lundi 15 décembre 2008

Presse écrite: les 14 constats choc des Etats Généraux


Alors que les 4 groupes des Etats Généraux de la Presse Ecrite rendent (ou ont déjà rendu) leurs conclusions et leurs propositions à l'Elysée, je vous communique celles du pôle 3 ("Le Choc d’Internet : quels modèles pour la presse écrite ?").
Il ne s'agit pas de propositions (elles n'ont pas encore été rendues publiques), mais de 14 constats énoncés par les intervenants du pôle 3 présidé par Bruno Patino.

Il s'agit de la synthèse la plus pertinente et la plus à jour que j'ai pu lire ces dernières mois. Elle résume, chiffres à l'appui (dont certains sont inédits), la situation de la presse française et mondiale face au choc d'Internet. Dans un constat clair et radical.
Un électrochoc. A méditer. Et à conserver dans vos archives...

1. L’offre globale de médias augmente plus vite que leur consommation.

L’offre mondiale de contenus médiatiques augmente à un rythme annuel de 30 % que la consommation ne peut suivre. Le nombre des chaînes de télévision a triplé en Europe dans les dix dernières années, le nombre des magazines a quadruplé en vingt-cinq ans. Chaque jour, le Web grandit de 1,5 millions de pages. Partout, audiences et annonceurs répondent à cette abondance par la fragmentation: l’attention portée à un média en particulier diminue, qu’il s’agisse d’un apport d’audience ou de publicité. Le « rendement » d’un média par unité d’audience est partout en baisse.
Robert Picard/Jönköping International Business School, Jönköping University.

2. Les annonceurs poursuivent leur retrait des médias.

La publicité traditionnelle sous forme de vente d’espace dans les médias ne représente plus qu’un tiers des dépenses des annonceurs. Ceux-ci se tournent de plus en plus vers le marketing direct, la sponsorisation, l’évènementiel ou le marketing personnel. Se produit du coup un découplage de l’information et de la publicité qui constitue un tournant historique. Ce sont les consommateurs qui apportent aujourd’hui la part majeure dans le chiffre d’affaire des entreprises de média, en raison notamment des dépenses d’équipement. Pour un Euro dépensé par un annonceur, on en compte sept dépensés par l’audience aux Etats-Unis, cinq en Europe. Le marché de la communication dépend de la demande et non plus d’une offre financée par la publicité.
Robert Picard/Jönköping International Business School, Jönköping University

3. La hausse continue de la consommation de médias va de pair en France avec une dispersion des audiences entre titres et supports.

L’offre de médias est en hausse, la fréquence des contacts entre l’audience et les médias aussi, mais ces deux tendances s’inscrivent dans une dynamique de comportement unique : l’addition de médias. L’audience se disperse de plus en plus au sein de l’offre de supports et de titres qui lui est faite. Les lecteurs de magazine ne sont pas moins nombreux, mais ils reviennent moins souvent vers chacun des titres d’une offre devenue plus large ; les lecteurs de quotidiens se distribuent sur une double gamme (payant et gratuit) ; les 15-24 ans diversifient les supports numériques pour accéder à un même contenu vidéo. Cette fragmentation de l’audience entraîne un second effet : la polarisation qui revient à se cantonner à quelques titres sur chacun des supports. A l’élargissement de l’offre, l’audience répond en se fragmentant.
Source AEPM Somme des LDP. Médiamétrie – Global TV. Robert Picard/Jönköping International Business School, Jönköping University


4. L’accès classique aux médias (TV, radio, imprimé) est minoritaire chez les 15-24 ans français.

Les « autres pratiques multimédias » (ordinateur, téléphone mobile, baladeur multimédia, jeux vidéos, etc.) constituent 50,3 % des contacts avec les médias des 15-24 ans français, contre 29,5 % pour l’ensemble de la population. Pour les trois médias classiques pris dans leur ensemble, la rupture générationnelle est réelle.
Médiamétrie – Media In Life – Lundi-Dimanche Janv-Fév 2006, 2007 et 2008, 00h-24h. Ensemble 13 ans et plus

5. Les déplacements quotidiens sont l’occasion d’une consommation de médias et de loisirs numériques où le téléphone l’emporte désormais sur l’imprimé.

Pour trois Français sur quatre les déplacements quotidiens sont une occasion de contact avec les médias et les loisirs numériques, un moment où la radio reste leader : 55 % de pénétration au sein de cette population « médiavore » en mouvement. Mais de 2007 à 2008, les positions relatives de l’imprimé et du téléphone se sont inversées. La pénétration de l’imprimé chute de 21,6 à 19 % tandis que le téléphone explose de 19 à 32,4 %. Le support téléphonique mobile dépasse le média écrit dans la consommation nomade.
Médiamétrie.Media In Life. Base Lundi-Dimanche Janv-Fév 2007 et 2008. Ensemble 13 ans et plus

6. La baisse de diffusion payante des médias imprimés est une tendance française avérée qui recouvre des réalités diverses.

La diffusion de la presse écrite payée subit une érosion amorcée bien avant la montée en puissance d’Internet. Actuellement, elle baisse en moyenne de moins de un pour cent par an. La tendance vaut pour la PQN, la PQR et la presse magazine, mais dans le détail, les situations sont diverses. A nombre de titres constant, les news progressent en diffusion ; les féminins régressent, malgré l’augmentation du nombre des titres. La PQN est en croissance quand on ajoute les gratuits à sa diffusion. Au total, la tendance baissière du « papier payant » est majoritaire, durable et continue.
Données OJD

7. La presse imprimée est une dépense mineure dans le budget d’un ménage français.

Le budget consacré aux médias (2.272 Euros par an) représente 8,5 % des dépenses d’un ménage. Plus du tiers est alloué à la téléphonie fixe et mobile, loin devant l’audiovisuel et Internet. A la différence de ces supports, la presse imprimée n’exige pas d’achats d’équipements : 172 Euros par an d’abonnements et d’achats au numéro mobilisent donc moins de 8 % de tout le budget médias. Pour les Français, le déclin de l’imprimé est une réalité devenue visible dans leur économie domestique.
Médiamétrie - Observatoire des dépenses médias et multimédias – Vague Mai-Juin 2008

8. La recette publicitaire de la presse payante s’installe dans une croissance négative.

Deux décennies de hausse des recettes publicitaire de la presse écrite, en dépit d’une perte de parts de marché au profit de la télévision, s’achèvent par un mouvement de recul. Depuis 2004, avec la montée en puissance de la publicité sur Internet, la presse écrite payante facture moins les annonceurs, en France, comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Une tendance neuve s’est installée.
Données Irep

9. Les quotidiens gratuits ont la plus grande affinité avec le lectorat français de 15 à 49 ans.

La presse quotidienne la plus récente (créée à partir de 2002) a le plus fort taux d’affinité avec le lectorat de 15 à 49 ans. Dans ce domaine, la PQN a un résultat neutre (affinité de 100 environ) tandis que la PQR affiche un fort déficit, notamment chez les 15-34 ans. Mais elle garde une pénétration bien plus forte que ses rivales. De là, l’inconfortable alternative vécue par les quotidiens français : toucher peu de monde avec un fort taux d’affinité, ou toucher beaucoup de monde
avec peu d’affinité.
EPIQ/LNM/07/08. EuroPQN/ EPIQ

10. Le gros consommateur de médias écrits ne se cantonne pas, en France, à un support unique.

Une lecture forte de quotidiens est corrélée avec un comportement actif sur Internet. De même, une lecture forte de magazines est corrélée avec un comportement actif sur Internet. Plus largement, l’intérêt pour la presse d’information générale et politique se combine avec un comportement plus actif que la moyenne sur le média Internet. Après s’être étendu aux magazines, l’intérêt pour la vie publique et spécialement la vie politique, le creuset original de la presse quotidienne, s’est donc à nouveau étendu, cette fois au média Internet.
EuroPQN/ EPIQ

