samedi 23 décembre 2006

Presse locale et internet : comment tirer un dinosaure avec une laisse ?


Je rebondis sur mon post de mercredi, et sur le long commentaire d'Hubert Guillaud, qui me permet de relancer ce débat passionnant.
Je retiens notamment sa réflexion sur la nécessité d'un contenu éditorial spécifique:
"Sincèrement, je ne pense pas une seconde que les gens attendent une masse critique d'information (un volume particulier). Ils attendent surtout un décryptage de ce qu'il se passe sur le net local, augmenté d'une sélection d'information qui va justement donner de la matière à la communauté électronique locale : matière à débat, à réflexion, à rebonds... C'est en s'inscrivant dans les sujets traités en ligne localement, en apportant des compléments d'information, des réflexions nouvelles, que la presse locale peut se tailler une place en ligne."

Sur le fond, Hubert Guillaud a raison, mais on ne peut pas évacuer la question de la masse critique aussi rapidement. Le contenu local fait de l'audience, qu'il soit adapté ou non à la cible, il fait de l'audience parce qu'il est local et (pour l'instant) quasi exclusif. Et si on veut gagner de l'argent aujourd'hui sur Internet avec du contenu il faut beaucoup, beaucoup d'audience.
Cependant, il est vrai que l'on peut traiter une partie de cette question par la publication gratuite des archives du journal.

Cependant, et c'est là où je rejoins Hubert, pour se tailler une place durable sur le Net, le quotidien doit afficher un vrai engagement éditorial sur le Net. Et ne pas se contenter de capitaliser sur sa marque et son contenu éditorial traditionnel.
Et pour cela, je ne crois pas à la révolution massive au sein des rédactions des quotidiens régionaux. On ne fait pas avancer un dinosaure en le tirant vers l'avant avec une laisse. Je peux vous garantir que ça ne marche pas.

Si le dinosaure ne sait pas où il va, il ne se mettra pas à courir. Même poursuivi par la menace de l'extinction, le dinosaure ne court pas. Mais il peut faire un pas ou deux.
On peut le faire venir en lui montrant qu'il se passe des choses devant. Petit à petit. Une carotte, une lumière, une jolie dinosaurette.

Il me semble plus intéressant, dans ce contexte très critique, plutôt que de placer d'emblée les journaux face un lâcher prise industriel autant nécessaire que terrifiant, de militer pour la mise en place de produits éditoriaux nouveaux. Hors des créneaux habituels de la presse papier. Autour de la vidéo, par exemple. Des produits simples, sexy, générateurs d'audience. Des produits bons pour la marque et le moral, animés par de petites équipes de journalistes ou de prestataires, chargés de lancer des conversations, d'apporter des contenus spécifiques, des éclairages sur l'actualité, de provoquer, de surprendre, d'interpeller et de donner envie.

Cela peut aussi passer par le recrutement d'une poignée de correspondants web parmi les blogueurs locaux chargés d'animer, à leur niveau, et de façon indépendante, la conversation locale.

Cependant, il est indispensable de faire pousser cette dynamique sur le terreau une rédaction intégrée, ou de plus en plus intégrée. Avec les journalistes et les correspondants des rédactions papier qui prennent l'habitude d'envoyer des contenus pour le web, texte, photo et vidéo.

Toute la différence entre ce modèle intégré et les rédactions distinctes ou, à l'inverse, le "bi-média" qui n'a pas fonctionné à Libération, réside justement dans le fait que, si dans une rédaction intégrée, on distingue bien les fonctions, les rythmes de l'info et les contenus, on ne pose pas de barrières. Après, c'est une question d'organisation.
Un journal et sa dynamique web, ce n'est pas toujours le même métier, mais c'est bien, au fond, le même média.

Qu'en pensez-vous ?

mercredi 20 décembre 2006

L'homme de l'année : vous



Après Gorbatchev, Jean-Paul 2, Clinton, Bush et Bill Gates, la Une du Time's Man of the year 2006 : "YOU" (vous).
Le message est clair.
Personnalisation du média, participation, contenu généré par l'utilisateur... que feront les médias français dans ce sens, en 2007 ?
L'avenir pourrait bien être passionnant.

