur n'a pas été le fait d'un seul tweet, d'un seul billet, mais d'un enchaînement de contenus qui, pris séparément, étaient finalement assez cryptiques, mais qui, de fil en aiguille, par le courant fou du réseau, s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus structuré.

Bienvenue dans le monde de l'info en réseau.

Ce que l'on apprend, c'est que l'on n'a pas fini d'apprendre justement. Internet, qui n'est pas un média, est une sorte de bistrot. Mais qui n'est pas qu'un bistrot. C'est un réseau au sein duquel les frontières entre discussion privée, publique, information, publication, réseau public/privé n'est pas encore claire.
Et qu'Internet mute à une telle vitesse que les usagers n'ont pas le temps de se forger des armes pour apprécier à leur juste valeurs les contenus et les humeurs qui s'échangent sur le Net.

Tiens, Facebook, c'est quoi au fait ? Un réseau privé ou public ? Qu'est-ce que je peux dire à mes amis au bistrot que je ne peux pas dire à mes amis sur Facebook ? Oui mais si je connecte mon facebook à mon blog ? Et Twitter alors ?
Compliqué.

Ce qui est passionnant, encore, c'est que même les avis sur la propagation de la rumeur (qui est parfaitement contraire à la loi actuelle) ou même sur la simple conversation publique/privée autour du sujet, sont partagés.
Sur son blog, le journaliste Olivier Bonnet (dont le billet a bizarrement été modéré sur LePost), trouve le buzz exemplaire, pour une fois:
"Pas d’accord, Messieurs, c’est le juste retour de bâton : après avoir vendu à l’opinion la love story conte de fée entre le président et la chanteuse mannequin, complaisamment exposée dans le but d’améliorer l’image de Sarkozy et d’en tirer des bénéfices politiques, qu’il souffre aujourd’hui que la même opinion apprenne la suite (gênante) de l’histoire. Pris au piège du storytelling, confronté à la prosaïque réalité."

Je ne sais pas s'il a raison ou tort. Je pense aussi, comme Guy Birenbaum, que certains amateurs et professionnels ont joué avec le feu.
Non, ce que je trouve intéressant, c'est que le débat a eu lieu.
Et pour qu'il ait lieu, il fallait qu'il "sorte" sur Internet. Ce qui pose des problèmes de déontologie, de moralité et de légalité... certes.
Mais.

Internet n'a pas fini de nous suprendre.

Alors que faire ?

Ce que nous apprend cette histoire, c'est que nous allons devoir travailler sur la clarté du web. Internet est un espace en création, en mutation collective. Il n'est pas étonnant, il n'est pas malsain non plus, que des conversations comme celle qui agite les moteurs de recherche aujourd'hui, se retrouvent dans les réseaux sociaux et les forums. Parc qu'Internet est un réseau, pas un média. Le problème, c'est que les balises se mettent en place moins vite que les usages.

Il va falloir sans doute "baliser" Internet, à défaut de vouloir en faire à tout prix un espace de publication traditionnelle. Quand je vais dans un bistrot, je sais que je vais dans un bistrot, et je sais faire la différence entre ma station de radio et mon bistrot.
Sur le Net, c'est plus compliqué.

Qui devra créer ce balisage ? La communauté, comme cela s'est toujours fait ? L'Etat ? Les journalistes ?

La discussion est ouverte.

mardi 9 mars 2010

La jurisprudence Tiscali va-t-elle tuer les blogs ?


On n'a pas assez parlé des conséquences de la jurisprudence Tiscali. Les répercussions directes de cet arrêt de la Cour de Cassation (la plus haute juridiction) sur les hébergeurs de blogs, de forums ou de vidéos, mais aussi sur les médias qui cherchent à se lancer dans le participatif, sont pourtant loin d'être anodines.

A l'occasion d'un petit-déjeuner organisé par Médias et Liberté, j'ai rencontré ce matin l'avocat Pierre Saurel, spécialiste de ces questions, avec qui j'ai évoqué l'impact de cette loi sur l'avenir des médias sociaux.

Que dit cette jurisprudence ? Dans un arrêt rendu le 14 janvier 2010, la cour de Cassation remet en cause le statut d'hébergeur de la société Tiscali en tenant cette dernière pour responsable des contenus postés sur les pages personnelles des internautes qu'elle hébergeait.

