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jeudi 12 novembre 2009

Médias : le web sert-il vraiment à quelque chose ?


A entendre quelques patrons de médias au fil de mes rencontres ou interventions en conférence, c'est le sentiment qui domine. Puisqu'il semble acquis (sic) que le web ne servira pas à financer les budgets déficits des journaux ou les budgets des télés, ni même à remplacer le modèle, j'ai la nette impression que la tendance en France dans les médias est au repli. Et qui dit repli, dit pas d'investissement véritable. Pire: pas d'innovation. No future le web ?

Ce que j'entends :

1) "Il n'y a pas de modèle économique viable pour les médias sur Internet. Un visiteur unique rapporte dix fois moins qu'un lecteur. "

2) Donc : "Ne perdons pas d'argent sur le web, il n'y aura pas de retour sur investissement. Le web reste un complément, mais n'a pas à être au coeur de la stratégie."

3) Ce n'est pas nouveau mais ça revient très fort: "Tout ça c'est la faute à Google qui se fait de l'argent sur nos contenus. Google doit payer." Ou: "On va bloquer Google qui ne pourra plus indexer nos infos".

4) "Le Kindle d'Amazon c'est l'avenir de la presse écrite: Il faut juste attendre que ça se démocratise et on pourra à nouveau vendre nos journaux sur Internet."

5) "Le mobile est un réseau beaucoup plus viable que le web: il y a de vrais espoirs de modèles économiques puisque l'on peut faire payer les gens sans douleur, comme sur iTunes".


La réalité:

1) No pub ? Il y a plusieurs idées reçues et contre-vérités dans ce message.



- Oui, si l'on compte en visiteur unique, en passant du lecteur à l'internaute, la recette annuelle est divisée par 20.

- Non, si l'on compte en pages vues. Les calculs d'Olivier Bonsart de Ouest France montrent qu'une page sur le web rapporte plus qu'une page papier. Le problème c'est le trafic, pas assez important. Ce qui ne résout pas le problème, mais permet au moins de relativiser.

- La pub traditionnelle sur Internet est ringarde et inintéressante. Les agences et les régies pub bloquent sur ce modèle (le fameux "display") depuis des années et n'ont pas fait leur révolution, alors que de plus en plus d'annonceurs sont aujourd'hui prêts à se bouger. Il y a encore énormément à expérimenter sur Internet: transformer les marques en média, jouer les médias sociaux, faire du participatif maîtrisé, faire du clef en main, inventer inventer inventer. Mais qui osera bousculer les toutes puissantes agences ?

2) No future ? Arrêtons de considérer Internet comme un média.



Internet est une manifestation du réseau digital, dans lequel nous devons aujourd'hui inclure le mobile. Les médias doivent se mettre en réseau, mettre la digitalisation des contenus et des process au coeur de leurs stratégies. Et envisager les modèles économiques comme un ensemble. Considérer le réseau comme un accessoire, c'est signer son arrêt de mort, son bannissement de la sphère du consommateur et de l'annonceur.

3) No Google ? En 2009, la presse se cherche encore des coupables. Au lieu de s'inspirer du modèle Google, elle en fait un bouc-émissaire.



Ce mois ci Ruppert Murdoch (Wall Street Journal, Fox...) a menacé Google de ne plus rendre les contenus de ses médias accessibles par le moteur de recherche, qu'il traite de pilleur. Réponse de Google : pas de problème!
Suicide mode d'emploi...

4) No free model ? Autre option, très "Murdoch Style" aussi: faire payer les contenus actuels. Aucun modèle grand public ne fonctionne réellement, mais tout le monde en parle. Tout le monde travaille dessus. C'est évidemment très compliqué. Même Murdoch temporise...



Ce n'est pas le principe du payant qui pose problème. On peut faire payer des tas de choses sur le web, à commencer par des services. Le problème, c'est de vouloir faire payer l'info: dans un environnement où toute info est publique et accessible gratuitement (chez l'émetteur de l'info ou ailleurs) en 30 secondes, quelle est la valeur de l'info ? Que faire payer ?

En France, j'ai vu passer des projets, parmi les sociétés de journalistes, qui me font hurler de rire frémir: "Les éditeurs de presse pourraient s'accorder, au sein des associations professionnelles nationales et internationales, pour renoncer collectivement à la gratuité de l'information en ligne." Help !



La solution finale (si j'ose dire) ? Le e-paper. Là, c'est sûr, les gens vont enfin acheter le journal!
Pour preuve: le succès du Kindle d'Amazon (très relatif, aucun chiffre n'est disponible), lancé récemment en France.
Miracle en vue ?
Le problème est encore celui de la valeur de l'info, donc de son prix. La valeur d'une info, même présentée sous la forme d'un journal traditionnel sur un écran agréable, n'est pas comparable à celle d'un livre numérique dont le contenu reste (pour l'instant) difficilement soluble sur le réseau .

5) No web ? Ah, le iPhone! Le graal des patrons de médias ! D'abord parce qu'ils ont enfin entre les mains un objet qu'ils comprennent. Le iPhone est à l'Internet ce que la Wii a été au jeu-vidéo. C'est l'émergence d'une économie des "casual" internautes. Tout le monde comprend la Wii, même les séniors.



Le mobile va en effet bouleverser l'écosystème de l'info parce qu'il accélère les logiques du réseau, mais aussi parce que l'outil est beaucoup plus proche de l'utilisateur, beaucoup plus accessible que l'ordinateur.
Il est vrai que les mobinautes paient facilement les applications iPhone. Pour autant, ce n'est pas un modèle en soi, ni un modèle unique.
Et les usages mutent à vitesse Grand V sur le mobile. Pour l'instant, une appli par média. Demain: à nouveau les agrégateurs ?

Et vous, vous en pensez quoi ?

mardi 27 octobre 2009

Soitu.es: Les sites d'infos meurent aussi


Je trouve cette image terrible. Il s'agit de la rédaction du pure player espagnol d'infos Soitu.es, qui a fermé ses portes aujourd'hui, le 27 octobre 2009.

Elle me rappelle celle-ci:

La salle de rédaction du Rocky Moutain News, le quotidien régional de Denver, qui a cessé d'imprimer le 27 février 2009.
Même malaise. Mêmes visages dans le vide.
La différence entre les deux médias, c'est que le second était devenu le symbole d'une vieille presse à la dérive, fauchée par la révolution du web et par la crise.

Le premier représentait l'avenir. L'info sur le web, innovante, en prise avec sa communauté.

Je me souviens des fondateurs de Soitu.es. Ils étaient passés dans les locaux du Post.fr, au Monde Interactif, pour voir comment nos journalistes travaillaient avec les internautes. Ils n'avaient pas encore lancé Soitu. C'était fin 2007.
Beaux sourires. Beaux visages.

Ce qui est terrible dans cette image c'est qu'elle nous montre que la révolution qui, 600 après Gutenberg, frappe le monde de l'information, ne fait pas que des morts du côté du papier. Elle tue aussi les initiatives web. Et elle continuera de le faire.
Parce que les modèles économiques ne sont pas encore calés. Qu'il faut du carburant pour tenir dans cette phase indispensable d'innovation.
C'est ce dont les amis de Soitu.es ont manqué.

Le site était financé par le groupe bancaire BBVA, lui aussi touché par la crise, rappelle Pierre Haski sur Rue89. Gumersindo Lafuente, directeur de Soitu.es, a regretté de ne pas avoir réussi à convaincre l'établissement bancaire d'un principe important :

« Des projets qui naissent dans des secteurs nouveaux à un moment troublé nécessitent de la patience pour trouver leur place. »

Oui, il faut du temps. Entre 3 et 6 ans pour un média en ligne pour être rentable. Lancer des projets. Expérimenter et combiner les modèles économiques, se tromper, corriger, avancer.

Il faut aussi et surtout de la compréhension (j'allais dire une "vision") de la part de ses actionnaires. Mais en ces temps de crise plus qu'avant, la tendance dans les médias est à l'irrationnel et au repli sur soi.

C'est terrible parce que des journalistes se retrouvent au chômage. Terrible parce que le repli sur sa marque ou sur les vieux modèles ne fait que retarder le moment fatidique. Et qu'à ce moment là, quand les dernières gouttes de carburant auront été gaspillées par les groupes de presse, il n'y aura aucune alternative pour prendre le chemin du nouveau monde qui se dessine.

C'est aujourd'hui qu'il faut y croire.
Un ami consultant me confiait hier: "Je trouve les patrons de presse terriblement déprimants".

mercredi 14 octobre 2009

Manuel de survie du journaliste 3.0 en milieu mutant

Voici les slides de mon cours d'introduction au journalisme en réseau, donné hier aux étudiants journalistes de 1ère année du CFJ.
Je l'ai surtout utilisé comme support de conversation, mais je me suis dit que les données et idées rassemblées dans ce petit doc pouvaient intéresser un plus grand nombre.