11. Le média Internet continue de croître en France, en pénétration et en utilisation.

Internet progresse désormais à un rythme plus modéré : la population d’internautes est en hausse de 5 % sur un an. La barre des 60 % de Français de 11 ans et plus se connectant au moins une fois par mois a été franchie à l’été 2008. Le temps passé sur Internet atteint 25h et 3mn par mois au premier semestre, contre moins de 19 heures il y a trois ans. Les 15-24 ans frôlent l’heure de connexion quotidienne (29h 38 mn par mois). L’activité des internautes ne s’arrête pas à la consommation, elle s’étend désormais à la production et à la redistribution de contenus.
Médiamétrie//NetRatings - Domicile et / ou lieu de travail – indicateur intitulé PC time

12. Le smartphone possède un potentiel de bouleversement complet de la consommation de médias.

La définition du « smartphone » (un téléphone doté d’un système d’exploitation sophistiqué et une connexion confortable au réseau Internet) fait l’objet de débats, mais sa capacité de « disruption » est constatée partout. Sur les marchés où il pénètre, ses utilisateurs (ceux du modèle Iphone d’Apple en sont l’exemple) modifient fortement leur consommation de médias. Modification des parts respectives sédentaire/nomade ; apparition de demandes nomades fortes ; transfert de connexions Internet du PC vers le téléphone, etc. Le choc Internet du mobile peut rivaliser en impact avec celui connu sur le PC, d’autant plus que la pénétration du téléphone mobile a beau rester faible en France (83 %), elle l’emporte largement sur celle d’Internet.
Forrester Research Technographics surveys 2008


13. La recette publicitaire tirée d’un visiteur unique est vingt fois moindre que celle d’un lecteur.

La diversité de la tarification du display sur Internet (5 à 9 euros en CPM pour le branding, 0,5 euro pour le ROI) s’inscrit dans une gamme de prix sans commune mesure avec celle du papier. Le revenu publicitaire fourni chaque année par un visiteur unique mensuel varie de 1 à 3 euros, contre 20 à 60 euros pour un lecteur de presse écrite. La différenciation des univers industriel et numérique est inscrite dans leurs recettes.
Chiffres nets IRP/ chiffres bruts TNS redressés. Etude Aegis Media

14. Google est au cœur des sessions sur Internet et sa vente de publicité en tire parti.

85 % des sessions sur Internet incluent en France l’utilisation du moteur de recherche Google. La page de résultats de Google provoque dans 30 % des cas un clic sur les liens AdWords placés en colonne de droite. Ce dispositif, complété par la vente en régie des liens AdSense, permet à Google de capter 90 % de la valeur dans la publicité à ciblage contextuel. Une position dominante s’est créé dans les usages et n’est pas contestée sur le marché.
Données et estimations Aegis Media

(Illustration: pôle 3 EGPE - sources OJD)

mercredi 3 décembre 2008

Le statut d'auto-entrepreneur pour les correspondants locaux de presse et les blogueurs?


C'est l'une des propositions qui sortira de l'un des groupes "Presse et Société" (auquel je participe), et qui sera transmise à l'Elysée le 4 décembre à l'issue des Etats Généraux de la Presse Ecrite:
"Peut-on utiliser le statut d'auto-entrepreneur aux fournisseurs de contenus non journalistes, pour améliorer le statut des correspondants locaux et des blogueurs travaillant pour des sites d'info ?"

Qu'est-ce que le statut d'auto-entrepreneur? 
"Le régime de l’auto-entrepreneur, qui sera disponible à partir du 1er janvier 2009, permet à tous les Français, qu’ils soient salariés, étudiants, retraités ou chômeurs... de créer leur activité en parallèle de leur travail afin de compléter leurs revenus ou de créer de façon extrêmement simplifiée leur propre activité à titre principal"(on peut aussi en savoir plus sur ce site).

Quelle est la situation aujourd'hui?

- Les correspondants locaux de presse sont soumis à un régime spécifique, défini par la loi, qui permet aux quotidiens régionaux de les rémunérer sans payer de charges salariales. Mais les conditions sont de moins en moins adaptées à la réalité: pas de lien de subordination (sinon c'est un salarié), pas de consignes sur la ligne éditoriale, pas de commande de contenus et pas de formation. 

- Côté blogueurs, c'est le far west. Quand ils sont payés, ils le sont souvent sur la base d'un contrat de droits d'auteurs. Ce qui n'arrange personne non plus, et entretient toujours un flou sur le lien (salarial ou pas) entre l'entreprise et le rédacteur.

Avec ce nouveau statut, plus clair et plus souple, les blogueurs et les correspondants locaux seraient considérés comme des entreprises individuelles qui factureraient leurs prestations.  

Ça me semble être une piste intéressante pour des rédactions, notamment en ligne, qui seront amenées demain à diversifier de plus en plus leurs contenus en faisant appel à des non journalistes: blogueurs, experts, rapporteurs d'infos locales ou thématiques...

Qu'en pensez-vous?

(Illustration: MoussTIC)

mardi 2 décembre 2008

Twitter: fiable ou pas fiable?


Je profite de la lecture d'un post très intéressant sur la fameuse rumeur qui a couru sur Twitter durant les événements de Mumbai (Bombay) pour répondre aux commentaires générés par mon dernier billet sur le sujet.

Stephane Dangel: "Comment par contre, authentifier avec un maximum de certitude une breaking news transmise par twitter ou n'importe quel autre device ?"

Emmanuel Parody "D'un autre côté Joannes a raison de pointer les erreurs et le bruit. A commencer par la pseudo intervention de la police indienne sur Twitter. A ma connaissance l'info a été démontée mais les sites qui se sont extasiés sur cette intervention ne se sont pas précipités pour corriger. L'émotion d'abord... "
Certes Joannes passe à côté du phénomène mais je crois que dans ce phénomène il est beaucoup plus question d'émotions que d'informations."

Twitter, la plateforme de micro-blogging, considérée comme "la plus réactive" sur les attaques terroristes en Inde était-elle la plus fiable? 

Sur son blog la journaliste indépendante Amy Garhan est une des rares à avoir enquêté sur cette fausse information qui, partie de Twitter, a été relayée par les plus grands médias, la BBC en tête, sans aucune vérification:

Selon le compte twitter "Mumbaiupdates", les autorités auraient demandé aux internautes de cesser de bloguer en live sur twitter afin de ne pas donner aux terroristes des informations qui pourraient leur être utiles. Le 26 novembre, sur le site de la BBC, à 11h, on pouvait lire: 

“Indian government asks for live Twitter updates from Mumbai to cease immediately. ‘ALL LIVE UPDATES - PLEASE STOP TWEETING about #Mumbai police and military operations,’ a tweet says.”

La blogueuse a donc enquêté, assez rapidement. Une simple recherche sur twitter lui a permis de retrouver la trace de l'auteur, un certain Mark Bao, habitant Boston aux Etats-Unis. Pas à Bombay...

Ce dernier précise finalement, toujours sur son compte twitter, que finalement,  l'info aurait été confirmée en vidéo par la police, mais qu'ils parlaient plus généralement de couverture en live de l'info, sans nommer spécifiquement twitter. Téléphone arabe. On en resterait donc à "couverture de l'info en live"... qui inclut la télévision. 
Sauf que personne jusque là n'a confirmé la fameuse source vidéo (Bao n'a toujours pas répondu précisément aux questions d'Amy).

Quelles leçons tirer de cette rumeur relayée par Twitter et les médias? 
La faute à Twitter... ou aux médias ?
Hum... voyons voir: 

Evidemment, Twitter, comme toute source dite "brute" sur le Net (c'est à dire générée par les internautes, les blogueurs, les citoyens...), n'est pas fiable en soi. 
Ce serait comme aller au bistrot, écouter ce qui se dit, et en conclure: "le bistrot est un média". Le bistrot est une source, les journalistes de terrain le savent bien. Pas un média. Twitter, c'est(presque) pareil.
Le problème, c'est que les journalistes traditionnels ne sont pas habitués au "fast checking" sur Internet (vérification rapide de l'information).  Nombre d'entre eux sont encore un peu perdus face au web. Qui n'est pas un média, je le rappelle, mais un réseau, où s'échangent des informations, vérifiées et non vérifiées.

