dimanche 29 octobre 2006

World digital publishing conference : The Guardian, global et local

L'audace et le dynamisme du quotidien britannique Guardian sur Internet n'est évidemment plus à démontrer. C'est la conséquence d'une vision présentée jeudi matin lors de la World digital publishing conference de Londres par Carolyn McCall, chief executive du Guardian Media Group :
il n'y a jamais eu autant d'oppportunités pour les journaux.

1- Ils ne sont plus limités aux textes et aux photos. Ils peuvent désormais jouer avec tous les médias, notamment la vidéo (le Guardian produit des reportages pour la télévision)
2- Ils passent d'une logique d'audience à une logique communautaire. Les journaux s'occupent de leurs communautés. A voir : le site de voyage communautaire du Guardian, où les internautes déposent conseils et commentaires.
3- De national et régional, le média devient global et local. "Nous vivons, avec Internet l'explosion des frontières traditionnelles".

Global : En janvier prochain, le Guardian, qui envisage de devenir un média leader dans le monde grace à Internet, lancera une homepage internationale afin de toucher, notamment, les internautes américains (7 millions de visiteurs uniques).
Local : L'exemple du Manchester Evening News (qui fait partie du groupe Guardian) regroupe l'un des plus gros quotidiens régionaux d'Angleterre (distribué gratuitement en centre-ville), un hebdo gratuit (Manchester Metro News), une radio, une télévision (Channel M) et le site "Manchester Online". Pénétration du marché : 85% ! Qui dit mieux ? "Quand vous allez dans cette région", souligne Caroyln McCall, "il vous est difficile de ne pas tomber sur la marque."
Lorsque Channel M a obtenu une interview exclusive du premier ministre britannique Tony Blair, la vidéo a été diffusée en même temps sur Internet et ouverte à la conversation. Le lendemain, une synthèse de l'événement (interview + commentaires des internautes) était publiée dans le journal, qui s'est également bien vendu.

Pour Carolyn McCall, les décideurs multimédia dans les journaux doivent faire face à cinq challenges :
1- "Une vision claire" de la stratégie digitale. Mais elle ne suffit pas. Il faut sans arrêt la répéter aux dirigeants, aux équipes, pour les rassurer et les re-convaincre. "Répéter sans cesse, c'est la seule façon de communiquer".
2- "Rester proche des utilisateurs" : il faut développer une base de données de ce que font les utilisateurs et des besoins qu'ils expriment.
3- "Innover pour apprendre" : il faut commencer quelque part (il n'y a pas de point de départ idéal), puis maintenir sans arrêt un rythme d'innovation.
4- Etre au top en terme de développement : comme pour le papier, la distribution est tout, "delivery is everything".
5- Tenir un tableau de bord de la progression de vos revenus numériques. "Vous aurez toujours besoin, pour convaincre, de montrer que ça augmente".

- Lire, sur le même sujet, l'article de journalism.co.uk
- Lire et visionner également l'intervention de C.McCall lors de l'AOP Online Publishing Conference le 4 Octobre dernier, équivalente à celle donnée lors de la World digital publishing.

