mercredi 29 octobre 2008

"Mainly web/ little print": le modèle de demain pour la presse écrite?


C'est présenté comme une première. Et c'est le journal lui même qui l'annonce sur son site: le quotidien national américain  "The Monitor" (nom complet: "The Christian Science Monitor") va, après 100 ans de bons et loyaux services, abandonner son édition papier pour se consacrer au web avec un nouveau site et une nouvelle organisation.

Pour quelle raison?
La baisse de la diffusion, bien sûr (en 40 ans, le Monitor est passé de 223.000 abonnés à 53.200), mais aussi pour renforcer la qualité éditoriale du Monitor, insiste sa présidente Judy Wolf: meilleure réactivité, plus de pertinence par rapport aux attentes des lecteurs...
L'objectif est également de "réduire les coûts", ce qui va de soit, mais surtout "d'augmenter les revenus".

Comment le Monitor compte-t-il augmenter ses revenus en stoppant les rotatives
D'abord, évidemment, en pensant "bénéfices" et pas "chiffre d'affaires". Mais pas seulement.
En fait, et c'est là où la démarche du Monitor est particulièrement intéressante, le nouveau média publiera un petit hebdomadaire papier.
Vous pouvez voir la maquette de la couverture ci-dessous: 

Il s'agit d'un hebdo payant distribué par mail (le quotidien était également essentiellement vendu par abonnement).
C'est à dire que l'on renverse le modèle. Non plus une rédaction papier autour d'un quotidien papier, mais un média web (site, blogs, newsletter + twitter pour la couverture live) d'où sortira un hebdo papier.

C'est d'ailleurs une stratégie de plus en plus étudiée par les médias américains, notamment locaux. Sauf qu'il me semble plus efficace de travailler sur une édition gratuite que payante.
J'avais évoqué le sujet avec Alan Mutter, la semaine dernière. Il voit l'édition papier comme une moyen intéressant, non seulement de promouvoir le site et la participation des internautes (qui adorent voir leur production imprimée), mais aussi de générer plus de revenus publicitaires. C'est ce que fait le site hyperlocal et participatif Northwest Voice, qui gagne de l'argent essentiellement grâce à son édition papier hebdo gratuite.

Le site web Politico  propose également une édition print, plusieurs fois dans la semaine.

Ce modèle "mainly web/little print" (un média "pure web" dont dépend une édition papier) est sans doute un modèle que nous pourrons voir apparaître dans les prochaines années: un coeur éditorial reposant sur un site web puissant et décomplexé alliant scoop, agrégation et conversation, qui produit un "quotidien papier" devenu ... presque quotidien avec des éditions ponctuelles dans la semaine (gratuites ou payantes selon les contraintes de distribution et le lectorat visé...).

Sur son blog, Ken Doctor stigmatise les difficultés des journaux à opérer cette nécessaire (inévitable?) transition vers ce modèle web dominant. "95% de leurs revenus viennent du papier, pas un ne dépasse les 13% de revenus issus du web", constate-t-il (la faute aux tarifs pub de plus en plus bas notamment, mais aussi à l'incapacité des médias traditionnels à réinventer le modèle pub). "Les journaux n'ont tout simplement pas réussi à opérer leur transition suffisamment rapidement", résume Ken Doctor, qui considère le modèle "mainly web/ little print" comme l'exemple même du média moderne.

dimanche 26 octobre 2008

La rédaction du futur? 35 personnes!


Je reviens du sommet "New business models for news" (les nouveaux modèles économiques de l'info") organisé par Jeff Jarvis à la CUNY graduate school of journalism (New York). Journée passionnante, à quelques années lumières des réflexions franco-françaises sur l'avenir de la presse
L'objectif était de réunir les acteurs les plus dynamiques des médias (CNN, New York Times, Washington Post, mais aussi glam.com, google ou encore l'excellent Alan Mutter...) pour travailler ensemble, dans le cadre d'ateliers concrets, sur le "concrècomment on fait?"

Le groupe auquel je participais était consacré à l'efficacité des rédactions : quelle organisation, quels effectifs pour le média du futur? 

Point de départ de la réflexion: comment articuler le print et web? Doit-on réfléchir en rédaction multi-plateformes, ou séparées? 
Gros débat, compliqué, vite balayé par Jeff Jarvis: Imaginez qu'un grand quotidien régional mette la clef sous la porte. Vous avez une opportunité ou pas ? Tout le monde hoche la tête: "Ah oui!" (ce qui, soit-dit en passant, est plutôt rassurant sur l'état d'optimisme des médias américains malgré la crise)
Deuxième question de Jeff Jarvis: "Ok. Vous faites un journal + un site web ou juste un site web?"  Réponse toujours unanime, bien résumée par l'un des convives: "Si je devais créer un média, je ne m'embarrasserais pas du print, god damn not! Je zapperais tout de suite la partie newspaper..."
Autre petite phrase d'un confrère du Washington Post: "Pourquoi perdre du temps réfléchir à l'organisation print-web? C'est un débat du passé. On ne sait même pas s'il y aura encore des journaux dans 5 ans..."
(A des années lumières du débat français, je vous dis...)

Quoi qu'il en soit, nous avons réfléchi à la taille de la rédaction de demain... et fait tomber les chiffres.
On était parti avec un staff de 200 personnes ("un minimum", estimait un confrère du NY Times...)
Pour finalement tomber à... 35 !

