lundi 14 juillet 2008

La nouvelle économie des rédactions du futur

Et si l'on confiait à Google la distribution des contenus des journaux? "Comme ça les groupes de presse se concentreraient sur ce qu'ils savent faire: du journalisme."

C'est le nouveau pavé dans la mare jeté ce week-end par Jeff Jarvis, blogueur new-yorkais et spécialiste renommé des médias sur Internet.

Deux jours plus tôt, il proposait également une white list et une black list de ce qu'il faudrait supprimer dans les rédactions, et ce sur quoi il faudrait investir (Eric Scherer en a fait une excellent synthèse sur son blog "AFP Mediawatch"). Décoiffant!

De quoi s'agit-il?

- Google est très bon en technologie, les journaux non. La culture industrielle est bien ancrée: ils ont touours imprimé et distribué leurs journaux. Ils font pareil sur Internet.
Il faut qu'ils sortent de la logique de la distribution, insiste Jarvis: "Google est déjà le distributeur de contenus incontournable du Net". La distribution échappe déjà aux journaux: leur audience sur le Net dépend de plus en plus des moteurs de recherche et passe de moins en moins par la sacro-sainte "Une".

Puisque c'est le contenu plus que le site web qui compte ("si l'information est importante, elle saura me trouver") laissons donc Google, les agrégateurs et les réseaux sociaux s'occuper de leur métier: la technologie et la distribution. Logique? Révolutionnaire! "Cessons donc de nous différencier par la technologie, mais par le contenu".

Jarvis rebondit en fait sur un commentaire de Bob Wyman, qui travaille chez Google :" Puisque Google est capable d'héberger les journalistes citoyens gratuitement, ils doivent pouvoir le faire également gratuitement pour les journaux (...), ils ont tous les outils nécessaires pour ça."
"Voici mon conseil, journaux ("papers") : Sortez le plus vite possible du buisiness de la fabrication, de la distribution et de la technologie. Eteignez les rotatives. Externalisez les ordinateurs. Externalisez l'editing en Inde ou chez vos lecteurs. Collaborez avec le public. Et, ensuite, demandez vous qui vous êtes. La réponse importe vraiment..." (J.Jarvis)

"Il faut choisir son business, son métier", résume le blogueur. "Le nôtre c'est le journalisme."
L'argent économisé sur la fabrication et la distribution irait donc au journalisme, mais quel journalisme?

Dans un autre post, Jeff Jarvis propose une liste de ce qu'il faut supprimer, alléger ou enrichir dans les rédactions. A lire (et à compléter ici)

(Le résumé en français est ici)

Que préconise-t-il ?

1- Faites ce que vous savez faire bien, et faites des liens vers le reste.


2- Les journalistes doivent accompagner et éduquer les lecteurs et les citoyens pour les aider à remonter leurs propres reportages, témoignages et opinions.


3- Payez des blogueurs.


4- Que restera-t-il aux journalistes, demain? L'investigation notamment. Mais ça coûte cher. D'où l'intérêt d'économiser sur le reste (editing, breaking news, chroniques, technologie...). Mais le journalisme d'investigation est l'un des rares secteurs où les médias doivent pouvoir faire appel aux contributions du public, voire au mécénat.


En résumé: puisqu'il y aura moins d'argent demain dans les médias (moins de journalistes, mais pas moins d'information), devons-nous, comme le suggère Jarvis, prioriser à l'extrême?


Avec une seule question clef: quel est votre métier?

lundi 7 juillet 2008

La façon la plus simple de créer son blog



Je viens de tomber sur ce nouveau service et je le trouve vraiment malin.

Comment faciliter les contributions spontanées des internautes, le fameux User generated content sans lui faire peur? Créer un blog, le configurer, ouvrir un compte, sont autant de barrières qui rebutent ceux qui auraient peut-être quelque chose à raconter et à partager, peut-être juste une fois ou deux dans leur vie, parce qu'ils sont témoins d'un événement, ou parce qu'ils sont quelque chose à montrer.

Posterous
a inventé l'outil le plus simple du monde pour créer un blog. Il n'y a rien à créer.
"posterous is the place to post anything. just email us"

Il suffit à l'auteur d'envoyer un message à une adresse mail (post[at]posterous.com) à l'aide de sa messagerie habituelle. L'objet sert pour le titre, le corps du message correspond au post. L'auteur peut également attacher, comme pour n'importe quel mail, un document: photo, vidéo... mais aussi, comme le souligne Hubert Guillaud dans les commentaires (il a aussi publié un post sur le sujet), n'importe quel document .doc ou .pdf, ou même une vidéo Youtube qui sera automatiquement visible sur le post...

Une fois le mail envoyé, Posterous se charge de tout. Moins d'1mn après l'envoi, le blog est créé avec le premier post.

Magique: si on renvoie un nouveau post, sans autre indication, ce dernier s'ajoute à ce qui est devenu votre blog...