samedi 28 octobre 2006

World digital publishing conference : le temps des travaux pratiques

L'édition 2006 de la World digital publishing conference, qui réunissait depuis jeudi matin à Londres, les décideurs multimedia des quotidiens papier du monde entier, s'est achevée hier à Londres.
Première impression à l'issue de ces deux journées particulièrement denses : la sensation d'un bouillonnement, plus intense encore que lors du congrès mondial des journaux de Moscou en juin dernier.
La presse écrite est désormais pleinement entrée dans la logique du multi-plateformes (papier, TV, radio, Internet, mobile). Aux portes de la France, partout où les journaux se sont engagés de manière audacieuse dans des stratégie Internet et mobile, on ne se demande plus s'il faut se transformer en entreprise multimedia ou pas. On se réjouit de l'être, de s'être éloigné enfin du rivage. Les indicateurs de croissance sont tous au vert dans ce secteur, et porteurs de bonnes nouvelles. On n'est même presque plus perturbé par les vieux démons de la profession : cannibalisation et débat gratuit/payant.
Bref, la conférence avait des allures d'ateliers pratiques, où l'on aurait recyclé le "faut-il y aller ?" en "comment on fait ?".
Au vu de l'incroyable multiplicité des expériences présentées lors de ces deux jours, il y aurait presque de quoi s'angoisser. Par quel bout faut-il donc prendre le problème ? Par quoi commencer ? Tout le journal sur Internet et même plus ? La vidéo, la vidéo et encore la vidéo ? Les réseaux sociaux ? Un Myspace local ? Le journalisme citoyen ? L'intégration des rédactions papier et internet ? Celle des services publicité ? La refonte totale des outils d'édition et de publication ? Les petites annonces ? Du e-commerce ? Les pages jaunes ? Les jeunes ? Les vieux ? De quoi devenir fou.
Bob Benz, general manager of interactive media chez Scripps Newspapers, conseille de ne pas voir trop grand :
"Lancez de petits projets, et observez ce que font les consommateurs et ce qu'ils veulent. Démarrez simplement, limitez l'investissement pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas."
Les autres intervenants, ne disaient pas autre chose : personne n'a la solution. Nous sommes dans l'ère de l'expérimentation. "Personne ne peut connaître le futur", assure Carolyn Mc Call du Guardian. "Il faut essayer".
"90% des innovations qui ont réussi ont démarré en suivant la mauvaise stratégie", précise à son tour Bob Benz. Il faut donc se donner les moyens de pouvoir changer de stratégie en cours de route. Si le projet est trop lourd, il sera difficile de faire marche arrière.

(A propos de l'intervention de Bob Benz, lire également le post de Paid Content)

mardi 24 octobre 2006

Londres à l'heure de l'Internet

Je m'envole ce matin (quatre heures...) pour Londres, où je dois assister à la World Digital Publishing Conference organisée par l'Association mondiale des journaux. La conférence sera entièrement consacrée à la mutation nécessaire des quotidiens papier en médias multi-plateformes, avec notamment les retours d'expérience d'un certain nombre de titres prestigieux, certes, mais surtout audacieux en la matière, comme le Guardian, la BBC et le quotidien japonais Asahi Shimbun.
J'aurai l'occasion d'en reparler...

Des journalistes papier avec une caméra sur la tête

Le Net est en train de révolutionner le monde de la vidéo. Et c'est la presse écrite qui pourrait être la mieux placée pour participer à cette mutation. Avec son immersion sur le terrain supérieure aux médias audiovisuels, et son réseau de correspondants pro et amateurs, les entreprises de presse devraient investir un maximum sur la vidéo.
C'est ce que fait l'Evening Herald de Plymouth sur son site Internet (ici). Le quotidien régional britanique a équipé l'un de ses reporters d'une caméra utilisée par les policiers pour la surveillance (voir ici la description du matériel).
Il s'agit d'une caméra miniature reliée à une console de la taille d'un gros IPod, qui se glisse au dessus de l'oreille. L'effet d'immersion dans l'événement est total. Même le journaliste finit par oublier qu'il a une caméra. Les images sont brutes, le reporter ne cherche pas à cadrer, il regarde, il vit l'événement. Une exploitation de la vidéo très excitante et abordable pour un journaliste écrit peu habitué à la vidéo.
Le reporter du Herald, Tristan Nichols, est parti en Sierra Leone, où il a utilisé sa "headcam" pour réaliser des interviews et enregistrer en brut les opérations des unités de Plymouth actuellement en exercice dans l'Ouest africain (visionner les reportages ici). A voir une séquence particulièrement marquante, où l'unité tombe dans une embuscade. Décoiffant !
Ce parti-pris de l'image brute et de l'immersion dans l'événément (comme si vous y étiez) est une piste très intéressante pour la presse écrite : peu ou pas d'éditing professionnel, une approche du reportage très naturelle (on oublie la caméra et le bloc-notes) et un rendu brut qui plait aux internautes.
"C'est un travail où l'on peut tout faire soi-même, et où il suffit de se promener au milieu des gens pour faire ses interviews. C'est vraiment le futur", explique Tristan Nichols.
Lorsqu'on les interroge, ces derniers déclarent préférer les vidéos peu retouchées des quotidiens, plus sincères (elles montrent l'envers du décor), plus immersives, plutôt que les reportages édités façon TV proposés en ligne par les chaînes de télévision.