Pour quelle raison?
- D'abord le prix : 60.000 dollars par an, par personne. Faites les comptes. Multipliez par 200 et essayer de voir comment vous pouvez financer tout ça... sur le web. 
35 personnes, ça fait un  budget éditorial de 2,6 millions de dollars par an. Plus réaliste (aux US...).

- Autre explication: l'information en réseau. Le journalisme de liens, le journalisme participatif, les partenariats... le modèle de l'info a changé. Et recompose les rédactions autour de centres nerveux plus ouverts, mais aussi plus réduits. Et centrés vers leur savoir faire. "Do what you do the best, outsource the rest... or link to the rest" (Faites ce que vous savez faire, externalisez le reste ou faites des liens vers le reste...)

Voici la composition proposée par le groupe:

- 20 content creators (reporters, mobile journalists...)
- 3 community managers (animateurs de communauté)
- 2 programmers, developpers (développeurs éditoriaux)
- 2 designers 
- 3 editors, copy editors (éditeurs, sécrétaires de rédaction)
- 5 producers (terme assez flou pour désigner d'autres producteurs de contenus, comme les bloggers apparemment...)

En résumé: on concentre les équipes sur le reportage, les créateurs de contenu exclusif. L'un des vieux fondamentaux du métier : "il faut sortir des infos". Que tout le monde visualise, ici (moins en France), comme des MoJo: mobile journalists. Des journalistes locaux, équipés d'un laptop et d'une caméra, qui envoient des contenus exclusifs. 



Ce qui a d'ailleurs entraîné un autre débat: a-t-on besoin encore d'une salle de rédaction? Un des participants a donné l'exemple du média hyperlocal qu'il avait monté avec 6 journalistes équipés d'ordinateurs portables et de caméras, qui discutaient via skype... "Faut-il aussi un encadrement", interrogeait-il? L'info étant atomisée, hiérachisée par Google... Levée de boucliers dans la salle. Pas sûr qu'on aille jusque là. Mais la question se reposera peut-être demain.

Personnellement, j'aurais équilibré un peut plus le staff en gonflant le pool "community managers". Ou alors en donnant à chaque reporter un rôle de "community manager" et en lui demandant de produire également des liens en plus de ses sujets ("link to the rest"...). 

J'essaierais de poster, demain, un petit florilège de ce que j'ai vu et entendu au summit... En attendant, Jean-Marie Leray a fait, sur son blog, un résumé intéressant de l'intervention de Jeff Jarvis jeudi matin, à partir de ce qu'il a vu et lu sur Internet.

mercredi 22 octobre 2008

Une nouvelle architecture de l'information


Voici ma contribution, apportée hier, à l'atelier "quels contenus pour la presse écrite?" des Etats Généraux de la Presse Ecrite. Un peu décalée par rapport aux autres interventions, mais bon... certes, il y a des solutions concrètes à court et moyen terme et il faut les travailler. Mais peut-on parler de contenu pour la presse écrite sans tenir compte du contexte actuel? Internet n'est pas qu'un nouveau format, il a entraîné une profonde mutation de la société française. Et donc son rapport à l'information. 

D'abord 3 constats concernant le papier: 

1) La presse papier n'est pas victime d'érosion, elle est menacée de décrochage dans sa diffusion. Il sera dramatique. C'est déjà le cas aux Etats-Unis. En France, la presse devrait suivre la tendance, avec un an de retard. Le décrochage se fait déjà sentir en 2008 pour un certain nombre de grands quotidiens, avec des chutes entre 5 et 10%.

2) On ne  gagne plus d'argent sur la vente seule du journal papier.

3) Le gratuit n'est pas LA solution. Il répond à une demande, mais le marché est déjà saturé. Et il s'appuie sur la mobilité... qui est la grande révolution du i-Phone.

Des chercheurs de l'institut d'études du futur de Copenhague ont dressé la liste de ce qui ne fera plus partie de notre environnement en 2020. Et parmi eux:  les journaux papier.
Plus récemment, à la conférence de l'Association mondiale des journaux, on évoquait leur disparition dans 5 ans...
Difficile de jouer les mediums. Et il y a toujours des exceptions. Ce que l'on sait:  c'est un format qui va mal, qui coûte encore trop cher mais qui reste pertinent, parce qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de réplique totale au papier. Le problème, c'est: jusqu'à quand pourrons-nous encore le financer? 

Considérons donc le comme un format comme un autre: rationalisons les couts de fabrication, mais aussi la distribution désastreuse, et les coûts éditoriaux. Mais surtout, osons nous poser la question:
Et si le papier disparaissait? Impossible? Posons nous quand même la question. 
Dans ce cas, posons nous autre question: sans papier, qu'est-ce qu'un journal?

Alors, qu'est-ce qu'un journal?
- Une relation à l'audience, comme le conseille Rob Curley, un des artisans les plus talentueux de la presse locale aux Etats-Unis? Que dit-il: dans newspaper, il y a news et il y a paper. Un jour, il faudra choisir son camp.
Choisissons les news. 
Et là encore, posons nous la question: qu'est-ce que l'information. Qu'est-ce qui a changé dans l'information aujourd'hui?
Beaucoup de choses.
Penser les contenus pour demain, c'est penser une nouvelle architecture de l'information qui tienne compte des réalités.

Voici donc deux nouvelles réalités : 

1)  Nous sommes en train d'ouvrir les yeux sur un nouveau monde et, que réalisons-nous? Qu'une partie de l'info se fait déjà sans nous, les médias traditionnels. Aux USA, même les sites des grands journaux sont en recul, ce qui n'est pas rassurant.