Inutile de se réjouir en criant: "Vous voyez? Internet n'est pas fiable!" Ce n'est pas pour cela que toutes les sources non journalistiques ne sont pas intéressantes, de grande valeur. Au delà des capacités d'auto-correction du réseau (façon wikipédia), c'est aux journalistes de se former à la vérification de l'info "brute" sur le Net. A eux de vérifer, d'encadrer les communautés pour en tirer le meilleur. C'est leur métier. 

Enfin, pour répondre aux doutes émis par Emmanuel sur la qualité "informative" du "User generated content" (Sur Twitter, c'était de l'émotion, pas de l'info). 
Encore faut-il comprendre ce que l'on entend par info. Est-ce de l'info de première main? Il y en a eu, mais très peu (lire aussi ici). Le reste? Beaucoup de veille d'infos en live sur les médias, ce qu'on appelle le "journalisme de liens" et qu'on ose enfin appeler de l'info. 
Sur le Net, en plus de cette veille, très riche, très réactive (souvent plus réactive que celle des journalistes, c'est la force du réseau), il y avait aussi de la conversation (c'est de la valeur ajoutée d'info),  mais également des photos sur place (c'est de l'info), et de l'émotion (de l'info?). Il y a aussi des témoignages de première main sur des blogs.
Oui, il y en a eu peu. Oui, il y en aura de plus en plus (avec l'arrivée du iPhone, notamment). Imaginez le même événement, aujourd'hui, en plein New York. 

Il ne s'agit pas de remplacer l'info des agences par Twitter ou Flickr (la plateforme de photos), mais de les exploiter intelligemment, et de former les journalistes à les apréhender.

Ainsi qu'une discussion sur le sujet (en anglais): how should journalists use Twitter? (merci à Eric pour le lien)

samedi 29 novembre 2008

Mumbai-Bombay, congrès du PS, Twitter...: le live, l'arme fatale du participatif


Au moment où je m'apprétais à écrire sur le live-blogging et les expériences participatives que nous menons depuis quelques semaines sur lepost.fr, et tandis que je venais juste de former des étudiants en journalisme à la veille sur Twitter (en leur expliquant que même s'ils ne comprenaient pas pourquoi ils me remercieraient plus tard), un événement mondial faisait de cette nouvelle pratique sur le web le nouveau "must" journalistique.

Depuis deux jours, la blogosphère médias française ne parle (presque) que de ça (les Américains un peu moins, ils l'expérimentent depuis plusieurs mois déjà):

Twitter, cet outil qui permet, sur Internet, à tout citoyen, journaliste ou blogueur de poster très rapidement des micro-articles de 140 signes, façon sms, s'est montré l'outil le plus réactif pour suivre les attaques terroristes de Bombay.

- Pascal Taillandier de l'AFP s'emballe et parle de Twitter, comme d'un "nouveau média": avec "des informations tellement précises que selon certains micro-bloggeurs, la police indienne estimait que certains messages aidaient les terroristes présumés, rapporte timesonline".

- Philippe Couve, journaliste blogueur et adepte des bonnes formules, préfère voir Twitter comme "une source de sources", comprenez: pas un média, mais un accès touffu, chaotique, en live, à de multiples sources d'informations et d'opinions non filtrées, professionnelles et personnelles.

- De son côté, Laurent Suply journaliste au Figaro, raconte comment Twitter est devenu un outil indispensable pour suivre les événements en Inde:
"Rien, à ma connaissance, ne va sur cette Terre plus vite que Twitter. Ni moi, ni les télés, ni les agences."


Selon lui, il y avait très peu de témoignages, contre beaucoup d'internautes qui se contentaient de commenter et de reprendre les médias. Mais son analyse amalgame beaucoup de concepts et souffre d'un manque de compréhension de ce qu'est le participatif, l'information en réseau et le journalisme de liens.

Qu'est-ce que cela nous apprend?
Avant de se jeter sur la mode Twitter, et de n'en (re)garder que l'outil, il faut bien comprendre que ce qui est passionnant dans ce que nous venons de voir (mais que l'on avait déjà remarqué lors du passage des ouragans aux USA et lors de la campagne présidentielle américaine) c'est l'émergence d'un nouvel Internet.
Et l'émergence, en particulier, d'une nouvelle dimension de l'info sur le web. Le live, évidemment, mais surtout le live en réseau, forcément participatif, une sorte de wikipedia du live, encore extrêment chaotique mais que l'on sent déjà capable de s'organiser autour d'événements marquants et se prolongeant dans la durée comme une soirée électorale, une guerre ou... le congrès du PS (cherchez l'intrus).
Ces dernières semaines nous avons testé cette couverture "live" par la communauté sur lepost.fr. Au départ, c'était juste un test. Et j'avoue avoir été vraiment fasciné par l'étonnante machine que nous avions créée.



Je ne vais pas revenir en détail sur l'ensemble des opérations que nous avons mises en place: pour les gros événements, une "homepage" spéciale rassemblant un bloc de titres mêlé à des liens envoyés en "direct" par la rédaction et un pool d'internautes, un bloc de vidéos, un bloc twitter (nous avions demandé pendant le congrès du PS par exemple, à des représentants de chaque motion de twitter en live le congrès pour nous...), et surtout un bloc "live" géré par une équipe d'internautes et de blogueurs issus de la communauté du Post.

C'est ce dernier outil qui m'a le plus étonné... et fasciné.

Lors du deuxième tour de l'élection de la première secrétaire du PS, le 21 novembre, nous avions laissé la communauté gérer toute seule la nuit électorale.
Pour cela nous avons développé un outil s'inspirant de twitter et "live messenger": un agrégateur de micro-posts, sur lequel peuvent intervenir une dizaine d'internautes (ou plus). Chaque auteur peut poster en temps réel du texte, des liens, des photos (et bientôt de la vidéo). Chaque micro-post peut-être commenté.




Pour la soirée électorale, nous avions sélectionné des contributeurs présents sur lepost depuis plusieurs semaines et avec qui nous avions une relation de confiance: parmi eux des militants, des passionnés d'infos, un chômeur, un blogueur spécialisé en politique. Résultat: des posts presque toutes les minutes, avec énormément de liens vers d'autres blogs ou médias, vers des "twitts", des images issues de la télévision, des déclarations entendues à la radio, bloguées en live, mais aussi des résultats locaux que certains posteurs recevaient par mail, mais aussi de l'émotion, des commentaires qui corrigeaient certains posts.
A minuit, le live (qui fonctionnait comme un agrégateur collectif d'infos en direct) était plus réactif, plus riche, plus complet que la plupart des live des autres médias en ligne. Avec zéro journaliste. Et zéro débordement. Etonnant...

Pluis étonnant encore, le live a duré non-stop pendant 5 jours, 24h sur 24h, sans aucune interruption. Les posteurs se relayaient et bloguaient même à 3h du matin...

Témoignage de l'un d'eux, que j'ai joint par téléphone cette semaine. Il faisait parfois des journées "live" de 15h d'affilée. Une vraie drogue.
"Cela demande une agilité tentaculaire. Mon info je la prenais sur tous les sites d'infos. J'avais une quinzaine d'onglets ouverts sur mon navigateur, avec tous les sites réactifs. Mais je recevais aussi des infos en direct de la fédération toulousaine parce que je suis de Toulouse...
Pour le reste, j'étais en veille sur BFMtv, i-Télé, France-Info... je reçois tous ces médias sur mon ordinateur ce qui me permet de faire des captures d'écran.
Je me sentais bien sûr concerné par cette histoire de congrès du PS (je suis un ancien adhérent qui n'a pas repris sa carte), mais en même temps j'essayais de ne pas faire de posts partisans.
Quand je fais des posts j'aime bien créer le débat. Avec les commentaires qui s'accumulent (il y en a eu plus de 4000 sur le live, NDLA) on voit qu'on est lu, c'est une sorte de drogue! On est pris par le mouvement, par la réactivtié des gens qui commentent. Il y a même eu sur le live du Post, des infos de médias officiels qui étaient corrigés par les commentaires des internautes!"