Le statut d'hébergeur est défini par l'article 6.I.2 de la loi LCEN (Loi sur la confiance dans l'économie numérique) du 21 juin 2004: les prestataires d'hébergement (plateformes de blogs, sites d'enchères comme eBay...) ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des informations qu'ils stockent s'ils n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère.

En gros: un hébergeur de blogs ne peut être tenu pour responsable a priori des propos tenus par les blogueurs sauf s'il a été alerté du caractère illicite des contenus. Dans ce cas, il se doit d'agir avec diligence...

Dans l'affaire Tiscali, la Cour de cassation propose une interprétation très stricte de la loi, et considère que, dès lors que l'hébergeur de blogs propose autre chose que de simples prestations techniques de stockage, en l'occurrence de la publicité sur les pages personnelles des utilisateurs, il perd son statut d'hébergeur.

Ce qui revient à dire que, dès lors que vous affichez de la publicité sur vos blogs, vous passez d'hébergeur à éditeur. Vous êtes donc directement responsable de tous les contenus hébergés chez vous: posts, commentaires, vidéos, tweets, flux rss...

Depuis janvier 2010, donc, les hébergeurs de contenus générés par l'utilisateur, médias ou simples hébergeurs, sont placés directement sous la menace de centaines de procès. Pour y échapper, ils doivent dès aujourd'hui:

- Ne plus afficher de publicité sur les pages de leurs blogs, ni permettre l'affichage de publicité (Google ads, notamment) par les blogueurs eux-mêmes.

- S'ils ne le font pas, ils doivent alors modérer a priori tous les contenus de ces blogs. C'est à dire: interdire la publication tant que le contenu n'a pas été contrôlé par un modérateur.

Mais on peut même aller plus loin: tous les commentaires devraient être modérés a priori, puisque des publicités sont également affichées sur les pages où ils figurent.

L'ambiguité de l'arrêt de la Cour de cassation laisse également penser qu'à partir du moment où l'hébergeur propose des services allant au-delà des simples fonctions techniques de stockage (par exemple une fonction permettant de faire buzzer son contenu sur Facebook?), il risque de perdre la protection offerte par le statut d'hébergeur.

C'est compliqué, mais presque gérable pour des médias , le modèle économique et éditorial ne repose pas exclusivement sur l'hébergement de blogs. Il leur suffira de ne pas afficher de publicités sur leurs blogs, sauf s'ils ont été vérifiés par la rédaction ou modérés.

Ce sera par contre beaucoup plus difficile (sinon impossible) pour les plateformes d'hébergement de blogs comme Overblog ou Blogger, mais aussi les sites d'agrégation de blogs comme Wikio, dont le modèle repose sur la publicité.
Des systèmes de filtres existent (et Google est le plus actif dans ce domaine), mais ils coûtent très cher et ne suffisent pas à passer au travers de toutes les gouttes.

Wikio avait pourtant été rassuré par un jugement rendu par le tribunal de Nanterre le 25 juin 2009, lequel le délestait de la responsabilité d'éditeur.
Mais l'arrêt Tiscali change tout.
Ce qui explique la colère de son patron, Pierre Chappaz. Le Net-entrepreneur relève sur son blog que "si toutes les fois qu'un citoyen publie un contenu illégal, c'est non seulement lui qui est attaquable mais aussi les services qui distribuent ce contenu (plateformes de blogs, forums, facebook, google, wikio ...), ces services ne peuvent plus exister. Sauf à mettre en place une censure massive."

La question est bien là. Comment réagira désormais un hébergeur lambda devant les contenus publiés par ses blogueurs s'il se sait responsable a priori de tout ce qui est stocké chez lui ?
Comment réagira-t-il face à la subtilité d'un billet de blogueur d'attaquant à un homme politique ou à une entreprise ? Prendra-t-il le temps (s'il en a les compétences et les moyens...) de tout vérifier ? Ne sera-t-il pas tenté de refuser de publier tout contenu lui paraissant dangereux ?

C'est l'application du principe de précaution à la liberté d'expression.

Un principe déjà pratiqué a posteriori cette fois par un certain nombre de plateformes d'hébergement de vidéo au moindre mail de protestation...

Pierre Chappaz souligne par ailleurs que "le conseiller en charge des questions de propriété littéraire et artistique de la cour de cassation est Marie-Françoise Marais, la présidente de la HADOPI. "...