2) L'information s'inscrit désormais dans un réseau. Pourquoi est-ce important de réaliser cela? Parce que les revenus demain s'inscrivent également dans cette logique de réseau. Regardez Google: Google truste aujourd'hui la publicité sur le Net, et dévore la publicité locale. Il le fait sur la base de contenus qui ne lui appartiennent pas. Google met en lien contenus et lecteurs. Et a bâti un réseau de publicité dessus (lire à ce sujet les réflexions de Jeff Jarvis)

Qu'est-ce que cela veut dire? Que nous assistons aujourd'hui à la fin du mass média. Nous nous dirigeons vers une info partagée: une info hyperfragmentée, qui sera produite non plus par de grandes rédactions mais par une multitude de mini-médias, parfois personnels, et qui devra, dans la même logique, être hyper distribuée, notamment via les mobiles. Une information en réseau.

Je pense que nous ne survivrons pas si nous nous considérons seulement comme des mass médias fournisseurs de contenus, même à haute valeur ajoutée. Les journaux doivent s'inscrire dans cette logique de réseau: donner la meilleure info au meilleur moment (et j'ajouterais même: au meilleur endroit), mais ce ne sera pas forcément une info produite par la rédaction du média. 

Nous devons devenir des réseaux de valeur où transiteront, de manière filtrée, partagée, l'information infos en provenance de différentes sources et de différentes communautés. Et, bien sûr, donner à ce réseau une couche de journalisme de qualité, de journalisme d'investigation notamment, qui viendra augmenter la valeur ajoutée et l'attractivité de ces réseaux d'infos.

C'est donc une nouvelle architecture de l'information que nous devons construire, en ne jetant pas le papier dans la corbeille, mais en le repositionnant intelligemment, c'est à dire à la périphérie, et en concentrant les aides et les investissements vers la mutation et la diversification de nos industries.

Je n'ai pas parlé de contenu? Si , je n'ai fait que parler de contenu. Car ce qui précède la définition du contenu, c'est bien la question de l'usage. Pourquoi et dans quelles conditions consomme-t-on l'information aujourd'hui, et qu'est-ce ça nous dit en terme de contenus et de formats? 

(Illustration: zouzou.webodo.com

mardi 21 octobre 2008

Papier papier papier


J'ai participé ce matin à la première réunion de l'atelier "contenu de la presse écrite" des Etats-Généraux de la Presse Ecrite...
Ambiance spartiate, derrière Matignon, en sous-sol. 8h30... Une grande table, peu d'éclairage, pas de café, juste deux bouteilles d'eau pour une quinzaine de personnes. Et trois heures de réunion où chacun a exposé sa vision du "problème": quels contenus pour la presse de demain?

"Tu es un peu dans le temple de la presse papier", m'a confié un confrère en sortant... Ambiance, répétez après moi: "le média papier a de l'avenir".

Télescopage: Je rentre à la rédac dans l'après-midi, après une autre conférence (sur le buzz cette fois... autre extrême...), et là: "Tu as lu cet article sur la conférence de la Wan (Association mondiale de journaux, en ce moment à Amsterdam)?" Je lis : "Ceux qui disent la presse papier est morte exagèrent: il lui reste au moins 5 ans" (Marcel Fenez). Sale ambiance à la Wan (pas fait exprès apparemment)... 

Ce matin, aux Etats-Généraux, l'ambiance était donc plutôt à l'anti-alarmisme. 
Peu d'idées nouvelles, par contre, (et pour l'instant), peu de jeunes surtout, beaucoup de dirigeants du papier, mais avec des profils de médias assez disparates sur un sujet extrêmement vaste qui ne peut pas être généralisé, et  où il n'y a pas de recette miracle: le contenu...
Pas simple.
Il faudra être malin pour faire dialoguer de façon constructive ce (beau) panel...

Voici, en vrac, ce que j'ai retenu des interventions de ce matin (Je publierai mon intervention dans un autre post): 

Jean-Marie Charon, sociologue: 
"Question nouvelle : toute la presse dans le monde (au moins en Europe, Amérique du Nord, Japon) souffre. Elle doit réinventer son contenu : soit deux grandes options : 1) Renouveler le contenu de l’imprimé en complément du Net. 2) Trouver les synergies, la continuité, voire des contenus substituables avec le Net.
"Que doit-on faire sur l’imprimé payant ? Qu’est-ce qui est plus value, non substituable dans l’imprimé ? Le contenu d’une publication payante ne doit comprendre que cette plus-value ou l’articuler à l’information redondante ? Et comment ?
"On a besoin d'innover, d'expérimenter, mais a-t-on l'oxygène pour le faire (c'est à dire le bugdet, NDLA)"

Christian de Villeneuve (directeur général des rédactions du groupe Lagardère, notamment le Journal du Dimanche):
"Il faut réaffirmer la prééminence du métier de journaliste: on attend du papier plus de rigueur et de qualité que sur le Net. Le papier est le lieu de l'investigation, du scoop, du reportage sur le terrain, du récit..."

Sur le scoop, le reportage, le récit, il est rejoint par Christophe Barbier (Directeur de la rédaction de l'Express: "Nous sommes dans un métier d'offre. Nous devons apporter de l'information, du scoop: pour cela il faut des équipes nombreuses et expérimentées." Sur le web: "Pour un hebdo papier, le web est notre meilleur ami."