Même opération avec les événements en Inde. Pendant 3 jours, non-stop, une petite dizaine de posteurs, aidés cette fois (en journée) par la rédaction, se sont chargés de la couverture en live. Avec beaucoup de liens vers twitter, beaucoup de photos capturées à la télévision, de l'émotion aussi (l'un des posteurs avait son fils en vacances en Inde)...



Evidemment, nous n'aurions pas obtenu ce résultat si la rédaction du post (des journalistes, donc) n'avait pas derrière elle un long et patient travail d'animation de sa communauté, et si elle s'était contentée de dire: on vous ouvre un espace "live".
Les internautes présents sur le live sont en contact avec la rédaction depuis plusieurs mois. Les journalistes les connaissent, les encadrent, les forment parfois. C'est une des nouvelles fonctions du journaliste en réseau. Animer une communauté.

L'objectif, ici, n'est pas de produire une information low-cost sans journalistes, mais de travailler intelligemment dans le cadre d'une info en réseau. Produire une info plus pertinente par rapport aux attentes des lecteurs: hyper réactive, moins conventionnelle dans ses choix, plus "live", plus libre, avec plus de ton, de conversation, beaucoup d'émotion.
Je me souviens du live de la nuit électorale américaine, pendant le discours d'Obama, un posteur a écrit: "je suis en train de pleurer". En relisant le live le lendemain, on avait non seulement une idée de ce qui s'était passé, mais aussi de l'émotion qui a saisi la France cette nuit là...

D'aucuns répondront qu'il ne s'agit que de "veille d'info". Mais sur Internet, le journalisme de liens (qui trie et donne du sens) est une vraie fonction d'info. Une fonction journalistique, qui peut être assumée par des non-journalistes (le journalisme est alors vu comme une fonction, non plus comme un métier). On peut être non journaliste et excellent lecteur et decrypteur d'info.
D'ailleurs, journaliste ou pas journaliste, peu importe. C'est la force du réseau qui constitue la richesse du live "participatif".

Pourquoi y-a-t-il aussi peu de témoignages directs dans tous ces "live"? D'abord, il y en a eu: ce live étonnant sur Twitter (par un journaliste indien), mais aussi cette série de photos sur Flickr envoyée par un internaute photographe.

Il y en a eu, assez peu cependant, mais il y en aura de plus en plus. Ce n'est pas une question de "vacuité", c'est d'abord une question d'équipement. Avec l'explosion des iPhone, nous allons vers un monde connecté en permanence. Et donc un potentiel de témoignage en direct de plus en plus conséquent, qui pourrait bien s'emballer, une fois le "tipping point" passé.

Au lieu de s'élever un peu rapidement contre la vacuité du "peuple" non journaliste, Alain Joannes ferait mieux de réflechir à la place du journaliste dans cette nouvelle mécanique de l'info live. Il y a du boulot!

A voir également sur ce sujet:
- Un bon outil pour monitorer plusieurs flux twitter: monitter.com
- Un autre outil pour faire des recherches sur Twitter: search.twitter.com (ici, le canal "mumbai" sur les attentats)
- Une agrégation de différents flux live sur les attentats (twitter et flickr, notamment)
- Un article du magazine américain Wired sur la couverture de l'événement via Twitter.

jeudi 6 novembre 2008

Elections américaines: le Drudge Report devant le NY Times


C'est moins énorme que l'élection de Barack Obama (quelle émotion!), mais c'est quand même une petite bombe. On disait déjà que le Drudge Report, un blog qui ne publie qu'une sélection de liens vers d'autres sites, était considéré comme le média web le plus influent sur la campagne électorale US (ou même comme le journaliste le plus influent du monde, selon le Telegraph).
Mais qui pouvait imaginer qu'il exploserait l'un des plus gros sites d'infos américains: le New York Times? Le premier site de presse et 5e site d'infos aux USA (chiffres Nielsen de septembre)!

Qu'est-ce que le Drudge Report?



On le connait pour avoir, sous l'influence des conservateurs, "sorti" l'affaire Monica Lewinski. Mais il s'agit surtout d'un site qui pratique ce que l'on appelle le "journalisme de liens". Un site qui ne publie que des liens vers les meilleurs infos piochées sur le Net. Un titre, un lien. Mais un "bon lien", qui est une forme de traitement de l'info, né avec le Net: la meilleure info au meilleur moment.
La présentation du site est volontairement "old school", un design très confus, très moche, juste une liste de titres, mais remise à jour régulièrement.

C'est ce site là (piloté par Matt Drudge) qui est arrivé, selon Hitwise, 6eme derrière des mastodontes comme CNN, Yahoo News ou Google News! Et devant le premier site de presse, la référence en la matière. Drudge Report annonce sur son site plus de 840 millions de visites en un mois, 33 millions dans les dernières 24 heures.
Une équipe minuscule (c'est à dire: zéro équipe), un budget minuscule... devant le NYTimes. A méditer.

Source: Techcrunch
Lire également sur Mediachroniques: "Elections américaines, Internet devant les journaux"

mercredi 29 octobre 2008

"Mainly web/ little print": le modèle de demain pour la presse écrite?


C'est présenté comme une première. Et c'est le journal lui même qui l'annonce sur son site: le quotidien national américain  "The Monitor" (nom complet: "The Christian Science Monitor") va, après 100 ans de bons et loyaux services, abandonner son édition papier pour se consacrer au web avec un nouveau site et une nouvelle organisation.

Pour quelle raison?
La baisse de la diffusion, bien sûr (en 40 ans, le Monitor est passé de 223.000 abonnés à 53.200), mais aussi pour renforcer la qualité éditoriale du Monitor, insiste sa présidente Judy Wolf: meilleure réactivité, plus de pertinence par rapport aux attentes des lecteurs...
L'objectif est également de "réduire les coûts", ce qui va de soit, mais surtout "d'augmenter les revenus".

Comment le Monitor compte-t-il augmenter ses revenus en stoppant les rotatives
D'abord, évidemment, en pensant "bénéfices" et pas "chiffre d'affaires". Mais pas seulement.
En fait, et c'est là où la démarche du Monitor est particulièrement intéressante, le nouveau média publiera un petit hebdomadaire papier.
Vous pouvez voir la maquette de la couverture ci-dessous: 

Il s'agit d'un hebdo payant distribué par mail (le quotidien était également essentiellement vendu par abonnement).
C'est à dire que l'on renverse le modèle. Non plus une rédaction papier autour d'un quotidien papier, mais un média web (site, blogs, newsletter + twitter pour la couverture live) d'où sortira un hebdo papier.

C'est d'ailleurs une stratégie de plus en plus étudiée par les médias américains, notamment locaux. Sauf qu'il me semble plus efficace de travailler sur une édition gratuite que payante.
J'avais évoqué le sujet avec Alan Mutter, la semaine dernière. Il voit l'édition papier comme une moyen intéressant, non seulement de promouvoir le site et la participation des internautes (qui adorent voir leur production imprimée), mais aussi de générer plus de revenus publicitaires. C'est ce que fait le site hyperlocal et participatif Northwest Voice, qui gagne de l'argent essentiellement grâce à son édition papier hebdo gratuite.

Le site web Politico  propose également une édition print, plusieurs fois dans la semaine.

Ce modèle "mainly web/little print" (un média "pure web" dont dépend une édition papier) est sans doute un modèle que nous pourrons voir apparaître dans les prochaines années: un coeur éditorial reposant sur un site web puissant et décomplexé alliant scoop, agrégation et conversation, qui produit un "quotidien papier" devenu ... presque quotidien avec des éditions ponctuelles dans la semaine (gratuites ou payantes selon les contraintes de distribution et le lectorat visé...).

