samedi 7 octobre 2006

Edipresse : la salle de rédaction du futur ?


Pendant que les quotidiens français continuent d'affronter leurs blocages internes, la Suisse a opté pour l’électrochoc. Le travail qui a été réalisé dans les rédactions des journaux d’Edipresse est impressionnant. En trois ans, le groupe a transformé physiquement, structurellement, ses journaux papiers en moteurs d’informations 24/7 pour le papier, le web, la radio, les mobiles et la télévision.

A l’occasion d’une visite organisée par l’Ifra, j’ai pu visiter le siège d’Edipresse et la rédaction « cross-plateform » du quotidien régional de Lausanne, « 24 heures ».

Edipresse est le 2eme groupe média suisse (derrière Tamedia). Avec 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, une batterie de magazines et de quotidiens régionaux :

- Le Matin : quotidien régional payant populaire, people et jeune ( le cœur de cible du lectorat est étonnant : 35 ans. Et la diffusion est en hausse, affirme son rédac chef). Le journal a un petit frère « Le Matin bleu » gratuit, ciblé jeunes également, et pas encore rentable.
- La tribune de Genève
- 24 heures (Lausanne)
- Le Temps : quotidien national de niche.


L’objectif : passer d’une production papier à une production d’informations multi-plateformes 24h/24 et 7j/7. Le chantier était colossal : Edipresse, qui a beaucoup d’argent, a décidé de tout faire en une seule fois : on change l’organisation des rédactions, les contrats des journalistes, et tous les systèmes rédactionnels.

L’idée :
un seul système rédactionnel et une seule base de données de stockage pour tous les titres, accessible depuis n’importe où. Dans chaque titre : une rédaction intégrée travaillant pour plusieurs supports. Des contenus neutres pouvant être repris et travaillés partout.

Concrètement :
- à partir du 6 mars prochain, chaque journaliste écrira, selon l’heure de la journée, pour le web ou le print (il sortira donc plusieurs « papiers » à partir d’une même information). Avant d'écrire son article pour le journal, il rédigera une brève qui sera publié aussitôt sur Net. Il y aura également un peu de vidéo pour la télé locale (mais elle est peu développée et prise en charge par un vidéaste). Les journalistes volontaires pourront être équipés d'une caméra (la vidéo sera ensuite éditée par l'équipe web)
- une équipe de 32 journalistes web est chargée d'éditer et d'enrichir les articles, de rédiger des contenus spécifiques, ou d'animer les sites internet.
- le flux d’infos est géré depuis un desk central, placé au centre de la salle de rédaction : on y retrouve notamment le rédacteur en chef de jour, le responsable du secrétariat de rédaction, le chef de la photo, l’animateur de sites internet.


« La salle de rédaction doit devenir le lieu de la conception et de la réalisation des bouquets de services informationnels »

Il n’y donc pas de rédaction ou de service multimédia à côté, mais une rédaction intégrée accueillant de nouveaux métiers complémentaires : animateur de site (sorte de « DJ de l’info » qui remplace l’ancien métier de webmaster),éditeur web, reporter web. Les rédactions de 24 heures et de la Tribune de Genève (280 journalistes) ont donc été réorganisées (fusion des rubriques nationales et internationales, départs volontaires, suppressions de "vieilles" rubriques) pour dégager 32 nouveaux métiers sans augmenter la masse salariale.

Ce qui est exemplaire dans le projet d’Edipresse, c’est avant tout l’effort d’aménagement intérieur. Toutes les salles de rédaction ont été repensées sur le modèle des rédactions open-space multimédias, disposées non plus en services mais en pétales thématiques autour d’un desk central redistribuant l’info sur les différents supports au fil de la journée.

Ce petit film montre une vue d'ensemble de la salle principale et de son desk :



La salle de rédaction de 24 heures s'inspire du programme expérimental "Newsplex" à Columbia (USA). Elle est composée d’un immense plateau ouvert de 120 journalistes (et pourtant silencieux) autour d’un desk faisant face à un écran de travail géant et collaboratif (permet de choisir des photos, de visionner des chaines de télé ou de travailler sur le chemin de fer du journal).

Autour de la rédaction, on trouve des espaces projets, et des petits espaces cloisonnés pour les réunions, les interviews ou la détente.

C’est évidemment luxueux, mais nous sommes en Suisse. Et les patrons ont également investis dans l’immobilier. Ça aide….



Les six caractéristiques de la nouvelle entreprise de presse :


- Gérer des sources multimédia
- Elaborer des bouquets de services d’information
- Production en réseau 24/7
- Briser le concept de deadline
- Un catalogue en perpétuelle évolution
- Réinventer les modèles de distribution

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Incroyable refonte de la machine presse papier ! J'imagine que le flux de données est tout XML ? Est ce que quelqu'un sait quel outil ils utilisent désormais pour rédiger leur contenu ?

Benoit Raphael a dit…

Il s'agit de "Méthode" de EidosMédia

Anonyme a dit…

Je partage l'analyse. Voilà le type même d'organisation efficiente d'une rédaction multi-plateforme.

A ta connaissance, certains groupes médias français sont déjà organisés ainsi ou vont l'être prochainement ?

Benoit Raphael a dit…

Pas à ma connaissance. Mais le Daily Telegraph vient d'inaugurer sa nouvelle salle de rédaction intégrée et est déjà beaucoup plus avancé en terme de process d'info :
Breaking news Internet le matin, mobile, video and articles papier à midi, audio l'après midi and journal imprimable pour lire dans les transports en commun le soir (à noter que 24heures et la Tribune de Genève proposeront également un mini-journal imprimable à 16H30 pour emmener dans le bus...)
Le Telegraph a également établi plusieurs deadlines, plusieurs "bouclages" dans la journée appelés "touchpoints." (source : World Editors Forum)

Anonyme a dit…

impressionnant en effet. ce que je comprend aussi c'est qu'au fond la spécificité des équipes dédiées au Web concerne surtout l'animation des contenus.
Un bon point qui permet certainement à la fois une bonne réactivité et une liberté intellectuelle de d'organiser la distribution de l'info sans la charge de la produire.
Tu as pu discuter avec le "DJ"?

Erwan a dit…

merci pour la description détaillée, voila une organisation qui me paraît enfin logique en terme de flux de production de savoir pour générer des sites et du papier, au service des journalistes pour mieux servir leurs lecteurs/visiteurs.
Intéressant aussi le DJ, sote de pendant de SR SR maquettiste du papier pour mettre en forme au mieux l'info pour le web ?