mercredi 30 mai 2007

Le journaliste du futur

A lire sur le blog de Philippe Couve, journaliste à Radio France International et formateur au Centre de formation des journalistes (CJF), une tentative de portrait robot du journaliste de 2009. Synthèse d'une rencontre entre différents responsables éditoriaux web (à laquelle j'ai été gentiment convié).
Il s'agissait surtout, en fait, de définir la perle rare des rédactions en devenir et de réfléchir aux formations à développer pour façonner la nouvelle génération de journalistes.

Je copie-colle ici l'essentiel :

"Le journaliste

- reste un journaliste
-descend de son piédestal
-est aussi un animateur de conversations

-baigne dans la culture numérique
-développe son agilité numérique

-connait les bases de plusieurs médias
-connait les techniques de récit multimédia

-est aussi un animateur de communautés
-peut assumer le rôle d’«éditeur » (mettre en scène des informations produites par d’autres)
-est capable de travailler avec les développeurs informatiques
-se pose la question du cycle de vie de l’information
-a conscience des résistances de son milieu

Et enfin, il :

-est conscient de son environnement économique
-est capable de lire les chiffres de fréquentation
-doit apprendre à cohabiter avec les commerciaux"

Il y a donc du pain sur la planche... En attendant, les rédactions pourront toujours se rabattre sur les blogueurs :)

Le web est en train de transformer le média en une sorte de Hub de contenus et de communautés. Le média de demain sera d'abord un point de rencontre. Ce qui implique donc deux évolutions structurelles de la profession :

1- Le journaliste de 2009 (et d'aujourd'hui...) devra être capable de conduire les conversations, d'animer les communautés réelles et virtuelles, mais aussi mettre en scène et éditer les contenus extérieurs. L'appellation "média participatif" ne doit plus être un déclaratif. Elle devra définir demain le process naturel d'animation et de fabrication de l'information dans tous les médias où les journalistes travailleront aux côtés de l'audience.

2- Sans suivre le mythe du cybereporter, mi-développeur, mi-journaliste, je pense cependant que l'on devrait voir émerger une nouvelle race de journalistes "hub". Des confrères qui auront complètement intégré la dimension d'agrégation, de "Creative Commons" et de "hub" de l'info web. Des journalistes qui seront capables de composer des contenus pur-web, comme cette animation remarquable du NY Times (une animation qui vous permet de calculer s'il vaut mieux acheter ou louer...lire l'article de Jeff sur le sujet), mais aussi de composer des mash-up d'informations, une technologie qui vous permet de créer un contenu inédit en connectant des outils d'autres plateformes comme les cartes de Google Maps, les photos de FlickR ou les bases de données d'un site de news.

(image récupérée sur le site de France Telecom)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Si je peux me permettre, il travaille où, actuellement, ce journaliste idéal du futur que vous décrivez ?

Ce métier n'existe pas encore. Mais existera-t-il un jour ?

S'agira-t-il d'un vrai métier, où bien d'un sous prolétariat exploité, contraint de savoir tout faire, d'être en permanence au four et au moulin, en étant payé au lance-pierre, sans sécurité de l'emploi et sans protection sociale ?

Tout cela est-il prometteur ?

Benoit Raphael a dit…

Effectivement, abordée sans recul, cette liste semble dresser le portrait d'une sorte de surhomme :)

Nous parlons bien de formation, pas de fonction. Ce n'est pas du tout la même chose. Aujourd'hui, les étudiants sont formés à l'écrit, la radio et la télévision, cela ne veut pas dire pour autant qu'ils cumuleront ces trois fonctions.

Le mythe du cyber reporter cumulant, à l'image du web, tous les métiers, a un peu vieilli aujourd'hui.
Je pense que nous nous dirigeons plutôt vers de nouveaux métiers, s'appuyant sur les fonctions que je viens de citer.

De la même manière que nous avons aujour'hui, en presse papier, des rédacteurs, des secrétaires de rédactions, des photographes, des infographistes, nous retrouverons demain, dans les grandes rédactions web, ou web-papier, des journalistes aux fonctions bien définies. Ce qui n'empêchera pas un minimum de polyvalence.

Et il est probable que, dans les petites rédactions, certains confrères aient à cumuler plusieurs fonctions. Mais ce n'est pas vraiment nouveau...

Anonyme a dit…

Je ne signalais pas seulement le côté superman du personnage... ;-)

Je me demande aussi si la direction prise par les organes de presse est bien de se doter de tels journalistes polyvalents, ou bien si l'on va plutôt vers des rédactions réduites à leurs seules fonctions d'édition, des "tours de contrôle" de l'information, avec des aiguilleurs du ciel, qui voient passer les avions sur des écrans, mais ne montent jamais dedans et ne visitent jamais les pays où ils conduisent...


On peut voir l'avenir plutôt en rose, avec des médias prospères et de qualité, qui emploient des journalistes bien formés et bien payés...