Pas étonnant.
Le ton est donné. Le contenu généré par l'utilisateur est dans le collimateur des gouvernements et des industries de la culture et des médias.

Et la tendance n'est pas prête de s'inverser.

On assiste en effet depuis quelques mois à une remise en cause de plus en plus violente de ce que d'aucuns n'hésitent pas à appeler la "poubelle du Net". Une hallali qui s'arme de l'instauration d'un contrôle de plus en plus agressif des contenus circulant sur le web: loi Hadopi (contre le piratage), remise en question du statut d'hébergeur (une commission travaille d'ailleurs en ce moment à la réforme de la loi LCEN) et, plus largement, de la neutralité d'Internet (la discussion est en cours au gouvernement)...
Le tout au nom de la protection des personnes et des biens.
Il est légitime de ne pas vouloir faire du Net un espace de non-droit.
Le problème, c'est la disproportion et l'inadéquation de la réponse à ce qui est, et restera quoi qu'on fasse, une révolution inéluctable des usages.

Selon le dernier rapport d'Ipsos, les Français veulent de plus en plus à se prendre en main, ils exigent le "juste prix" (quand ils ne refusent pas tout simplement de payer), réclament de la transparence et revendiquent un droit de contrôle sur le politique, les produits et les services.
Ils réclament aussi le droit de copier-coller, car l'une des révolutions les plus dramatiques apportées par le numérique et Internet, c'est cette capacité à copier n'importe quel contenu, texte, photo, vidéo, audio, et de l'envoyer à n'importe qui dans le monde.

Ce que médias et lobbies appellent le "piratage", la nouvelle génération le nomme "partage", et le pratique comme la chose la plus naturelle du monde. Ce pouvoir du copier-coller qui remet en cause tout le système de production de la société de consommation et d'information, est l'attaque la plus violente contre l'industrie culturelle et des médias.

En face, les moins agiles sont entrés dans une guerre de tranchée dont l'enjeu est clair: la reconquête du contrôle. La maîtrise des circuits de production et de distribution. Les récentes lois Hadopi (contre le piratage) et Loppsi (qui instaure une surveillance par l'Etat des ordinateurs privés par l'installation de "mouchards"), tout comme la remise en question du statut d'hébergeur (qui fragilise les nouveaux acteurs de la production et de la distribution des contenus) vont dans ce sens.

C'est une réaction naturelle, souligne Eric Scherrer qui, sur son blog, rappelle le combat désespéré des anciens copistes face à l'industrie de l'imprimerie, il y a... 600 ans.

Depuis, la révolution a fait son chemin.

Mise à jour : l'arrêt Tiscali, précise Pierre Chappaz dans les commentaires, se réfère à une loi antérieure (lire l'avis de Me Rouillé-Mirza ici), les faits s'étant déroulés avant le vote de la loi LCEN. Cela veut dire que la jurisprudence peut encore s'infléchir, lorsqu'il s'agira d'affaires postérieures à 2004. Rassurant ? Pas vraiment.
1) Un arrêt de la Cour de Cassation n'est jamais innocent.
2) Les arguments de l'arrêt Tiscali ne sont pas vraiment contredits par la LCEN. Cet arrêt marque une tendance, qui pourrait être validée par une simple mise à jour.
3) La tendance est clairement au renforcement des textes sur ce sujet. Cela fait un moment que le gouvernement veut réviser la loi LCEN. La réflexion est toujours en cours.

mercredi 3 mars 2010

Des envies...



Quitter un média que l'on a fait naître, ce n'est jamais simple. Mais je quitte Le Post avec le sourire.
C'était une aventure extraordinaire, une aventure humaine avant tout, lancée en 2007 avec Bruno Patino, alors président du Monde Interactif, Dao N'Guyen (qui travaille désormais au Wall Street Journal à New York), Yann Chapellon (qui est en train de révolutionner la PQR dans le Sud-Ouest), Jean-François Fogel (l'une des plus incroyables rencontres de ma carrière), Thomas Doduik (qui a, depuis, mis un peu de "Post" au Figaro.fr où il opère) et une poignée de jeunes journalistes pionniers, Violaine Domon, Pierre Godon, Antoine Daccord (aujourd'hui au Figaro.fr), Alexandre Lemarié, Alexandra Apikian (passée chez Premiere.fr), Angélique Vernier, et mon ancien adjoint Alexandre Piquard, qui assurera l'intérim.