(Sources : Press Gazette et Editors Weblog)

vendredi 20 octobre 2006

Ce que font les Français sur Internet

Une nouvelle étude de l'observatoire européen NetObserver (Novatris), présentée en détail par le Journal du Net (ici), dresse un bilan des usages des Européens sur le Net, pays par pays.
On se rend compte globalement, par rapport à leurs voisins, les internautes français ont une bonne image de la publicité et sont assez peu friands de services payants.

- Les Français adorent converser : les internautes Français restent les champions des blogs. Avec 15% de créateurs de blogs, ils sont seconds juste derrière l'Espagne (17%), largement en tête sur toutes les pratiques de communication en ligne. 58% des Français utilisent les messageries instantanées (MSN, Yahoo messenger...), 38% utilisent les outils de télécommunications, et 10% pratiquent le podcasting.

- Les Français n'aiment pas payer... : sur les services de téléchargement et de divertissement payants, la France est en queue de peloton loin derrière l'Allemagne. 15,4% utilisent les sms sur leur mobile, 9,9% jouent ou téléchargent des jeux vidéo en ligne, 9,8% téléchargent de la musique (27% au Royaume-Uni), 9,8 achètent des logos pour leur téléphone, et 10,6% achètent du développement de photos en ligne. Côté sites payants pratiques : les Français sont encore à la traîne pour les services d'enchères (15,7% contre 37% d'Allemands...), et peu demandeurs des services payants en général (8,9% pour la publication et la consommation de petites annonces, et 3,5% pour les services de rencontres).

- ... mais ils aiment la publicité : Non seulement les français adorent ce qui est gratuit, mais ils ont plutôt une attitude positive par rapport à la publicité en ligne, à condition qu'elle ressemble à du contenu : plus d'un Français sur trois (37%) clique sur les liens sponsorisés dans les moteurs de recherche, un record en Europe. Par contre ils sont moins nombreux à cliquer sur les bannières : 22% visitent un site après avoir cliqué sur la publicité (ils sont avant derniers derrière le Royaume Uni, l'Espagne et l'Italie). Enfin 55% participent à des jeux publicitaires (ils sont largement en tête, devant les Anglais, 35%).
56% des internautes français trouvent que la pub en ligne les aide à découvrir de nouveaux produits.

- Le profil des internautes français : 52% sont des hommes, 48% des femmes. On y trouve 37% de CSP+, 32 de CSP- et 31% d'inactifs. Les tranches d'âges sont assez intéressantes : avec une majorité de 35-49 ans (33%), suivis par les 25-34 ans (23%), les plus jeunes et les séniors (tous les deux à 22%).

(L'étude a été menée par NetObserver entre les mois de mars et juin 2006 auprès d’un échantillon global de plus de 170.000 internautes recrutés sur plus de 400 sites européens.
Vous pouvez télécharger une synthèse de l'étude ici en pdf.)

mardi 17 octobre 2006

Media participatif : mode d'emploi

Comment passer d'un journal papier à un véritable média participatif local ?

Si les travaux pratiques vous intéressent, The Harstville Messenger a mis en ligne son "livre de cuisine du journalisme citoyen" à destination des petits journaux locaux. Le document (à télecharger ici) explique comment ce bi-hebdomadaire diffusé à 5880 exemplaire sur l'agglomération de Harstville aux Etats-Unis (20.000 habitants) s'y est pris pour créer un site internet participatif. C'est à dire un média local ouvert au contenu des internautes.

Une révolution menée en quelques mois :

Pas facile pour une rédaction peu habituée aux enjeux et aux règles très ouvertes de l'Internet de se lancer dans l'aventure du "pure web" : peur du cannibalisme, peur de ne pas savoir faire, peur que les internautes leur envoient n'importe quoi... des craintes que l'on retrouve également en France.

"Nous avions l’habitude de penser journal d’abord", rapporte le rédacteur en chef du Messenger. "Il était difficile d’évoluer Nous avions également peur de faire face à du contenu non approprié, impubliable. En 8 mois, nous n’avons rencontré aucun problème et avons même pu exploiter certains posts dans la version papier du journal."

Un nouveau site hyperlocal pour la communauté :

La rédaction a finalement opté pour la création d'un nouveau site, à côté de celui du journal : "ce dernier était difficile à mettre à jour. Et puis nous ne ne voulions pas être dans « l’ombre » du journalisme, ce qui aurait pu effrayer les gens".
Le site s'est donc appelé "Hartsville Today". Il a été conçu en deux dimensions : d'un côté il y avait la volonté de faire évoluer les journalistes du bi-hedomadaire vers une production de news 24/7. De l'autre, le projet de journalisme citoyen : l'objectif était de rapprocher les habitants du journal, partant de l'idée que "dans une agglomération de 20.000 habitants il y a forcément des événements qu'une équipe de 5 journalistes ne pouvait pas couvrir."