Sur son blog, Ken Doctor stigmatise les difficultés des journaux à opérer cette nécessaire (inévitable?) transition vers ce modèle web dominant. "95% de leurs revenus viennent du papier, pas un ne dépasse les 13% de revenus issus du web", constate-t-il (la faute aux tarifs pub de plus en plus bas notamment, mais aussi à l'incapacité des médias traditionnels à réinventer le modèle pub). "Les journaux n'ont tout simplement pas réussi à opérer leur transition suffisamment rapidement", résume Ken Doctor, qui considère le modèle "mainly web/ little print" comme l'exemple même du média moderne.

dimanche 26 octobre 2008

La rédaction du futur? 35 personnes!


Je reviens du sommet "New business models for news" (les nouveaux modèles économiques de l'info") organisé par Jeff Jarvis à la CUNY graduate school of journalism (New York). Journée passionnante, à quelques années lumières des réflexions franco-françaises sur l'avenir de la presse
L'objectif était de réunir les acteurs les plus dynamiques des médias (CNN, New York Times, Washington Post, mais aussi glam.com, google ou encore l'excellent Alan Mutter...) pour travailler ensemble, dans le cadre d'ateliers concrets, sur le "concrècomment on fait?"

Le groupe auquel je participais était consacré à l'efficacité des rédactions : quelle organisation, quels effectifs pour le média du futur? 

Point de départ de la réflexion: comment articuler le print et web? Doit-on réfléchir en rédaction multi-plateformes, ou séparées? 
Gros débat, compliqué, vite balayé par Jeff Jarvis: Imaginez qu'un grand quotidien régional mette la clef sous la porte. Vous avez une opportunité ou pas ? Tout le monde hoche la tête: "Ah oui!" (ce qui, soit-dit en passant, est plutôt rassurant sur l'état d'optimisme des médias américains malgré la crise)
Deuxième question de Jeff Jarvis: "Ok. Vous faites un journal + un site web ou juste un site web?"  Réponse toujours unanime, bien résumée par l'un des convives: "Si je devais créer un média, je ne m'embarrasserais pas du print, god damn not! Je zapperais tout de suite la partie newspaper..."
Autre petite phrase d'un confrère du Washington Post: "Pourquoi perdre du temps réfléchir à l'organisation print-web? C'est un débat du passé. On ne sait même pas s'il y aura encore des journaux dans 5 ans..."
(A des années lumières du débat français, je vous dis...)

Quoi qu'il en soit, nous avons réfléchi à la taille de la rédaction de demain... et fait tomber les chiffres.
On était parti avec un staff de 200 personnes ("un minimum", estimait un confrère du NY Times...)
Pour finalement tomber à... 35 !

Pour quelle raison?
- D'abord le prix : 60.000 dollars par an, par personne. Faites les comptes. Multipliez par 200 et essayer de voir comment vous pouvez financer tout ça... sur le web. 
35 personnes, ça fait un  budget éditorial de 2,6 millions de dollars par an. Plus réaliste (aux US...).

- Autre explication: l'information en réseau. Le journalisme de liens, le journalisme participatif, les partenariats... le modèle de l'info a changé. Et recompose les rédactions autour de centres nerveux plus ouverts, mais aussi plus réduits. Et centrés vers leur savoir faire. "Do what you do the best, outsource the rest... or link to the rest" (Faites ce que vous savez faire, externalisez le reste ou faites des liens vers le reste...)

Voici la composition proposée par le groupe:

- 20 content creators (reporters, mobile journalists...)
- 3 community managers (animateurs de communauté)
- 2 programmers, developpers (développeurs éditoriaux)
- 2 designers 
- 3 editors, copy editors (éditeurs, sécrétaires de rédaction)
- 5 producers (terme assez flou pour désigner d'autres producteurs de contenus, comme les bloggers apparemment...)

En résumé: on concentre les équipes sur le reportage, les créateurs de contenu exclusif. L'un des vieux fondamentaux du métier : "il faut sortir des infos". Que tout le monde visualise, ici (moins en France), comme des MoJo: mobile journalists. Des journalistes locaux, équipés d'un laptop et d'une caméra, qui envoient des contenus exclusifs. 



Ce qui a d'ailleurs entraîné un autre débat: a-t-on besoin encore d'une salle de rédaction? Un des participants a donné l'exemple du média hyperlocal qu'il avait monté avec 6 journalistes équipés d'ordinateurs portables et de caméras, qui discutaient via skype... "Faut-il aussi un encadrement", interrogeait-il? L'info étant atomisée, hiérachisée par Google... Levée de boucliers dans la salle. Pas sûr qu'on aille jusque là. Mais la question se reposera peut-être demain.

Personnellement, j'aurais équilibré un peut plus le staff en gonflant le pool "community managers". Ou alors en donnant à chaque reporter un rôle de "community manager" et en lui demandant de produire également des liens en plus de ses sujets ("link to the rest"...). 

J'essaierais de poster, demain, un petit florilège de ce que j'ai vu et entendu au summit... En attendant, Jean-Marie Leray a fait, sur son blog, un résumé intéressant de l'intervention de Jeff Jarvis jeudi matin, à partir de ce qu'il a vu et lu sur Internet.

mercredi 22 octobre 2008

Une nouvelle architecture de l'information


Voici ma contribution, apportée hier, à l'atelier "quels contenus pour la presse écrite?" des Etats Généraux de la Presse Ecrite. Un peu décalée par rapport aux autres interventions, mais bon... certes, il y a des solutions concrètes à court et moyen terme et il faut les travailler. Mais peut-on parler de contenu pour la presse écrite sans tenir compte du contexte actuel? Internet n'est pas qu'un nouveau format, il a entraîné une profonde mutation de la société française. Et donc son rapport à l'information. 

D'abord 3 constats concernant le papier: 

1) La presse papier n'est pas victime d'érosion, elle est menacée de décrochage dans sa diffusion. Il sera dramatique. C'est déjà le cas aux Etats-Unis. En France, la presse devrait suivre la tendance, avec un an de retard. Le décrochage se fait déjà sentir en 2008 pour un certain nombre de grands quotidiens, avec des chutes entre 5 et 10%.

2) On ne  gagne plus d'argent sur la vente seule du journal papier.

3) Le gratuit n'est pas LA solution. Il répond à une demande, mais le marché est déjà saturé. Et il s'appuie sur la mobilité... qui est la grande révolution du i-Phone.

Des chercheurs de l'institut d'études du futur de Copenhague ont dressé la liste de ce qui ne fera plus partie de notre environnement en 2020. Et parmi eux:  les journaux papier.
Plus récemment, à la conférence de l'Association mondiale des journaux, on évoquait leur disparition dans 5 ans...
Difficile de jouer les mediums. Et il y a toujours des exceptions. Ce que l'on sait:  c'est un format qui va mal, qui coûte encore trop cher mais qui reste pertinent, parce qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de réplique totale au papier. Le problème, c'est: jusqu'à quand pourrons-nous encore le financer? 

Considérons donc le comme un format comme un autre: rationalisons les couts de fabrication, mais aussi la distribution désastreuse, et les coûts éditoriaux. Mais surtout, osons nous poser la question:
Et si le papier disparaissait? Impossible? Posons nous quand même la question. 
Dans ce cas, posons nous autre question: sans papier, qu'est-ce qu'un journal?

Alors, qu'est-ce qu'un journal?
- Une relation à l'audience, comme le conseille Rob Curley, un des artisans les plus talentueux de la presse locale aux Etats-Unis? Que dit-il: dans newspaper, il y a news et il y a paper. Un jour, il faudra choisir son camp.
Choisissons les news. 
Et là encore, posons nous la question: qu'est-ce que l'information. Qu'est-ce qui a changé dans l'information aujourd'hui?
Beaucoup de choses.
Penser les contenus pour demain, c'est penser une nouvelle architecture de l'information qui tienne compte des réalités.

Voici donc deux nouvelles réalités : 

1)  Nous sommes en train d'ouvrir les yeux sur un nouveau monde et, que réalisons-nous? Qu'une partie de l'info se fait déjà sans nous, les médias traditionnels. Aux USA, même les sites des grands journaux sont en recul, ce qui n'est pas rassurant.