Bruno Patino m'avait dit, la veille de mon embauche qu'il fallait désormais envisager l'info comme une expérience. "Gaming the news", c'était l'un de ses leitmotiv.

Nous avons fait tellement de chemin, depuis.

Volontairement populaires, parce que nous voulions travailler toute la richesse du contenu généré par l'utilisateur afin d'y apporter de la valeur, mais en allant chercher le plus large public, pas seulement les blogueurs, mais aussi ceux n'étaient pas à l'aise avec ces nouveaux modes d'expression.
Comme nos voisins lancés à la même époque (Rue89, Mediapart, Arrêt-sur-Images, Bakchich...) nous avons défriché le terrain des nouveaux usages de l'information.
J'ai personnellement beaucoup appris, sur ce journalisme que nous devons continuer de conjuguer au pluriel.
J'ai surtout beaucoup appris en travaillant avec les internautes qui, sur LePost, sont venus apporter leur contribution. Les blogueurs, Guy Birenbaum en tête, premier à nous rejoindre (avec pas mal de courage), mais aussi les plus de 40.000 membres du site qui, anonymes hier, ont trouvé leur public, parfois leur voie (ou voix?). Ils l'ont fait avec l'aide des journalistes du Post.
Mais ils nous ont aussi aidés à nous remettre en question en permanence et à trouver, nous aussi, notre voix/e.
Et 3 millions de visiteurs uniques.


Aujourd'hui, je pars, en plein accord avec la direction du Monde Interactif. C'est un choix personnel.
Une page se tourne. Un nouveau livre s'ouvre. Pour le Post. Et pour moi. Je pars avec mon sac d'écolier, rempli d'envies à partager.

Je ne vais pas lister mes idées, mes rencontres, mes projets. L'avenir conserve jalousement ses surprises.

J'ai envie de continuer à réfléchir, bien sûr, mais surtout de continuer à bâtir de nouveaux modèles pour l'information. Avant tout, j'ai envie de contribuer à trouver des solutions pour monétiser le journalisme digital. Les pistes sont là, encore vacillantes. La publicité, le tout-gratuit, ne suffira pas.
Sans financement, pas de journalisme. Et dans le mot "journalisme", j'inclus les journalistes, mais aussi les blogueurs, experts, analystes et témoins du quotidien qui, chaque jour, contribuent à tisser la toile de la nouvelle information.

Heureuse coïncidence, ce billet de Seth Godin aujourd'hui: Don't try harder, conseille-t-il, but "try different".

(merci @proxiti pour la référence).

(Crédits photos : Magali Lacroze, Thibaut Binetruy)

lundi 8 février 2010

"Les effroyables imposteurs" sur Arte, Hadopi, Loppsi2: la revanche des anti-Internet



Dans la série "Internet est une poubelle qu'il faut contrôler", Arte diffuse ce mardi soir un nouveau documentaire consacré aux... dangers du web: "Les effroyables imposteurs". Coïncidence: cette diffusion intervient la veille le jour du débat sur la loi Loppsi2 qui vise à instaurer des nouvelles techniques de contrôle des contenus sur le Net (lire aussi ici).

A travers une compilation un peu fouillis sur les conspirationnistes de tous bords, l'auteur du documentaire nous ressert le discours du "Web-poubelle-de-l'info", peuplé de dangereux "non-professionnels" qui font circuler les pires rumeurs.

On connait la chanson. En ces temps de médiapocalypse, elle sonne comme la vaine tentative d'un système figé de sortir d'un lectorat/électorat qui lui échappe.

La rengaine ressurgit de temps à autre chez quelques représentants encore vaillants de cette vieille presse (pour preuve ce débat hallucinant de non-experts sur le web, chez Franz Olivier Giesbert), comme chez les politiques (voir la polémique, tout aussi hallucinante, autour de l'affaire Hortefeux).
Etrange miroir, d'un monde se contemple du haut de ses vieilles tours sans comprendre cette révolution qui a innondé ses terres.

Dans le docu d'Arte, le journaliste conclut son propos en s'attaquant évidemment au web participatif.
Pour appuyer sa thèse, il a déniché un article publié sur la page personnelle d'un internaute sur LePost.fr (dont je suis le co-fondateur) qui avait échappé à l'équipe de modération.
Je passe sur la méthode (le journaliste me contacte en me mentant sur l'objet de son reportage).
L'article détecté a naturellement été modéré à la suite de l'interview. Fin de l'histoire.

