Après être passé à la division numérique Washington Post (en tant que vice-president of product development) , il vient d'annoncer sur son blog qu'il rejoignait l'équipe web du quotidien régional "Las Vegas Sun".
L'occasion pour moi de rappeler que Rob a lancé pour le Washington Post un site hyperlocal d'infos que tous les patrons de presse quotidienne régionale devraient prendre pour modèle: le Loudoun Extra.
C'est un concentré de tout ce qu'il faut faire:
- Descendre le plus bas possible dans l'info hyperlocale, jusqu'aux tout petits clubs dans les quartiers.
-... et le présenter de la façon la plus "cool" possible. Avec de la vidéo, des photos, une belle interface, comme s'il s'agissait d'info nationale.
- ... et ne pas attendre la parution du quotidien pour donner l'info sur le site.
- Bases de données, bases de données, bases de données : toutes les écoles, toutes les églises, tous les clubs de foot avec des photos panoramiques, les noms des entraîneurs, guides de la ville... tout ce que la communauté cherche près de chez elle doit se trouver chez vous.
- ... idem pour les contenus froids du journal qui donnent de la profondeur au site.
- Des blogs pour faire vivre la conversation et mettre en valeur la communauté
- Des journalistes multimédias locaux, qui ne travaillent que pour le site.
Je reste persuadé que c'est ce type de "petit" projet qui doit être privilégié par la PQR, avant de repenser toute refonte du site ou toute réorganisation globale, source de blocages et de perte d'argent (des tas de journaux en France sont dans cette situation...).
Avec un budget de 60.000 à 100.000 euros par an, salaires compris, n'importe quel journal pourrait aujourd'hui expérimenter le lancement d'un vrai site de news hyperlocal sur une ville moyenne. A condition de bien penser le projet. Un ou deux journalistes web en charge à plein temps pour faire du terrain et constituer de vraies bases de données éditoriales, et traiter en direct les news apportées par l'équipe papier.
Et là, inutile de se creuser la tête: commencez déjà par recopier le Loudoun Extra.
Mise à jour 08 juin: le Wall Street Journal vient de publier un article sur l'expérience Loudoun (relayé par Ph.Couve sur Médiachroniques). Selon le quotidien économique, le site (lancé il y a un an) ne décollerait pas et les internautes ne se bousculeraient pas pour participer à l'info. Parmi les raisons invoquées: la dimension communautaire du site est mal exploitée et la fonction agrégateur du net local (dont parle H.Guillaud dans les commentaires) souhaitée par Curley n'a pas pu être mise en place... Le Washington Post poursuit néanmoins l'expérience, et il a raison. L'intérêt de ce type d'expérience n'est pas tant de faire du chiffre tout de suite que d'expérimenter afin de conquérir un territoire encore largement inconnu. L'expérience du Lawrence Journal World construit sur le même modèle (et créé par Rob Curley), comptabilise entre 30.000 et 50.000 visiteurs uniques par jour pour une population de 89.000 habitants (je vous laisse calculer le taux de pénétration).
Attention donc, dans tous ces nouveaux projets, à ne pas tirer trop vite des conclusions. Le concept, c'est bien, monter un projet au quotidien, analyser ses erreurs, savoir faire évoluer le site, c'est autre chose. Le Net, ce n'est pas mécanique. Et pas forcément rapide. Ce sera de plus en plus difficile, d'ailleurs de monter des projets à décollage immédiat. Il faut plus que jamais expérimenter, investir le terrain de l'hyperlocal, prendre le temps pour aller du concept séduisant à la concrétisation. Un projet doit forcément démarrer léger (ce qui reste le cas du Loudoun), afin de pouvoir corriger le tir au fur et à mesure. C'est indispensable.
(Chiffres LJW: Jeff Mignon)
A lire:
- Plus d'explications sur le départ de Rob Curley (merci à Emmanuel pour le lien).
- Et la réponse de Rob Curley à l'article incendiaire du Wall Street Journal sur le "flop" du Loudoun.