2) L'information s'inscrit désormais dans un réseau. Pourquoi est-ce important de réaliser cela? Parce que les revenus demain s'inscrivent également dans cette logique de réseau. Regardez Google: Google truste aujourd'hui la publicité sur le Net, et dévore la publicité locale. Il le fait sur la base de contenus qui ne lui appartiennent pas. Google met en lien contenus et lecteurs. Et a bâti un réseau de publicité dessus (lire à ce sujet les réflexions de Jeff Jarvis)

Qu'est-ce que cela veut dire? Que nous assistons aujourd'hui à la fin du mass média. Nous nous dirigeons vers une info partagée: une info hyperfragmentée, qui sera produite non plus par de grandes rédactions mais par une multitude de mini-médias, parfois personnels, et qui devra, dans la même logique, être hyper distribuée, notamment via les mobiles. Une information en réseau.

Je pense que nous ne survivrons pas si nous nous considérons seulement comme des mass médias fournisseurs de contenus, même à haute valeur ajoutée. Les journaux doivent s'inscrire dans cette logique de réseau: donner la meilleure info au meilleur moment (et j'ajouterais même: au meilleur endroit), mais ce ne sera pas forcément une info produite par la rédaction du média. 

Nous devons devenir des réseaux de valeur où transiteront, de manière filtrée, partagée, l'information infos en provenance de différentes sources et de différentes communautés. Et, bien sûr, donner à ce réseau une couche de journalisme de qualité, de journalisme d'investigation notamment, qui viendra augmenter la valeur ajoutée et l'attractivité de ces réseaux d'infos.

C'est donc une nouvelle architecture de l'information que nous devons construire, en ne jetant pas le papier dans la corbeille, mais en le repositionnant intelligemment, c'est à dire à la périphérie, et en concentrant les aides et les investissements vers la mutation et la diversification de nos industries.

Je n'ai pas parlé de contenu? Si , je n'ai fait que parler de contenu. Car ce qui précède la définition du contenu, c'est bien la question de l'usage. Pourquoi et dans quelles conditions consomme-t-on l'information aujourd'hui, et qu'est-ce ça nous dit en terme de contenus et de formats? 

(Illustration: zouzou.webodo.com

mardi 21 octobre 2008

Papier papier papier


J'ai participé ce matin à la première réunion de l'atelier "contenu de la presse écrite" des Etats-Généraux de la Presse Ecrite...
Ambiance spartiate, derrière Matignon, en sous-sol. 8h30... Une grande table, peu d'éclairage, pas de café, juste deux bouteilles d'eau pour une quinzaine de personnes. Et trois heures de réunion où chacun a exposé sa vision du "problème": quels contenus pour la presse de demain?

"Tu es un peu dans le temple de la presse papier", m'a confié un confrère en sortant... Ambiance, répétez après moi: "le média papier a de l'avenir".

Télescopage: Je rentre à la rédac dans l'après-midi, après une autre conférence (sur le buzz cette fois... autre extrême...), et là: "Tu as lu cet article sur la conférence de la Wan (Association mondiale de journaux, en ce moment à Amsterdam)?" Je lis : "Ceux qui disent la presse papier est morte exagèrent: il lui reste au moins 5 ans" (Marcel Fenez). Sale ambiance à la Wan (pas fait exprès apparemment)... 

Ce matin, aux Etats-Généraux, l'ambiance était donc plutôt à l'anti-alarmisme. 
Peu d'idées nouvelles, par contre, (et pour l'instant), peu de jeunes surtout, beaucoup de dirigeants du papier, mais avec des profils de médias assez disparates sur un sujet extrêmement vaste qui ne peut pas être généralisé, et  où il n'y a pas de recette miracle: le contenu...
Pas simple.
Il faudra être malin pour faire dialoguer de façon constructive ce (beau) panel...

Voici, en vrac, ce que j'ai retenu des interventions de ce matin (Je publierai mon intervention dans un autre post): 

Jean-Marie Charon, sociologue: 
"Question nouvelle : toute la presse dans le monde (au moins en Europe, Amérique du Nord, Japon) souffre. Elle doit réinventer son contenu : soit deux grandes options : 1) Renouveler le contenu de l’imprimé en complément du Net. 2) Trouver les synergies, la continuité, voire des contenus substituables avec le Net.
"Que doit-on faire sur l’imprimé payant ? Qu’est-ce qui est plus value, non substituable dans l’imprimé ? Le contenu d’une publication payante ne doit comprendre que cette plus-value ou l’articuler à l’information redondante ? Et comment ?
"On a besoin d'innover, d'expérimenter, mais a-t-on l'oxygène pour le faire (c'est à dire le bugdet, NDLA)"

Christian de Villeneuve (directeur général des rédactions du groupe Lagardère, notamment le Journal du Dimanche):
"Il faut réaffirmer la prééminence du métier de journaliste: on attend du papier plus de rigueur et de qualité que sur le Net. Le papier est le lieu de l'investigation, du scoop, du reportage sur le terrain, du récit..."

Sur le scoop, le reportage, le récit, il est rejoint par Christophe Barbier (Directeur de la rédaction de l'Express: "Nous sommes dans un métier d'offre. Nous devons apporter de l'information, du scoop: pour cela il faut des équipes nombreuses et expérimentées." Sur le web: "Pour un hebdo papier, le web est notre meilleur ami."

Eric Fottorino, président du Monde, également sur "l'offre": 
"Il n'y a pas de crise de la demande, mais une adéquation entre l'offre des journaux et la demande". Citant Eric Scherer, de l'AFP, "Nous devons répondre aux défis de l'attention. Comment retenir l'attention du lecteur? (...) Comment être différents? Nous devons avoir une politique de l'offre singulière".

Intéressante et singulière, la success story du Télégramme (quotidien régional breton, en concurrence avec Ouest France), qui "gagne de l'argent sur la vente du quotidien papier" (et qui contredisait une affirmation que j'avais exprimée un peu plus tôt). 
"La diffusion est en hausse depuis 40 ans, d'environ 2% par an." La recette? Un marketing éditorial très poussé, très pragmatique (et une brande synergie entre les services, pour ce que j'en sais), basé sur de nombreuses études lecteurs. Et une règle de 3: "1)Nos lecteurs veulent un journal global (national et local). Ils veulent du pratique et de la proximité. 2) Mais ils veulent aussi des journalistes qui enquêtent sur le local, pas seulement de l'info délivrée par des correspondants. Il faut sortir des infos!  3) Et enfin, il faut que le journal soit beau."

Enfin, deux interventions assez décalées mais intéressantes (parce que décalées, justement) sur "l'effet balancier" dans l'info... 
C'est ce que développait notamment le sociologue Jean-François Barbier-Bouvet (je n'ai pas eu le temps de tout noter, je résume un peu largement, il me corrigera...) : 
L'idée est que face à une tendance forte, se manifeste toujours un désir de rééquilibrage. "Il faut introduire de la rareté dans l'abondance d'infos, de plus en plus excessive". Réintroduire l'hyperchoix. Selon lui, il n'y a pas de profil type lecteur par tranche d'âge ou segment social, mais des tempéraments différents. 
Il y a des lecteurs qui pourront avoir besoin de stock (papier), et d'autres qui, inversement, manifesteront un désir de flux (web). "La presse écrite peut être le rééquilibrage d'Internet."

Exemple étonnant avec la revue XXI: Que du papier, vendu uniquement en librairie dans seulement 1000 points de vente. Avec zéro euro de lancement, "sans étude de lectorat..", des articles de 30 feuillets...  "Et on fait le même chiffre d'affaires vente que le magazine GQ qui a demandé des millions d'euros d'investissement..." XXI tire à 35.000 exemplaires et... gagne de l'argent!
Laurent Beccaria, directeur du magazine: "Il y a un sentiment de dé-réalité dans le bombardement d'infos auquel on est confronté. Il y a un besoin de se re-confronter au réel avec le récit (papier)..." Que lisent les lecteurs dans le magazine? "Les gens nous disent: je lis du début jusqu'à la fin"
Une sorte d'internet à l'envers. Et ça marche aussi. Comme quoi...

lundi 20 octobre 2008

Etats-Généraux: Vers la fin du papier? Quelles aides?