Tous correspondants :
"Le journalisme citoyen c'est l'idée que chacun de nous a une histoire a raconter, une observation, un commentaire à partager, et que nous devenons une communauté plus riche lorsque chacun peut être entendu".

Il y a donc cohabitation sur le site hyperlocal des breaking news des journalistes et des articles ou des photos envoyées par les habitants. En fait, le journal américain a réinventé notre système français de correspondants locaux de presse, mais dans une version plus souple et ouverte : tout le monde devient correspondant à Harstville.

Une vraie stratégie de recrutement

Les règles :
- Recrutez des journalistes citoyens : oubliez l’idée "si je crée un site ils vont venir". Allez visiter chaque communauté, faites la promotion du service, expliquez, proposez des petits paiements par exemple 15$ par mois pour le meilleur post…
- Recrutez des « stringers » pour démarrer le site : payés 50$ par semaine pendant 8 semaines, ces habitants ont été chargés de couvrir l’actu de la communauté et recruter de nouveaux contributeurs.
- Pour démarrer : commencez avec l'info du journal, recrutez des blogueurs locaux et des journalistes citoyens (il a fallu 15 semaines pour faire décoller les contributions, le temps de créer une section photo stable, en fait...)
- Impliquez la rédaction(la production des internautes peut donner des idées de sujets)
- Les jounalistes du Messenger participent également à la rédaction du site notamment pour publier des infos avant la publication dans le journal.

La conception

Une règle : pas de style journalistique demandé aux internautes. Le concept utilisé était : "raconter la communauté."

"Quand vous entamez la conception d’un site vous devez cesser de penser comme un homme de presse, mais vous devez penser comme vos utilisateurs".
Ainsi, les thématiques ont-elles été choisies non pas comme pour un journal mais en s'inspirant "de la façon dont les gens organisent leur vie" : arts, argent, santé, éducation, foi, voisins, animaux, gouvernance locale, clubs et hobbies etc.

Le contrôle :

- Questions : qui va monitorer le site ? Les articles doivent ils être édité ? Les utilisateurs doivent ils donner leur nom ou peuvent ils poster e avec un pseudo ?
- Les choix de la rédaction : les internautes ont la possibilité de poster avec leur mail et un pseudo (pour encourager la participation). Les productions des habitants ne sont pas éditées (en raison du manque de moyens humains). Par contre elles étaient monitorées par l’équipe de l'Université de Caroline du Sud (qui co-pilotait le projet) : à part un post dans un forum, elle n'a n’a jamais eu à supprimer d'article.

Quelques conseils :

- Des flux RSS partout et pour tout.
- Photos, photos, photos ! Créer des catégories pour aider les gens à poster leurs photos (évènements, les gens, patrimoine, sport amateur…)
- Attention à ne pas abreuver les internautes de langage technique ou d’avertissements juridiques. Résistez aux juristes ! Ecrivez simplement, rendez l’utilisation du site simple !
- Ne pas oublier la météo.

Les chiffres :

- Habitants enregistrés : Principalement les 18-29 ans : 32% (un groupe avait été créé dans le lycée local). Mais également une belle proportion de de 50-59 ans (18,3%) et de 40-49 (22 ,5%).
- Contributeurs : En tête, les 50-59 ans suivis des 40-49 ! Puis les 18-29.
- Contenu envoyé par les habitants : juste des photos (29%), conversation (14%), articles (13%), infos agenda (10%)
- Coût du projet : 11.475 dollars !
- Les visites ont doublé entre janvier et juin 2006 (site lancé en octobre 2005)
- En mars 2006 : 34 contributeurs actifs et 274 posts, 120 utilisateurs enregistrés
- Des faits divers ont été vus d’abord sur Harstville Today, postés par les habitants, avant que les journalistes en soient informés par leurs contacts…

(Lire également sur le sujet le post d'Innovations et celui de Common Sense Journalism)

mercredi 11 octobre 2006

Pourquoi YouTube et pas le New York Times ?