13 commentaires:
Excellent en effet. Amusant de voir comment l'hyperlocal bien mis en scène peut impressionner. Même pas une rubrique "international" ou "politique" pour faire semblant...
Il y quand même quelques initiatives éditoriales intéressantes en presse locale française... le réseau maville de Ouest-France, dans le genre hyperlocal, assez bien fichu, un mix en terme de services, infos, loisirs... dfe proximité. D'après mes infos, ca marche du feu de dieu en terme d'audience
http://www.maville.com/
Autre initiative qui me semble intéressante, toujours en Bretagne, celle de Rennes Infhonet, monté par une demi douzaine de jeunes journalistes...
http://www.rennes-infhonet.fr/
Pour en savoir un peu plus sur son départ
http://www.innovationsinnewspapers.com/index.php/2008/05/27/and-now-rob-curley-and-the-good-news-from-las-vegas/
J'ai volontairement évité de parler de maville.com...
Il y a de très bonnes idées (les bases de données, les petites news en live pour certaines villes, les bébés...), mais on est loin d'un projet comme celui de Loudoun qui se présente comme un vrai site d'infos avec une rédaction, et pas comme un portail de services et de contenus locaux rassemblés sous une bannière impersonnelle (la marque "maville.com").
Ce type de portails appartient au passé, à mon avis. Mais je me trompe peut-être. Quoi qu'il en soit, l'intérêt de monter un site d'infos hyperlocal avec une équipe dédiée (même si on joue la synergie avec le quotidien), c'est aussi d'expérimenter.
Enfin, faut-il lancer un site d'infos locales sous une autre marque que celle du quotidien ? Ce serait une grave erreur!
La presse hyperlocale est la piste la plus sérieuse à mon sens pour que la PQR puisse espérer se sauver. Mais je me pose des questions sur son immobilisme ; je vois mal une direction d'un quotidien régional français présenter à une agence locale un site de type Loundon Extra... C'est presque un choc de civilisation... Ensuite, quelle est la bonne dimension géographique pour un site comme Loudon Extra ? Un bassin de population de combien d'habitants ? Pas facile en France avec une multitude de petites villes, où chaque vallée est un pays en soit... Bref le modèle Loudon Extra est-il vraiment transposable dans notre beau pays de cocagne ?
Bien sûr, Maville n'a rien à voir avec Loudoun, je suis tout à fait d'accord.
Mais dans le paysage web de la presse locale, il me semble que c'est l'une des tentatives "globales" les plus intéressantes. Je dis globales, pour faire la différence avec des tentatives éditoriales web intéressantes, comme celles menés par le Dauphiné ou le Télégramme mais qui restent cantonnées à des points très précis ou à un calendrier précis.
Je serais curieux d'avoir votre avis sur le paysage de la PQR en ligne. Pour savoir selon vous quels sont les titres qui ont à vos yeux la politique la plus intéressante sur le web...
Ce n'est pas moi qui vais taper sur l'Hyperlocal, mais je suis tout de même circonspect sur l'idée d'importer une idée clef en main, comme si c'était une solution idéale. Loudoun Extra est une belle réalisation, mais le problème principal aujourd'hui, qu'on peut voir dans la presse locale en ligne, n'est pas dans la solution qu'elle propose, mais dans sa coupure d'avec tout ce que propose le web et notamment le web vu sous un prisme local (sites sociaux, blogs locaux, outils et mashups, etc.).
Le but n'est pas d'imposer une plateforme toute faite comme il y en a déjà (plus ou moins bien réussie, comme celle que propose le SPHR), mais de parvenir à prendre emprise sur le web local. C'est un autre défi, par forcément plus couteux, mais autrement plus fécond et qui demande surtout de sortir de son réflexe autocentré.
Loundoun est AMHA dépassé.
La prochaine étape sera un Web PQR genre bassin Marseillais avec une redaction professionnelle et des référents spécialisés selon les thèmes (santé, aménagement public, éducation, developpement durable, écologie, habitat) résidents dans chaque quartier et travaillant de concert. En aucun cas ce site ne serait être un relais des institutions politiques ou syndicales locales (ou nationales of course).
