vendredi 28 mai 2010

Mes deux mois avec l'iPad

L'iPad sort aujourd'hui en France après deux mois d'exploitation aux Etats-Unis. Avec un peu moins d'engouement, apparemment. Tandis qu'outre-atlantique la tablette a dépassé en moins de deux mois le million d'exemplaires vendus.


Arrivée de l'ipad en france
envoyé par 20Minutes.

En attendant, j'entends et je lis encore depuis quelques jours les mêmes interrogations autour de la dernière création de Steve Jobs :

1) Est-il utile ou futile ?
2)Au fait ça sert à quoi, à qui ?
3) Va-t-il sauver la presse payante ?

J'ai fait partie des early adopters qui sont allés chercher l'iPad aux Etats-Unis le jour du lancement, début avril. Depuis, je vis avec cette drôle de bête au quotidien.

Dans le cadre de l'agence RevSquare, que je lance ces jours-ci avec un petit groupe d'excellents professionnels (RevSquare est un concept innovant d'agence de consulting, centrée sur la monétisation digitale) nous avons d'ailleurs monté la semaine dernière un petit événement autour de l'iPad.

Parmi nos premiers invités : le patron de RMC Sports, François Pesenti, Arnaud de Saint-Simon, Pdg de Psychologies Magazine, et Frédéric Siterle, ancien patron du Figaro.fr et fondateur du prometteur MySkreen.com, dont la nouvelle formule vient de sortir ce matin.


L'occasion pour nous de revenir sur les mirages et les vraies opportunités de cet outil clivant.

Voici donc quelques réflexions après deux mois d'utilisation intensive.

1- Ce n'est pas un ordinateur. Ce n'est pas un téléphone.
Inutile de le comparer à votre MacBook ou votre iPhone.

L'iPad, c'est effectivement un nouvel outil dans la chaîne ordinateur/ smartphone. Il ne remplace donc pas un ordinateur, encore moins un téléphone même s'il s'apparente à un gros iPhone. Il se place entre les deux.

En fait, si je devais aujourd'hui acheter un ordinateur, je laisserai sans doute mon MacBookPro pour acheter un iMac de bureau que je laisserai chez moi. Et je me déplacerai avec mon iPad. 

En fait, l'important pour moi serait d'avoir accès à tous mes dossiers depuis n'importe quel ordinateur ou tablette et qu'ils se synchronisent instantanément. C'est le stade ultime du cloud computing (l'accès aux logiciels et aux documents via Internet sans passer par votre disque dur), qui en est encore à ses balbutiements. 
Et l'iPad est construit pour le cloud computing.



2- L'iPad, comme les prochaines tablettes des concurrents d'Apple, est donc surtout le chainon manquant dans la panoplie d'outils qui marquera l'ère de la continuité des écrans. 
L'important, demain, ce ne sera pas d'avoir une tablette, un ordinateur ou un iPhone, mais de pouvoir être connecté en permanence avec ses données et de pouvoir interagir avec elles. 
L'iPad est une interface mobile. Pas un ordinateur.

3- Personnellement, comme la plupart des early adopters avec qui j'en ai discuté, je ne me sépare presque jamais de mon iPad. 

Je pourrais m'en passer, mais il a changé mes usages dans bien des domaines.

- Il est très léger, plus léger qu'un Mac Air, et plus petit. Je peux le tenir à la main comme un carnet de notes. J'ai accès à Internet depuis n'importe où, en 3G (via mon téléphone) ou en Wifi.

- Lors de mes rendez-vous, je peux faire une présentation powerpoint à mon interlocuteur en un clic. C'est beaucoup plus agréable et spontané que de le faire avec un laptop.

- Je l'utilise essentiellement pour : consulter et envoyer mes e-mails, lire mes flux RSS via une application qui se connecte sur mon Google Reader, surfer sur le Web, prendre des notes ou rédiger des textes, regarder des vidéos.

- Je ne prends mon laptop que lorsque j'ai besoin de faire des opérations complexes : faire un powerpoint, un tableau excel, écrire un texte sur lequel j'ai besoin de faire beaucoup d'éditing, travailler sur plusieurs documents (l'iPad n'est pas encore multitaches).

- J'utilise également mon laptop pour écrire sur mon blog parce que le navigateur Safari de l'iPad est incompatible avec Blogger, ma plateforme de blogs. De plus, gérer les photos (je ne peux pas uploader de photos sur Blogger depuis l'iPad), les liens, avec Safari n'est pas idéal.


4- L'iPad n'est pas vraiment un livre numérique. En tout cas, ce n'est pas un lecteur passif destiné à la consultation numérique de contenus papier. Dans ce sens, ce n'est pas un clone du Kindle d'Amazon (le lecteur de livres numérique dominant sur le marché). Pour plusieurs raisons.

L'écran est merveilleux pour regarder des photos ou des vidéos. La qualité est excellente. Surprenante, même. Il est également vraiment adapté à la lecture  des bandes dessinées.

Par contre:
- il est rétro-éclairé (ce qui n'est pas le cas du Kindle). Les yeux fatiguent donc très vite. Je peux lire un article sur le Net, mais pour un livre, je suis obligé de reposer mes yeux au bout de quelques minutes.
- en plein soleil ou à la lumière, il y a énormément de reflets (et de traces de doigts!), ce qui perturbe la lecture. Impossible de lire plus de 5mn au soleil.

5- Je ne l'utilise donc pas pour lire des journaux ou des magazines en e-paper.

Je les ai pourtant tous testés. LeMonde.fr, Les Echos.fr, Paris Match, GQ...

Transposer un magazine ou un journal sur l'iPad, comme s'il s'agissait de papier électronique est une erreur. Ce n'est pas fait pour ça. Même en implantant des mini-readers dans la feuille.