Pourquoi Google n'a-t-il pas acheté le New York Times online au lieu de YouTube ? C'est, à mon avis, la vraie question que devraient se poser les patrons de presse après la secousse sismique provoquée par le jackpot web 2.0 de l'année.

YouTube : 12 millions de visiteurs par mois. Le NY Times : 29 millions de visiteurs (un chiffre d'affaires de 832 millions de dollars, et plein de projets).

Susan Mernit le constate sur son blog :
"Si Google cherchait un lieu pour placer ses pubs adwords, ils auraient réfléchi à l'idée de racheter le NYTimes.com. Mais ils ne l'ont pas fait. Et le fait qu'ils aient choisi YouTube montre que le cercueil des médias de masse est déjà au bord de la tombe... (...) Le miracle de YouTube vient du fait que YouTube est une plateforme où la crème (les vidéos générées par les utilisateurs) déborde de la tasse pour être savourée par le monde, pendant que l'entreprise NY TImes est une organisation d'informations qui paie des milliers de journalistes, designers, commerciaux pour créer un contenu d'experts qui dit aux gens ce qu'il faut aimer et penser. Mais ça, c'était le passé."

Les producteurs de contenu n'intéresseraient-ils donc plus grand monde ?
Alors ?

Juste avant l'annonce du rachat de YouTube par Google j'étais en train de préparer un post où je résumais ce qui me semblait être les cinq clefs de l'avenir des médias online de proximité :

- Contenu généré par l'utilisateur
- Profil utilisateur
- Communauté
- Bases de données
- Vidéo vidéo vidéo

Pas de panique, d'accord. Mais il est temps de s'interroger, non ?



mardi 10 octobre 2006

La Dépêche du Midi teste le journalisme citoyen

Le quotidien régional toulousain a lancé le 26 septembre un nouveau service "Ma Dépêche". Un site entièrement consacré au "journalisme citoyen", c'est à dire aux informations générées par les utilisateurs.
Les productions sont classées par centre d'intérêt : "vos infos", "sports" (sport amateur), "vos bons plans" (essentiellement des annonces de manifestations apparemment), "votre vie" (on peut envoyer ses photos de mariage...), forum. Il y a également un espace pour poster ses photos. Et on pourra bientôt envoyer des vidéos.

L'initiative, une première pour la presse quotidienne régionale, mérite évidemment d'être saluée. Mais il y reste encore beaucoup de travail à faire...

Les plus :
- La multiplicité des outils de communication à disposition : Internet, mobile (MMS) et même courrier.
- Le langage simple.
- Les concours.
- La possibilité d'envoyer juste des photos.

Les moins:
- Le fait de séparer le site du "vrai" journal de celui des lecteurs, comme si on ne voulait pas mélanger les torchons et les serviettes. Une façon de dire: ici vous faites ce que vous voulez, mais ne venez pas polluer l'espace professionnel. Je me doute bien que ce n'était pas l'intention de l'éditeur, mais c'est pourtant ce message là qui passe.
- Tout est publié en vrac. Il n'y a aucune hiérarchie et, surtout, aucune communauté par localité. Faire participer les gens à l'actualité, ce n'est pas juste leur donner un terrain de jeu pour balancer des choses, mais de les impliquer dans un projet rédactionnel autour d'une communauté. Ici, la communauté, qui devrait être la commune, n'est pas clairement définie.
- L'ensemble donne l'impression d'une mauvaise copie de correspondant des années 60. On doit pouvoir faire mieux, et trouver d'autres manières de faire participer les gens. Il y a de bons exemples à l'étranger (j'y reviendrai dans un prochain post).
- Il n'y pas assez d'animation.

En conclusion :
Plus que de "journalisme citoyen", je continue de penser qu'il faut parler de média participatif. Nous avons hérité, dans la presse quotidienne régionale française, d'un système sans doute unique au monde : les correspondants locaux de presse. Ces correspondants, que l'on a longtemps considéré comme des sous-journalistes mal payés, préfiguraient en fait le phénomène du journalisme citoyen. Des gens comme les autres qui parlent de leur commune ou de leur spécialité par passion et parce qu'ils sont généralement mieux informés que les autres
Plutôt que de créer un "espace pour les gens", pourquoi ne pas améliorer ce que nous avons déjà ? Pourquoi ne pas élargir le corps des correspondants au reste de la population, grâce aux nouveaux outils du Net et du mobile ?
Ce qui permettrait d'intégrer graduellement les journalistes citoyens à la rédaction, grâce à un encadrement et une conversation organisée par des professionnels.