Presse locale : comment embrasser la révolution Internet

J'évoquais dans mon précédent post l'analyse d'Antoine de Tarlé, Dga de Ouest France, sur l'attitude de la presse quotidienne régionale face à l'Internet.
Analyse perspicace, mais qui ne répond pas à la récurrente question du "comment on fait".
Les enjeux, et donc les chantiers, sont de taille. Mais ils effrayent les patrons de presse. Le vrai péril n'est pourtant pas niché dans la révolution Internet, mais dans le fait de ne pas appréhender les changements qu'elle impose à leur juste dimension.

- Comment réorganiser les rédactions autour de la production multimédia et notamment de la production vidéo ?

La vidéo est l'avenir de la locale sur le Net.
Comment le prendre en compte sans embaucher des dizaines de reporters télé ?
En révolutionnant l'organisation des rédactions autour de la production multimédia : distribuer des appareils photo/vidéo aux localiers, organiser l'envoi de vidéos par les correspondants locaux, inventer des fonctions de secrétaires de rédaction du web...
Les journalistes locaux (qui sont déjà polyvalents), et les photographes professionnels, sont moins réticents à manier une caméra qu'on ne le pense.

- Comment prendre en compte la volonté des internautes de participer à l'information ?

Cette volonté n'est pas une mode accrochée au phénomène du web2.0. Elle est profonde. Elle peut permettre à la presse locale, qui a l'expérience de l'animation des correspondants amateurs, d'enrichir son contenu et de renforcer ses liens avec la population, sans dépenser des fortunes.
Comment ? En transformant concrètement le média local en média participatif. C'est à dire en organisant cette conversation en profondeur grâce, encore une fois, à une nouvelle organisation au sein des rédactions, et à la mise en place de process de participation sur le Web, animés par la rédaction, et valorisants pour l'internaute.

- Comment créer des communautés ?

Le média local doit (re)devenir média social. Il doit héberger et animer les communautés locales sur le Net. C'est le meilleur moyen de qualifier une audience, d'aller sereinement vers le média à la carte, et de lancer facilement de nouveaux produits innovants sur le Net.
Les internautes doivent avoir envie de venir sur le site du journal pour y trouver l'information utile, mais aussi pour rencontrer d'autres internautes. Il doit donc disposer d'outils pour se présenter aux autres, pour se sentir valorisé, et pour interagir avec la communauté.

Deux règles : l'utilisateur est fournisseur de contenu, mais il est aussi lui-même un contenu.

- Comment prendre en compte toute la dimension d'Internet et générer des contenus spécifiques sans débourser des millions ?

1) En résolvant le problème de la masse critique d'infos locales gratuites adaptées au lectorat du Net : breaking news envoyées par une rédaction intégrée mais aussi par les correspondants locaux, création d'une véritable base de données locales associée à un moteur de recherche, et recrutement de blogueurs, nouveaux correspondants locaux du Web.
2) En organisant, encore une fois, la participation des internautes à l'info locale. Il ne suffit pas d'ouvrir les vannes. Il faut animer.


- Quel modèle payant efficace ?

Dites vous déjà qu'Internet ne fonctionne pas comme le papier.
Ce n'est pas parce que l'on vend un média d'information chez le marchand de journaux, qu'on le vendra également en le numérisant sur Internet.
Cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien vendre sur Internet.
- Mais il faudra d'abord régler la question du micro-paiement.
-Il faudra inventer de nouveaux contenus adaptés au web, utiles et exclusifs (donc indispensables...), et payables à la carte en un seul clic.
- Les internautes sont également prêts à payer un abonnement pour de vrais services sur Internet, comme le dating (les sites de rencontre) par exemple, mais pas seulement.
Question : la presse régionale est-elle, sinon organisée, prête à offrir ce nouveaux type de services spécifiques au web ? C'est à dire à créer de nouveaux métiers ?


