Je rebondis sur mon post de mercredi, et sur le long commentaire d'Hubert Guillaud, qui me permet de relancer ce débat passionnant.
Je retiens notamment sa réflexion sur la nécessité d'un contenu éditorial spécifique:
"Sincèrement, je ne pense pas une seconde que les gens attendent une masse critique d'information (un volume particulier). Ils attendent surtout un décryptage de ce qu'il se passe sur le net local, augmenté d'une sélection d'information qui va justement donner de la matière à la communauté électronique locale : matière à débat, à réflexion, à rebonds... C'est en s'inscrivant dans les sujets traités en ligne localement, en apportant des compléments d'information, des réflexions nouvelles, que la presse locale peut se tailler une place en ligne."
Sur le fond, Hubert Guillaud a raison, mais on ne peut pas évacuer la question de la masse critique aussi rapidement. Le contenu local fait de l'audience, qu'il soit adapté ou non à la cible, il fait de l'audience parce qu'il est local et (pour l'instant) quasi exclusif. Et si on veut gagner de l'argent aujourd'hui sur Internet avec du contenu il faut beaucoup, beaucoup d'audience.
Cependant, il est vrai que l'on peut traiter une partie de cette question par la publication gratuite des archives du journal.
Cependant, et c'est là où je rejoins Hubert, pour se tailler une place durable sur le Net, le quotidien doit afficher un vrai engagement éditorial sur le Net. Et ne pas se contenter de capitaliser sur sa marque et son contenu éditorial traditionnel.
Et pour cela, je ne crois pas à la révolution massive au sein des rédactions des quotidiens régionaux. On ne fait pas avancer un dinosaure en le tirant vers l'avant avec une laisse. Je peux vous garantir que ça ne marche pas.
Si le dinosaure ne sait pas où il va, il ne se mettra pas à courir. Même poursuivi par la menace de l'extinction, le dinosaure ne court pas. Mais il peut faire un pas ou deux.
On peut le faire venir en lui montrant qu'il se passe des choses devant. Petit à petit. Une carotte, une lumière, une jolie dinosaurette.
Il me semble plus intéressant, dans ce contexte très critique, plutôt que de placer d'emblée les journaux face un lâcher prise industriel autant nécessaire que terrifiant, de militer pour la mise en place de produits éditoriaux nouveaux. Hors des créneaux habituels de la presse papier. Autour de la vidéo, par exemple. Des produits simples, sexy, générateurs d'audience. Des produits bons pour la marque et le moral, animés par de petites équipes de journalistes ou de prestataires, chargés de lancer des conversations, d'apporter des contenus spécifiques, des éclairages sur l'actualité, de provoquer, de surprendre, d'interpeller et de donner envie.
Cela peut aussi passer par le recrutement d'une poignée de correspondants web parmi les blogueurs locaux chargés d'animer, à leur niveau, et de façon indépendante, la conversation locale.
Cependant, il est indispensable de faire pousser cette dynamique sur le terreau une rédaction intégrée, ou de plus en plus intégrée. Avec les journalistes et les correspondants des rédactions papier qui prennent l'habitude d'envoyer des contenus pour le web, texte, photo et vidéo.
Toute la différence entre ce modèle intégré et les rédactions distinctes ou, à l'inverse, le "bi-média" qui n'a pas fonctionné à Libération, réside justement dans le fait que, si dans une rédaction intégrée, on distingue bien les fonctions, les rythmes de l'info et les contenus, on ne pose pas de barrières. Après, c'est une question d'organisation.
Un journal et sa dynamique web, ce n'est pas toujours le même métier, mais c'est bien, au fond, le même média.
Qu'en pensez-vous ?