Eric Fottorino, président du Monde, également sur "l'offre": 
"Il n'y a pas de crise de la demande, mais une adéquation entre l'offre des journaux et la demande". Citant Eric Scherer, de l'AFP, "Nous devons répondre aux défis de l'attention. Comment retenir l'attention du lecteur? (...) Comment être différents? Nous devons avoir une politique de l'offre singulière".

Intéressante et singulière, la success story du Télégramme (quotidien régional breton, en concurrence avec Ouest France), qui "gagne de l'argent sur la vente du quotidien papier" (et qui contredisait une affirmation que j'avais exprimée un peu plus tôt). 
"La diffusion est en hausse depuis 40 ans, d'environ 2% par an." La recette? Un marketing éditorial très poussé, très pragmatique (et une brande synergie entre les services, pour ce que j'en sais), basé sur de nombreuses études lecteurs. Et une règle de 3: "1)Nos lecteurs veulent un journal global (national et local). Ils veulent du pratique et de la proximité. 2) Mais ils veulent aussi des journalistes qui enquêtent sur le local, pas seulement de l'info délivrée par des correspondants. Il faut sortir des infos!  3) Et enfin, il faut que le journal soit beau."

Enfin, deux interventions assez décalées mais intéressantes (parce que décalées, justement) sur "l'effet balancier" dans l'info... 
C'est ce que développait notamment le sociologue Jean-François Barbier-Bouvet (je n'ai pas eu le temps de tout noter, je résume un peu largement, il me corrigera...) : 
L'idée est que face à une tendance forte, se manifeste toujours un désir de rééquilibrage. "Il faut introduire de la rareté dans l'abondance d'infos, de plus en plus excessive". Réintroduire l'hyperchoix. Selon lui, il n'y a pas de profil type lecteur par tranche d'âge ou segment social, mais des tempéraments différents. 
Il y a des lecteurs qui pourront avoir besoin de stock (papier), et d'autres qui, inversement, manifesteront un désir de flux (web). "La presse écrite peut être le rééquilibrage d'Internet."

Exemple étonnant avec la revue XXI: Que du papier, vendu uniquement en librairie dans seulement 1000 points de vente. Avec zéro euro de lancement, "sans étude de lectorat..", des articles de 30 feuillets...  "Et on fait le même chiffre d'affaires vente que le magazine GQ qui a demandé des millions d'euros d'investissement..." XXI tire à 35.000 exemplaires et... gagne de l'argent!
Laurent Beccaria, directeur du magazine: "Il y a un sentiment de dé-réalité dans le bombardement d'infos auquel on est confronté. Il y a un besoin de se re-confronter au réel avec le récit (papier)..." Que lisent les lecteurs dans le magazine? "Les gens nous disent: je lis du début jusqu'à la fin"
Une sorte d'internet à l'envers. Et ça marche aussi. Comme quoi...

lundi 20 octobre 2008

Etats-Généraux: Vers la fin du papier? Quelles aides?


Je remonte ici les réponses récupérées via ce blog et celui de Mediachroniques à propos des Etats-Généraux de la Presse Ecrite, auxquels je participe.
Il nous était demandé de répondre à 5 questions concernant l'avenir de la diffusion print et les aides de l'Etat que l'on pouvait envisager pour aider le secteur.

Voici une sélection de vos réponses, auxquelles je rajoute les miennes et celles, envoyées par mail, par Jeff Mignon (qui participe également aux Etats-Généraux).

1) Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ?

Yann : 
La baisse de la diffusion, n'est pas forcement inéluctable, elle est simplement le produit de la rencontre entre une inadéquation de l'offre à la demande et d'un système de distribution défaillant.
Le parfait exemple d'une diffusion en hausse depuis plusieurs années c'est Le Parisien / Aujourd'hui en France qui sait séduire de nouveaux lecteurs chaque année et qui dispose de son propre système de distribution.
Le Télégramme à Brest est un autre exemple du genre.
Pour les autres, la question de la baisse de moitié, pourrait être formulée sous l'angle à quel moment le point d'inflexion sera si important qu'il y aura un décrochage de 50 à 80% en 3 ans ?
Mon avis, c'est que cela devrait se produire avant 5 ans pour une grande partie des quotidiens nationaux.
Jeff Mignon (consultant 5W Mignon-media):
J'ai bien peur qu'un simple recul de quelques % de la diffusion (et du revenu publicitaire) sera suffisant à atteindre  bien des titres papier de la presse quotidienne payante nationale ou locale. 
- Message essentiel : Localisation ou spécialisation sont des atouts de taille pour la presse occupant ces créneaux. Pour autant, la rentabilité de l'information seule semble de plus en plus difficile à atteindre. La diversification est indispensable pour la presse quotidenne payante. Diversification non seulement des produits, mais diversification/création des services. Les généralistes payants d'opinion sont, sans aucun doute, face à un challenge immense pour faire survivre leur version papier (et même numérique). En effet, il va être difficile de leur trouver une "unique value proposition" qui sera transférable dans un monde multimédia déjà bien encombré.

Claude Droussent (ancien de L'Equipe): 
Si on s'en tient à l'arithmétique et à la tendance des toutes dernières années, les échéances pourraient être de cinq à huit ans pour les titres de PQN, de dix à douze ans pour les titres de PQR les plus touchés. Mais il n'existe ni logique ni fatalité dans ces tendances, devenues "lourdes" depuis deux ans. Sans compter qu'on ne peut présager ni d'une nouvelle accélération de la consommation de l'info vers le numérique, ni de la capacité des titres print à relever le défi.
Ne pas oublier néanmoins qu'à la prédiction, en 2000, d'un expert américain selon lequel la presse quotidienne payante disparaîtrait avant 2040, toute l'Europe avait crié "au fou!" Et maintenant ?..