Et vous, quelles sont vos idées ?

lundi 18 décembre 2006

Internet : l'analyse d'un dirigeant d'un grand groupe de presse régionale

Le fait qu'un responsable d'un grand groupe de presse régionale, en l'occurence Antoine de Tarlé, directeur général adjoint de Ouest France (et ancien Dga de TF1), décide de publier une longue analyse sur sa vision de l'Internet est un événement suffisamment rare et important pour que l'on dévore le dit document.
Edité par l'association "En temps réel" (pour le débat et la recherche), "Presse et internet : une chance, un défi" (que vous pouvez télécharger ici en format Pdf) est le retour d'expérience d'un groupe pionnier en France dans ce domaine. Mais il est surtout, pour qui connait les coulisses de ce milieu, un miroir assez représentatif de l'état d'esprit aujourd'hui d'un certain nombre de dirigeants de la presse quotidienne régionale française face aux enjeux d'Internet.

Antoine de Tarlé préconise "un nouveau modèle reposant sur l'articulation de plusieurs supports ayant chacun son économie propre et pouvant ensemble financer une rédaction dont la mission restera de collecter, vérifier et mettre en forme l'information".
Il constate que les dirigeants de presse "ont tendance encore maintenant à n'y (Internet) voir qu'un prolongement du journal, une concession faite à un public qui ne fait pas son devoir en s'informant en priorité par le papier mais dont on espère qu'il y reviendra (...) Or, il s'agit bien d'autre chose : la combinaison de l'instantané et de l'interactivité, ce que même le quotidien le mieux organisé ne parvient pas à réaliser complètement."
C'est bien d'un contenu spécifique dont il est question. Pas un nouveau support pour le journal papier, mais pour l'entreprise d'information. La nuance est de taille.

Antoine de Tarlé est moins convaincant, par contre (mais toujours représentatif), lorsqu'il limite le phénomène myspace à une entreprise de "voyeurisme collectif", alors qu'il s'agit d'un puissant moteur de communauté et d'audience qualifiée qui, à mon avis, fera du groupe média Newscorps l'un des principaux concurrents de Yahoo et Google dans quelques années).
Il n'est pas non plus convaincant (mais également représentatif!) lorsqu'il défend le modèle payant, dont il semble faire une question de principe. Aujourd'hui, à part le dating, aucun modèle payant n'est satisfaisant sur l'Internet régional. Tant qu'il sera compliqué de payer 0,5€ sur Internet, et tant que ce que l'on se contentera de proposer à des internautes de - de 40 ans le contenu du journal (tournois de boules et galettes des rois), il me parait difficile d'argumenter sur le modèle payant autrement que sur le mode idéologique.

Au bout du compte, même s'il a l'immense mérite de dresser un portrait sincère et bien renseigné de la situation de la presse locale face au Net, le document ne propose guère de solutions concrètes à ces enjeux. Ce n'était peut-être pas son objectif.

A mon avis, mais on le voit notamment en Grande Bretagne, les changements à opérer sont plus profonds, plus radicaux peut-être, que ce que semble suggérer l'auteur dans son analyse.
Des enjeux colossaux mais paralysants pour les dirigeants de presse, parce que bien trop éloignés des modèles industriels qu'ils ont appris à maîtriser.
C'est là le principal obstacle à la nécessaire révolution de la presse.
Je reviendrai sur cette révolution nécessaire dans mon prochain post.

(Sur ce document, lire également les posts d'Emmanuel Parody et de Danielle Attias)

vendredi 15 décembre 2006

Une interview dans "MotsAndCo"

Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour mettre à jour ce blog, mais d'autres s'en chargent pour moi !
Mickael de "MotsAndCo" publie aujourd'hui une interview que je lui avais accordée il y a quelques jours. Vous pouvez la lire ici. Profitez-en pour découvrir le contenu de cet excellent blog consacré aux médias en ligne et aux techniques de rédaction web.

mardi 5 décembre 2006

Bientôt de retour

Après les discours, les actes.
En pleine finalisation d'un nombre important de projets, je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer au débat. Ce qui explique mon absence des blogs depuis quelques jours.
Je m'excuse auprès de toutes les personnes qui m'ont sollicité ou interpelé ces derniers temps et auxquelles je n'ai pas encore pu répondre.
Je serais bientôt de retour et un peu plus disponible, je l'espère.
En attendant, je vous invite à visiter ma page del.icio.us (ici).Elle enregistre au fil des jours mes lectures et trouvailles sur le Net que j'aurais pu bloguer si j'avais eu neuf vies...