François-Régis Hutin, le patron de Ouest-France, le constatait lundi dernier dans les
Echos :
"La recomposition de la Presse quotidienne régionale est en train de se terminer : trois grands groupes
sont constitués, les autres journaux indépendants veulent le rester, c'est tant
mieux".
Avec le rachat du pôle Rhône-Alpes de la Socpresse (Le Dauphiné Libéré, le Progrès et le Bien public) par le groupe l'Est Républicain et la volonté désormais officielle du groupe "Le Monde" (propriétaire de Midi Libre) de reprendre les régionaux d'Hachette Filipacchi Médias ("La Provence", "Nice Matin"...), la France de la PQR est désormais divisée en trois :
- Un pôle Sud (holding Le Monde / Hachette)
- Un pôle Ouest (Sipa - "Ouest France")
- Un pôle Est (Est Bourgogne Rhône-Alpes - "Est Republicain")
Restent quelques indépendants, ("Le telégramme de Brest", le groupe centre France avec "La montagne", "La dépêche du Midi"...) qui, selon "Le Monde" du 15/02 (
ici) ne seraient "résignés à l'isolement". Il y aura donc sans doute encore du mouvement de ce côté-ci. En attendant, la France observe le phénomène d'un oeil un peu médusé, sans savoir quoi penser de ces grandes manoeuvres: signe de la fin ou renforcement ?
"La PQR n'est pas en mauvaise santé financière", souligne "Le Monde", "mais elle est confrontée partout aux mêmes difficultés, la baisse de
diffusion, qui s'est poursuivie en 2005 avec un repli de 1,5 % environ. En dix
ans, les ventes ont chuté de quelque 10 %, soit près de 700 000 exemplaires, et
le nombre de quotidiens est passé de 175 en 1946 à une soixantaine aujourd'hui.
Une chute encore plus forte dans les grandes villes. La PQR doit en effet faire
face à une forte concurrence, d'Internet mais surtout des journaux gratuits.
Certains ont décidé de créer leur propre réseau, Ville Plus."
Tous les quotidiens régionaux ne vont pas mal, certains ont même réussi à s'installer dans la croissance. Leurs recettes se ressemblent : indépendance, nervosité, et forte appropriation par leur lectorat (avec une forte présence sur le terrain et une locale exhaustive à l'ancienne). Une phrase d'une lectrice bretonne du "Télégramme de Brest" (journal indépendant) :
"Ils osent dire les choses... et puis c'est notre journal". Tout est dit.
Les regroupements des titres présentent-ils une menace pour l'indépendance rédactionnelle de la PQR ? Je ne pense pas. L'indépendance d'un journal est une question de solidité des ventes et de répartition équilibrée de ses recettes publicitaires, pas de grands groupes.
Ces regroupements pourraient même être une chance pour la PQR, si elle se montre capable d'affronter les grands enjeux industriels qui l'attendent au tournant. Ce qui n'est pas gagné. Mais pas impossible.
En mutualisant ses moyens, techniques et rédactionnels (il n'y a aucune utilité à conserver des informations nationales et internationales propres à chaque titre), certes, mais surtout en les renforçant sur sa principale mission : la proximité. La proximité est une thématique d'avenir. C'est la seule, d'ailleurs, pour ce qui concerne la PQR.
Qu'est-ce que la proximité ? Il y aurait de l'or à se faire pour qui chercherait à répondre sérieusement à cette question !
Pour la PQR, cette proximité s'animerait autour de trois critères, qui sont autant de questions :
- Utilité (en quoi suis-je utile aux habitants ?)
- Conversation (qu'est-ce que ça veut dire : je converse avec les habitants ?)
- Appropriation (qu'est-ce qui fait ou fera dire à ces habitants : "c'est mon journal" ?).
Après : gratuit, payant, Internet, e-paper, i-pod, la forme importe peu... l'important, c'est la place de cette nouvelle PQR dans la vie des gens.