Christophe Coquis (consultant "Secteur Public"): 
Avec l'émergence de nouveaux lecteurs epaper/elink je pense que la diffusion ne va pas baisser tant que cela, notamment pour la PQN. Elle va changer de mode de diffusion et c'est à la santé des diffuseurs de presse qu'il faut s'inquiéter.

Jacques: 
Le papier est là pour durer. En revanche, je ne parierait pas sur la fréquence quotidienne très longtemps.
Ma réponse: 
La courbe diffusion en France devrait suivre, avec un an de retard, celle des USA, où l'on observe un décrochage dramatique. Ce décrochage semble s'amorcer cette année, mais dans une moindre mesure, pour un certain nombre de quotidiens nationaux (on parle de -7% et -9% déjà pour certains gros titres).
Même si l'exemple d'Aujourd'hui en France prouve que l'on peut encore gagner des parts de marché (sur la PQR, semble-t-il) et monter la diffusion en s'appuyant sur un marketing éditorial efficace (exclusivité et proximité de l'info), et en jouant sur la transversalité des services (éditorial, marketing/distribution, commercial).
La presse locale, elle, bénéficiera sans doute d'un léger sursis: elle dispose encore d'une (large) exclusivité de l'info locale et d'une (faible) marge de progression dans certains secteurs, à condition de se concentrer sur sa valeur ajoutée.
Anticiper une chute de la diffusion de moitié dans les 5 ans ans pour la presse nationale payante française ne me semble pas irréaliste. C'est un rééquilibrage auquel nous n'échapperons pas, ce qui ne veut pas dire qu'il mènera automatiquement vers une extinction du format. La question, c'est donc aussi : à partir de quel seuil les journaux n'auront plus les moyens d'imprimer et de distribuer ?

2-3) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?

Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?

Yann : 
Dans la presse magazine US, en particulier, les titres du groupe Condé Nast
Jeff Mignon: 
- La couverture de l'information locale aux États-Unis (mais ça ne l'empêche pas de voir sa diffusion/pénétration reculer à vitesse grand V)
- L'explication/mise en perspective/analyse/info pratique/visualisation dans la presse Italienne et Ibérique.
- L'infornation visuelle dans la presse d'Amérique du Sud.
Claude Droussent:
Difficile d'importer des modèles d'ailleurs, en raison d'approches culturelles différentes. L'offre la plus valorisante semblait venir ces dernières années des pays anglo-saxons. Mais en Grande-Bretagne par exemple, The Guardian et The Daily Telegraph, précurseurs depuis 2004 en terme de synergies print/web, vont connaître au terme de cette année leur premier recul significatif (-5%) quant à leur diffusion papier payante...
Des modèles intéressants pour la PQR: les équivalents dans les pays scandinaves, qui profitent de leurs avancées en terme de consommation du numérique pour se montrer très innovants, et créer de nouvelles sources de profit tout en enrayant le déclin du papier.
Aller voir aussi du coté de l'Espagne et de l'Argentine, où l'influence d'un design intelligent rend le papier plus attractif. De toute manière, le seul vrai recours face au déclin du papier est bien dans la pertinence de ses contenus, tant sur le fond que sur la forme.

Christophe Coquis : 
Je trouve les journaux espagnols souvent bien fait et riches en informations. A voir les journaux andalous du groupe Joly par exemple. Un exemple à suivre pour la PQR.
Ma réponse: 
- La presse quotidienne aux USA, même si cela n'a pas empêché le décrochage de la diffusion papier (ce qui est « intéressant » en soi)
- Les pays scandinaves, rois de la diversification (le quotidien VG en norvège, le groupe Stampen en Suède)
- La presse locale autrichienne (l'exemple du Vorarlberg Nachrichten, notamment)

4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?

Yann: 
La notion de "meilleurs contenus" me semble sujette à caution, en particulier, quand il s'agit d'aide d'état et de journalisme

Jeff Mignon:
Aucune idée. Mais la question DOULOUREUSE qu'il me semble indispensable de poser : est-ce que les aides à la presse ont vraiment AIDÉ le secteur des médias ou ont-elles ralenti l'innovation/transition indispensable à la survie de ce secteur d'activité ? 
Il me semble indispensable de rediriger les aides de l'État vers un soutien à l'innovation et à l'entrepreneurship. Non seulement pour soutenir l'innovation et "l'intrapreneurship" chez les actuels players mais aussi pour attirer de nouveaux entrepreneurs. Le modèle de la fondation américaine "Knight Ridder Foundation" me semble très intéressante sur le principe. Aider pour s'adapter au marché et aux nouveaux enjeux, pas aider pour faire survivre à tout prix des marques qui pour une partie ne veulent même pas changer.

