Loin de moi l'idée de tirer sur Internet. Pas mon genre.
Encore moins de faire la morale aux blogueurs et aux webjournalistes qui se sont amusés autour de cette "loverumor", cette #brulaybullshit au sommet.
Ce qui est intéressant dans la façon dont cette rumeur, qui circulait dans toutes les rédactions (et qui ne s'appuie sur aucune information avérée), est devenu un buzz international via Twitter et quelques médias internationaux peu scrupuleux, c'est ce qu'elle nous dit des usages du web, de ce réseau en mutation.
Et quelles leçons que nous pouvons en tirer.
Alors que la rumeur enflamme le web (voir le graphique Google Trends, ci desssous, reproduit par le site StreetPress qui montre une montée en flèche des requêtes Google sur le sujet) tout le monde y va de son couplet: Internet aurait une nouvelle fois la démonstration de son ADN poubelle. C'est faux. Internet a fait la démonstration de sa "floutitude"... de son insaisissabilité. De son statut à part, liquide, hybride. Et cela devrait entraîner bien plus de réflexion, voir d'humilité, que de leçons de morale.
Jean-Michel Apathie en profite pour allumer le feu. Sur son blog, il s'en prend à ces "amateurs" (comprenez: les blogueurs), "certains internautes" comme il dit, colporteurs de rumeurs, qui osent critiquer les journalistes alors qu'ils feraient bien pire.
Lisez plutôt :
"Des esprits férus de modernité opposent volontiers Internet et le journalisme, les internautes et les journalistes. Les seconds seraient au mieux lourdaux ou paresseux, au pire à la solde des pouvoirs quand les premiers enfin seraient libres et courageux. Le problème des premiers c’est qu’ils ne s’embarrassent de rien, ni de règles ni même de la plus élémentaire des morale. Ils véhiculent tout, le plus drôle comme le plus bête, le vrai comme le faux, le beau comme le moche, sans réfléchir à quoi que ce soit."
Mon ami Guy Birenbaum, que l'on ne peut pas accuser d'être anti-blogueurs (il est plus... sélectif, disons), s'en désole:
"Les défenseurs les plus acharnés du net – dont je fais partie – ne se rendent parfois pas compte du mal qu’ils lui font. Depuis quelques jours, quelques pyromanes peu inspirés utilisent toutes les ressources du net (Twitter, blogs, etc.) pour propager LA rumeur."
LA rumeur, c'est bien entendu cette prétendue love-affair au sommet de l'Etat qui, à défaut d'être vérifiée, encore moins confirmée, est passée du statut de private joke à une net-polémique.
Je vous recommande à ce propos l'excellent décryptage de Gilles Klein sur "l'itinéraire d'une rumeur". Où l'on comprend, avec un mélange de fascination et d'effroi comment une poignée de tweets (messages postés sur le site Twitter) potaches s'est transformée, outre-manche, outre-atlantique (jusqu'en Inde) en "information".
Que s'est-il passé ?
La rumeur courait dans toutes les rédactions depuis plusieurs semaines déjà. Jusqu'à ce que des journalistes l'évoquent sur Twitter, dès le 26 février.
Ce qui est intéressant, c'est qu'aucun d'entre-eux ne présente la rumeur comme une information. La plupart du temps, on est dans de la conversation entre "amis" (entre "amis Twitter" s'entend!).
Quand Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, que l'on ne peut pas soupçonner de chercher le caniveau tweete avec humour : "Benjamin Biolay, c'est bien le mec qui...", ou quand Salam93 du Post.fr s'amuse (sans évoquer la rumeur) des allusions cachées chez les présentateurs d'I-Télé, il n'en faut pas plus pour qu'un internaut en tire des conclusions évidemment hatives.