Il y a aussi une version grise, dans laquelle les médias manquent de moyens et font des concessions à la qualité...
Le modèle économique de la presse en ligne aujourd'hui (gratuité pour le lecteur, financement presque exclusivement par la publicité) nous pousse plutôt pour le moment vers la version pauvre que vers la version prospère, non ?

Anonyme a dit…

Un exemple me revient à l'esprit pour illustrer mon propos :

lemonde.fr avec moins de 50 journalistes bénéficie aujourd'hui d'une audience supérieure à celle du Monde-papier, qui en compte plus de 300...
lemonde.fr est une entreprise modeste, mais bénéficiaire. Le Monde-papier est structurellement déficitaire depuis plusieurs années...

Lequel est le mieux placé pour survivre ? Est-ce une bonne affaire pour les journalistes ?

Jeff Mignon a dit…

@narvic
Il n'y a pas si longtemps que ça, les journalistes en presse quotidienne, par exemple, dictaient leurs textes par téléphone. Il était impensable, pour certains, de taper à la machine. L'ordinateur et la PAO ont mis un premier coup de pied dans la fourmilière. Ca n'a pas été sans mal dans les rédactions.
Je me souviens des réactions de certains journalistes quand nous avons lancé Mon Quotidien et demandé aux journalistes de taper directement dans des gabarits Quark. Puis, d'enrichir leurs textes, placer leurs photos, etc.
Internet et les technologies numériques nous font franchir une nouvelle étape. Les journalistes doivent s'adapter. Pas pour devenir des esclaves ou pour être seulement plus efficaces, mais pour faire leur métier de façon plus intéressante.
Fera-t-on des nouveaux médias avec moins de personnes ? Sans doute. Il y a beaucoup de choses que l'on fait aujourd'hui avec moins de personnels. Le fera-t-on mieux ? Le facteur est d'abord humain. Donc, tout dépendra du journaliste. Mais la technologie aidera (et aide déjà) les bons journalistes et les médias de qualité à faire du meilleur travail.
N'est-ce pas fascinant de faire une interview video. De la balancer sur internet. De rentrer en conversation avec ses lecteurs sur son blog et de balancer un papier d'analyse sur un format écrit ?

Anonyme a dit…

@Jeff

Je ne conteste absolument pas l'intérêt de la polyvalence et c'est bien la direction dans laquelle je me suis engagé ;-).

Mais je constate que cette "culture" a énormément de mal à s'installer dans les rédactions françaises : j'ai entendu par exemple un rédacteur en chef parler d"hybride polyvalent" au sujet des deux seuls journalistes de sa rédaction (sur une centaine) à maîtriser à la fois les métiers de rédacteur et de secrétaire de rédaction. Il disait: "je ne sais pas quoi faire d'un tel profil. Je n'ai pas de poste pour ça dans mon journal".

Je relève surtout qu'il y a de la polyvalence à deux vitesses: tel reporter international du New York Times, qui est capable de produire simultanément des article texte et multimédia depuis l'autre bout du monde, ou bien le petit rédacteur localier dans un hebdo local, auquel on demande, pour un salaire de misère, de faire des reportages, de les mettre en page, de gérer un réseau de correspondants locaux, et puisqu'il est le seul sur place d'être aussi le relais du service des abonnements et de la régie publicitaire. Et tout ça dans une journée de 24 heures.

Dans un cas la polyvalence est envisagée comme une plus-value éditoriale, dans l'autre c'est un moyen de faire des économies.

Ce que je redoute pour l'avenir du métier de journaliste, c'est que la faiblesse financière structurelle des journaux en ligne (dont je ne vois pas pour le moment comment on pourrait en sortir, dans un régime de gratuité de l'information) ne les amène à privilégier la polyvalence seconde vitesse sur la première.

Voire à se priver de reporters professionnels au profit d'amateurs (cf. les notions de "prom-am" et d'UGC) et se contenter de quelques professionnels pour piloter le tout (c'est le modèle Rue89, non?).

Que la rédaction du monde.fr tourne avec six fois moins de journalistes que celle du Monde-papier, pour une audience supérieure, ne me semble pas rassurant du tout. J'imagine très bien ce que peut en penser le responsable des ressources humaines du Monde...

Stioup a dit…

Ce type de profil est rare mais il commence à exister. Toutes les compétences énumérées dans la liste ne relèvent pas du prodige. La vraie question est celle de la nature du travail journalistique (devenir un super chef de desk ou aller sur le terrain), et bien sût du statut qui va avec

Anonyme a dit…

Sur le principe, je suis d'accord. En 89 à mes débuts, je téléphonais mes papiers et j'avais peu après l'un des premiers alphapages de Lorraine. Aujourd'hui je podcast et évoque sur mon blog ce que je n'ai pas de place pour évoquer à l'antenne...

Mis là où j'ai un doute c'est "descend de son piédestal"...