Comme de nombreux sites d'infos (Le Monde, Le Nouvel Obs, 20 Minutes etc), Le Post permet aux internautes de se créer un blog sur leur page personnelle. Et comme pour toute plateforme de blogs, le site ne censure pas a priori des contenus publiés sur ces pages personnelles.
Il ne le fait pas parce qu'il n'est pas éditeur de ces contenus amateurs, mais hébergeur. La modération se fait a posteriori, sur alerte des internautes ((Sur LePost.fr, comme sur LeMonde.fr, nous allons cependant plus loin: les contenus sont 24h/24 par une société de modération, qui supprime les posts contraires à leur charte).

C'est la loi. Qui défend par là même la liberté d'expression. Les blogueurs sont responsables de leurs contenus et peuvent être évidemment poursuivis si leurs propos sont diffamatoires ou portent atteinte à la vie privée. Mais la loi n'impose pas aux hébergeurs un contrôle a priori des contenus. Pourquoi ?

Parce que, premièrement, c'est techniquement impossible. La France compte plusieurs millions de blogs. Sans compter les twitter et Facebook dont le nombre de membres a explosé ces derniers mois.
Imposer un contrôle a priori reviendrait à obliger ces médias sociaux à mettre la clef sous la porte.

Deuxièmement, vouloir imposer un contrôle a priori sur tous les contenus diffusés sur la toile, c'est commencer à mettre un verrou sur l'expression citoyenne. Un verrou imposé par le seul hébergeur (sur ordre de qui?) sur ce fameux "contenu généré par l'utilisateur" qui fait si peur aux politiques et à un certain nombre de mes confrères.

En témoigne l'article surprenant de Xavier Ternisien, dans le Monde daté du dimanche 7 et lundi 8 février, à propos de ce documentaire. Pour ce journaliste, régulièrement attaqué par la blogosphère (ou par ses confrères du web), aucun article rédigé par un non-professionnel ne doit être mis en ligne "sans avoir été validé par un journaliste".

Les journalistes ne se trompent jamais, c'est bien connu.

De quoi ont-ils peur ?
D'une remise en question ?

Car de cette "poubelle" qu'est Internet, de cette poubelle que serait finalement la blogosphère (parce que c'est bien la blogosphère dans son ensemble qui est attaquée dans ce docu), émergent de vrais talents, des analystes pertinents, des militants féroces. On y trouve même des "amateurs" qui, parfois, enquêtent et dénoncent les erreurs des journalistes professionnels. Inconcevable!

De cette poubelle émergent des Maître Eloas... Quand cet avocat-blogueur, qui refuse d'être assimilé à un journaliste, commente, analyse l'actualité du droit, fait témoigner des professionnels de la justice, et sort de temps à autre des infos exclusives, il concurrence effectivement les journalistes dans leur coeur de métier.
Il est rigoureux, il vérifie ses informations. Il participe à l'effort d'information du citoyen.
L'information, ce maillon fragile entre le citoyen et la démocratie.

De cette poubelle émergent des opinions qui dérangent, des vidéos que l'on aurait préférées laisser sous le sceau du "off", des infos qui ne passent jamais au 20h, des remises en question des médias traditionnels qui, pendant longtemps, ont vécu dans le confort du surveillant jamais surveillé...

Evidemment, tous ces nouveaux contenus ne sont pas de qualité. Certains sont mêmes illégaux. Mais ils n'échappent pas ni à la loi, ni à la vigilance des communautés sur Internet, qui savent aussi s'organiser pour débusquer les fausses informations.

Surtout: toutes ces masses d'"effroyables" amateurs qui se passent des infos, les commentent, les éclairent, les détournent, échappent non seulement au filtre des médias et des politiques, mais ils remettent également en cause modèle économique. Crime ultime !

C'est le nerf de la guerre de la loi Hadopi, poussée par des lobbies du disque en mal d'esprit d'entreprise: on préfère aller contre les usages pour punir et contrôler. Aberration économique.

C'est l'argument massue de la prochaine loi Loppsi2: on exploite la peur du pédophile ou du nazi pour justifier un contrôle d'Internet.

Oui, il y a n'importe quoi sur le Net.
Oui, il y a de très belles choses aussi.
Oui, il y a des contenus et des auteurs devenus aujourd'hui indispensables.
Et cet indispensable n'aurait jamais émergé dans cet environnement contrôlé a priori par les médias traditionnels.