Sur le site de journalisme citoyen Agoravox, l'auteur recoupe ce qui, pour les intéressés, n'étaient que des clins d'oeil amusés, et en conclut qu'il s'agit d'un début d'information:
"Si l’on recoupe ce tweet avec les allusions d’une journaliste de i>télé hier soir (vidéo ci-dessus), les choses se précisent", tranche-t-il. Ce qui est complètement faux. Mais l'auteur prend Internet pour ce qu'il n'est pas. Un média.
Sauf que l'important n'est évidemment pas ce qu'est Internet en réalité, mais la façon dont il est perçu par la plupart des gens. C'est à dire, quand même, un média. Certes, chaotique, mais une forme de média.
Plus intéressant encore, ce blog sur le site du grand quotidien "Le journal du dimanche", qui est un simple contenu amateur hébergé sur la plateforme du site comme chez beaucoup de médias. Sauf que le billet amateur apparait commune une info sur Google News (qui n'est pas géré par un journaliste, mais par un algorithme) :
Depuis, le JDD a supprimé le post. Trop tard.
Il n'en faut pas plus aux médias étrangers pour évoquer un "reportage du grand quotidien français".
Faut-il les blâmer ? Oui, parce que mes confrères d'outre-manche n'ont pas pris la peine de vérifier l'information. Mais oui-et-non parce que la présentation du blog n'est pas claire. La confusion des genres est évidente.
Et, au bout du compte, que nous apprend cette histoire ? Que le web est une poubelle ? Non.
Que les journalistes web sont des inconscients ? On voit bien que la propagation de la rumeur n'a pas été le fait d'un seul tweet, d'un seul billet, mais d'un enchaînement de contenus qui, pris séparément, étaient finalement assez cryptiques, mais qui, de fil en aiguille, par le courant fou du réseau, s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus structuré.
Bienvenue dans le monde de l'info en réseau.
Ce que l'on apprend, c'est que l'on n'a pas fini d'apprendre justement. Internet, qui n'est pas un média, est une sorte de bistrot. Mais qui n'est pas qu'un bistrot. C'est un réseau au sein duquel les frontières entre discussion privée, publique, information, publication, réseau public/privé n'est pas encore claire.
Et qu'Internet mute à une telle vitesse que les usagers n'ont pas le temps de se forger des armes pour apprécier à leur juste valeurs les contenus et les humeurs qui s'échangent sur le Net.
Tiens, Facebook, c'est quoi au fait ? Un réseau privé ou public ? Qu'est-ce que je peux dire à mes amis au bistrot que je ne peux pas dire à mes amis sur Facebook ? Oui mais si je connecte mon facebook à mon blog ? Et Twitter alors ?
Compliqué.
Ce qui est passionnant, encore, c'est que même les avis sur la propagation de la rumeur (qui est parfaitement contraire à la loi actuelle) ou même sur la simple conversation publique/privée autour du sujet, sont partagés.
Sur son blog, le journaliste Olivier Bonnet (dont le billet a bizarrement été modéré sur LePost), trouve le buzz exemplaire, pour une fois:
"Pas d’accord, Messieurs, c’est le juste retour de bâton : après avoir vendu à l’opinion la love story conte de fée entre le président et la chanteuse mannequin, complaisamment exposée dans le but d’améliorer l’image de Sarkozy et d’en tirer des bénéfices politiques, qu’il souffre aujourd’hui que la même opinion apprenne la suite (gênante) de l’histoire. Pris au piège du storytelling, confronté à la prosaïque réalité."
Je ne sais pas s'il a raison ou tort. Je pense aussi, comme Guy Birenbaum, que certains amateurs et professionnels ont joué avec le feu.
Non, ce que je trouve intéressant, c'est que le débat a eu lieu.
Et pour qu'il ait lieu, il fallait qu'il "sorte" sur Internet. Ce qui pose des problèmes de déontologie, de moralité et de légalité... certes.
Mais.
Internet n'a pas fini de nous suprendre.
Alors que faire ?
