Sur Arrêt Sur Images, Dan Israël dégaine:
"Raphaël oublie tout de même qu'une partie de l'information publiée sur LePost provient d'autres sites internet, eux-mêmes abonnés à l'AFP, et qui n'hésitent pas à réutiliser des dépêches d'agence.Comme on ne peut pas commenter les articles d'Arrêt sur Images, je lui ai répondu... sur Twitter:
Par exemple, on y trouve aujourd'hui un article sur la réaction de Nicolas Sarkozy après la victoire UMP aux européennes, qui cite comme source LeParisien.fr... qui reprend lui même intégralement la dépêche AFP sur le sujet. Autre cas : les résultats de la liste de Dieudonné : LePost cite LeFigaro.fr, qui ne fait que reprendre l'AFP. Et en commentaire, un internaute ne se prive pas de lister sept cas de pillage de dépêches...
Si tous les sites d'info suivaient la logique du Post, comment le site parlerait-il d'actualité ?"
Oui, c'est un vrai débat, passionnant. Parlons-en !
Depuis qu'Internet est né, la presse a une fâcheuse tendance à fonctionner par murs d'aveuglement. On refuse de voir le problème jusqu'au moment où le mur s'effondre. Puis on refuse de voir le second, etc. Pendant ce temps, des milliers de journalistes se retrouvent au chômage.
Encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité du travail des agences de presse. Oui, si l'AFP, Reuters et AP s'arrêtaient demain de tourner, de nombreuses rédactions (mais pas toutes...) seraient en panique.
Evidemment, leur production est vitale pour les démocraties.
Aujourd'hui encore une grande partie du modèle de production de l'info repose sur les dépêches d'agence. Un bien ou un mal, c'est un autre débat. Mais c'est un fait.
Le problème c'est que la révolution numérique à laquelle nous faisons face depuis de nombreuses années a rendu petit à petit d'abord étrange, puis obsolète, le mode de financement de cette impressionnante machine à informer que sont les agences de presse.
En off, le patron d'un grand quotidien national, il y a quelques mois:
- Je paie 1 million d'euros pour les dépêches d'agences. Avec la crise, je me demande si je ne devrais pas mettre mon argent ailleurs.
Quelques jours plus tôt, le patron d'un quotidien régional :
- Si j'arrêtais l'AFP, je pourrais embaucher 15 journalistes qui iraient chercher de l'info sur le terrain. Je m'interroge très sérieusement.
Pourquoi s'interrogent-t-ils, ces patrons de presse ?
Parce qu'ils ne devraient pas être dans l'actu chaude mais dans l'éclairage, le scoop, le reportage sur le terrain... Et Presse quotidienne régionale plus encore qu'en PQN, les fameuses pages France et International qui coûtent si cher (des staffs de 5 à 10 journalistes qui font du batonnage de dépêches + l'achat de ces dépêches) pourraient être remplacées (s'il faut les remplacer) par une page digest de l'info générale façon revue de presse. Coût : 1 journaliste.
Oui mais en Presse quotidienne nationale, m'a répondu un responsable, même quand on ne fait pas de batonnage, on a besoin de l'AFP comme un filet de protection lorsque l'on traite un sujet. 1 million= 1 filet de protection...
J'ai expliqué que ces infos se trouvaient également sur le Net. Et même en plus grand nombre, si l'on tenait compte de la production foisonnante d'experts et d'indépendants sur les blogs et autres médias web...
Réponse: oui mais, allez demander à mes journalistes de faire de la recherche sur Internet!
Ce n'est donc qu'une question de formation.
Sur le web, même constat:
Nous sortons doucement (enfin, doucement pour Internet) de l'ère des portails d'agrégation, dont ont hérité des sites comme Yahoo, Orange, et même Le Monde.fr. Les internautes venaient lire leurs infos sur 1 média, sur Yahoo et Orange parce qu'ils y trouvent aussi leurs mails, sur Le Monde.fr parce que c'est un média de référence.
On était encore dans un modèle de média de masse: tant de visiteurs uniques par jour viennent sur mon site (on appelle ça l'accès direct), je dois leur offrir toute l'info. Donc j'achète l'info que je ne peux pas produire moi-même.
Aujourd'hui, nous sommes passés, merci Google, à l'ère du contenu. De plus en plus, le lecteur entre sur le site d'info par le contenu.
Pour les sites qui font du canon à dépêches, tout l'enjeu aujourd'hui est de faire en sorte que leurs dépêches AFP soient référencées plus tôt que les dépêches AFP des concurrents!
Pour certains (je n'ai pas les chiffres de tout le monde), l'audience sur ces dépêches commence à s'éroder.
Là, encore une fois, le journalisme de liens peut remplacer les dépêches, et dégager des ressources pour apporter de la valeur ajoutée à l'info.
Journalisme de liens, ce que Dan Israël appelle "pillage". Il s'agit simplement d'une pratique qui consiste à ne plus considérer le média comme un média global de masse qui doit produire toutes les infos, mais comme un ensemble de contenus qui, inscrits dans un réseau, vont aller chercher le lecteur là où il se trouve.
"Cover what you do best and link to the rest". C'est la link economy d'Internet, prônée par Jeff Jarvis et consorts...
Maintenant, la question de mon confrère est pertinente. Mais si les médias n'achètent plus l'AFP, qui va payer l'AFP ? Et s'il n'y a plus d'AFP vers quoi va-t-on faire des liens ?
Si plus personne n'achète l'AFP, alors achetez des dépêches AFP! L'info sera devenue exclusive et tout le monde fera des liens vers vous...
Sauf qu'un seul client ne suffira pas à faire tenir l'AFP.
Qui doit payer ?
- Google ?
- L'Etat ? L'AFP, dont la mission d'information est vitale, doit-elle devenir un service public comme France Televisions ?
- Une taxe Joffrin ?
Une idée ?