Claude Droussent: 
On sera tous d'accord pour mettre en garde contre une association "aide de l'Etat" et "contenus". En France, le print a tout simplement besoin de se remettre en cause sur les contenus qu'il offre, toujours en toute indépendance. Et l'Etat d'offrir des solutions pragmatiques de nature à aider la presse à relever le défi qui l'attend en terme de distribution et de législation sociale (ex. droits d'auteur) notamment.
Ma réponse: 
Je n'ai pas d'exemple.
Il est clair qu'il reste encore quelques marges de manœuvre sur le format papier et que les groupes de presse doivent continuer à se réorganiser, rationaliser les contenus et surtout la distribution pour faire vivre un format qui continue, pour l'instant, d'être pertinent (il n'y a pas de réplique au papier),  mais qui coûte encore trop cher
Je vois deux types d'aides :
- Aider à réduire les coûts de fabrication et de distribution pour aider les groupes de presse à respirer et à transiter vers des univers industriels où les chiffres d'affaires sont (pour l'instant) moins importants
- Mais, en retour, les aides doivent essentiellement aller à l'innovation : aux projets concrets allant dans le sens de la mutation et de la diversification.

Le débat reste ouvert. Je vous tiendrais au courant de la suite... N'hésitez pas à laisser de nouvelles réponses dans les commentaires.

vendredi 17 octobre 2008

Etats Généraux de la presse: vous avez des réponses?

Quelques questions auxquelles je dois répondre d'ici la fin de la semaine, dans le cadre des ateliers "print" des Etats Généraux de la presse

J'aimerais collecter vos réponses, vos suggestions, histoire de ne pas réflechir tout seul. 
Laissez les dans les commentaires et débattez-en, je les ferai remonter...

1)  Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ? 
2) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?
3) Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?
4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?


(Egalement publié sur Médiachroniques)

dimanche 12 octobre 2008

Presse papier: le casse-tête du contenu


Quel contenu pour les journaux papier, demain? C'est l'un des axes de réflexion des Etats-Généraux de la presse qui occupent une centaine de professionnels (dont je fais partie) depuis le début du mois. 

Si la question pouvait paraître relativement simple il y a dix ou quinze ans (nous étions encore dans l'ère du mass média) il est aujourd'hui extrêmement difficile d'y répondre. Presque impossible. Pourquoi? Parce que le principal problème de la presse écrite aujourd'hui, ce n'est pas son contenu, mais son usage.

La question de fond n'est pas: que lire dans un journal? Mais: pourquoi lire un journal? 
Je ne veux évidemment pas dire qu'il ne faut pas s'intéresser au contenu, mais qu'il faut d'abord se préoccuper de l'usage. 
Parce que je ne connais pas aujourd'hui un seul contenu publié sur le papier qui ne puisse pas se retrouver sur Internet. On peut même faire ses mots croisés sur le web... A partir de là, on se rend bien compte que la question du contenu est secondaire ou qu'elle découle d'abord de l'usage.
En tout cas, on ne peut pas dissocier les deux.

D'abord, la question de l'usage. Et je vais rester sur la problématique de la presse papier payante (la presse gratuite est confrontée moins brutalement au problème du contenu, son principal souci c'est la distribution et la recherche d'annonceurs). 

Qu'est-ce qui fera que, demain, j'achèterai un journal? Vais-je d'ailleurs l'acheter tous les jours ou de temps en temps (la tendance est au picorage), ou juste le week-end (meilleurs chiffres qu'en semaine)? 

A considérer qu'il reste encore une chance au média papier (bois ou numérique, peu importe) de survivre ces dix prochaines années... sur quelle base éditoriale asseoir cette survie?

1- La mobilité?
Je me souviens avoir dit à un ami, en plaisantant, qu'il restait un ultime atout au journal papier parce qu'il était le seul média que l'on pouvait lire aux toilettes. Il m'a répondu : "ah non, moi j'emmène mon macbook aux toilettes!" Et à l'époque, le iPhone n'existait pas encore...
Plus sérieusement, il est encore des situations où lire un journal reste pratique, même si l'arrivée des supermobiles (iPhone) et des mini-pc (on attend toujours le mini-macbook...) réduit considérablement son avantage physique, et rend d'ailleurs presque obsolète l'utilisation du e-paper.
Encore un atout, donc, mais en sursis.

2- La hiérarchisation?
L'argument n'est pas idiot. Internet agit de plus en plus comme un fluidificateur de l'info qui se fragmente et fonctionne en flux. Le média papier permet une hiérarchisation claire de l'info et une navigation finalement assez pratique et attrayante. Bien que fermée. Mais c'est peut-être justement là son intérêt: l'hypersélection, l'hyper-hiérarchisation dans un univers de chaos éditorial et de flux.

D'où l'intérêt, peut-être, d'investir dans le traitement graphique (pas artistique, mais clair) et dans la mise en scène de l'info sur le papier.

3- Le budget?
Pour l'instant, aucune rédaction web n'est capable de rivaliser, en terme de ressources humaines, avec une rédaction papier. Ce capital humain est destiné à décroître violemment dans les prochaines années (voire les prochains mois...), mais il reste largement supérieur. 
Le problème, c'est qu'il est mal exploité. Et même si certains journaux (pas tous...) ont fait de nombreux efforts, on est encore sur un modèle "mass média": un contenu qui se veut exhaustif (avec, du coup, une uniformisation massive via la surexploitation des dépêches d'agence), un journalisme de compte-rendu, d'illustration de l'info...

En réduisant notamment les breaking news dont tout le monde se fiche sur le papier, et les rubriques inutiles sur le golf et le voyage, on devrait pouvoir exploiter plus efficacement ce budget (tant qu'on en a encore) pour renforcer notamment l'investigation, le journalisme de scoop, principale valeur ajoutée du print aujourd'hui. Même s'il est désormais de tradition de publier le scoop d'abord sur le web, cela n'a, me semble-t-il, jamais eu d'impact négatif sur les ventes papier (au contraire, même).