Ce que nous apprend cette histoire, c'est que nous allons devoir travailler sur la clarté du web. Internet est un espace en création, en mutation collective. Il n'est pas étonnant, il n'est pas malsain non plus, que des conversations comme celle qui agite les moteurs de recherche aujourd'hui, se retrouvent dans les réseaux sociaux et les forums. Parc qu'Internet est un réseau, pas un média. Le problème, c'est que les balises se mettent en place moins vite que les usages.
Il va falloir sans doute "baliser" Internet, à défaut de vouloir en faire à tout prix un espace de publication traditionnelle. Quand je vais dans un bistrot, je sais que je vais dans un bistrot, et je sais faire la différence entre ma station de radio et mon bistrot.
Sur le Net, c'est plus compliqué.
Qui devra créer ce balisage ? La communauté, comme cela s'est toujours fait ? L'Etat ? Les journalistes ?
La discussion est ouverte.
14 commentaires:
Faut arrêter les conneries. Je suis journaliste : quand une rumeur me vient aux oreilles concernant albert ou bertrand, je leur passe un coup de fil. s'ils disent non, je publie une info en disant qu'ils démentent...
Les apathies et autres lâchetés, c'est ça qui tue le métier, pas le net.
Le Net n'est pas une source d'info - je me fatigue à la rappeler - mais un canal pour accéder à des sources d'infos, de com ou... de rumeurs.
Christophe Colinet
christreporter sur twitter
http://www.inlibroveritas.net/auteur4835.html
Evidemment on ne peut que constater avec effarement comment la presse étrangère a repris sans vérification les éléments de ce buzz (et en particulier de citer Yahoo News comme "source" alors qu'au fond le déclencheur "officialisant"a été le blog du JDD). Passons même si c'est pathétique.
Toutefois l'analogie avec le bistrot me parait bien légère. Nous ne sommes justement pas dans une discussion de bistrot car les espaces sont publics, il s'agit donc de publication. Faire croire qu'il ne s'agit que de discussions entre amis est un mensonge aux conséquences incalculables. La discussion de bistrot si elle devait se faire ans une enceinte publique aurait les mêmes conséquences. Un grafiti sur un post it n'a pas la même portée que s'il est affiché sur un mur.
Pour une fois, même si on peut la trouver caricaturale et attendue, la réaction d'Aphatie est juste car elle porte moins sur du Net bashing sur la notion de responsabilité vis à vis d'un acte de publication. Question précise et juridiquement fondée. Evidemment si l'on persiste à nier la notion de publication on ne peut que se noyer dans des discussions sans fin et crier à la leçon de morale. La réalité est plus simple: c'est un rappel à la Loi. Il n'y a rien à baliser car les règles préexistent.
Il me semble qu'internet est destine a être véhicule qui regroupe tous les médias. Un médium universel.
La différence est son immédiateté et faible cout. Actuellement il est accessible au quidam a travers blog tant que la notion d'hébergeur subsistera et au moins sous forme de microblogging ou réseau soc a la facebook
il me semble que c'est des journalistes dans le secret des dieux ont initie la rumeur
La rumeur couvait, la rumeur est sortie, la rumeur a été démentie... Et alors quelle différence entre internet et la presse ?
PS : Adjani n'est toujours pas morte du SIDA
Salut Benoît
j'ai pris Noam Chomsky comme base de ma réflexion sur la rumeur. Je pense qu'une rumeur "propre" ça s'appelle du "story telling". Du coup, j'ai pondu ça :
http://rimbusblog.blogspot.com/2010/03/cloaca-maxima-ou-leloge-de-la-rumeur.html
Ni l'un ni l'autre, il faut apprendre aux gens le discernement, tout simplement. On n'apprend plus ça à l'école ?
At last, un article censé sur le sujet, qui n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat et à rappeler qu'il y avait bien de pro - des journalistes - à l'origine du processus.
Twitter lieu public et Facebook... semi privé ? Pas évident, d'autant que ça bouge... Bonne analyse, même s'il est permis de douter qu'elle fasse foi quand on passera internet au Karsher en utilisant cette hitoire sous peu (ou pas).