Le contenu généré par l'utilisateur est la clef de l'avenir de la presse. Et pas seulement une clef éditoriale, mais aussi une clef économique (plus vous impliquez l'utilisateur, plus vous qualifiez vos bases de données).

(Lire également le post de Philippe Gammaire sur le sujet)

dimanche 8 octobre 2006

La convergence est une stratégie de croissance

J'ai montré dans mon précédent post comment une entreprise de presse était en train de passer du média mono-support au moteur d'informations. Voyons comment nous autres journaux pourrions franchir le cap sans faire de la science fiction.
Que signifie la convergence des médias pour un journal ? Cela signifie revoir l'organisation de la distribution de l'info dans une approche "multi-médias". Une seule rédaction, mais plusieurs productions sur différentes plateformes.
Cela veut dire que vous ré-organisez votre rédaction (journalistes, preneurs d'images, secrétaires de rédaction, rédacteurs en chefs, correspondants...) non plus en "métiers" (papier, internet, photo, vidéo), mais en univers (sports, local, culture etc).
Concrètement : votre journaliste devra travailler son info pour plusieurs supports, donc sous différentes formes (son, texte, image) en fonction de l'heure de la journée et de la cible.
Vous aurez forcément besoin, au final, d'un système de gestion de contenus unifié mais vous n'il n'est pas indispensable de démarrer par là. On peut laisser les investissements lourds pour plus tard, une fois que la croissance de l'audience est engagée. Il faudra par contre sans doute un peu plus de journalistes intégrés, mais beaucoup moins que si vous aviez décidé de séparer le papier de l'Internet et de la vidéo. Et comme vous génèrerez de nouveaux revenus, vous entrez dans un cercle vertueux.
Science-fiction ?
"Certains patrons de presse pensent encore que la production d'infos intégrée n'est pas pour eux. Moi je pense qu'ils auront beaucoup de souci à se faire dans le futur..."
C'est ce que dit Dietmar Schantin, directeur du Newsplex. Newsplex est le programme expérimental de rédaction intégrée de l'Ifra, qui a inspiré les journaux d'Edipresse (lire mon précédent post) et le Telegraph pour ré-organiser la distribution de l'info autour du multimédia.

C'est une évidence... mais pourquoi les journaux refusent-ils de voir l'évidence de la convergence ?

- 1) Ils ont le nez dans le guidon et ont un journal à sortir chaque soir. C'est une bonne explication, pas une raison.
-2) Ils gagnent de moins en moins d'argent et ont de moins en moins de marge pour investir et donc prendre des risques.
- 2) Ils ne comprennent pas les nouveaux médias et ont peur de ne plus savoir faire.
- 3) Ils craignent encore la cannibalisation du papier par l'Internet (si l'information sort d'abord sur le Net avant de paraître sur le papier).
- 4) Et surtout : tant que le Net ne génèrera pas plus de chiffre d'affaires que le papier, la priorité restera au papier. Ce qui est suicidaire.

Pourtant, opter pour la convergence permet justement de travailler sur la croissance. Avec la convergence vous n'abandonnez pas l'ancien média pour un nouveau, vous le réintégrez simplement dans un nouveau process :
"L'idée de la convergence se résume à aligner vos process afin de gagner du temps. Et ce temps gagné peut alors être employé pour lancer de nouvelles activités sur les médias numériques."
"Le quotidien danois Nordjyske Medier, a monté une télévision sans augmenter le personnel. La convergence consiste à rendre les process standards plus efficaces afin de réinvestir le temps gagné dans de nouvelles activités. Parce que si vous avez un podcast à faire vous devez gagner du temps ailleurs. La convergence est une stratégie de croissance où l'on aura besoin de plus de monde pour s'occuper de ces nouvelles activités, mais en ayant les moyens. Parce que l'on aura plus d'audience et donc plus de publicité."

(Source : journalism.co.uk)

samedi 7 octobre 2006

Edipresse : la salle de rédaction du futur ?


Pendant que les quotidiens français continuent d'affronter leurs blocages internes, la Suisse a opté pour l’électrochoc. Le travail qui a été réalisé dans les rédactions des journaux d’Edipresse est impressionnant. En trois ans, le groupe a transformé physiquement, structurellement, ses journaux papiers en moteurs d’informations 24/7 pour le papier, le web, la radio, les mobiles et la télévision.