Une exception : la presse locale. Son atout principal: l'exclusivité de l'info hyperlocale (l'info départementale, elle, est concurrencée par le net, les télés et les radios). Là encore c'est une question de budget (d'ailleurs, pourquoi continue-t-elle à perdre de l'argent à payer des journalistes pour traiter l'info nationale?). Impossible, pour l'instant, de concurrencer sérieusement la PQR sur le Net. Au moins sur ses fondamentaux (hyperlocal, petits faits-divers, locale miroir...). Mais ça ne durera pas (notamment sur le sport local).

On me dira: le recul, l'analyse... oui, plus pertinent (si l'on se place dans une démarche de cohérence temporelle) que les breaking news. Mais le Net est aussi un média du recul et de l'analyse. On trouve aujourd'hui plus d'analyse et de richesse sur la crise financière sur le Net (notamment à travers les blogs et twitter) que dans la presse papier (malgré l'excellent dossier du Monde papier sur le sujet ce dimanche...). C'est d'ailleurs un des principaux soucis de la presse professionnelle.

Reste ensuite une ultime problématique à régler: si l'avenir du contenu dans la presse papier passe par un marketing de l'usage et une hypersélection et hiérarchisation des contenus, cette dernière pourra-t-elle rester un média de masse? Et si non, quel modèle économique (vive les services!)?

Il y a sans doute quelque chose à faire avec la communauté, également: la conversation (mais comment?), le participatif en jouant sur la visibilité et la dimension noble véhiculée par le papier (toujours cette idée de sélection et de hiérarchisation)...

On pourrait également s'interroger sur la personnalisation du contenu (jusqu'où peut-on techniquement aller?)...


Il n'y a pas de réponse toute faite, il n'y a que des scénarios qui, tous, encore une fois, découlent de l'usage. 
Et j'écris ce billet dans le but d'ouvrir une conversation.

Et je ne pose même pas la question de l'intérêt de faire perdurer le support papier!  Ni de la prétendue complémentarité des supports web et print (je n'y crois pas, d'ailleurs)... Ce n'est pas le but de l'exercice.

N'hésitez pas à me contredire ou m'apporter vos contributions dans les commentaires, j'essaierai de les faire remonter lors des Etats Généraux.






Et la conversation à suivre en live  sur Twitter

(illustration : www.imprimeriemordacq.fr)


mardi 7 octobre 2008

And now, should we kill the print ?

Provocative question, of course... Some newspapers still make money (but not all of them, and most of the time thanks to the web or services...)

What's more, while the french press is working on its future at the General States of Press(since thursday morning), which want us to believe that the problem can be solved by helping the constitution of huge medias groups (but who believes it?), or that free internet is not the future of news (president Nicolas Sarkozy says thursday), we can legitimately think about this idea, which is not less serious than the first one. Just to think about it... Just to know. Just in case...

And what if, tomorrow, as the financial system today, the press industry falls down? So indebted that anyone holding a big cash pile could buy it for nothing.

Or just incapable to pay for its paper and journalists?

Impossible of course... But.. in case of... Let's say: maybe...

So while newspapers continue to fire more and more people, and lose money one the print section (-$77 millions ad lost on print vs. + $6 millions earned on the web for the Washington Post in 2007), where should they invest the money (if they still have some) ?

On which model shall we build the future medias ?

Today, most of 70% of the newspapers' budget is going to fabrication and distribution (around 40% for the only distribution!).

And we can say (if we count editorial jobs that are not useful online...) that, even if the ad incomes are 8 to 10 times bigger on the print than online, maybe we could build a healthy business (and save some money) by getting rid of paper...

There's a revolution to make, that is not made for a lot of medias (especially in France) and some courageous investments: do we have to invest in our old industry to involve the distribution for example, or should we switch definitly to the online distribution, and invest massively on the web to avoid catastrophy ? Of course it depends on each newspaper's situation

But maybe is the catastrophy nearer than we imagine (it's not me but the Deutsche bank talking) . So we have to play fast.

One of the problematic issue is still: is the online business model strong enough?

So, lets imagine: what if we decide to stop printing and invest all our money online? Would it be realistic? Short term? No? Middle term?

In his blog, Frédéric Filloux, dares to make some calculations..

A little bit unpredictable... but it helps to start the conversation about it...

Filloux asks: how could we transform a print newsroom in an only web based newsroom? How much would it cost to do that?

"I am sure we can produce good quality general news coverage with one hundred full-time equivalent dedicated journalists", Filloux says.

So: 100 journalists + technical, marketing, administrative... = €10M/ year

What trafic can generate 10 million a year?

New figures : "the average income per visitor per month appears to range from €0.10 to €0.25" A €850,000 per month income (10 million/year), "requires a hefty 8.3 million UV per month".

That is very approximative, you can earn €850,000 with less... or the contrary..., depending on the brand, on the target and on the position of the media compared to its concurrents (for exemple 20minutes.fr= 60%lemonde.fr in VU, but 10% of its ad revenues...)

In conclusion, it's very complicated.

Filloux gives 2 tips :

- Don't think packaged websites, prefer one section (like sports, politics), one site. It costs less but has more potential (ex: Huffington Post, specialised in politics makes more audience than Los Angeles Times, generalist).

- Diversify revenues: develop services on your news website. Not new, but still relevant.