Ok avec Rimbus et Emmanuel,
Retour de bâton pour les blogueurs qui relaient sans vérifier, retour de bâton aux journalistes qui scrutent le net à la recherche d'une vérité inexistante.
A qui profite le crime ? Aux égos surdimensionnés qui ont voulu se faire mousser avec.
Faut sortir, s'aérer la tête de temps en temps, pour aérer les étages supérieurs s'ils existent !
:)
La première chose c'est qu'il faut apprendre à ne pas faire confiance dans le JDD et le Sun, que la Vérité n'est plus une marque.
Sur internet quand je lis quelque chose j'ai un réflexe qui est de regarder ce qui est dit ailleurs. C'est un avantage majeur sur le journal, ou pire sur le livre. Ainsi il est plus facile de trouver de contourner les bêtises écrites par les uns ou par les autres sur internet que dans une bibliothèque, même la plus réputée.
Alors d'accord, quand on ne fera plus confiance du tout à TF1, quand on aura éteind la télé et la radion, on pourra réfléchir au web. J'exagère évidemment, gardons tous les supports possibles. Simplement les medias classiques sont aujourd'hui dans un état bien plus grave que tout ce qui est décrit dans cet article.
Le dernier album de Biolay est très bien sinon. Bien meilleur que celui de Carla Bruni !
:-))
[La musique adoucit les mœurs ! :-)) ].
Il y a un aspect qui n'est pas mis en valeur dans cette histoire. Si comme le dit Emmanuel "le déclencheur "officialisant" a été le blog du JDD" cela nous dit qu'il y a confusion dans l'esprit de certains (internautes et/ou journalistes) entre la marque (JDD) et les contenus élaborés par ces journalistes d'une part et les contenus des blogs publiés sous la même marque d'autre part.
Sous prétexte de rechercher de l'audience, peut-on continuer à amalgamer sans précaution sous une même marque des contenus informationnels qui ne répondent pas aux mêmes règles déontologiques ?
Par ailleurs, intéressant plateau d'"Arrêt sur Image" sur le sujet avec les propos d'un jeune journaliste qui dit que lorsqu'un journaliste reprend ou retwit une info celle-ci ne prend pas une valeur différente. C'est une nouvelle approche de la responsabilité du journaliste et de sa crédibilité désormais à plusieurs dimensions.
Jusqu'à ce que des journalistes l'évoquent sur Twitter
...
des allusions cachées chez les présentateurs d'I-Télé
...
mes confrères d'outre-manche n'ont pas pris la peine de vérifier l'information
...
ce blog sur le site du grand quotidien "Le journal du dimanche", qui est un simple contenu amateur hébergé sur la plateforme du site comme chez beaucoup de médias
...
Tout est dit.
Il faut Les journaux classiques, avides de notoriété "djeuns" ouvrent des plate formes de blog alors qu'ils sont infoutus de les modérer correctement, ni même de les présenter pour ce qu'ils sont, à savoir des blogs. La plupart des journalistes font le même métier que les blogeurs qu'ils critiquent, à savoir qu'il relaient n'importe quoi, n'importe comment, sans penser une seconde aux conséquences de leurs actes...
Vous êtes surs que c'est le net qui a besoin de balises ? Avant de voir la paille... retirez donc la poutre de votre oeil, messieurs les "professionnels". Quand cve sera fait, vous pourrez peut être commencer à penser à lancer l'idée de "baliser" internet. En attendant, les blogueurs ont au moins une excuse pour écrire n'importe quoi : ce n'est pas leur travail, ils n'ont pas été formés pour faire du journalistes. Vous si, et vous faites mal votre métier ! (Désolé pour les quelques uns, peu nombreux malheureusement, qui le font encore correctement... et qui, si ce n'est déjà fait, risquent de se retrouver très vite au chômage, vu que la vérification des informations qu'ils traitent est beaucoup trop lente pour s'assurer du scoop).
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