Je n'ai pas cité mes sources dans le powerpoint, je le fais donc ici. En vrac : Jeff Jarvis, Jean-François Fogel, Jeff Mignon, Francis Pisani, Mathieu Stefani, Bernard Poulet, John Temple pour les données et l'inspiration...

dimanche 19 juillet 2009

La note Matthew Robson (traduction française intégrale): ce que pensent les jeunes des journaux, de la télévision... et de Twitter


"Ce que pensent les ados": ils seraient nombreux à payer cher pour entrer dans la tête de ces "futurs consommateurs", à l'heure où le marché des médias est en pleine révolution, et qu'il valse encore entre le big crunch et le big bang...

C'est sans doute la raison pour laquelle Matthew Robson est devenu, en quelques jours, une vraie star chez les décideurs.
Ce jeune stagiaire de 15 ans et demi a pondu une note sur les habitudes de consommation des adolescents, pour la banque d'affaires Morgan Stanley, qui a décidé de la diffuser.
Depuis, le document a été publié en Une du Financial Times et a créé autant de polémique que d'enthousiasme (lire aussi l'article de Challenges)

Que nous dit cette note (téléchargeable ici en anglais)?

1- Les ados (environ 300 connaissances interrogées par Matthew lors de son enquête) ont le culte de la gratuité
2- Ils utilisent beaucoup leur téléphone mobile
3- Ils sont de plus en plus sélectifs devant la télévision...
4- Et ils n'aiment pas Twitter!

Je vous propose une traduction intégrale en français de ce document ( à mettre en parallèle, avec cette autre étude, relayée également sur ce blog en 2007).

Matthew Robson:
"Comment les adolescents consomment les médias"


Radio:

La plupart des ados ne sont pas des auditeurs réguliers. Ils la mettent de temps en temps, mais ils ne recherchent pas d'émission en particulier.
La principale raison pour laquelle les ados écoutent la radio: c'est la musique. Mais aujourd'hui avec les sites de streaming gratuit ils s'en fichent, puisque des services comme last.fr le font sans pub, et que les utilisateurs peuvent choisir les morceaux qu'ils veulent au lieu d'écouter ce que l'animateur ou le Dj a choisi pour eux.

Télévision:
La plupart des ados regardent la télé, mais il y a des moments dans l'année où ils la regardent plus que d'habitude. Ceci parce que les programmes fonctionnent par "saisons": ils regardent donc un programme à un certain moment pendant quelques semaines (aussi longtemps que le programme dure, en fait), mais ils peuvent ne plus regarder la télévision pendant des semaines une fois que le programme est terminé.

Les garçons regardent plus la télé pendant la saison de foot: en général deux matches et une émission sur le sujet par semaine (5 heures de visionnage au total).
Certains regardent des programmes réguliers (comme les soap operas), environ cinq fois par semaine pour une demi-heure, mais cette part est en baisse, parce qu'il est difficile de trouver du temps chaque jour.

Les ados regardent aussi moins la télévision depuis l'arrivée de services comme BBC iPlayer, lequel leur permet de regarder les émissions quand ils le veulent.

De plus, quand ils regardent la TV, ils doivent subir de nombreuses publicités (18 minutes chaque heure) et les ados ne veulent pas les regarder. Alors ils zappent ou font autre chose pendant la pub.

La majorité des ados à qui j'ai parlé utilisent Virgin Media comme bouquet de chaînes à cause des prix plus faibles et d'un contenu similaire à Sky. Une petite part d'entre eux a "Freewiew" mais ce sont de faibles consommateurs de TV (1h30/semaine), ils n'ont pas besoin des centaines de chaînes proposées par les autres.

Journaux
Aucun des jeunes que je connais ne lit un journal régulièrement: la plupart n'ont pas le temps et ne veulent pas le perdre à lire des pages et des pages de texte quand ils peuvent avoir un résumé de l'info sur Internet ou à la TV.

Les seuls journaux qui sont lus sont les tabloids ou les gratuits (Metro, London Lite...) en général à cause du prix: les ados sont très réfractaires au fait de payer pour un journal (d'où la popularité de gratuits comme Metro). Ces dernières semaines The Sun a baissé son prix de 20p, et j'ai vu de plus en plus d'ados le lire.

L'autre raison pour laquelle les tabloids sont préférés aux autres c'est que leur format compact rend la lecture plus facile dans le bus ou le train. C'est particulièrement vrai pour Metro qui est distribué dans les bus et les trains.

Jeux vidéo
Loin du stéréotype du joueur vu comme un jeune garçon, l'émergence de la Wii sur le marché provoqué l'arrivée pléthorique de joueuses filles et de très jeunes (6+) joueurs.
La console la plus utilisée est la Wii, suivie par la XBox360, puis la PS3. La plupart des ados possesseurs de console ont tendance à faire de longues sessions de jeu (plus d'une heure) plutôt que des petites parties.

Comme les consoles sont connectées à Internet, le tchat vocal est désormais possible entre les utilisateurs, ce qui a un impact sur l'utilisation du téléphone. On peut parler gratuitement avec sa console, ça pousse donc les jeunes à ne plus vouloir payer pour téléphoner...

Par contre, les jeux PC tiennent une très petite place, voire pas de place, sur le marché des ados. Sans doute par que la plupart des jeux sont disponibles sur toutes les plateformes et que pour qu'un jeu fonctionne à pleine capacité sur un PC il faut un ordinateur puissant, et donc cher.
De plus, le piratage est plus facile sur PC: on peut télécharger les jeux gratuitement, plutôt que d'acheter le jeu. En comparaison, il est quasiment impossible d'obtenir gratuitement un jeu sur console.

Internet
Tous les jeunes ont un accès à Internet, à l'école ou chez eux. A la maison, Internet est surtout utilisé pour le fun (comme les réseaux sociaux), tandis qu'à l'école (ou à la bibliothèque) il est utilisé pour le travail.
La plupart des jeunes sont très actifs sur plusieurs plateformes de réseaux sociaux en même temps.
Facebook est la plus utilisée: la plupart de ceux qui ont Internet y ont un compte et le visitent 4 fois par semaine. Facebook est populaire parce qu'il permet un interaction à grande échelle avec ses amis.
Par contre, les ados n'utilisent pas Twitter. La plupart ont créé un compte, mais ils laissent tomber le service quand ils se rendent compte qu'ils ne vont pas le mettre à jour (surtout parce qu'ils préfèrent envoyer des sms vers leurs amis que vers Twitter avec leur forfait).
De plus, ils se rendent compte que personne ne regarde leur profil, donc leurs "tweets" n'ont aucun intérêt.

En dehors du social networking, Internet est surtout utilisé comme source d'information pour différents sujets. Pour chercher sur le web, Google est l'outil le plus utilisé: tout simplement parce qu'il est connu et facile à utiliser. Certains ados achètent sur Internet (sur des sites comme eBay), mais dans un faible pourcentage, parce qu'il faut une carte de crédit pour payer et que la plupart des ados n'en ont pas.

Enfin, de nombreux jeunes utilisent YouTube pour regarder des vidéos (en général des "anime" japonais qu'il ne peuvent voir nulle part ailleurs), d'autres comme un lecteur de musique avec de la vidéo, pour écouter de la musique en fond.

Annuaires
Les ados n'utilisent jamais les vrais annuaires (comme les pages jaunes). Notamment parce qu'ils présentent des services comme les promoteurs immobiliers ou les fleuristes, qui ne leur servent à rien. Ils n'utilisent pas non plus les services de renseignement de type 118 parce qu'ils coûtent cher et que l'on peut trouver la même info gratuitement sur Internet juste en cherchant sur Google.

Marketing viral et affichage publicitaire
La plupart des ados adorent le marketing viral, parce que les contenus sont en général intéressants et amusants. Par contre, ils trouvent les pubs sur les sites Internet (bannières, pop-up) ennuyeuses et sans intérêt, ils ne leur prêtent aucune attention et ils les reçoivent tellement négativement que personne ne les suit.

L'affichage publicitaire ne suscite pas beaucoup d'intérêt chez les jeunes, mais parfois il crée un débat (comme par exemple avec les pubs Benetton). La plupart des ados ignorent les panneaux publicitaires traditionnels parce qu'ils les voient partout et que, généralement, les pubs ne leur sont pas destinées (sauf pour les films).
Cependant, des campagnes comme celle de GTA IV (un jeu vidéo, NDLT), avec les personnages peints sur la façade d'un immeuble, créent de l'intérêt parce qu'elles sont différentes et qu'elles poussent les gens à s'arrêter et à penser à la pub, les incitant peut-être à aller plus loin.