Les journalistes seraient plus inspirés de trouver leur place dans ce nouvel écosystème plutôt que de faire perdre l'argent à la télévision publique à tenter de démontrer avec des ficelles aussi grosses que des gazoducs que le web est dangereux.
Ils devraient la jouer "Journalistes+amateurs" plutôt que "journalistes contre amateurs".
Se battre contre l'effroyable amateur en brandissant le sceau divin de sa carte de presse, ce n'est pas à l'honneur d'une profession qui, au fil du temps, a toujours sur prouver qu'elle était capable de s'adapter au bouleversement permanent du monde et des usages.

mardi 12 janvier 2010

Révolutionner la presse: la "Google Newsroom"


Les périodes un peu agitées sont des périodes très actives où l'on multiplie les idées. J'ai eu l'occasion de réfléchir, à mes heures perdues, à un concept de rédaction recomposée autour du web et du print, et comme j'ai trouvé cette réflexion passionnante, j'ai décidé de partager son résultat avec vous et d'ouvrir un échange.

Cela fait longtemps que l'on parle et propose des modèles de rédaction intégrée (le modèle le plus connu est celui proposé par l'Ifra). Un exemple, la rédaction intégrée du Daily Telegraph, qui fout un peu la trouille au premier abord:



Le problème c'est que, bien souvent, ce modèles très théoriques se heurtent à la réalité des rédactions: des journalistes orientés print avec une très faible agilité web. Mais surtout, des journalistes déchirés entre "deux médias" à qui l'on dit: vous allez publier pour les deux médias. Ce qui entraîne deux blocages:

1) Le web n'est pas un tuyau dans lequel on fait passer n'importe quel contenu et les articles print sont très souvent inadaptés au web et au mobile (par exemple, au Monde.fr, les articles des journalistes papier font 30% de la production, mais moins de 15% du trafic). Il ne suffit pas donc d'écrire et de rediriger vers un tuyau. Mais de produire un contenu en fonction d'un environnement.
On fait la même erreur aujourd'hui avec le mobile, en poussant simplement les contenus web vers les applis nomades.

2) Les journalistes deviennent schizophrènes. Ils deviennent "bi-médias" et ont l'impression de bi-travailler, ce qui pour eux veut dire "deux fois plus"... Conséquence: continuent de produire avec une vision papier.

Il faut donc oublier cette vieille notion de fusion des rédactions, mais faire un choix, aller là où l'information respire, là où les lecteurs/utilisateurs sont connectés et impliqués, créer une seule rédaction "là où ça se passe", c'est à dire sur le réseau. C'est le coeur de l'info. Tout le reste n'est que mise en scène.

Pourquoi le réseau ? Parce que l'ère Google a tout bouleversé. Et généré l'émergence (et la nécessité) de ce que l'on appelle un journalisme en réseau. Un journalisme qui passe de la simple production de contenu pour devenir process, et qui s'appuie sur la force du réseau (fragmentation de l'info, nouveaux rythmes, médias sociaux, contenus générés par l'utilisateur...) pour produire et distribuer l'info.

Vous allez donc vous retrouver avec non pas avec une rédaction "bi-média", ni avec deux rédaction (une web, une papier), mais trois rédactions que je répartirais dans 2 sous-groupes:

1 journalisme de production de valeurs (la Google rédaction)
1 journalisme de mise en scène (community management et secrétariat de rédaction)

Notez bien que je n'utilise pas le mot "journaliste", mais "journalisme". Le journalisme pris comme une fonction (intégrant donc le partage de compétences journalistiques avec des non professionnels), non comme un métier.

Prenons l'exemple de la rédaction d'un journal papier, que nous appellerons "L'espoir".
- 100.000 exemplaires/jour
- 1€
- 36 pages.
- Rédaction print: 85 journalistes + 7 sécrétaires de rédaction.
- Rédaction web: 7 journalistes + 1 community manager.
Soit 100 journalistes.
Une belle rédaction. Sauf qu'ils ne sont numéro un nulle part. Pas assez nombreux sur le web, trop à l'étroit sur le papier.

Imaginons maintenant une nouvelle rédaction. Toujours avec nos 100 journalistes. Mais une rédaction que nous mettons presque entièrement sur le "digital" ce qui nous permettra d'être premier sur l'info web et mobile.
Tout en publiant un journal de meilleur qualité ce qui nous permettra de faire grimper les ventes, éventuellement le prix. Et, incidemment, de gagner plus d'argent.