J'ai essayé ici, ça m'a pris 2 mn pour deux posts: http://benot_wjz34.posterous.com/

Une fois que l'on a envoyé son mail, on reçoit un message nous invitant à éventuellement créer un compte pour personnaliser sa page (et changer de nom... ils m'ont appelé "benot"...):

"Welcome to Posterous.com! We think e-mailing is such a natural way to share information, there can be no better way to publish something on the internet. So go for it, send us something else! We'll add it to the blog you have already created.

Your new post

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Setting a password for your account is easy. It's optional, but here's why you should...

  • Choose a personalized subdomain.
    We just gave you a temporary one. Choose yournamehere.posterous.com.
  • More security.
    Be able to manage and edit your posterous securely using your own password.
  • Make it yours.
    Customize your site name and upload a profile photo.
  • Connect.
    Be able to subscribe and keep up to date with others.


Posterous invente donc le "blog spontané" ("instant blogging"?). C'est une autre façon de voir le blogging: pas forcément une chronique régulière (tout le monde n'a pas quelque chose à raconter tous les jours) mais un outil pour poster spontanément une info lorsque qu'elle nous "tombe" dessus.

Je pense que c'est une petite révolution... et vous?

jeudi 3 juillet 2008

Presse sur Internet: pourquoi les Polonais sont plus forts que nous

Je rentre de Varsovie, où j'ai rencontré les équipes web du groupe Agora, qui possède le quotidien national Gazeta Wyborca, et j'ai été complètement bluffé.

Pas seulement par le building qui accueille ce jeune groupe de presse leader dans le pays. Une sorte de "gratte-ciel couché", tout en verre et en bois, où l'ensemble des services (plus de 1200 personnes) sont rassemblés sur deux longs étages ouverts, où des arbres poussent dans des puits de lumière.

Le groupe possède un quotidien avec des éditions locales, plusieurs radios, dont la première talk radio du pays, une web tv, un portail internet puissant (le troisième du pays) qui rassemble une dizaine de marques dont 5 pilotées par la rédaction web de Gazeta.
Dernier en date, un site politique, politbiuro.pl: 1 million de visites par mois après deux mois d'existence... avec seulement 1 journalistes et 3 pigistes.
Autre projet intéressant: alert24.pl. Un site contributif à la manière du "téléphone rouge" des radios, où les internautes, encadrés par deux journalistes, sont appelés à envoyer leurs infos, photos et vidéos de faits divers locaux par teléphone. Un gros succès: le site reçoit entre 30 et 50 contributions par jour, et est fréquemment exploité par les journalistes des rédactions nationale et locales.

Tout n'est pas idyllique: les relations entre la rédaction web et papier (20% des contenus du site gazeta) ne sont pas vraiment fluides. Les deux rédactions sont d'ailleurs séparées, même si les deux rédac chef participent ensemble aux conférences de rédaction. Le site du quotidien est d'ailleurs différent du portail.

L'expérience d'intégration va se faire... avec la radio! C'est étonnant, mais assez logique finalement. Le web et la radio partagent des ryhtmes et une culture assez proche: la réactivité (plus rapide sur le web, néanmoins), le direct, l'interactivité et la conversation avec l'audience, les formats courts.
Du coup, la rédaction web et celle de la radio nationale sont en train d'être déménagées dans une aîle du building Gazeta. Un seul desk, des studios d'enregistrement et de direct, juste à côté de l'impressionnant studio télé de la webTV.
Pour l'instant les journalistes des deux médias travaillent ensemble, mais chacun sur son format. Mais d'ici deux ans, chaque éditeur aura été formé à la radio ou à l'écrit web, de sorte qu'ils seront tous polyvalents et multimédia. La plupart des sons radios seront enregistrés en vidéo pour être diffusés sur le Net.

Belle expérience... qui prouve encore une fois que la question n'est pas de savoir si les rédactions doivent être intégrées ou pas. Ce sont des débats de transition. L'objectif aujourd'hui est de travailler souplement à des organisations cohérentes en fonction de chaque nouveau projet.

Mais la principale force du groupe, c'est sa capacité à innover en permanence. L'équipe web (plus de 250 personnes) a compris qu'il ne servait à rien de se lancer dans d'énormes projets, personne n'ayant de solution toute faite, mais de se donner la flexibilité nécessaire pour expérimenter sans cesse.

C'est ce qu'on pourrait appeler une stratégie agile, pas à 3 ou 5 ans, mais une stratégie de flexibilité ("flex" est d'ailleurs le nouvel adjectif à la mode pour dire "cool"...), par l'expérimentation. Une stratégie complètement adaptée à notre champ de vision actuel (personne ne sait comment les choses vont évoluer): se donner la capacité de lancer plusieurs petits projets de sites chaque année (pas de rachat, mais des créations), peu couteux (même plateforme, mini-équipes), et... apprendre!
Tout en se laissant la possibilité de stopper, sans état-d'âme, un site au bout de 6 mois s'il ne rencontre pas de succès. Gazeta vient de lancer notamment, en quelques semaines, un site de niche destiné aux adolescentes, piloté et alimenté par un binôme. Résultat: zéro cout de développement, un vrai carton d'audience...