Musique
Les jeunes écoutent beaucoup de musique, en général tout en faisant autre chose (comme voyager ou utiliser leur ordinateur). Ce qui fait qu'il est difficile de savoir quelle est la part de leur temps utilisée pour cette activité.
Ils sont très réfractaires au fait de payer pour la musique ( la plupart d'entre eux n'ont jamais acheté un CD) et une grande majorité (8/10) télécharge illégalement depuis des sites de partage. Sinon, pour pour avoir de la musique gratuitement et légalement, ils écoutent la radio, regardent les chaînes musicales (pas très populaire: ces dernières ne diffusent de la musique qu'à certains horaires, qui ne sont pas toujours compatibles avec ceux des ados) et utilisent les sites de streaming (comme je les mentionné plus haut).

Presque tous les jeunes veulent avoir une copie de la chanson (un fichier qu'ils peuvent garder sur leur ordinateur et utiliser quand ils le veulent) pour pouvoir la transférer sur leur baladeur et le partager avec leurs amis.

Les outils utilisés pour écouter la musique varie selon le niveau social: les ados issus de familles aisées ont un iPod, les moins riches se servent de leur téléphone portables. Certains utilisent les deux, et il y a toujours des exceptions à la règle.

Certains vont sur iTunes (en général combiné avec leur iPod) pour acheter leur musique légalement mais, encore une fois, c'est impopulaire chez les ados en raison du prix élévé (99 centimes).

Certains utilisent plusieurs sources pour leur musique: parce que le son est meilleur sur les sites de streaming mais parce qu'ils ne peuvent pas écouter les morceaux offline, ils dowloadent le fichier de la chanson mais l'écoutent sur le site de streaming quand ils sont online.

Cinéma
Les ados vont souvent au cinéma, quel que soit le film. En général ils choisissent un film d'abord puis ils sortent pour aller le voir, mais parfois ils vont directement au cinéma et choisissent une fois sur place. C'est parce qu'aller au cinéma ce n'est pas seulement aller voir un film en particulier: c'est une expérience, et c'est aller quelque part ensemble avec ses amis.

Les jeunes vont plus souvent au cinéma quand ils ont entre 13 et 14 ans, mais après 15 ans, ils y vont beaucoup moins. Ceci en raison du prix: à partir de 15 ans, ils doivent payer le tarif adulte, qui est souvent le double du tarif enfants.

Il est aussi possible d'acheter un DVD piraté du film au moment où il sort en salles, ce qui coûte bien moins cher qu'un ticket de cinéma, ces jeunes choisissent donc souvent cette solution, plutôt que de le voir en salles.
Certains préfèrent le télécharger sur Internet, mais ils sont en général de mauvaise qualité, doivent être vus sur un petit écran d'ordinateur et il y a toujours le risque de récupérer un virus.

Téléphonie mobile:
99% des ados ont un téléphone portable, et la plupart des téléphones ont de nombreuses capacités.
De l'avis général, les Sony Ericsson sont supérieurs aux autres, en raison de leurs nombreuses fonctionnalités, du walkman inclus et de son prix (110£ pour un milieu de gamme).
Parce qu'ils savent qu'ils risquent de le perdre facilement, les ados ne dépensent pas plus de 200£ pour leur mobile.
Et ils ont des forfaits sans abonnement, parce qu'ils ne peuvent pas s'offrir un abonnement mensuel, ni souscrire à un engagement de 18 mois.

La plupart du temps, ils utilisent leur téléphone pour envoyer des textos et passer des appels. Les fonctionnalités comme appel vidéo ou message vidéo ne sont pas utilisées, parce qu'elles coûtent cher (vous pouvez avoir 4 textos normaux pour le prix d'un message vidéo).
Les services de messagerie instantanée sont utilisés, mais pas par tout le monde. Il faut pour cela que le téléphone soit compatible Wi-fi, parce que ça coûte très cher d'aller sur Internet avec son téléphone.

Comme la plupart de leurs téléphones supportent le "bluetooth", et comme le "bluetooth" est gratuit, ils l'utilisent souvent. C'est utilisé pour pour envoyer des chansons et des vidéos (même quand c'est illégal), et c'est un autre moyen pour les jeunes d'avoir des chansons gratuites.

Les jeunes n'utilisent jamais les services d'achat de sonnerie ou d'images, très populaires au début des années 2000. Ceci en raison d'une très mauvaise presse (par exemple des services à 20£ la semaine pour lesquels il était difficile de se désabonner) mais aussi parce qu'ils peuvent récupérer musique et images sur leur ordinateur et les transférer vers leur téléphone gratuitement.

Les emails mobile ne sont pas utilisés, les ados n'en ont pas besoin: ils n'ont pas besoin d'être connectés à leur boîte mail tout le temps parce qu'ils ne reçoivent pas d'emails importants.
Ils n'utilisent pas non plus les fonctionnalités Internet parce qu'elles coûtent trop cher et, généralement, s'ils attendent une heure ils pourront les utiliser chez eux sur leur ordinateur. Et ça ne leur pose pas de problème d'attendre, parce qu'ils n'ont rien de particulièrement urgent à faire sur Internet.

Enfin, les ados ne changent pas souvent de téléphone, en général tous les deux ans. Ils en changent à l'occasion de leur anniversaire quand leurs parents leur achètent un nouveau téléphone, parce qu'ils n'ont généralement pas assez d'argent pour s'en offrir un.
Télévision: la plupart des ados ont une TV, et migrent de plus en plus vers des écran plats HD. Cependant, peu d'entre eux utilisent les fonctionnalités HD, les chaînes de télé HD étant plus chères. Nombre d'entre eux ne veulent pas souscrire à ces programmes HD parce que les pubs sont diffusées en basse définition, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas voir la différence.

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Ordinateurs:
Tous les ados ont accès à un ordinateur connecté à Internet, mais la plupart ces ordinateurs sont juste configurés pour des tâches basiques et usuelles. Presque tous ont installé Mircosoft Office, pour pouvoir faire leurs devoirs chez eux. 9 ordinateurs sur 10 possédés par les ados sont des PC, parce qu'ils sont bien moins chers que les macs et parce que les ordinateurs de l'école tournent sous Windows.

Consoles: Près d'1 tiers des ados ont une console récente (moins de 2 ans et demi): 50% ont une Wii, 40% une XBox360, 10% une PS3. La PS3 est moins bien représentée en raison de son prix élevé (300£) pour une configuration et une ludothèque équivalente à la XBox 360, beaucoup moins chère (160£). La domination de la Wii est due à la présence frères et soeurs plus jeunes dans la famille: ils ont une Wii et les parents ne sont pas prêts à payer pour une nouvelle console.

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Qu'est-ce qui est hot ?

- Tout ce qui a un écran tactile
- Les téléphones mobiles ayant d'importantes capacités pour la musique
- Les outils qui peuvent se connecter à Internet (iPhones)
- Les télés à écran géant ("Really big tellies")


Qu'est-ce qui ne l'est pas ?

- Tout ce qui a des fils
- Les téléphones avec des écrans noir et blancs
- Les téléphones "briques" encombrants...
- Les outils qui ont une batterie de moins de 10 heures....

Mise à jour 10/09/09: à lire, sur Read Write Wen, une bonne synthèse des études sur les habitudes de consommation de la "Génération Y"

mardi 9 juin 2009

Oui, mais qui va payer l'AFP?

Je reviens sur les réactions entraînées par mon post de vendredi dernier ("Forçats de l'info: on se pose les vraies questions?"): j'expliquais notamment que ce n'était ni la mission des journaux, ni celle des sites d'info de payer l'AFP puisque leurs dépêches étaient désormais publiques sur le Net (via Google News, notamment) en temps réel.

Sur Arrêt Sur Images, Dan Israël dégaine
:

"Raphaël oublie tout de même qu'une partie de l'information publiée sur LePost provient d'autres sites internet, eux-mêmes abonnés à l'AFP, et qui n'hésitent pas à réutiliser des dépêches d'agence.
Par exemple, on y trouve aujourd'hui un article sur la réaction de Nicolas Sarkozy après la victoire UMP aux européennes, qui cite comme source LeParisien.fr... qui reprend lui même intégralement la dépêche AFP sur le sujet. Autre cas : les résultats de la liste de Dieudonné : LePost cite LeFigaro.fr, qui ne fait que reprendre l'AFP. Et en commentaire, un internaute ne se prive pas de lister sept cas de pillage de dépêches...
Si tous les sites d'info suivaient la logique du Post, comment le site parlerait-il d'actualité ?
"
Comme on ne peut pas commenter les articles d'Arrêt sur Images, je lui ai répondu... sur Twitter:

Oui, c'est un vrai débat, passionnant. Parlons-en !

