Au moment où je m'apprétais à écrire sur le live-blogging et les expériences participatives que nous menons depuis quelques semaines sur lepost.fr, et tandis que je venais juste de former des étudiants en journalisme à la veille sur Twitter (en leur expliquant que même s'ils ne comprenaient pas pourquoi ils me remercieraient plus tard), un événement mondial faisait de cette nouvelle pratique sur le web le nouveau "must" journalistique.
Depuis deux jours, la blogosphère médias française ne parle (presque) que de ça (les Américains un peu moins, ils l'expérimentent depuis plusieurs mois déjà):
Twitter, cet outil qui permet, sur Internet, à tout citoyen, journaliste ou blogueur de poster très rapidement des micro-articles de 140 signes, façon sms, s'est montré l'outil le plus réactif pour suivre les attaques terroristes de Bombay.
- Pascal Taillandier de l'AFP s'emballe et parle de Twitter, comme d'un "nouveau média": avec "des informations tellement précises que selon certains micro-bloggeurs, la police indienne estimait que certains messages aidaient les terroristes présumés, rapporte timesonline".
- Philippe Couve, journaliste blogueur et adepte des bonnes formules, préfère voir Twitter comme "une source de sources", comprenez: pas un média, mais un accès touffu, chaotique, en live, à de multiples sources d'informations et d'opinions non filtrées, professionnelles et personnelles.
- De son côté, Laurent Suply journaliste au Figaro, raconte comment Twitter est devenu un outil indispensable pour suivre les événements en Inde:
"Rien, à ma connaissance, ne va sur cette Terre plus vite que Twitter. Ni moi, ni les télés, ni les agences."
- Enfin, le journaliste grognon Alain Joannes, s'énerve contre ce qu'il appelle la "vacuité du journalisme citoyen".
Selon lui, il y avait très peu de témoignages, contre beaucoup d'internautes qui se contentaient de commenter et de reprendre les médias. Mais son analyse amalgame beaucoup de concepts et souffre d'un manque de compréhension de ce qu'est le participatif, l'information en réseau et le journalisme de liens.
Qu'est-ce que cela nous apprend?
Avant de se jeter sur la mode Twitter, et de n'en (re)garder que l'outil, il faut bien comprendre que ce qui est passionnant dans ce que nous venons de voir (mais que l'on avait déjà remarqué lors du passage des ouragans aux USA et lors de la campagne présidentielle américaine) c'est l'émergence d'un nouvel Internet.
Et l'émergence, en particulier, d'une nouvelle dimension de l'info sur le web. Le live, évidemment, mais surtout le live en réseau, forcément participatif, une sorte de wikipedia du live, encore extrêment chaotique mais que l'on sent déjà capable de s'organiser autour d'événements marquants et se prolongeant dans la durée comme une soirée électorale, une guerre ou... le congrès du PS (cherchez l'intrus).
Ces dernières semaines nous avons testé cette couverture "live" par la communauté sur lepost.fr. Au départ, c'était juste un test. Et j'avoue avoir été vraiment fasciné par l'étonnante machine que nous avions créée.
Je ne vais pas revenir en détail sur l'ensemble des opérations que nous avons mises en place: pour les gros événements, une "homepage" spéciale rassemblant un bloc de titres mêlé à des liens envoyés en "direct" par la rédaction et un pool d'internautes, un bloc de vidéos, un bloc twitter (nous avions demandé pendant le congrès du PS par exemple, à des représentants de chaque motion de twitter en live le congrès pour nous...), et surtout un bloc "live" géré par une équipe d'internautes et de blogueurs issus de la communauté du Post.
C'est ce dernier outil qui m'a le plus étonné... et fasciné.
Lors du deuxième tour de l'élection de la première secrétaire du PS, le 21 novembre, nous avions laissé la communauté gérer toute seule la nuit électorale.
Pour cela nous avons développé un outil s'inspirant de twitter et "live messenger": un agrégateur de micro-posts, sur lequel peuvent intervenir une dizaine d'internautes (ou plus). Chaque auteur peut poster en temps réel du texte, des liens, des photos (et bientôt de la vidéo). Chaque micro-post peut-être commenté.