Les seules applications efficaces sont celles qui sont conçues pour l'iPad et proposent une vraie expérience d'utilisation: on joue avec les fonctions tactiles, on a accès au Net, à des infos en temps réel, à une mise en scène adaptée à l'écran, une mise en écran tactile plus qu'une mise en page.

6- Par contre, la meilleure application, c'est le navigateur Internet.
Ce qui change beaucoup de chose par rapport à l'iPhone.
La plupart des applications médias de l'iPhone se justifient parce que la navigation web n'est pas évidente. Il est plus facile de circuler sur l'appli du NYTimes que sur son site mobile.

Sur l'iPad, c'est le contraire. J'ai plus de contenus et de souplesse sur le site web du NYTimes, consulté via le navigateur de l'iPad, qu'avec l'application.

Pas simple pour les médias...


Lors de la rencontre RevSquare de la semaine dernière, le contraste était révélateur : 

RMC Sport, qui est structurée comme une agence multimédia, va lancer son appli iPad en juin prochain: "L'AppSport". Le résultat ressemble à un magazine nouvelle génération, mais complètement adapté à l'iPad, avec du contenu photo, vidéo et live. "Produire pour l'iPad ne nous coûte presque rien", car les journalistes de RMC Sport sont organisés pour produire en continu des contenus digitaux vidéo (pour BFM-TV), radio (pour RMC), et photo + texte (pour les médias en ligne du groupe). Ils produisent même des guides papier vendus en kiosque...



A l'inverse, Arnaud de Saint-Simon, qui avait organisé une journée iPad pour le Syndicat de la presse magazine, nous expliquait que produire pour l'iPad, sauf à reproduire l'imprimé sur l'écran, coûterait très cher aux magazines, "car il faudrait complètement modifier notre organisation". Une organisation tournée d'abord vers le print.


A lire sur Business Insider, une petite étude qui montre la différence d'usage entre les possesseurs d'iPad et d'iPhone. C'est plutôt encourageant. Elle positionne l'iPad davantage comme un reader et un outil de productivité.



 7- Mes applications favorites


- Evernote : le parfait exemple de la continuité des écrans. Je prends des notes sur mon iPhone, mon iPad, ou mon ordinateur. Je les retrouve instantanément sur tous les écrans.

- Wired: encore imparfait et un peu trop CD-Rom. Mais il y a eu un vrai effort de réalisé pour faire de l'appli du célèbre magazine américain une expérience digitale originale sur écran tactile.

- La suite bureautique d'Apple : un traitement de texte (Pages), un tableur (Numbers) et un powerpoint-like (Keynote).

- FeeG+: Un lecteur de flux RSS qui se branche sur Google Reader et propose une vraie appli média d'agrégation. Inutile de télécharger les applications de vos médias favoris, tous leurs contenus peuvent être réunis dans ce programme!

- Twitterrific: Pour l'instant, un des meilleurs clients twitter sur iPad.

- BFM-TV: une vrai télé de poche et des reportages à la demande. Avec un bon système de partage.

- Adobe Ideas: un outil intuitif pour faire des croquis.

8- Celles que j'aime le moins : 

- LeMonde.fr et Les Echos: ce sont de simples Pdf adaptés à l'iPad.

- Le Figaro. L'appli est incompréhensible: une sorte de cube que l'on manipule sans que l'on saisisse vraiment pourquoi. Tous les contenus sont payants. Alors qu'ils sont gratuits via le site Internet, accessible depuis le navigateur iPad !

(A lire également : le témoignage et l'analyse de Mémoires Vives sur l'iPad.)

5 commentaires:

Unknown a dit…

Tu passes rapidement sur le fait que tu utilises la connexion 3G de ton téléphone pour connecter l'iPad. Sauf erreur c'est peut être ça qui rend plus facilement envisageable d'en faire un outil de travail.
Seul probleme l'utilisation de l'iPhone comme passerelle n'est pas une fonction accessible par défaut. Non?

Unknown a dit…

Hello
Merci pour l'article.
une question pratique. Est-ce que votre appli rss gère delicious? Si c'est le cas, peut-on rajouter des tags à partir de l'appli?

Benoit Raphael a dit…

@emmanuel : Oui, pour l'utiliser en 3G, il faut "jailbreaker" son iPhone (ce qui te fait perdre la garantie... et t'empêche d'utiliser les mises à jour officielles). C'est une des aberrations du système.
J'imagine que ce problème disparaitra en partie avec l'arrivée de l'iPad 3G.
Mais pour l'instant, si on veut exploiter l'iPhone et l'iPad au maximum de ses capacités, il fait être un peu pirate /-)

@Ziad : si vous sortez un flux RSS de votre flux delicious, oui

Unknown a dit…

Bon apres ma premiere journée sur iPad, je suis totalement insensible à l'effet Wow des applis de presse. Je crois que je partage ton constat (sur les news)

Unknown a dit…

28/05, 9h30 ce matin, Fnac Grenoble : personne, aucune queue. Peu d'engouement finalement sur place.

Si tu savais Benoît le nombre de personnes qui me disent en ville, au boulot, dans des BarCamp et autres...

"L'iPad, oui, ça à l'air bien (...) mais je vais attendre la v2, c'est pas assez ouvert comme produit pour le moment (...) Il n'y a même pas de...".

Ce qui ne passe vraiment pas auprès d'eux en général, c'est l'absence de port USB "maître" (l'idée de "brancher" l'iPad quelque part. L'iPad vu comme un périphérique informatique "comme un autre" finalement). C'est assez bizarre comme interprétation.

A méditer peut-être ;-)

A+
Chrys