Je remonte ici les réponses récupérées via ce blog et celui de Mediachroniques à propos des Etats-Généraux de la Presse Ecrite, auxquels je participe.
Il nous était demandé de répondre à 5 questions concernant l'avenir de la diffusion print et les aides de l'Etat que l'on pouvait envisager pour aider le secteur.

Voici une sélection de vos réponses, auxquelles je rajoute les miennes et celles, envoyées par mail, par Jeff Mignon (qui participe également aux Etats-Généraux).

1) Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ?

Yann : 
La baisse de la diffusion, n'est pas forcement inéluctable, elle est simplement le produit de la rencontre entre une inadéquation de l'offre à la demande et d'un système de distribution défaillant.
Le parfait exemple d'une diffusion en hausse depuis plusieurs années c'est Le Parisien / Aujourd'hui en France qui sait séduire de nouveaux lecteurs chaque année et qui dispose de son propre système de distribution.
Le Télégramme à Brest est un autre exemple du genre.
Pour les autres, la question de la baisse de moitié, pourrait être formulée sous l'angle à quel moment le point d'inflexion sera si important qu'il y aura un décrochage de 50 à 80% en 3 ans ?
Mon avis, c'est que cela devrait se produire avant 5 ans pour une grande partie des quotidiens nationaux.
Jeff Mignon (consultant 5W Mignon-media):
J'ai bien peur qu'un simple recul de quelques % de la diffusion (et du revenu publicitaire) sera suffisant à atteindre  bien des titres papier de la presse quotidienne payante nationale ou locale. 
- Message essentiel : Localisation ou spécialisation sont des atouts de taille pour la presse occupant ces créneaux. Pour autant, la rentabilité de l'information seule semble de plus en plus difficile à atteindre. La diversification est indispensable pour la presse quotidenne payante. Diversification non seulement des produits, mais diversification/création des services. Les généralistes payants d'opinion sont, sans aucun doute, face à un challenge immense pour faire survivre leur version papier (et même numérique). En effet, il va être difficile de leur trouver une "unique value proposition" qui sera transférable dans un monde multimédia déjà bien encombré.

Claude Droussent (ancien de L'Equipe): 
Si on s'en tient à l'arithmétique et à la tendance des toutes dernières années, les échéances pourraient être de cinq à huit ans pour les titres de PQN, de dix à douze ans pour les titres de PQR les plus touchés. Mais il n'existe ni logique ni fatalité dans ces tendances, devenues "lourdes" depuis deux ans. Sans compter qu'on ne peut présager ni d'une nouvelle accélération de la consommation de l'info vers le numérique, ni de la capacité des titres print à relever le défi.
Ne pas oublier néanmoins qu'à la prédiction, en 2000, d'un expert américain selon lequel la presse quotidienne payante disparaîtrait avant 2040, toute l'Europe avait crié "au fou!" Et maintenant ?..

Christophe Coquis (consultant "Secteur Public"): 
Avec l'émergence de nouveaux lecteurs epaper/elink je pense que la diffusion ne va pas baisser tant que cela, notamment pour la PQN. Elle va changer de mode de diffusion et c'est à la santé des diffuseurs de presse qu'il faut s'inquiéter.

Jacques: 
Le papier est là pour durer. En revanche, je ne parierait pas sur la fréquence quotidienne très longtemps.
Ma réponse: 
La courbe diffusion en France devrait suivre, avec un an de retard, celle des USA, où l'on observe un décrochage dramatique. Ce décrochage semble s'amorcer cette année, mais dans une moindre mesure, pour un certain nombre de quotidiens nationaux (on parle de -7% et -9% déjà pour certains gros titres).
Même si l'exemple d'Aujourd'hui en France prouve que l'on peut encore gagner des parts de marché (sur la PQR, semble-t-il) et monter la diffusion en s'appuyant sur un marketing éditorial efficace (exclusivité et proximité de l'info), et en jouant sur la transversalité des services (éditorial, marketing/distribution, commercial).
La presse locale, elle, bénéficiera sans doute d'un léger sursis: elle dispose encore d'une (large) exclusivité de l'info locale et d'une (faible) marge de progression dans certains secteurs, à condition de se concentrer sur sa valeur ajoutée.
Anticiper une chute de la diffusion de moitié dans les 5 ans ans pour la presse nationale payante française ne me semble pas irréaliste. C'est un rééquilibrage auquel nous n'échapperons pas, ce qui ne veut pas dire qu'il mènera automatiquement vers une extinction du format. La question, c'est donc aussi : à partir de quel seuil les journaux n'auront plus les moyens d'imprimer et de distribuer ?

2-3) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?

Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?

Yann : 
Dans la presse magazine US, en particulier, les titres du groupe Condé Nast
Jeff Mignon: 
- La couverture de l'information locale aux États-Unis (mais ça ne l'empêche pas de voir sa diffusion/pénétration reculer à vitesse grand V)
- L'explication/mise en perspective/analyse/info pratique/visualisation dans la presse Italienne et Ibérique.
- L'infornation visuelle dans la presse d'Amérique du Sud.
Claude Droussent:
Difficile d'importer des modèles d'ailleurs, en raison d'approches culturelles différentes. L'offre la plus valorisante semblait venir ces dernières années des pays anglo-saxons. Mais en Grande-Bretagne par exemple, The Guardian et The Daily Telegraph, précurseurs depuis 2004 en terme de synergies print/web, vont connaître au terme de cette année leur premier recul significatif (-5%) quant à leur diffusion papier payante...
Des modèles intéressants pour la PQR: les équivalents dans les pays scandinaves, qui profitent de leurs avancées en terme de consommation du numérique pour se montrer très innovants, et créer de nouvelles sources de profit tout en enrayant le déclin du papier.
Aller voir aussi du coté de l'Espagne et de l'Argentine, où l'influence d'un design intelligent rend le papier plus attractif. De toute manière, le seul vrai recours face au déclin du papier est bien dans la pertinence de ses contenus, tant sur le fond que sur la forme.

Christophe Coquis : 
Je trouve les journaux espagnols souvent bien fait et riches en informations. A voir les journaux andalous du groupe Joly par exemple. Un exemple à suivre pour la PQR.
Ma réponse: 
- La presse quotidienne aux USA, même si cela n'a pas empêché le décrochage de la diffusion papier (ce qui est « intéressant » en soi)
- Les pays scandinaves, rois de la diversification (le quotidien VG en norvège, le groupe Stampen en Suède)
- La presse locale autrichienne (l'exemple du Vorarlberg Nachrichten, notamment)

4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?

Yann: 
La notion de "meilleurs contenus" me semble sujette à caution, en particulier, quand il s'agit d'aide d'état et de journalisme

Jeff Mignon:
Aucune idée. Mais la question DOULOUREUSE qu'il me semble indispensable de poser : est-ce que les aides à la presse ont vraiment AIDÉ le secteur des médias ou ont-elles ralenti l'innovation/transition indispensable à la survie de ce secteur d'activité ? 
Il me semble indispensable de rediriger les aides de l'État vers un soutien à l'innovation et à l'entrepreneurship. Non seulement pour soutenir l'innovation et "l'intrapreneurship" chez les actuels players mais aussi pour attirer de nouveaux entrepreneurs. Le modèle de la fondation américaine "Knight Ridder Foundation" me semble très intéressante sur le principe. Aider pour s'adapter au marché et aux nouveaux enjeux, pas aider pour faire survivre à tout prix des marques qui pour une partie ne veulent même pas changer.