Pour la soirée électorale, nous avions sélectionné des contributeurs présents sur lepost depuis plusieurs semaines et avec qui nous avions une relation de confiance: parmi eux des militants, des passionnés d'infos, un chômeur, un blogueur spécialisé en politique. Résultat: des posts presque toutes les minutes, avec énormément de liens vers d'autres blogs ou médias, vers des "twitts", des images issues de la télévision, des déclarations entendues à la radio, bloguées en live, mais aussi des résultats locaux que certains posteurs recevaient par mail, mais aussi de l'émotion, des commentaires qui corrigeaient certains posts.
A minuit, le live (qui fonctionnait comme un agrégateur collectif d'infos en direct) était plus réactif, plus riche, plus complet que la plupart des live des autres médias en ligne. Avec zéro journaliste. Et zéro débordement. Etonnant...
Pluis étonnant encore, le live a duré non-stop pendant 5 jours, 24h sur 24h, sans aucune interruption. Les posteurs se relayaient et bloguaient même à 3h du matin...
Témoignage de l'un d'eux, que j'ai joint par téléphone cette semaine. Il faisait parfois des journées "live" de 15h d'affilée. Une vraie drogue.
"Cela demande une agilité tentaculaire. Mon info je la prenais sur tous les sites d'infos. J'avais une quinzaine d'onglets ouverts sur mon navigateur, avec tous les sites réactifs. Mais je recevais aussi des infos en direct de la fédération toulousaine parce que je suis de Toulouse...Pour le reste, j'étais en veille sur BFMtv, i-Télé, France-Info... je reçois tous ces médias sur mon ordinateur ce qui me permet de faire des captures d'écran.Je me sentais bien sûr concerné par cette histoire de congrès du PS (je suis un ancien adhérent qui n'a pas repris sa carte), mais en même temps j'essayais de ne pas faire de posts partisans.
Quand je fais des posts j'aime bien créer le débat. Avec les commentaires qui s'accumulent (il y en a eu plus de 4000 sur le live, NDLA) on voit qu'on est lu, c'est une sorte de drogue! On est pris par le mouvement, par la réactivtié des gens qui commentent. Il y a même eu sur le live du Post, des infos de médias officiels qui étaient corrigés par les commentaires des internautes!"
Même opération avec les événements en Inde. Pendant 3 jours, non-stop, une petite dizaine de posteurs, aidés cette fois (en journée) par la rédaction, se sont chargés de la couverture en live. Avec beaucoup de liens vers twitter, beaucoup de photos capturées à la télévision, de l'émotion aussi (l'un des posteurs avait son fils en vacances en Inde)...
Evidemment, nous n'aurions pas obtenu ce résultat si la rédaction du post (des journalistes, donc) n'avait pas derrière elle un long et patient travail d'animation de sa communauté, et si elle s'était contentée de dire: on vous ouvre un espace "live".
Les internautes présents sur le live sont en contact avec la rédaction depuis plusieurs mois. Les journalistes les connaissent, les encadrent, les forment parfois. C'est une des nouvelles fonctions du journaliste en réseau. Animer une communauté.
Les internautes présents sur le live sont en contact avec la rédaction depuis plusieurs mois. Les journalistes les connaissent, les encadrent, les forment parfois. C'est une des nouvelles fonctions du journaliste en réseau. Animer une communauté.
L'objectif, ici, n'est pas de produire une information low-cost sans journalistes, mais de travailler intelligemment dans le cadre d'une info en réseau. Produire une info plus pertinente par rapport aux attentes des lecteurs: hyper réactive, moins conventionnelle dans ses choix, plus "live", plus libre, avec plus de ton, de conversation, beaucoup d'émotion.
Je me souviens du live de la nuit électorale américaine, pendant le discours d'Obama, un posteur a écrit: "je suis en train de pleurer". En relisant le live le lendemain, on avait non seulement une idée de ce qui s'était passé, mais aussi de l'émotion qui a saisi la France cette nuit là...