Depuis qu'Internet est né, la presse a une fâcheuse tendance à fonctionner par murs d'aveuglement. On refuse de voir le problème jusqu'au moment où le mur s'effondre. Puis on refuse de voir le second, etc. Pendant ce temps, des milliers de journalistes se retrouvent au chômage.

Encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité du travail des agences de presse. Oui, si l'AFP, Reuters et AP s'arrêtaient demain de tourner, de nombreuses rédactions (mais pas toutes...) seraient en panique.
Evidemment, leur production est vitale pour les démocraties.
Aujourd'hui encore une grande partie du modèle de production de l'info repose sur les dépêches d'agence. Un bien ou un mal, c'est un autre débat. Mais c'est un fait.

Le problème c'est que la révolution numérique à laquelle nous faisons face depuis de nombreuses années a rendu petit à petit d'abord étrange, puis obsolète, le mode de financement de cette impressionnante machine à informer que sont les agences de presse.

En off, le patron d'un grand quotidien national, il y a quelques mois:

- Je paie 1 million d'euros pour les dépêches d'agences. Avec la crise, je me demande si je ne devrais pas mettre mon argent ailleurs.

Quelques jours plus tôt, le patron d'un quotidien régional :

- Si j'arrêtais l'AFP, je pourrais embaucher 15 journalistes qui iraient chercher de l'info sur le terrain. Je m'interroge très sérieusement.

Pourquoi s'interrogent-t-ils, ces patrons de presse ?

Parce qu'ils ne devraient pas être dans l'actu chaude mais dans l'éclairage, le scoop, le reportage sur le terrain... Et Presse quotidienne régionale plus encore qu'en PQN, les fameuses pages France et International qui coûtent si cher (des staffs de 5 à 10 journalistes qui font du batonnage de dépêches + l'achat de ces dépêches) pourraient être remplacées (s'il faut les remplacer) par une page digest de l'info générale façon revue de presse. Coût : 1 journaliste.

Oui mais en Presse quotidienne nationale, m'a répondu un responsable, même quand on ne fait pas de batonnage, on a besoin de l'AFP comme un filet de protection lorsque l'on traite un sujet. 1 million= 1 filet de protection...
J'ai expliqué que ces infos se trouvaient également sur le Net. Et même en plus grand nombre, si l'on tenait compte de la production foisonnante d'experts et d'indépendants sur les blogs et autres médias web...
Réponse: oui mais, allez demander à mes journalistes de faire de la recherche sur Internet!
Ce n'est donc qu'une question de formation.

Sur le web, même constat:
Nous sortons doucement (enfin, doucement pour Internet) de l'ère des portails d'agrégation, dont ont hérité des sites comme Yahoo, Orange, et même Le Monde.fr. Les internautes venaient lire leurs infos sur 1 média, sur Yahoo et Orange parce qu'ils y trouvent aussi leurs mails, sur Le Monde.fr parce que c'est un média de référence.
On était encore dans un modèle de média de masse: tant de visiteurs uniques par jour viennent sur mon site (on appelle ça l'accès direct), je dois leur offrir toute l'info. Donc j'achète l'info que je ne peux pas produire moi-même.
Aujourd'hui, nous sommes passés, merci Google, à l'ère du contenu. De plus en plus, le lecteur entre sur le site d'info par le contenu.
Pour les sites qui font du canon à dépêches, tout l'enjeu aujourd'hui est de faire en sorte que leurs dépêches AFP soient référencées plus tôt que les dépêches AFP des concurrents!
Pour certains (je n'ai pas les chiffres de tout le monde), l'audience sur ces dépêches commence à s'éroder.
Là, encore une fois, le journalisme de liens peut remplacer les dépêches, et dégager des ressources pour apporter de la valeur ajoutée à l'info.
Journalisme de liens, ce que Dan Israël appelle "pillage". Il s'agit simplement d'une pratique qui consiste à ne plus considérer le média comme un média global de masse qui doit produire toutes les infos, mais comme un ensemble de contenus qui, inscrits dans un réseau, vont aller chercher le lecteur là où il se trouve.
"Cover what you do best and link to the rest". C'est la link economy d'Internet, prônée par Jeff Jarvis et consorts...

Maintenant, la question de mon confrère est pertinente. Mais si les médias n'achètent plus l'AFP, qui va payer l'AFP ? Et s'il n'y a plus d'AFP vers quoi va-t-on faire des liens ?


Si plus personne n'achète l'AFP, alors achetez des dépêches AFP! L'info sera devenue exclusive et tout le monde fera des liens vers vous...

Sauf qu'un seul client ne suffira pas à faire tenir l'AFP.

Qui doit payer ?

- Google ?

- L'Etat ? L'AFP, dont la mission d'information est vitale, doit-elle devenir un service public comme France Televisions ?

- Une taxe Joffrin ?

Une idée ?

dimanche 15 mars 2009

Loi Hadopi et presse écrite: l'arbre qui cache le drame


On a beaucoup débattu cette semaine du projet de loi Hadopi. A l'Assemblée (où les avis sont partagés et souvent mal informés) et évidemment sur le Net (où il était difficile de trouver des pro-Hadopi...).

Que nous apprend ce projet de loi ?

La loi anti-piratage est censée ne concerner que l'industrie du disque et du cinéma, mais j'y ai trouvé de vertigineuses similitudes avec la presse.

L'esprit de la loi Hadopi en dit long sur l'aveuglement d'une industrie face à la remise en cause de son modèle industriel.

Ce modèle est pourtant en chute libre, bousculé par des usages de plus en plus massifs, inventifs, insaisissables, durables... Mais pourtant très clairs.

Ce qui me fascine et m'effraie en même temps, c'est bien cet acharnement à aller contre l'usage : partager les contenus, recopier une info (deux nouveaux mots apparus dans le angage des blogueurs: le re-blogging ou le re-twitt), avoir accès facilement aux contenus, immédiatement, gratuitement, pouvoir dématérialiser, avoir le choix, compiler, déplacer les critères de valeur... en presse comme dans l'industrie du disque, le monde est en pleine révolution. Et là où les industriels se trompent, c'est qu'il n'y aura pas de retour en arrière.

Je vous conseille la lecture éclairante de ce (long) post de Clay Shirky, sur son blog: "Journaux: penser l'impensable"... Ou comment l'industrie de la presse continue de fonctionner en refusant de voir cet "impensable" scénario:

- Les outils pour partager les contenus ne vont pas disparaître, ils vont se multiplier.
- Les murs (payants) installés autour des contenus vont devenir de plus en plus impopulaires (...)
- Les gens vont résister, ils refuseront d'être éduqués à agir contre leurs désirs.
- Les vieilles habitudes des vieux annonceurs et des lecteurs ne vont pas se transférer en ligne...
- Même une pénalisation féroce (du partage) ne permettra pas de contenir des infractions massives et continues.
- Les sociétés de hardware et de software ne vont pas regarder les propriétaires de copyright comme des alliés, tout comme il ne verront pas leurs clients comme des ennemis (...).
- Et poursuivre en justice des gens qui adorent tellement un contenu qu'ils ont envie de le partager va surtout réussir à les énerver..."

"Terrible" scénario pour cette industrie à l'agonie.

Alors au lieu de repenser le modèle industriel on préfère punir, jouer du lobby pour empêcher "l'impensable".

Dans l'affolement (Internet ne rapporte pas autant qu'on le pensait), on recommence à parler de faire payer les contenus, et de placer des protections un peu partout.

Et, avez-vous remarqué? On recommence à rendre coupable Google de tous les maux de l'industrie. Après les avoir traités de pirates (Google fait son beurre sur les contenus des autres) on voudrait les démanteler, leur demander de rendre l'argent, leur rendre la tâche moins facile, interdire interdire interdire...

Au lieu de se demander : qu'est-ce que Google nous apprend sur l'évolution de l'industrie ?

Je suis fasciné et terrifié parce que c'est à cause de cette attitude que la nouvelle génération, la génération digitale, qui travaille aujourd'hui dans l'industrie des médias, risque de se retrouver demain face à d'impossibles défis. Ou, ce qui est plus probable: au chômage.

C'est à cause de cette attitude que l'on remise ceux qui innovent, ceux qui travaillent sur "l'impensable", le plus loin possible des dispositifs stratégiques de l'entreprise. Ou on les propulse dans les départements innovation, avec généralement moins de moyens, moins d'impact, et on les oublie d'autant plus facilement qu'on ne comprend rien à ce qu'ils font. Ou parce qu'ils (encore une fois) osent considérer "l'impensable" comme une réalité.

Alors qu'ils devraient être au coeur...