1- Un journalisme de production de valeur: la Google Newsroom.

Composée de 80 de vos journalistes, mais intégrant également les autres productions journalistiques (via le journalisme de liens), les blogueurs et plus généralement l'activité des utilisateurs encadrée par le média.

Les 80 journalistes sont rassemblés en 10 "business units", c'est à dire en pôles thématiques. Un peu comme un média indépendant (qui pourrait avoir une autre marque) piloté (ou pas) par un responsable de pôle, autour duquel se rassemblent 8 journalistes, des blogueurs, une communauté + 1 marketing et 1 commercial (qu'on peut mutualiser sur plusieurs pôles).
Chaque pôle peut également avoir son SR et son community manager associé.
(On peut aussi imaginer 3 gros pôles de 16 journalistes et 3 pôles de 10 journalistes etc).

Dans chaque pôle, on s'organise pour produire du journalisme de valeur ajoutée. Où l'on se pose toujours la question: puisque tout le monde traite à peu près la même info sur le réseau, quelle est ma valeur ajoutée ?

Vous retrouvez donc:

- des reporters (journalistes + blogueurs): ils ne "couvrent" pas l'actu, ils ne batonnent pas de dépêches, ils ramènent des infos.
Ils vont sur le terrain du web ou le terrain "réel". Ils publient sur plusieurs rythmes : live tweeting, articles, vidéos, données, enquête de fond... Ils peuvent également animer une communauté de blogueurs/utilisateurs avec qui ils peuvent co-produire l'info.

- des curators (journalistes+amateurs): eux, par contre, "couvrent" l'actu en triant, vérifiant et éditant en live tout ce qui se fait de mieux sur le web et dans les médias. Ils font du link journalism ou l'organisent, ils rendent l'info plus accessible.

- des chroniqueurs (blogueurs, journalistes, experts): ils ouvrent des conversations et mettent en perspective.


2- Un journalisme de mise en scène:

- Une équipe de 10 super secrétaires de rédaction, chargés de mettre en scène l'info dans les 36 pages. Ils ne travaillent plus que sur 3 ou 4 pages chacun, mais ils ont un vrai travail de SR "à l'ancienne". Ils récupèrent les contenus publiés par la Google rédaction et les font vivre différement. Ils sont chargés de rendre l'info plus lisible, plus visuelle, de faire tout ce que le web ne sait pas faire. Il peut également demander aux journalistes, ou récupérer sur le web, via des agences, des cotenus complémentaires.
Un très bel exemple de que le papier est capable de faire: le quotidien portugais "I".



Avec l'aide des SR, chaque business unit "digitale" peut décider de produire des hors-série papier.

- Une équipe de 10 community managers et data journalists
, chargés de la mise en scène de l'info sur le web et mobile. En fait, ils sont surtout chargés de l'expérience de l'utilisateur avec l'info. Ils s'occupent de la qualité de "l'engagement" (au sens américain du terme, c'est à dire l'implication de l'utilisateur avec les contenus).

Ils travaillent aussi sur la mise en scène de l'info sous forme de bases de données (comme le fait le New York Times).



Mais aussi sur leur organisation dans des pages de "topics" qui rassemblent, sur des pages web, l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur un sujet d'actu (posts, liens, tweets, données froides etc). Ce que fait très bien le Huffington Post avec ses "big news pages".



Résultat, une rédaction en réseau, puissante, complètement réorganisée. La Google Newsroom.
80 Google Journalists, ce serait la première rédaction en ligne de France.
Imaginez la même chose avec les 200 journalistes des grosses rédactions des quotidiens nationaux.

Vous allez me répondre: mais les 80 journalistes papier seront-ils capables d'aller sur le réseau ?
Dans de nombreuses rédactions, le niveau web est proche de zéro.
Je pense que oui. Ce qui est bloquant, c'est le bi-média, la schizophrénie. Maintenant, si le message et l'environnement est clair, s'il est bien formé, un bon journaliste fera du bon journalisme.
Les plus réticents auront la possiblité de s'éclater vers un sécrétariat de rédaction dépoussiéré et créatif.

C'est un modèle que l'on peut évidemment facilement reproduire pour la télévision et la radio.
Qu'en pensez vous ?