D'aucuns répondront qu'il ne s'agit que de "veille d'info". Mais sur Internet, le journalisme de liens (qui trie et donne du sens) est une vraie fonction d'info. Une fonction journalistique, qui peut être assumée par des non-journalistes (le journalisme est alors vu comme une fonction, non plus comme un métier). On peut être non journaliste et excellent lecteur et decrypteur d'info.
D'ailleurs, journaliste ou pas journaliste, peu importe. C'est la force du réseau qui constitue la richesse du live "participatif".
Pourquoi y-a-t-il aussi peu de témoignages directs dans tous ces "live"? D'abord, il y en a eu: ce live étonnant sur Twitter (par un journaliste indien), mais aussi cette série de photos sur Flickr envoyée par un internaute photographe.
Il y en a eu, assez peu cependant, mais il y en aura de plus en plus. Ce n'est pas une question de "vacuité", c'est d'abord une question d'équipement. Avec l'explosion des iPhone, nous allons vers un monde connecté en permanence. Et donc un potentiel de témoignage en direct de plus en plus conséquent, qui pourrait bien s'emballer, une fois le "tipping point" passé.
Au lieu de s'élever un peu rapidement contre la vacuité du "peuple" non journaliste, Alain Joannes ferait mieux de réflechir à la place du journaliste dans cette nouvelle mécanique de l'info live. Il y a du boulot!
A voir également sur ce sujet:
- Un bon outil pour monitorer plusieurs flux twitter: monitter.com
- Un autre outil pour faire des recherches sur Twitter: search.twitter.com (ici, le canal "mumbai" sur les attentats)
- Une agrégation de différents flux live sur les attentats (twitter et flickr, notamment)
- Un article du magazine américain Wired sur la couverture de l'événement via Twitter.
- Le recensement du Poynter Institute sur la couverture des attentats via les médias sociaux.
8 commentaires:
http://www.themediatrend.info/2008/11/attentats-de-bombay-linformation.html
Tout d'abord encore une fois merci de partager toutes ces précieuses informations.
Petite réflexion "à coté" :
Ce que je retiens de mon expérience de blogueur c'est qu'en comprenant de l'intérieur le circuit de production de l'information on prend conscience de l'importance de la "liberté de la presse" (et de comment nous sommes manipulé à tout moment).
Ce qui est intéressant c'est qu'avec des expériences comme lepost, agoravox, plus en plus de citoyens prennent conscience ... c'est peut être cela qui est commun aux "journalistes citoyen".
PS : cette petite réflexion me ramène au titre si évocateur "We the media" de dan gillmor qui fait le lien entre journalisme et démocratie ...
Comment par contre, authentifier avec un maximum de certitude une breaking news transmise par twitter ou n'importe quel autre device ?
un autre article intéressant sur l'effet twitter sur http://tinyurl.com/5bdjz5
@stephane : twitter n'est pas une source fiable a priori. C'est une source intéressante pour les journalistes qui doivent, comme pour toute source, faire leur travail de vérification. Le "fast checking" sur Internet fait partie des nouvelles compétences que doivent développer les journalistes. C'est plutôt une bonne nouvelle pour la profession. Les sources se multiplient, les témoignages aussi, mais il faudra toujours des médias pour donner du sens, organiser, trier, vérifier.
D'un autre côté Joannes a raison de pointer les erreurs et le bruit. A commencer par la pseudo intervention de la police indienne sur Twitter. A ma connaissance l'info a été démontée mais les sites qui se sont extasiés sur cette intervention ne se sont pas précipités pour corriger. L'émotion d'abord...
Certes Joannes passe à côté du phénomène mais je crois que dans ce phénomène il est beaucoup plus question d'émotions que d'informations.
Much like the transformation from Mumbai to Bombay, participation is key to shaping our world. angie brown suede trocked leather jacketstand out with their unique style, just as this article highlights the power of live interaction on platforms like Twitter. It's about embracing change and making a statement, whether it's through fashion or digital engagement. Both have the potential to influence and leave a mark!
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