Yes but...:

1- Move your print newsroom online? Theoretically, yes. But... which newsroom? Print journalists? I know no print newsroom able to push all its journalists to become online journalists (but I may be wrong). A ask a friend (who rules training sessions for print journalists in a big french newspaper): "How many of them are ready to move online?" His answer: "0".

2- And do we need a huge newsroom? 100 journalists= a hundred times bigger audience than 20 journalists? It doesn't work like that. A new journalism appears on the web, but not necessarily with a single and huge newsroom (outsourcing rise), and not necessarily with journalists...

So: 100, 50, or... 10?

3- Business on the web is always approximative...

lundi 6 octobre 2008

L'article en réseau


J'ai eu une discussion passionnante cette semaine avec Francis Pisani ("Transnets", un blog du Monde.fr) sur de la meilleure façon de couvrir la crise financière.

Ce thème de la crise financière constitue presque un cas d'école pour le web: c'est un événement majeur, persistant, hyper-présent sur la toile. Cela fait plus d'une semaine que tous les médias et les blogueurs en parlent. Et le web se remplit chaque jour d'une masse d'informations colossale: des infos, des opinions, des analyses contradictoires arrivent de partout, toutes les minutes, jour et nuit.

Quels outils offre Internet pour aider les lecteurs à mieux suivre et comprendre la crise? Et qu'est-ce que ça nous apprend sur nos pratiques?

La crise financière est l'événement idéal pour nous aider à envisager l'info non plus comme un produit, un contenu (l'article, le reportage) mais comme un flux.

Je veux dire : pas seulement un article ou un reportage vidéo que je publierais sur le web une fois écrit.

Mais un flux continu d'infos, d'infos fragmentées (des brèves qui s'enchainent, ou se répondent), apportant au lecteur les meilleurs éléments sur le sujet en temps réel.

Francis m'a expliqué par exemple comment il avait (sur un autre sujet que la crise) demandé à ses étudiants d'utiliser différents outils de micro-blogging pour travailler leurs reportages dans une logique de flux.

Ils ont créé plusieurs comptes twitter (par exemple ici) où ils postaient des mini articles (on appelle ça le micro-blogging) en temps réel, sur le sujet qu'ils couvraient. Ces mini-posts sont également des espaces de conversation puisque, sur twitter, chacun peut se répondre. Ils disposaient également de compte "tumblr" (un outil révolutionnaire et hyper simplifié de micro-blogging), comme celui d'Isabelle ici. Pour chaque événement, il suffit de créer une "room" (un espace) sur le site d'agrégation de flux Friendfeed. Vous avez un fil d'info interactif, vivant, mélant commentaires, reportages en live, citations et journalisme de liens (voir la room des étudiants en journalisme de Science-Po Paris ici. Le fil s'est un peu dégradé depuis le lancement, mais c'est toujours intéressant d'observer la mécanique)

Sur Lepost.fr, nous avons expérimenté cette semaine un bloc live mixant les derniers posts de la rédaction et de la communauté sur le sujet, et une liste de liens présentés sous forme de citation, envoyés en live sur Tumblr par une journaliste et des blogueurs éco. Voici le résultat:

De tous ces exemples je vois deux pratiques émerger, et se croiser:

1- L'info comme un flux : pas un produit, mais un process. Qu'il s'agisse de micro-blogging (via twitter par exemple) pour de gros événements (avec beaucoup de mises à jour et d'infos sur une courte durée de temps, voir par exemple ici le fil "élections USA" de Twitter), ou d'un post considéré comme un "work-in-progress", une sorte de chantier permanent avec des mises-à-jour plusieurs fois dans la journée.

Cette notion de flux, de process, va plus loin qu'on ne l'imagine. Il ne s'agit pas seulement de couvrir en direct : cela pousse les journalistes à envisager l'article comme un contenu inachevé, vivant, mais aussi une conversation: info en temps réel, fragmentée et interactive. On met à jour l'info le plus souvent possible (sur le même post, via plusieurs posts éclatés que l'on agrège, ou en micro-blogging), on agrège les news et les ressources publiés par les autres médias, on converse avec les lecteurs: on lit leurs commentaires, leurs corrections, leurs infos, on peut leur demander d'apporter de nouveaux documents sur le sujet. Les blogueurs peuvent aussi réagir à l'article et créer une nouvelle boucle de conversation... On est déjà dans le réseau.

2- L'info comme un réseau. "Link to the best": couvrir un événement, ce n'est pas juste écrire son propre reportage ou analyse sur le sujet. Les infos sont des infos en réseau. Si vous considérez que le journalisme c'est "donner la meilleure info au meilleur moment", alors vous devez aider vos lecteurs à accéder aux meilleurs ressources publiées sur le sujet sur le Net, au moment où elles sont mises en ligne... (Le Washington Post fait ça très bien depuis quelques jours)

Ces deux pratiques modernes fondent ce que j'appelle "l'article en réseau" ("networked article").

Le blogueur Jeff Jarvis vient juste d'écrire un post sur le sujet. Evoquant "la meilleure manière d'écrire un article", il ne dit pas autre chose (et il le dit mieux que moi) :

"1. Curated aggregation. Do what you do best, link to the rest. Here’s the best of the rest. See: MoneyMeltDown. (Faites ce que vous savez faire, faites des liens vers le reste)

2. A blog that treats the story as a process, not a product, with continuing coverage and conversation, asking and answering questions, giving updates, filling in gaps: a reporter showing her work." (Traitez l'info comme un process, pas comme un produit, avec une couverture en continu et une conversation...)

(Illustration: la carte de l'info sur le Net)