C'est la seule oportunuité d'espace public informationnel à conquérir depuis la démocratisation de la publication sur le Net.
L'aspect technique (mashup par exemple) devra être fortement intégré (à bon escient cela s'entend). C'est ce qui justifie la partie professionnelle de l'équipe technique et journalistique de la publication.
Le rôle de la PQR locale sera pour ainsi dire limitée à sa base de donnée (bien que d'autres sources soient possibles, mais dans ces cas là bye-bye la PQR). Elle se contenrera de l'actuelle tranche des séniors actuels en espérant qu'ils vivent le plus longtemps possible.
Bien entendu tout reste à mettre en oeuvre autour de cette base...
@Hubert: Je suis assez d'accord sur le fond, mais l'un n'empêche pas l'autre.
Je ne considère pas le Loudoun comme une solution ultime, je dis juste: "si vous voulez être efficace, voici un modèle qui marche". Je pense que l'on a besoin en PQR de petits projets simples pour aller vite. Des projets comme le Loudoun qui intègrent une rédaction propre, des bases de données éditoriales, du sport local et beaucoup de photos... et qui s'appuient évidemment sur une communauté. Sur ce dernier point (la communauté), le modèle Loudoun est encore trop timide, c'est vrai. Mais rien n'empêche d'aller plus loin par la suite.
La communauté, la syndication de contenus, ce sont des outils, un peu, mais ça ne marche pas tout seul. C'est d'abord une culture et une démarche éditoriale.
@Jean35: Je n'ai pas vu beaucoup de projets qui m'aient emballé. J'aime bien l'interface du nouveau site de l'Alsace ( www.lalsace.fr ). Il manque la dimension moteur de recherche local, bases de données et agrégations de contenus locaux, mais tout est prêt pour y rajouter de nouvelles briques.
C'est étonnant ! Beaucoup - comme vous par exemple - pense qu'il y a un possible, et rien ne se fait.
Et je ne pense pas simplement aux grands groupes possesseur de la plupart des principaux titres de PQR ou nationaux.
Alors que nous vivons dans un monde politique non pas bipolaire comme on tente de nous le faire croire mais unipolaire si l'on considère que le PS et l'UMP nous joue 2 interprétations d'une même partition à quelques variantes près. Généralement les périodes hégémoniques suscitent les expériences... Là rien. A tout point de vue. Nous vivons dans une atmosphère chloroformée anesthésiés par la pensée unique.
Je reste persuadé que dans bien des secteurs le Net à l'instar des logiciels libres peut proposer une alternative. La plupart du temps elles restent à créer (ces alternatives) et plus encore qu'elles sont viables. Mais l'aventure n'est pas ce qui fait le sel de la vie ?
> La plupart du temps elles restent à créer (ces alternatives)
> et plus encore qu'elles sont viables.
>
oups
et à prouver qu'elles sont viables.
Bonjour,
à Christophe Coquis, que j'avais déjà eu il y a quelques mois: mon site que j'ai finis par créer, il est artisanal mais bien présent. Le secteur couvre environ 30 communes pour un peu plus de 30000 Hab. Je ne sais pas si c'est le bon dimensionnement, mais je trouve maintenant des pros pour de la pub. Allez voir "villageinfo28.fr" et sachez qu'il n'y a aucun salarié, et que j'ai un travail par ailleurs, ce qui m'empêche pour le moment de mettre toutes mes idées en place. Mais je suis complètement d'accord d'une manière générale avec vous: petites unités de productions pour l'info hyperlocale. Pour terminer, par rapport à vous, je n'ai aucune études journalistiques ou autres, ce n'est que de l'observation que j'ai pû effectuer moi-même sur le terrain.Mais c'est passionnant.Mon mot n'a pas d'autres buts que de mettre une goutte d'eau dans la rivière de ce vaste sujet pour contribuer à la réflexion.
Et pour répondre à Marseye: il y a du possible et...aussi... de la création locale. Jean-Louis
Merci pour l'info. Je ne connaissais pas ces expériences et c'est pourtant ce que je mets en oeuvre au Daily neuvième, à Paris...
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