Clay Shirky l'explique très bien: la révolution numérique est comparable à la révolution de l'imprimerie, après Gutenberg. Une vraie révolution, comme on n'en a que tous les six siècles.
Et "les vraies révolutions ressemblent toujours à ça: la mort des vieilles choses arrive plus vite que l'émergence de solutions nouvelles".
La vieille économie détruite, l'industrie actuelle doit être remplacée par un nouveau modèle centré sur le digital. Où le papier (comme le payant) deviendrait accessoire, et où la notion de droits sur les contenus serait révisée de fond en comble.

Il faudra du temps, il y aura encore des morts. Mais si on ne se donne pas les moyens de produire des solutions innovantes (dont on ne se rendra compte de l'importance que dans quelques années), on continuera de perdre de l'énergie dans des combats déjà perdus, et on mourra debout, certes, mais sans avoir compris ce qui nous était arrivé.

Disclaimer: Comme la plupart des professionnels du Net, je fais partie des signataires du réseau des pirates opposé à la loi Hadopi.

mercredi 29 octobre 2008

"Mainly web/ little print": le modèle de demain pour la presse écrite?


C'est présenté comme une première. Et c'est le journal lui même qui l'annonce sur son site: le quotidien national américain  "The Monitor" (nom complet: "The Christian Science Monitor") va, après 100 ans de bons et loyaux services, abandonner son édition papier pour se consacrer au web avec un nouveau site et une nouvelle organisation.

Pour quelle raison?
La baisse de la diffusion, bien sûr (en 40 ans, le Monitor est passé de 223.000 abonnés à 53.200), mais aussi pour renforcer la qualité éditoriale du Monitor, insiste sa présidente Judy Wolf: meilleure réactivité, plus de pertinence par rapport aux attentes des lecteurs...
L'objectif est également de "réduire les coûts", ce qui va de soit, mais surtout "d'augmenter les revenus".

Comment le Monitor compte-t-il augmenter ses revenus en stoppant les rotatives
D'abord, évidemment, en pensant "bénéfices" et pas "chiffre d'affaires". Mais pas seulement.
En fait, et c'est là où la démarche du Monitor est particulièrement intéressante, le nouveau média publiera un petit hebdomadaire papier.
Vous pouvez voir la maquette de la couverture ci-dessous: 

Il s'agit d'un hebdo payant distribué par mail (le quotidien était également essentiellement vendu par abonnement).
C'est à dire que l'on renverse le modèle. Non plus une rédaction papier autour d'un quotidien papier, mais un média web (site, blogs, newsletter + twitter pour la couverture live) d'où sortira un hebdo papier.

C'est d'ailleurs une stratégie de plus en plus étudiée par les médias américains, notamment locaux. Sauf qu'il me semble plus efficace de travailler sur une édition gratuite que payante.
J'avais évoqué le sujet avec Alan Mutter, la semaine dernière. Il voit l'édition papier comme une moyen intéressant, non seulement de promouvoir le site et la participation des internautes (qui adorent voir leur production imprimée), mais aussi de générer plus de revenus publicitaires. C'est ce que fait le site hyperlocal et participatif Northwest Voice, qui gagne de l'argent essentiellement grâce à son édition papier hebdo gratuite.

Le site web Politico  propose également une édition print, plusieurs fois dans la semaine.

Ce modèle "mainly web/little print" (un média "pure web" dont dépend une édition papier) est sans doute un modèle que nous pourrons voir apparaître dans les prochaines années: un coeur éditorial reposant sur un site web puissant et décomplexé alliant scoop, agrégation et conversation, qui produit un "quotidien papier" devenu ... presque quotidien avec des éditions ponctuelles dans la semaine (gratuites ou payantes selon les contraintes de distribution et le lectorat visé...).

Sur son blog, Ken Doctor stigmatise les difficultés des journaux à opérer cette nécessaire (inévitable?) transition vers ce modèle web dominant. "95% de leurs revenus viennent du papier, pas un ne dépasse les 13% de revenus issus du web", constate-t-il (la faute aux tarifs pub de plus en plus bas notamment, mais aussi à l'incapacité des médias traditionnels à réinventer le modèle pub). "Les journaux n'ont tout simplement pas réussi à opérer leur transition suffisamment rapidement", résume Ken Doctor, qui considère le modèle "mainly web/ little print" comme l'exemple même du média moderne.

mercredi 22 octobre 2008

Une nouvelle architecture de l'information


Voici ma contribution, apportée hier, à l'atelier "quels contenus pour la presse écrite?" des Etats Généraux de la Presse Ecrite. Un peu décalée par rapport aux autres interventions, mais bon... certes, il y a des solutions concrètes à court et moyen terme et il faut les travailler. Mais peut-on parler de contenu pour la presse écrite sans tenir compte du contexte actuel? Internet n'est pas qu'un nouveau format, il a entraîné une profonde mutation de la société française. Et donc son rapport à l'information. 

D'abord 3 constats concernant le papier: 

1) La presse papier n'est pas victime d'érosion, elle est menacée de décrochage dans sa diffusion. Il sera dramatique. C'est déjà le cas aux Etats-Unis. En France, la presse devrait suivre la tendance, avec un an de retard. Le décrochage se fait déjà sentir en 2008 pour un certain nombre de grands quotidiens, avec des chutes entre 5 et 10%.

2) On ne  gagne plus d'argent sur la vente seule du journal papier.

3) Le gratuit n'est pas LA solution. Il répond à une demande, mais le marché est déjà saturé. Et il s'appuie sur la mobilité... qui est la grande révolution du i-Phone.

Des chercheurs de l'institut d'études du futur de Copenhague ont dressé la liste de ce qui ne fera plus partie de notre environnement en 2020. Et parmi eux:  les journaux papier.
Plus récemment, à la conférence de l'Association mondiale des journaux, on évoquait leur disparition dans 5 ans...
Difficile de jouer les mediums. Et il y a toujours des exceptions. Ce que l'on sait:  c'est un format qui va mal, qui coûte encore trop cher mais qui reste pertinent, parce qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de réplique totale au papier. Le problème, c'est: jusqu'à quand pourrons-nous encore le financer? 

Considérons donc le comme un format comme un autre: rationalisons les couts de fabrication, mais aussi la distribution désastreuse, et les coûts éditoriaux. Mais surtout, osons nous poser la question:
Et si le papier disparaissait? Impossible? Posons nous quand même la question. 
Dans ce cas, posons nous autre question: sans papier, qu'est-ce qu'un journal?

Alors, qu'est-ce qu'un journal?
- Une relation à l'audience, comme le conseille Rob Curley, un des artisans les plus talentueux de la presse locale aux Etats-Unis? Que dit-il: dans newspaper, il y a news et il y a paper. Un jour, il faudra choisir son camp.
Choisissons les news. 
Et là encore, posons nous la question: qu'est-ce que l'information. Qu'est-ce qui a changé dans l'information aujourd'hui?
Beaucoup de choses.
Penser les contenus pour demain, c'est penser une nouvelle architecture de l'information qui tienne compte des réalités.

Voici donc deux nouvelles réalités : 

1)  Nous sommes en train d'ouvrir les yeux sur un nouveau monde et, que réalisons-nous? Qu'une partie de l'info se fait déjà sans nous, les médias traditionnels. Aux USA, même les sites des grands journaux sont en recul, ce qui n'est pas rassurant.

2) L'information s'inscrit désormais dans un réseau. Pourquoi est-ce important de réaliser cela? Parce que les revenus demain s'inscrivent également dans cette logique de réseau. Regardez Google: Google truste aujourd'hui la publicité sur le Net, et dévore la publicité locale. Il le fait sur la base de contenus qui ne lui appartiennent pas. Google met en lien contenus et lecteurs. Et a bâti un réseau de publicité dessus (lire à ce sujet les réflexions de Jeff Jarvis)

Qu'est-ce que cela veut dire? Que nous assistons aujourd'hui à la fin du mass média. Nous nous dirigeons vers une info partagée: une info hyperfragmentée, qui sera produite non plus par de grandes rédactions mais par une multitude de mini-médias, parfois personnels, et qui devra, dans la même logique, être hyper distribuée, notamment via les mobiles. Une information en réseau.

Je pense que nous ne survivrons pas si nous nous considérons seulement comme des mass médias fournisseurs de contenus, même à haute valeur ajoutée. Les journaux doivent s'inscrire dans cette logique de réseau: donner la meilleure info au meilleur moment (et j'ajouterais même: au meilleur endroit), mais ce ne sera pas forcément une info produite par la rédaction du média. 

Nous devons devenir des réseaux de valeur où transiteront, de manière filtrée, partagée, l'information infos en provenance de différentes sources et de différentes communautés. Et, bien sûr, donner à ce réseau une couche de journalisme de qualité, de journalisme d'investigation notamment, qui viendra augmenter la valeur ajoutée et l'attractivité de ces réseaux d'infos.