Claude Droussent: 
On sera tous d'accord pour mettre en garde contre une association "aide de l'Etat" et "contenus". En France, le print a tout simplement besoin de se remettre en cause sur les contenus qu'il offre, toujours en toute indépendance. Et l'Etat d'offrir des solutions pragmatiques de nature à aider la presse à relever le défi qui l'attend en terme de distribution et de législation sociale (ex. droits d'auteur) notamment.
Ma réponse: 
Je n'ai pas d'exemple.
Il est clair qu'il reste encore quelques marges de manœuvre sur le format papier et que les groupes de presse doivent continuer à se réorganiser, rationaliser les contenus et surtout la distribution pour faire vivre un format qui continue, pour l'instant, d'être pertinent (il n'y a pas de réplique au papier),  mais qui coûte encore trop cher
Je vois deux types d'aides :
- Aider à réduire les coûts de fabrication et de distribution pour aider les groupes de presse à respirer et à transiter vers des univers industriels où les chiffres d'affaires sont (pour l'instant) moins importants
- Mais, en retour, les aides doivent essentiellement aller à l'innovation : aux projets concrets allant dans le sens de la mutation et de la diversification.

Le débat reste ouvert. Je vous tiendrais au courant de la suite... N'hésitez pas à laisser de nouvelles réponses dans les commentaires.

vendredi 17 octobre 2008

Etats Généraux de la presse: vous avez des réponses?

Quelques questions auxquelles je dois répondre d'ici la fin de la semaine, dans le cadre des ateliers "print" des Etats Généraux de la presse

J'aimerais collecter vos réponses, vos suggestions, histoire de ne pas réflechir tout seul. 
Laissez les dans les commentaires et débattez-en, je les ferai remonter...

1)  Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ? 
2) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?
3) Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?
4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?


(Egalement publié sur Médiachroniques)

dimanche 12 octobre 2008

Presse papier: le casse-tête du contenu


Quel contenu pour les journaux papier, demain? C'est l'un des axes de réflexion des Etats-Généraux de la presse qui occupent une centaine de professionnels (dont je fais partie) depuis le début du mois. 

Si la question pouvait paraître relativement simple il y a dix ou quinze ans (nous étions encore dans l'ère du mass média) il est aujourd'hui extrêmement difficile d'y répondre. Presque impossible. Pourquoi? Parce que le principal problème de la presse écrite aujourd'hui, ce n'est pas son contenu, mais son usage.

La question de fond n'est pas: que lire dans un journal? Mais: pourquoi lire un journal? 
Je ne veux évidemment pas dire qu'il ne faut pas s'intéresser au contenu, mais qu'il faut d'abord se préoccuper de l'usage. 
Parce que je ne connais pas aujourd'hui un seul contenu publié sur le papier qui ne puisse pas se retrouver sur Internet. On peut même faire ses mots croisés sur le web... A partir de là, on se rend bien compte que la question du contenu est secondaire ou qu'elle découle d'abord de l'usage.
En tout cas, on ne peut pas dissocier les deux.

D'abord, la question de l'usage. Et je vais rester sur la problématique de la presse papier payante (la presse gratuite est confrontée moins brutalement au problème du contenu, son principal souci c'est la distribution et la recherche d'annonceurs). 

Qu'est-ce qui fera que, demain, j'achèterai un journal? Vais-je d'ailleurs l'acheter tous les jours ou de temps en temps (la tendance est au picorage), ou juste le week-end (meilleurs chiffres qu'en semaine)? 

A considérer qu'il reste encore une chance au média papier (bois ou numérique, peu importe) de survivre ces dix prochaines années... sur quelle base éditoriale asseoir cette survie?

1- La mobilité?
Je me souviens avoir dit à un ami, en plaisantant, qu'il restait un ultime atout au journal papier parce qu'il était le seul média que l'on pouvait lire aux toilettes. Il m'a répondu : "ah non, moi j'emmène mon macbook aux toilettes!" Et à l'époque, le iPhone n'existait pas encore...
Plus sérieusement, il est encore des situations où lire un journal reste pratique, même si l'arrivée des supermobiles (iPhone) et des mini-pc (on attend toujours le mini-macbook...) réduit considérablement son avantage physique, et rend d'ailleurs presque obsolète l'utilisation du e-paper.
Encore un atout, donc, mais en sursis.

2- La hiérarchisation?
L'argument n'est pas idiot. Internet agit de plus en plus comme un fluidificateur de l'info qui se fragmente et fonctionne en flux. Le média papier permet une hiérarchisation claire de l'info et une navigation finalement assez pratique et attrayante. Bien que fermée. Mais c'est peut-être justement là son intérêt: l'hypersélection, l'hyper-hiérarchisation dans un univers de chaos éditorial et de flux.

D'où l'intérêt, peut-être, d'investir dans le traitement graphique (pas artistique, mais clair) et dans la mise en scène de l'info sur le papier.

3- Le budget?
Pour l'instant, aucune rédaction web n'est capable de rivaliser, en terme de ressources humaines, avec une rédaction papier. Ce capital humain est destiné à décroître violemment dans les prochaines années (voire les prochains mois...), mais il reste largement supérieur. 
Le problème, c'est qu'il est mal exploité. Et même si certains journaux (pas tous...) ont fait de nombreux efforts, on est encore sur un modèle "mass média": un contenu qui se veut exhaustif (avec, du coup, une uniformisation massive via la surexploitation des dépêches d'agence), un journalisme de compte-rendu, d'illustration de l'info...

En réduisant notamment les breaking news dont tout le monde se fiche sur le papier, et les rubriques inutiles sur le golf et le voyage, on devrait pouvoir exploiter plus efficacement ce budget (tant qu'on en a encore) pour renforcer notamment l'investigation, le journalisme de scoop, principale valeur ajoutée du print aujourd'hui. Même s'il est désormais de tradition de publier le scoop d'abord sur le web, cela n'a, me semble-t-il, jamais eu d'impact négatif sur les ventes papier (au contraire, même).

Une exception : la presse locale. Son atout principal: l'exclusivité de l'info hyperlocale (l'info départementale, elle, est concurrencée par le net, les télés et les radios). Là encore c'est une question de budget (d'ailleurs, pourquoi continue-t-elle à perdre de l'argent à payer des journalistes pour traiter l'info nationale?). Impossible, pour l'instant, de concurrencer sérieusement la PQR sur le Net. Au moins sur ses fondamentaux (hyperlocal, petits faits-divers, locale miroir...). Mais ça ne durera pas (notamment sur le sport local).

On me dira: le recul, l'analyse... oui, plus pertinent (si l'on se place dans une démarche de cohérence temporelle) que les breaking news. Mais le Net est aussi un média du recul et de l'analyse. On trouve aujourd'hui plus d'analyse et de richesse sur la crise financière sur le Net (notamment à travers les blogs et twitter) que dans la presse papier (malgré l'excellent dossier du Monde papier sur le sujet ce dimanche...). C'est d'ailleurs un des principaux soucis de la presse professionnelle.

Reste ensuite une ultime problématique à régler: si l'avenir du contenu dans la presse papier passe par un marketing de l'usage et une hypersélection et hiérarchisation des contenus, cette dernière pourra-t-elle rester un média de masse? Et si non, quel modèle économique (vive les services!)?

Il y a sans doute quelque chose à faire avec la communauté, également: la conversation (mais comment?), le participatif en jouant sur la visibilité et la dimension noble véhiculée par le papier (toujours cette idée de sélection et de hiérarchisation)...

On pourrait également s'interroger sur la personnalisation du contenu (jusqu'où peut-on techniquement aller?)...


Il n'y a pas de réponse toute faite, il n'y a que des scénarios qui, tous, encore une fois, découlent de l'usage. 
Et j'écris ce billet dans le but d'ouvrir une conversation.

Et je ne pose même pas la question de l'intérêt de faire perdurer le support papier!  Ni de la prétendue complémentarité des supports web et print (je n'y crois pas, d'ailleurs)... Ce n'est pas le but de l'exercice.

N'hésitez pas à me contredire ou m'apporter vos contributions dans les commentaires, j'essaierai de les faire remonter lors des Etats Généraux.






Et la conversation à suivre en live  sur Twitter

(illustration : www.imprimeriemordacq.fr)