Il y a d'abord
les petites phrases, polémiques, de Jim Buckmaster, CEO de la fameuse "Craiglist", accusé d'avoir volé des millions de dollars aux journaux avec son site de petites annonces gratuites : "Les journaux se sont focalisés sur la maximisation de leurs revenus, plus que sur le journalisme." Et d'ajouter, après avoir rappelé que les journaux faisaient toujours deux fois plus de profits que de nombreuses entreprises : "Finalement, prendre de l'argent aux journaux sur ce terrain là est peut-être la chose la plus saine qui leur soit arrivée, tant que le journalisme est concerné".
J'ajoute que Craiglist, à l'origine, n'avait pas pour objectif de gagner de l'argent, mais de rendre service à la communauté... En décembre 2006,
Jim Buckmaster, présent à la UBS Global Media Conference à New York, a abasourdi les analystes de
Wall Street en leur disant que Craigslist avait peu d’intérêt à maximiser ses profits et, au contraire, préférait se concentrer à aider les gens à trouver des voitures, des appartements, des emplois ou des rencontres (source :
Wikipedia)
La petite phrase est polémique, mais Jim Busckmaster n'a pas complètement tort. La crise dans laquelle sont plongés les médias n'est pas que financière et n'est pas dûe qu'à l'émergence d'Internet. Il ne s'agit pas pour la presse de se contenter de trouver de nouveaux businesses, mais d'abord de se remettre en cause. C'est en se remettant en question qu'elle gagnera ces nouveaux marchés.
Fiefs médiatiquesDurant de longues années, de nombreux journaux, locaux notamment, ont fonctionné dans une logique de fief médiatique. Une stratégie fort compréhensible et logique de monopole sur un territoire, assurant des rentrées d'argent régulières. Presqu'une stratégie de dîme locale.
Ce qui se passe aujourd'hui avec Internet, c'est que les fiefs ont explosé. Et que pour retrouver leur place centrale, les journaux doivent d'abord reconquérir leur communauté. Ils en ont (encore) la légitimité. Mais le chemin sera long. Car les rapports économiques et surtout sociaux ont changé. L'usage du média est bouleversé. Ce n'est pas qu'une question de marché et de technique.
Il ne suffit donc pas de mettre du web2.0 dans ses petites annonces ou de la participation sur son site Internet pour gagner de l'audience. Il s'agit de reconstruire une communauté sur la base d'une nouvelle réalité sociale.
Le cinquième pouvoirInternet a réveillé les exigences éthiques des consommateurs
en leur donnant le pouvoir de les faire respecter : j'ai plus de choix, je peux comparer et partir, je n'ai plus besoin de vous pour en parler, je peux voir ailleurs si vous m'avez menti.
Steve Yelvington, le patron du
Bluffton Today, le jeune quotidien local adossé à un site de journalisme citoyen, prévient les journaux qui s'attaqueraient au participatif pour de mauvaises raisons... ou de mauvaises vieilles habitudes. Ne rentrez pas dans l'arène du journalisme citoyen juste pour gagner de l'argent ou faire plus de pages vues,
conseille-t-il. Parce que ça ne marchera pas.
Qu'est-ce qu'un média à l'heure d'Internet ?Un média doit évidemment chercher à gagner de l'argent. Et si l'argent est sur Internet, il faut aller le chercher sur Internet. Encore faut-il le faire pour les bonnes raisons : rester dans son rôle de média. Etre un média plus rentable, donc plus fort.
Ce n'est pas de l'idéologie, cela tient à la valeur intrinsèque de ce que "vend" un journal : pas des boîtes de macarons (pas encore...), mais de l'information, du lien social et des valeurs. C'est à dire les éléments fondateurs d'une communauté.
Avant, on pouvait tricher. Mais à l'ère du cinquième pouvoir, celui de l'internaute tout puissant, c'est plus compliqué.
Dans cette (re)conquète les journaux devront être courageux, audacieux et oser s'interroger à nouveau sur : qui sommes nous ? Pourquoi les lecteurs se tournent-ils encore vers nous ? Qu'est-ce qu'une entreprise média au fond ?"
Parce qu'il répond à une attente bien spécifique, le média ne peut pas vendre n'importe quoi sur Internet, et doit se recentrer sur ce qu'il est aux yeux des gens.
Il serait même "commercialement" dangereux d'ignorer cette posture éthique, qui correspond précisément à l'attente des lecteurs.
Ethique et buisinessAvec
Quelcandidat.com, par exemple, nous avons construit un site sur des valeurs éthiques, sans tricher : discussion et participation libre et sans censure, environnement citoyen, mais aussi un vrai souci d'éclairer, d'informer et d'ouvrir le débat. Avec un patte ludique et légère pour assurer l'audience et conserver cette touche populaire au site.
Je suis heureux de constater que les commentaires et les articles envoyés par les internautes sont très respectueux des autres et de l'outil. Un outil qui est en train, petit à petit, de devenir communautaire.
Le site, aujourd'hui, gagne de l'argent. Sur Internet, il n'y a pas d'incompatibilité entre éthique et trafic. Voyez le succès de
Wikipédia et de
Craiglist.
Le média éthique n'est évidemment pas la seule voie, mais il répond à une demande, et est aujourd'hui le meilleur moyen pour un média de bâtir une communauté sur Internet. Voilà une bonne nouvelle pour les journalistes !
Nous sommes aujourd'hui à l'ère du positionnement sur l'échiquier, pas encore de l'argent facile : nous devons bâtir les communautés pour occuper un marché encore naissant et instable.