
Comment passer d'un journal papier à un véritable média participatif local ?
Si les travaux pratiques vous intéressent, The Harstville Messenger a mis en ligne son "livre de cuisine du journalisme citoyen" à destination des petits journaux locaux. Le document (à télecharger
ici) explique comment ce bi-hebdomadaire diffusé à 5880 exemplaire sur l'agglomération de Harstville aux Etats-Unis (20.000 habitants) s'y est pris pour créer un site internet participatif. C'est à dire un média local ouvert au contenu des internautes.
Une révolution menée en quelques mois :Pas facile pour une rédaction peu habituée aux enjeux et aux règles très ouvertes de l'Internet de se lancer dans l'aventure du "pure web" : peur du cannibalisme, peur de ne pas savoir faire, peur que les internautes leur envoient n'importe quoi... des craintes que l'on retrouve également en France.
"Nous avions l’habitude de penser journal d’abord", rapporte le rédacteur en chef du Messenger.
"Il était difficile d’évoluer Nous avions également peur de faire face à du contenu non approprié, impubliable. En 8 mois, nous n’avons rencontré aucun problème et avons même pu exploiter certains posts dans la version papier du journal."
Un nouveau site hyperlocal pour la communauté : La rédaction a finalement opté pour la création d'un nouveau site, à côté de celui du journal :
"ce dernier était difficile à mettre à jour. Et puis nous ne ne voulions pas être dans « l’ombre » du journalisme, ce qui aurait pu effrayer les gens".Le site s'est donc appelé "Hartsville Today". Il a été conçu en deux dimensions : d'un côté il y avait la volonté de faire évoluer les journalistes du bi-hedomadaire vers une production de news 24/7. De l'autre, le projet de journalisme citoyen : l'objectif était de rapprocher les habitants du journal, partant de l'idée que
"dans une agglomération de 20.000 habitants il y a forcément des événements qu'une équipe de 5 journalistes ne pouvait pas couvrir."Tous correspondants : "Le journalisme citoyen c'est l'idée que chacun de nous a une histoire a raconter, une observation, un commentaire à partager, et que nous devenons une communauté plus riche lorsque chacun peut être entendu".
Il y a donc cohabitation sur le site hyperlocal des breaking news des journalistes et des articles ou des photos envoyées par les habitants. En fait, le journal américain a réinventé notre système français de correspondants locaux de presse, mais dans une version plus souple et ouverte : tout le monde devient correspondant à Harstville.
Une vraie stratégie de recrutement
Les règles :
- Recrutez des journalistes citoyens : oubliez l’idée "si je crée un site ils vont venir". Allez visiter chaque communauté, faites la promotion du service, expliquez, proposez des petits paiements par exemple 15$ par mois pour le meilleur post…
- Recrutez des « stringers » pour démarrer le site : payés 50$ par semaine pendant 8 semaines, ces habitants ont été chargés de couvrir l’actu de la communauté et recruter de nouveaux contributeurs.
- Pour démarrer : commencez avec l'info du journal, recrutez des blogueurs locaux et des journalistes citoyens (il a fallu 15 semaines pour faire décoller les contributions, le temps de créer une section photo stable, en fait...)
- Impliquez la rédaction(la production des internautes peut donner des idées de sujets)
- Les jounalistes du Messenger participent également à la rédaction du site notamment pour publier des infos avant la publication dans le journal.
La conceptionUne règle : pas de style journalistique demandé aux internautes. Le concept utilisé était : "raconter la communauté."
"Quand vous entamez la conception d’un site vous devez cesser de penser comme un homme de presse, mais vous devez penser comme vos utilisateurs".
Ainsi, les thématiques ont-elles été choisies non pas comme pour un journal mais en s'inspirant "de la façon dont les gens organisent leur vie" : arts, argent, santé, éducation, foi, voisins, animaux, gouvernance locale, clubs et hobbies etc.
Le contrôle :
- Questions : qui va monitorer le site ? Les articles doivent ils être édité ? Les utilisateurs doivent ils donner leur nom ou peuvent ils poster e avec un pseudo ?
- Les choix de la rédaction : les internautes ont la possibilité de poster avec leur mail et un pseudo (pour encourager la participation). Les productions des habitants ne sont pas éditées (en raison du manque de moyens humains). Par contre elles étaient monitorées par l’équipe de l'Université de Caroline du Sud (qui co-pilotait le projet) : à part un post dans un forum, elle n'a n’a jamais eu à supprimer d'article.
Quelques conseils :
- Des flux RSS partout et pour tout.
- Photos, photos, photos ! Créer des catégories pour aider les gens à poster leurs photos (évènements, les gens, patrimoine, sport amateur…)
- Attention à ne pas abreuver les internautes de langage technique ou d’avertissements juridiques. Résistez aux juristes ! Ecrivez simplement, rendez l’utilisation du site simple !
- Ne pas oublier la météo.
Les chiffres : - Habitants enregistrés : Principalement les 18-29 ans : 32% (un groupe avait été créé dans le lycée local). Mais également une belle proportion de de 50-59 ans (18,3%) et de 40-49 (22 ,5%).
- Contributeurs : En tête, les 50-59 ans suivis des 40-49 ! Puis les 18-29.
- Contenu envoyé par les habitants : juste des photos (29%), conversation (14%), articles (13%), infos agenda (10%)
- Coût du projet : 11.475 dollars !
- Les visites ont doublé entre janvier et juin 2006 (site lancé en octobre 2005)
- En mars 2006 : 34 contributeurs actifs et 274 posts, 120 utilisateurs enregistrés
- Des faits divers ont été vus d’abord sur Harstville Today, postés par les habitants, avant que les journalistes en soient informés par leurs contacts…
(Lire également sur le sujet le post d'Innovations et celui de Common Sense Journalism)