lundi 18 décembre 2006

Internet : l'analyse d'un dirigeant d'un grand groupe de presse régionale

Le fait qu'un responsable d'un grand groupe de presse régionale, en l'occurence Antoine de Tarlé, directeur général adjoint de Ouest France (et ancien Dga de TF1), décide de publier une longue analyse sur sa vision de l'Internet est un événement suffisamment rare et important pour que l'on dévore le dit document.
Edité par l'association "En temps réel" (pour le débat et la recherche), "Presse et internet : une chance, un défi" (que vous pouvez télécharger ici en format Pdf) est le retour d'expérience d'un groupe pionnier en France dans ce domaine. Mais il est surtout, pour qui connait les coulisses de ce milieu, un miroir assez représentatif de l'état d'esprit aujourd'hui d'un certain nombre de dirigeants de la presse quotidienne régionale française face aux enjeux d'Internet.

Antoine de Tarlé préconise "un nouveau modèle reposant sur l'articulation de plusieurs supports ayant chacun son économie propre et pouvant ensemble financer une rédaction dont la mission restera de collecter, vérifier et mettre en forme l'information".
Il constate que les dirigeants de presse "ont tendance encore maintenant à n'y (Internet) voir qu'un prolongement du journal, une concession faite à un public qui ne fait pas son devoir en s'informant en priorité par le papier mais dont on espère qu'il y reviendra (...) Or, il s'agit bien d'autre chose : la combinaison de l'instantané et de l'interactivité, ce que même le quotidien le mieux organisé ne parvient pas à réaliser complètement."
C'est bien d'un contenu spécifique dont il est question. Pas un nouveau support pour le journal papier, mais pour l'entreprise d'information. La nuance est de taille.

Antoine de Tarlé est moins convaincant, par contre (mais toujours représentatif), lorsqu'il limite le phénomène myspace à une entreprise de "voyeurisme collectif", alors qu'il s'agit d'un puissant moteur de communauté et d'audience qualifiée qui, à mon avis, fera du groupe média Newscorps l'un des principaux concurrents de Yahoo et Google dans quelques années).
Il n'est pas non plus convaincant (mais également représentatif!) lorsqu'il défend le modèle payant, dont il semble faire une question de principe. Aujourd'hui, à part le dating, aucun modèle payant n'est satisfaisant sur l'Internet régional. Tant qu'il sera compliqué de payer 0,5€ sur Internet, et tant que ce que l'on se contentera de proposer à des internautes de - de 40 ans le contenu du journal (tournois de boules et galettes des rois), il me parait difficile d'argumenter sur le modèle payant autrement que sur le mode idéologique.

Au bout du compte, même s'il a l'immense mérite de dresser un portrait sincère et bien renseigné de la situation de la presse locale face au Net, le document ne propose guère de solutions concrètes à ces enjeux. Ce n'était peut-être pas son objectif.

A mon avis, mais on le voit notamment en Grande Bretagne, les changements à opérer sont plus profonds, plus radicaux peut-être, que ce que semble suggérer l'auteur dans son analyse.
Des enjeux colossaux mais paralysants pour les dirigeants de presse, parce que bien trop éloignés des modèles industriels qu'ils ont appris à maîtriser.
C'est là le principal obstacle à la nécessaire révolution de la presse.
Je reviendrai sur cette révolution nécessaire dans mon prochain post.

(Sur ce document, lire également les posts d'Emmanuel Parody et de Danielle Attias)

2 commentaires:

hubert guillaud a dit…

"Tant que ce que l'on se contentera de proposer à des internautes de - de 40 ans le contenu du journal (tournois de boules et galettes des rois), il me parait difficile d'argumenter sur le modèle payant autrement que sur le mode idéologique."

J'aime beaucoup.

Anonyme a dit…

très intéressant ton blog, merci...
katharina
http://www.jazzyfunky-nikaly.blogspot.com/