A lire ici, l'excellente analyse de Jeff Mignon sur les stratégies contenu gratuit ou contenu payant pour la presse en ligne. J'étais justement en train de préparer un post sur le sujet, histoire de mettre un peu de raison et de chiffres dans un débat trop souvent irrationnel. Jeff apporte un certain nombre de données parlantes. Elles confirment les chiffres que j'avais de mon côté.
La vente du contenu en ligne rapporte-t-elle de l'argent ?
La vente de contenus en ligne rapporte aujourd'hui entre 2000 et 20.000 euros par mois, calcule Jeff.
- Pour ce que j'en sais, les chiffre d'affaires des quotidiens régionaux les plus actifs dans ce domaine vont en effet de 15.000 à 17.000 euros par mois sur le contenu payant. Certains , par contre, plafonnent à 1500 euros pas mois.
Lorsqu'ils conservent une partie gratuite (sur la grande locale par exemple), les sites des journaux locaux n'enregistrent pas forcément de chute de leur audience. Mais elle progresse en général moins que les autres, lorsqu'elle progresse. Par contre, ceux qui on basculé tout leur contenu en ligne ont vécu des baisses très fortes, entre 60 et 70%.
- De son côté, le Monde, qui met l'essentiel de son contenu gratuitement en ligne, enregistre une bonne audience. Et fait également du chiffre d'affaires sur sa version abonnés (qui fournit essentiellement des services supplémentaires plus que du contenu) : 2,8 millions d'euros par an.
- Un exemple édifiant, présenté lors de la World Digital Publishing Conference de Londres jeudi dernier : celui du Irish Times qui, avec ireland.com a misé sur le payant. La situation est idéale : la marque presse la plus connue du pays, le nom de domaine le mieux référencé d'Irlande (trouvez mieux qu'ireland.com en Irlande !). Au départ, le site fournissait news et email gratuits. En 2001, ils ont réalisé une enquête auprès des internautes leur demandant s'ils étaient prêts à payer pour un service premium. 10% ont répondu oui. Mais quand le site est passé payant, seuls 3,5% ont accepté de payer ! Résultat : une chute de 76% du trafic. On est passé de 25 millions de pages vues en 2001 à 6 millions en 2002. En 2006, le trafic est remonté à 15,5 millions. Ce qui fait toujours une perte de près de 50% depuis 2001. L'abonnement entre pour 63% dans le CA du site, la pub 22%, les services 9% et la vente de contenu 3%. Aujourd'hui, le site atteint à peine le seuil de rentabilité. La seule marge de progression qu'envisage ireland.com aujourd'hui, c'est la pub : "Nous devons l'augmenter de 40%". Oui, mais comment ?
Quelle est la marge de progression pour la vente de contenu en ligne ?
C'est en fait la vraie question. Une fois que vous avez atteint un certain volume d'abonnés, comme dans tous les marchés, la courbe se tasse. Pour les journaux qui ont réussi à atteindre 200.000 euros de CA par an, la question est la suivante : comment faire évoluer ce chiffre ?
La réponse, c'est la publicité. Mais au prix où elle est aujourd'hui vendue sur Internet (très faible), le seul moyen de gagner de l'argent avec la pub, c'est de faire du volume. Et le volume se fait avec les faits divers et la petite locale (qui capte en général plus de la moitié du traffic lorsqu'elle est gratuite).
L'enjeu du volume n'est d'ailleurs pas seulement sur les pages vues, il est sur la communauté que vous êtes capable de fédérer sur Internet.
Ceux qui ont mis tout le contenu gratuit en ligne gagnent-ils de l'argent ?
Les quotidiens régionaux le Bien public, de la Nouvelle République , de la Dépêche du midi, ou de Ouest France publient leur locale gratuitement sur le Net. Pour ce que j'en sais, leurs chiffres de progression sont beaucoup plus importants. Ce qui est logique. La question c'est : est-ce que cette stratégie permet de dépasser, ou de prévoir de dépasser chiffre d'affaires qui aurait réalisé si on avait choisi l'option de la vente de contenu ? La réponse est oui.
En terme d'audience : le Bien Public, par exemple, a enregistré une progression de +40% de ses pages vues en septembre 2006. Et + 20% de visiteurs uniques. Le prix du CPM (coût pour 1000 pages vues) sur la pub locale est autour de 20 euros (4 euros en moyenne), et il n'y a quasiment jamais de ristourne. Le CA et la fréquentation sur les petites annonces en ligne ont également progressé.
Et en terme de chiffre d'affaires : le BP gagne de l'argent, son chiffre d'affaires est en progression constante. Et ses prévisions pour 2007 sont impressionnantes.
Le Vorarlberg Nachrichten, quotidien régional autrichien, qui fournit tout son contenu gratuit en ligne, gagne de l'argent sur Internet. Son audience sur sa région est supérieure à celle de Google. Internet représenterait 10% de leur CA. Leurs prévisions seraient de passer à 20% en cinq ans. C'est énorme.
Ceux qui ont mis leur contenu gratuit en ligne perdent-ils des lecteurs ?
Il est assez difficile de répondre à la question, puisque l'ensemble de la presse perd des lecteurs. La Provence, par exemple, n'a pas de site Internet, n'a pas non plus de concurrence en terme de news sur Internet, et perd beaucoup de lecteurs.
Ce que l'on constate, c'est que ceux qui ont mis leur contenu en ligne n'ont pas perdu plus de lecteurs au moment où ils l'ont fait. Certains sont en baisse, mais pas plus qu'ailleurs. Ouest France, qui distribue son contenu gratuitement sur le Net (bien qu'à travers maville.com), tout comme La Nouvelle République du Centre, présentent des ventes globalement stables.
Il n'existe à l'heure actuelle aucun chiffre attestant de la cannibalisation du papier par l'Internet.
Pour l'anecdote, le quotidien local américain "New York Post" qui publie son contenu gratuitement en ligne également, vient d'annoncer une progression de ses ventes de 5%.
La tendance est-elle au payant ou au gratuit ?
Après avoir été au tout gratuit, puis au tout payant, puis au gratuit avec couche payante, elle revient aujourd'hui au gratuit : au Royaume-Uni par exemple, où la presse est très dynamique sur le Net, 43% des journaux ne fournissent pas de contenu payant en ligne et n'ont pas l'intention de le faire, 37% le font, et 20% ont l'intention de le faire. En 2004, 18% des journaux seulement ne faisaient pas payer et n'avaient pas l'intention de le faire, 58% étaient sur un modèle payant et 24% avaient l'intention d'y passer.
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