C'est donc une nouvelle architecture de l'information que nous devons construire, en ne jetant pas le papier dans la corbeille, mais en le repositionnant intelligemment, c'est à dire à la périphérie, et en concentrant les aides et les investissements vers la mutation et la diversification de nos industries.

Je n'ai pas parlé de contenu? Si , je n'ai fait que parler de contenu. Car ce qui précède la définition du contenu, c'est bien la question de l'usage. Pourquoi et dans quelles conditions consomme-t-on l'information aujourd'hui, et qu'est-ce ça nous dit en terme de contenus et de formats? 

(Illustration: zouzou.webodo.com

mardi 21 octobre 2008

Papier papier papier


J'ai participé ce matin à la première réunion de l'atelier "contenu de la presse écrite" des Etats-Généraux de la Presse Ecrite...
Ambiance spartiate, derrière Matignon, en sous-sol. 8h30... Une grande table, peu d'éclairage, pas de café, juste deux bouteilles d'eau pour une quinzaine de personnes. Et trois heures de réunion où chacun a exposé sa vision du "problème": quels contenus pour la presse de demain?

"Tu es un peu dans le temple de la presse papier", m'a confié un confrère en sortant... Ambiance, répétez après moi: "le média papier a de l'avenir".

Télescopage: Je rentre à la rédac dans l'après-midi, après une autre conférence (sur le buzz cette fois... autre extrême...), et là: "Tu as lu cet article sur la conférence de la Wan (Association mondiale de journaux, en ce moment à Amsterdam)?" Je lis : "Ceux qui disent la presse papier est morte exagèrent: il lui reste au moins 5 ans" (Marcel Fenez). Sale ambiance à la Wan (pas fait exprès apparemment)... 

Ce matin, aux Etats-Généraux, l'ambiance était donc plutôt à l'anti-alarmisme. 
Peu d'idées nouvelles, par contre, (et pour l'instant), peu de jeunes surtout, beaucoup de dirigeants du papier, mais avec des profils de médias assez disparates sur un sujet extrêmement vaste qui ne peut pas être généralisé, et  où il n'y a pas de recette miracle: le contenu...
Pas simple.
Il faudra être malin pour faire dialoguer de façon constructive ce (beau) panel...

Voici, en vrac, ce que j'ai retenu des interventions de ce matin (Je publierai mon intervention dans un autre post): 

Jean-Marie Charon, sociologue: 
"Question nouvelle : toute la presse dans le monde (au moins en Europe, Amérique du Nord, Japon) souffre. Elle doit réinventer son contenu : soit deux grandes options : 1) Renouveler le contenu de l’imprimé en complément du Net. 2) Trouver les synergies, la continuité, voire des contenus substituables avec le Net.
"Que doit-on faire sur l’imprimé payant ? Qu’est-ce qui est plus value, non substituable dans l’imprimé ? Le contenu d’une publication payante ne doit comprendre que cette plus-value ou l’articuler à l’information redondante ? Et comment ?
"On a besoin d'innover, d'expérimenter, mais a-t-on l'oxygène pour le faire (c'est à dire le bugdet, NDLA)"

Christian de Villeneuve (directeur général des rédactions du groupe Lagardère, notamment le Journal du Dimanche):
"Il faut réaffirmer la prééminence du métier de journaliste: on attend du papier plus de rigueur et de qualité que sur le Net. Le papier est le lieu de l'investigation, du scoop, du reportage sur le terrain, du récit..."

Sur le scoop, le reportage, le récit, il est rejoint par Christophe Barbier (Directeur de la rédaction de l'Express: "Nous sommes dans un métier d'offre. Nous devons apporter de l'information, du scoop: pour cela il faut des équipes nombreuses et expérimentées." Sur le web: "Pour un hebdo papier, le web est notre meilleur ami."

Eric Fottorino, président du Monde, également sur "l'offre": 
"Il n'y a pas de crise de la demande, mais une adéquation entre l'offre des journaux et la demande". Citant Eric Scherer, de l'AFP, "Nous devons répondre aux défis de l'attention. Comment retenir l'attention du lecteur? (...) Comment être différents? Nous devons avoir une politique de l'offre singulière".

Intéressante et singulière, la success story du Télégramme (quotidien régional breton, en concurrence avec Ouest France), qui "gagne de l'argent sur la vente du quotidien papier" (et qui contredisait une affirmation que j'avais exprimée un peu plus tôt). 
"La diffusion est en hausse depuis 40 ans, d'environ 2% par an." La recette? Un marketing éditorial très poussé, très pragmatique (et une brande synergie entre les services, pour ce que j'en sais), basé sur de nombreuses études lecteurs. Et une règle de 3: "1)Nos lecteurs veulent un journal global (national et local). Ils veulent du pratique et de la proximité. 2) Mais ils veulent aussi des journalistes qui enquêtent sur le local, pas seulement de l'info délivrée par des correspondants. Il faut sortir des infos!  3) Et enfin, il faut que le journal soit beau."

Enfin, deux interventions assez décalées mais intéressantes (parce que décalées, justement) sur "l'effet balancier" dans l'info... 
C'est ce que développait notamment le sociologue Jean-François Barbier-Bouvet (je n'ai pas eu le temps de tout noter, je résume un peu largement, il me corrigera...) : 
L'idée est que face à une tendance forte, se manifeste toujours un désir de rééquilibrage. "Il faut introduire de la rareté dans l'abondance d'infos, de plus en plus excessive". Réintroduire l'hyperchoix. Selon lui, il n'y a pas de profil type lecteur par tranche d'âge ou segment social, mais des tempéraments différents. 
Il y a des lecteurs qui pourront avoir besoin de stock (papier), et d'autres qui, inversement, manifesteront un désir de flux (web). "La presse écrite peut être le rééquilibrage d'Internet."

Exemple étonnant avec la revue XXI: Que du papier, vendu uniquement en librairie dans seulement 1000 points de vente. Avec zéro euro de lancement, "sans étude de lectorat..", des articles de 30 feuillets...  "Et on fait le même chiffre d'affaires vente que le magazine GQ qui a demandé des millions d'euros d'investissement..." XXI tire à 35.000 exemplaires et... gagne de l'argent!
Laurent Beccaria, directeur du magazine: "Il y a un sentiment de dé-réalité dans le bombardement d'infos auquel on est confronté. Il y a un besoin de se re-confronter au réel avec le récit (papier)..." Que lisent les lecteurs dans le magazine? "Les gens nous disent: je lis du début jusqu'à la fin"
Une sorte d'internet à l'envers. Et ça marche aussi. Comme quoi...

lundi 20 octobre 2008

Etats-Généraux: Vers la fin du papier? Quelles aides?


Je remonte ici les réponses récupérées via ce blog et celui de Mediachroniques à propos des Etats-Généraux de la Presse Ecrite, auxquels je participe.
Il nous était demandé de répondre à 5 questions concernant l'avenir de la diffusion print et les aides de l'Etat que l'on pouvait envisager pour aider le secteur.

Voici une sélection de vos réponses, auxquelles je rajoute les miennes et celles, envoyées par mail, par Jeff Mignon (qui participe également aux Etats-Généraux).

1) Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ?

Yann : 
La baisse de la diffusion, n'est pas forcement inéluctable, elle est simplement le produit de la rencontre entre une inadéquation de l'offre à la demande et d'un système de distribution défaillant.
Le parfait exemple d'une diffusion en hausse depuis plusieurs années c'est Le Parisien / Aujourd'hui en France qui sait séduire de nouveaux lecteurs chaque année et qui dispose de son propre système de distribution.
Le Télégramme à Brest est un autre exemple du genre.
Pour les autres, la question de la baisse de moitié, pourrait être formulée sous l'angle à quel moment le point d'inflexion sera si important qu'il y aura un décrochage de 50 à 80% en 3 ans ?
Mon avis, c'est que cela devrait se produire avant 5 ans pour une grande partie des quotidiens nationaux.
Jeff Mignon (consultant 5W Mignon-media):
J'ai bien peur qu'un simple recul de quelques % de la diffusion (et du revenu publicitaire) sera suffisant à atteindre  bien des titres papier de la presse quotidienne payante nationale ou locale. 
- Message essentiel : Localisation ou spécialisation sont des atouts de taille pour la presse occupant ces créneaux. Pour autant, la rentabilité de l'information seule semble de plus en plus difficile à atteindre. La diversification est indispensable pour la presse quotidenne payante. Diversification non seulement des produits, mais diversification/création des services. Les généralistes payants d'opinion sont, sans aucun doute, face à un challenge immense pour faire survivre leur version papier (et même numérique). En effet, il va être difficile de leur trouver une "unique value proposition" qui sera transférable dans un monde multimédia déjà bien encombré.