A l’occasion d’une visite organisée par l’Ifra, j’ai pu visiter le siège d’Edipresse et la rédaction « cross-plateform » du quotidien régional de Lausanne, « 24 heures ».

Edipresse est le 2eme groupe média suisse (derrière Tamedia). Avec 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, une batterie de magazines et de quotidiens régionaux :

- Le Matin : quotidien régional payant populaire, people et jeune ( le cœur de cible du lectorat est étonnant : 35 ans. Et la diffusion est en hausse, affirme son rédac chef). Le journal a un petit frère « Le Matin bleu » gratuit, ciblé jeunes également, et pas encore rentable.
- La tribune de Genève
- 24 heures (Lausanne)
- Le Temps : quotidien national de niche.


L’objectif : passer d’une production papier à une production d’informations multi-plateformes 24h/24 et 7j/7. Le chantier était colossal : Edipresse, qui a beaucoup d’argent, a décidé de tout faire en une seule fois : on change l’organisation des rédactions, les contrats des journalistes, et tous les systèmes rédactionnels.

L’idée :
un seul système rédactionnel et une seule base de données de stockage pour tous les titres, accessible depuis n’importe où. Dans chaque titre : une rédaction intégrée travaillant pour plusieurs supports. Des contenus neutres pouvant être repris et travaillés partout.

Concrètement :
- à partir du 6 mars prochain, chaque journaliste écrira, selon l’heure de la journée, pour le web ou le print (il sortira donc plusieurs « papiers » à partir d’une même information). Avant d'écrire son article pour le journal, il rédigera une brève qui sera publié aussitôt sur Net. Il y aura également un peu de vidéo pour la télé locale (mais elle est peu développée et prise en charge par un vidéaste). Les journalistes volontaires pourront être équipés d'une caméra (la vidéo sera ensuite éditée par l'équipe web)
- une équipe de 32 journalistes web est chargée d'éditer et d'enrichir les articles, de rédiger des contenus spécifiques, ou d'animer les sites internet.
- le flux d’infos est géré depuis un desk central, placé au centre de la salle de rédaction : on y retrouve notamment le rédacteur en chef de jour, le responsable du secrétariat de rédaction, le chef de la photo, l’animateur de sites internet.


« La salle de rédaction doit devenir le lieu de la conception et de la réalisation des bouquets de services informationnels »

Il n’y donc pas de rédaction ou de service multimédia à côté, mais une rédaction intégrée accueillant de nouveaux métiers complémentaires : animateur de site (sorte de « DJ de l’info » qui remplace l’ancien métier de webmaster),éditeur web, reporter web. Les rédactions de 24 heures et de la Tribune de Genève (280 journalistes) ont donc été réorganisées (fusion des rubriques nationales et internationales, départs volontaires, suppressions de "vieilles" rubriques) pour dégager 32 nouveaux métiers sans augmenter la masse salariale.

Ce qui est exemplaire dans le projet d’Edipresse, c’est avant tout l’effort d’aménagement intérieur. Toutes les salles de rédaction ont été repensées sur le modèle des rédactions open-space multimédias, disposées non plus en services mais en pétales thématiques autour d’un desk central redistribuant l’info sur les différents supports au fil de la journée.

Ce petit film montre une vue d'ensemble de la salle principale et de son desk :



La salle de rédaction de 24 heures s'inspire du programme expérimental "Newsplex" à Columbia (USA). Elle est composée d’un immense plateau ouvert de 120 journalistes (et pourtant silencieux) autour d’un desk faisant face à un écran de travail géant et collaboratif (permet de choisir des photos, de visionner des chaines de télé ou de travailler sur le chemin de fer du journal).

Autour de la rédaction, on trouve des espaces projets, et des petits espaces cloisonnés pour les réunions, les interviews ou la détente.

C’est évidemment luxueux, mais nous sommes en Suisse. Et les patrons ont également investis dans l’immobilier. Ça aide….



Les six caractéristiques de la nouvelle entreprise de presse :


- Gérer des sources multimédia
- Elaborer des bouquets de services d’information
- Production en réseau 24/7
- Briser le concept de deadline
- Un catalogue en perpétuelle évolution
- Réinventer les modèles de distribution