J'ai participé ce matin à la première réunion de l'atelier "contenu de la presse écrite" des Etats-Généraux de la Presse Ecrite...
Ambiance spartiate, derrière Matignon, en sous-sol. 8h30... Une grande table, peu d'éclairage, pas de café, juste deux bouteilles d'eau pour une quinzaine de personnes. Et trois heures de réunion où chacun a exposé sa vision du "problème": quels contenus pour la presse de demain?
"Tu es un peu dans le temple de la presse papier", m'a confié un confrère en sortant... Ambiance, répétez après moi: "le média papier a de l'avenir".
Télescopage: Je rentre à la rédac dans l'après-midi, après une autre conférence (sur le buzz cette fois... autre extrême...), et là: "Tu as lu cet article sur la conférence de la Wan (Association mondiale de journaux, en ce moment à Amsterdam)?" Je lis : "Ceux qui disent la presse papier est morte exagèrent: il lui reste au moins 5 ans" (Marcel Fenez). Sale ambiance à la Wan (pas fait exprès apparemment)...
Ce matin, aux Etats-Généraux, l'ambiance était donc plutôt à l'anti-alarmisme.
Peu d'idées nouvelles, par contre, (et pour l'instant), peu de jeunes surtout, beaucoup de dirigeants du papier, mais avec des profils de médias assez disparates sur un sujet extrêmement vaste qui ne peut pas être généralisé, et où il n'y a pas de recette miracle: le contenu...
Pas simple.
Il faudra être malin pour faire dialoguer de façon constructive ce (beau) panel...
Voici, en vrac, ce que j'ai retenu des interventions de ce matin (Je publierai mon intervention dans un autre post):
Jean-Marie Charon, sociologue:
"Question nouvelle : toute la presse dans le monde (au moins en Europe, Amérique du Nord, Japon) souffre. Elle doit réinventer son contenu : soit deux grandes options : 1) Renouveler le contenu de l’imprimé en complément du Net. 2) Trouver les synergies, la continuité, voire des contenus substituables avec le Net.
"Que doit-on faire sur l’imprimé payant ? Qu’est-ce qui est plus value, non substituable dans l’imprimé ? Le contenu d’une publication payante ne doit comprendre que cette plus-value ou l’articuler à l’information redondante ? Et comment ?
"On a besoin d'innover, d'expérimenter, mais a-t-on l'oxygène pour le faire (c'est à dire le bugdet, NDLA)"
Christian de Villeneuve (directeur général des rédactions du groupe Lagardère, notamment le Journal du Dimanche):
"Il faut réaffirmer la prééminence du métier de journaliste: on attend du papier plus de rigueur et de qualité que sur le Net. Le papier est le lieu de l'investigation, du scoop, du reportage sur le terrain, du récit..."
Sur le scoop, le reportage, le récit, il est rejoint par Christophe Barbier (Directeur de la rédaction de l'Express: "Nous sommes dans un métier d'offre. Nous devons apporter de l'information, du scoop: pour cela il faut des équipes nombreuses et expérimentées." Sur le web: "Pour un hebdo papier, le web est notre meilleur ami."
Eric Fottorino, président du Monde, également sur "l'offre":
"Il n'y a pas de crise de la demande, mais une adéquation entre l'offre des journaux et la demande". Citant Eric Scherer, de l'AFP, "Nous devons répondre aux défis de l'attention. Comment retenir l'attention du lecteur? (...) Comment être différents? Nous devons avoir une politique de l'offre singulière".
Intéressante et singulière, la success story du Télégramme (quotidien régional breton, en concurrence avec Ouest France), qui "gagne de l'argent sur la vente du quotidien papier" (et qui contredisait une affirmation que j'avais exprimée un peu plus tôt).
"La diffusion est en hausse depuis 40 ans, d'environ 2% par an." La recette? Un marketing éditorial très poussé, très pragmatique (et une brande synergie entre les services, pour ce que j'en sais), basé sur de nombreuses études lecteurs. Et une règle de 3: "1)Nos lecteurs veulent un journal global (national et local). Ils veulent du pratique et de la proximité. 2) Mais ils veulent aussi des journalistes qui enquêtent sur le local, pas seulement de l'info délivrée par des correspondants. Il faut sortir des infos! 3) Et enfin, il faut que le journal soit beau."
Enfin, deux interventions assez décalées mais intéressantes (parce que décalées, justement) sur "l'effet balancier" dans l'info...
C'est ce que développait notamment le sociologue Jean-François Barbier-Bouvet (je n'ai pas eu le temps de tout noter, je résume un peu largement, il me corrigera...) :
L'idée est que face à une tendance forte, se manifeste toujours un désir de rééquilibrage. "Il faut introduire de la rareté dans l'abondance d'infos, de plus en plus excessive". Réintroduire l'hyperchoix. Selon lui, il n'y a pas de profil type lecteur par tranche d'âge ou segment social, mais des tempéraments différents.
Il y a des lecteurs qui pourront avoir besoin de stock (papier), et d'autres qui, inversement, manifesteront un désir de flux (web). "La presse écrite peut être le rééquilibrage d'Internet."
Exemple étonnant avec la revue XXI: Que du papier, vendu uniquement en librairie dans seulement 1000 points de vente. Avec zéro euro de lancement, "sans étude de lectorat..", des articles de 30 feuillets... "Et on fait le même chiffre d'affaires vente que le magazine GQ qui a demandé des millions d'euros d'investissement..." XXI tire à 35.000 exemplaires et... gagne de l'argent!
Laurent Beccaria, directeur du magazine: "Il y a un sentiment de dé-réalité dans le bombardement d'infos auquel on est confronté. Il y a un besoin de se re-confronter au réel avec le récit (papier)..." Que lisent les lecteurs dans le magazine? "Les gens nous disent: je lis du début jusqu'à la fin"
Une sorte d'internet à l'envers. Et ça marche aussi. Comme quoi...
2 commentaires:
Mouais, sauf que la rentabilité ne vient pas de la vente, fut-elle en hausse. Pendant ce temps la pub s'enfuit. Difficile de comparer la situation des hebdos et celle des quotidiens. Pas le même problème, pas la même solution.
Au risque de choquer je pense que l'objet des Etats Généraux n'est pas de se réunir pour se conforter dans l'idée que le "Content is king". On le sait déjà.
Parler du contenu peut se faire dans d'autres lieux de réflexion, mieux vaut d'ailleurs le faire très loin des ministères...
La question est industrielle: ça veut dire production, distribution, fiscalité, législation, emploi etc...
Ca ne se passera pas dans cette salle.
«Zéro euros de lancement» pour XXI, mais Gallimard est actionnaire et a financé les présentoirs luxueux en librairies... Attention, on est dans du produit "livre", ce n'est pas la même problématique que la presse...
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