Claude Droussent (ancien de L'Equipe): 
Si on s'en tient à l'arithmétique et à la tendance des toutes dernières années, les échéances pourraient être de cinq à huit ans pour les titres de PQN, de dix à douze ans pour les titres de PQR les plus touchés. Mais il n'existe ni logique ni fatalité dans ces tendances, devenues "lourdes" depuis deux ans. Sans compter qu'on ne peut présager ni d'une nouvelle accélération de la consommation de l'info vers le numérique, ni de la capacité des titres print à relever le défi.
Ne pas oublier néanmoins qu'à la prédiction, en 2000, d'un expert américain selon lequel la presse quotidienne payante disparaîtrait avant 2040, toute l'Europe avait crié "au fou!" Et maintenant ?..

Christophe Coquis (consultant "Secteur Public"): 
Avec l'émergence de nouveaux lecteurs epaper/elink je pense que la diffusion ne va pas baisser tant que cela, notamment pour la PQN. Elle va changer de mode de diffusion et c'est à la santé des diffuseurs de presse qu'il faut s'inquiéter.

Jacques: 
Le papier est là pour durer. En revanche, je ne parierait pas sur la fréquence quotidienne très longtemps.
Ma réponse: 
La courbe diffusion en France devrait suivre, avec un an de retard, celle des USA, où l'on observe un décrochage dramatique. Ce décrochage semble s'amorcer cette année, mais dans une moindre mesure, pour un certain nombre de quotidiens nationaux (on parle de -7% et -9% déjà pour certains gros titres).
Même si l'exemple d'Aujourd'hui en France prouve que l'on peut encore gagner des parts de marché (sur la PQR, semble-t-il) et monter la diffusion en s'appuyant sur un marketing éditorial efficace (exclusivité et proximité de l'info), et en jouant sur la transversalité des services (éditorial, marketing/distribution, commercial).
La presse locale, elle, bénéficiera sans doute d'un léger sursis: elle dispose encore d'une (large) exclusivité de l'info locale et d'une (faible) marge de progression dans certains secteurs, à condition de se concentrer sur sa valeur ajoutée.
Anticiper une chute de la diffusion de moitié dans les 5 ans ans pour la presse nationale payante française ne me semble pas irréaliste. C'est un rééquilibrage auquel nous n'échapperons pas, ce qui ne veut pas dire qu'il mènera automatiquement vers une extinction du format. La question, c'est donc aussi : à partir de quel seuil les journaux n'auront plus les moyens d'imprimer et de distribuer ?

2-3) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?

Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?

Yann : 
Dans la presse magazine US, en particulier, les titres du groupe Condé Nast
Jeff Mignon: 
- La couverture de l'information locale aux États-Unis (mais ça ne l'empêche pas de voir sa diffusion/pénétration reculer à vitesse grand V)
- L'explication/mise en perspective/analyse/info pratique/visualisation dans la presse Italienne et Ibérique.
- L'infornation visuelle dans la presse d'Amérique du Sud.
Claude Droussent:
Difficile d'importer des modèles d'ailleurs, en raison d'approches culturelles différentes. L'offre la plus valorisante semblait venir ces dernières années des pays anglo-saxons. Mais en Grande-Bretagne par exemple, The Guardian et The Daily Telegraph, précurseurs depuis 2004 en terme de synergies print/web, vont connaître au terme de cette année leur premier recul significatif (-5%) quant à leur diffusion papier payante...
Des modèles intéressants pour la PQR: les équivalents dans les pays scandinaves, qui profitent de leurs avancées en terme de consommation du numérique pour se montrer très innovants, et créer de nouvelles sources de profit tout en enrayant le déclin du papier.
Aller voir aussi du coté de l'Espagne et de l'Argentine, où l'influence d'un design intelligent rend le papier plus attractif. De toute manière, le seul vrai recours face au déclin du papier est bien dans la pertinence de ses contenus, tant sur le fond que sur la forme.

Christophe Coquis : 
Je trouve les journaux espagnols souvent bien fait et riches en informations. A voir les journaux andalous du groupe Joly par exemple. Un exemple à suivre pour la PQR.
Ma réponse: 
- La presse quotidienne aux USA, même si cela n'a pas empêché le décrochage de la diffusion papier (ce qui est « intéressant » en soi)
- Les pays scandinaves, rois de la diversification (le quotidien VG en norvège, le groupe Stampen en Suède)
- La presse locale autrichienne (l'exemple du Vorarlberg Nachrichten, notamment)

4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?

Yann: 
La notion de "meilleurs contenus" me semble sujette à caution, en particulier, quand il s'agit d'aide d'état et de journalisme

Jeff Mignon:
Aucune idée. Mais la question DOULOUREUSE qu'il me semble indispensable de poser : est-ce que les aides à la presse ont vraiment AIDÉ le secteur des médias ou ont-elles ralenti l'innovation/transition indispensable à la survie de ce secteur d'activité ? 
Il me semble indispensable de rediriger les aides de l'État vers un soutien à l'innovation et à l'entrepreneurship. Non seulement pour soutenir l'innovation et "l'intrapreneurship" chez les actuels players mais aussi pour attirer de nouveaux entrepreneurs. Le modèle de la fondation américaine "Knight Ridder Foundation" me semble très intéressante sur le principe. Aider pour s'adapter au marché et aux nouveaux enjeux, pas aider pour faire survivre à tout prix des marques qui pour une partie ne veulent même pas changer.

Claude Droussent: 
On sera tous d'accord pour mettre en garde contre une association "aide de l'Etat" et "contenus". En France, le print a tout simplement besoin de se remettre en cause sur les contenus qu'il offre, toujours en toute indépendance. Et l'Etat d'offrir des solutions pragmatiques de nature à aider la presse à relever le défi qui l'attend en terme de distribution et de législation sociale (ex. droits d'auteur) notamment.
Ma réponse: 
Je n'ai pas d'exemple.
Il est clair qu'il reste encore quelques marges de manœuvre sur le format papier et que les groupes de presse doivent continuer à se réorganiser, rationaliser les contenus et surtout la distribution pour faire vivre un format qui continue, pour l'instant, d'être pertinent (il n'y a pas de réplique au papier),  mais qui coûte encore trop cher
Je vois deux types d'aides :
- Aider à réduire les coûts de fabrication et de distribution pour aider les groupes de presse à respirer et à transiter vers des univers industriels où les chiffres d'affaires sont (pour l'instant) moins importants
- Mais, en retour, les aides doivent essentiellement aller à l'innovation : aux projets concrets allant dans le sens de la mutation et de la diversification.

Le débat reste ouvert. Je vous tiendrais au courant de la suite... N'hésitez pas à laisser de nouvelles réponses dans les commentaires.

vendredi 17 octobre 2008

Etats Généraux de la presse: vous avez des réponses?

Quelques questions auxquelles je dois répondre d'ici la fin de la semaine, dans le cadre des ateliers "print" des Etats Généraux de la presse

J'aimerais collecter vos réponses, vos suggestions, histoire de ne pas réflechir tout seul. 
Laissez les dans les commentaires et débattez-en, je les ferai remonter...

1)  Doit-on s'attendre à un recul de moitié de la diffusion des quotidiens français, si oui à quelle échéance ? 
2) Avez-vous en tête un "pays modèle" dont la France pourrait s'inspirer ?
3) Où les contenus de la presse écrite vous semblent-ils bien meilleurs?
4) Où l'Etat oriente-t-il efficacement ses aides vers de meilleurs contenus?


(Egalement publié sur Médiachroniques)

dimanche 12 octobre 2008

Presse papier: le casse-tête du contenu


Quel contenu pour les journaux papier, demain? C'est l'un des axes de réflexion des Etats-Généraux de la presse qui occupent une centaine de professionnels (dont je fais partie) depuis le début du mois. 

Si la question pouvait paraître relativement simple il y a dix ou quinze ans (nous étions encore dans l'ère du mass média) il est aujourd'hui extrêmement difficile d'y répondre. Presque impossible. Pourquoi? Parce que le principal problème de la presse écrite aujourd'hui, ce n'est pas son contenu, mais son usage.

La question de fond n'est pas: que lire dans un journal? Mais: pourquoi lire un journal? 
Je ne veux évidemment pas dire qu'il ne faut pas s'intéresser au contenu, mais qu'il faut d'abord se préoccuper de l'usage. 
Parce que je ne connais pas aujourd'hui un seul contenu publié sur le papier qui ne puisse pas se retrouver sur Internet. On peut même faire ses mots croisés sur le web... A partir de là, on se rend bien compte que la question du contenu est secondaire ou qu'elle découle d'abord de l'usage.
En tout cas, on ne peut pas dissocier les deux.

D'abord, la question de l'usage. Et je vais rester sur la problématique de la presse papier payante (la presse gratuite est confrontée moins brutalement au problème du contenu, son principal souci c'est la distribution et la recherche d'annonceurs). 

Qu'est-ce qui fera que, demain, j'achèterai un journal? Vais-je d'ailleurs l'acheter tous les jours ou de temps en temps (la tendance est au picorage), ou juste le week-end (meilleurs chiffres qu'en semaine)? 

A considérer qu'il reste encore une chance au média papier (bois ou numérique, peu importe) de survivre ces dix prochaines années... sur quelle base éditoriale asseoir cette survie?

1- La mobilité?
Je me souviens avoir dit à un ami, en plaisantant, qu'il restait un ultime atout au journal papier parce qu'il était le seul média que l'on pouvait lire aux toilettes. Il m'a répondu : "ah non, moi j'emmène mon macbook aux toilettes!" Et à l'époque, le iPhone n'existait pas encore...
Plus sérieusement, il est encore des situations où lire un journal reste pratique, même si l'arrivée des supermobiles (iPhone) et des mini-pc (on attend toujours le mini-macbook...) réduit considérablement son avantage physique, et rend d'ailleurs presque obsolète l'utilisation du e-paper.
Encore un atout, donc, mais en sursis.

2- La hiérarchisation?
L'argument n'est pas idiot. Internet agit de plus en plus comme un fluidificateur de l'info qui se fragmente et fonctionne en flux. Le média papier permet une hiérarchisation claire de l'info et une navigation finalement assez pratique et attrayante. Bien que fermée. Mais c'est peut-être justement là son intérêt: l'hypersélection, l'hyper-hiérarchisation dans un univers de chaos éditorial et de flux.

D'où l'intérêt, peut-être, d'investir dans le traitement graphique (pas artistique, mais clair) et dans la mise en scène de l'info sur le papier.

3- Le budget?
Pour l'instant, aucune rédaction web n'est capable de rivaliser, en terme de ressources humaines, avec une rédaction papier. Ce capital humain est destiné à décroître violemment dans les prochaines années (voire les prochains mois...), mais il reste largement supérieur. 
Le problème, c'est qu'il est mal exploité. Et même si certains journaux (pas tous...) ont fait de nombreux efforts, on est encore sur un modèle "mass média": un contenu qui se veut exhaustif (avec, du coup, une uniformisation massive via la surexploitation des dépêches d'agence), un journalisme de compte-rendu, d'illustration de l'info...

En réduisant notamment les breaking news dont tout le monde se fiche sur le papier, et les rubriques inutiles sur le golf et le voyage, on devrait pouvoir exploiter plus efficacement ce budget (tant qu'on en a encore) pour renforcer notamment l'investigation, le journalisme de scoop, principale valeur ajoutée du print aujourd'hui. Même s'il est désormais de tradition de publier le scoop d'abord sur le web, cela n'a, me semble-t-il, jamais eu d'impact négatif sur les ventes papier (au contraire, même).

Une exception : la presse locale. Son atout principal: l'exclusivité de l'info hyperlocale (l'info départementale, elle, est concurrencée par le net, les télés et les radios). Là encore c'est une question de budget (d'ailleurs, pourquoi continue-t-elle à perdre de l'argent à payer des journalistes pour traiter l'info nationale?). Impossible, pour l'instant, de concurrencer sérieusement la PQR sur le Net. Au moins sur ses fondamentaux (hyperlocal, petits faits-divers, locale miroir...). Mais ça ne durera pas (notamment sur le sport local).

On me dira: le recul, l'analyse... oui, plus pertinent (si l'on se place dans une démarche de cohérence temporelle) que les breaking news. Mais le Net est aussi un média du recul et de l'analyse. On trouve aujourd'hui plus d'analyse et de richesse sur la crise financière sur le Net (notamment à travers les blogs et twitter) que dans la presse papier (malgré l'excellent dossier du Monde papier sur le sujet ce dimanche...). C'est d'ailleurs un des principaux soucis de la presse professionnelle.

Reste ensuite une ultime problématique à régler: si l'avenir du contenu dans la presse papier passe par un marketing de l'usage et une hypersélection et hiérarchisation des contenus, cette dernière pourra-t-elle rester un média de masse? Et si non, quel modèle économique (vive les services!)?

Il y a sans doute quelque chose à faire avec la communauté, également: la conversation (mais comment?), le participatif en jouant sur la visibilité et la dimension noble véhiculée par le papier (toujours cette idée de sélection et de hiérarchisation)...

On pourrait également s'interroger sur la personnalisation du contenu (jusqu'où peut-on techniquement aller?)...


Il n'y a pas de réponse toute faite, il n'y a que des scénarios qui, tous, encore une fois, découlent de l'usage. 
Et j'écris ce billet dans le but d'ouvrir une conversation.

Et je ne pose même pas la question de l'intérêt de faire perdurer le support papier!  Ni de la prétendue complémentarité des supports web et print (je n'y crois pas, d'ailleurs)... Ce n'est pas le but de l'exercice.

N'hésitez pas à me contredire ou m'apporter vos contributions dans les commentaires, j'essaierai de les faire remonter lors des Etats Généraux.






Et la conversation à suivre en live  sur Twitter

(illustration : www.imprimeriemordacq.fr)


mardi 7 octobre 2008

And now, should we kill the print ?

Provocative question, of course... Some newspapers still make money (but not all of them, and most of the time thanks to the web or services...)

What's more, while the french press is working on its future at the General States of Press(since thursday morning), which want us to believe that the problem can be solved by helping the constitution of huge medias groups (but who believes it?), or that free internet is not the future of news (president Nicolas Sarkozy says thursday), we can legitimately think about this idea, which is not less serious than the first one. Just to think about it... Just to know. Just in case...

And what if, tomorrow, as the financial system today, the press industry falls down? So indebted that anyone holding a big cash pile could buy it for nothing.

Or just incapable to pay for its paper and journalists?

Impossible of course... But.. in case of... Let's say: maybe...

So while newspapers continue to fire more and more people, and lose money one the print section (-$77 millions ad lost on print vs. + $6 millions earned on the web for the Washington Post in 2007), where should they invest the money (if they still have some) ?

On which model shall we build the future medias ?

Today, most of 70% of the newspapers' budget is going to fabrication and distribution (around 40% for the only distribution!).

And we can say (if we count editorial jobs that are not useful online...) that, even if the ad incomes are 8 to 10 times bigger on the print than online, maybe we could build a healthy business (and save some money) by getting rid of paper...

There's a revolution to make, that is not made for a lot of medias (especially in France) and some courageous investments: do we have to invest in our old industry to involve the distribution for example, or should we switch definitly to the online distribution, and invest massively on the web to avoid catastrophy ? Of course it depends on each newspaper's situation

But maybe is the catastrophy nearer than we imagine (it's not me but the Deutsche bank talking) . So we have to play fast.

One of the problematic issue is still: is the online business model strong enough?

So, lets imagine: what if we decide to stop printing and invest all our money online? Would it be realistic? Short term? No? Middle term?

In his blog, Frédéric Filloux, dares to make some calculations..

A little bit unpredictable... but it helps to start the conversation about it...

Filloux asks: how could we transform a print newsroom in an only web based newsroom? How much would it cost to do that?

"I am sure we can produce good quality general news coverage with one hundred full-time equivalent dedicated journalists", Filloux says.

So: 100 journalists + technical, marketing, administrative... = €10M/ year

What trafic can generate 10 million a year?

New figures : "the average income per visitor per month appears to range from €0.10 to €0.25" A €850,000 per month income (10 million/year), "requires a hefty 8.3 million UV per month".

That is very approximative, you can earn €850,000 with less... or the contrary..., depending on the brand, on the target and on the position of the media compared to its concurrents (for exemple 20minutes.fr= 60%lemonde.fr in VU, but 10% of its ad revenues...)

In conclusion, it's very complicated.

Filloux gives 2 tips :

- Don't think packaged websites, prefer one section (like sports, politics), one site. It costs less but has more potential (ex: Huffington Post, specialised in politics makes more audience than Los Angeles Times, generalist).

- Diversify revenues: develop services on your news website. Not new, but still relevant.

Yes but...:

1- Move your print newsroom online? Theoretically, yes. But... which newsroom? Print journalists? I know no print newsroom able to push all its journalists to become online journalists (but I may be wrong). A ask a friend (who rules training sessions for print journalists in a big french newspaper): "How many of them are ready to move online?" His answer: "0".

2- And do we need a huge newsroom? 100 journalists= a hundred times bigger audience than 20 journalists? It doesn't work like that. A new journalism appears on the web, but not necessarily with a single and huge newsroom (outsourcing rise), and not necessarily with journalists...

So: 100, 50, or... 10?

3- Business on the web is always approximative...