dimanche 16 mars 2008

Pourquoi il faut croire au média participatif


Le lancement aujourd'hui de Médiapart.fr (le média participatif d'Edwy Plenel) relance à nouveau le débat sur le journalisme participatif, embarquant au passage un certain nombre de vieux fantasmes (pas toujours à tort, d'ailleurs).

Ici on prédit la fin du journalisme, là on s'étonne de la piètre qualité journalistique de la production des non-journalistes (mais est-ce le bon critère qualitatif? J'ai déjà expliqué dans un post pourquoi on prenait le problème du mauvais côté)

Je n'ai pas grand chose (de pertinent s'entend) à dire sur Mediapart.fr. Il faut laisser à ce nouveau-venu dans la galaxie des médias d'infos en ligne le temps d'éprouver son modèle de participation façon club et son pari de l'abonnement payant. . .

En attendant, voici quelques idées volontairement développées sur le registre des valeurs, histoire d'alimenter le débat:

Pourquoi faut-il croire au média participatif ?

1-
Le participatif va dans le sens d'une démocratisation de l'info.
En s'impliquant dans la fabrique de l'information, en en comprenant les rouages, en collaborant étroitement avec des médias, en apportant dans cette mécanique son propre vécu de l'actualité, le lecteur (et notamment les jeunes générations) ont une opportunité extraordinaire de se réapproprier l'info.

2-
Le participatif multiplie les sources d'information.
Et, tout journaliste en conviendra, c'est plutôt une bonne chose.
Des millions de lecteurs = des millions de témoins. C'est la grande vertu du journalisme collaboratif: permettre aux témoins de faire remonter ressentis, photos, vidéos et infos inédites. Par la multiplication des témoignages, c'est la texture de l'info qui s'enrichit.

Jadis, le journaliste était le premier témoin de l'événement. Il a évidemment perdu ce statut au profit de ceux qui vivent l'actualité. Mais son rôle est désormais devenu essentiel dans le travail de qualification, de vérification et de tri de cette matière brute. Une mécanique qui doit également intégrer les process d'enquête journalistique.

3- L'info n'est plus seulement l'apanage des médias. La vérification et le filtrage, si.

Il est plutôt sain que le journalisme trouve dans la mécanique Internet son contre-pouvoir.
La multiplication des témoignages et des sources d'information sur le Net est une bonne chose. Cependant, cette situation inédite pose aujourd'hui un problème de clarté et de traçabilité à l'internaute en quête d'info. Les lecteurs (comme les journalistes d'ailleurs...) ne savent pas toujours comment réagir face à une info brute "buzzée" sur le Net via YouTube ou Facebook. Face à ce déferlement des sources d'information, ils se tourneront en priorité vers les médias qu'ils connaissent. Donc(s'ils ne rejettent pas ce rôle), vers des journalistes dont la pratique tient toujours de cet artisanat rigoureux : vérifier, filtrer, recouper et contextualiser cette nouvelle matière informative amateur (que CNN appelle le reportage personnel).

4- Il permet aux journalistes de se laisser à nouveau surprendre dans leur traitement de l'actualité.
D'abord parce qu'ils sont désormais en conversation permanente avec les lecteurs et les témoins (qui peuvent les corriger).
Mais pas seulement: alors que certains médias traditionnels ont encore tendance à aller chercher LE témoignage qui illustre la dépêche AFP (parfois en se passant les mêmes témoins entre médias), la participation fait exploser cette mécanique. Et confronte les journalistes à la complexité du terrain, notamment local.

Enfin, les lecteurs (qui influent sur la hiérarchisation des sujets à traîter), jouent aussi un rôle de veille de l'info, de mise en perspective. Ils peuvent faire remonter l'info dite "off" (off the media). Ainsi, interpellent-ils les journalistes (ou la communuauté) sur des faits qu'ils estiment avoir été injustement ignorés.

5- La participation aide à réformer les codes du journalisme. Inutile de rappeler tout ce que les blogueurs, avec leur traitement "pirate" de l'actu, ont apporté au métier en terme d'éditing, d'approche de l'info en réseau, du partage des données, de veille de l'info, de conversation...

Enfin, bonus track: quelques idées reçues à dépoussiérer:

- Participer ne veut pas dire que le lecteur se transforme en journaliste, encore moins en "journaliste citoyen". On l'a vu.
Pour autant, le média participatif, ce n'est pas non plus une rédaction qui laisse la parole aux "lecteurs" (qui d'ailleurs n'ont plus besoin des journalistes pour prendre la parole). C'est une rédaction qui fabrique l'information en conversation -mais surtout en collaboration active- avec des non-journalistes: c'est à dire avec les acteurs directs de cette actualité (qui peuvent être des anonymes comme des personnalités), dont elle accompagne la production. Il s'agit d'un réseau hyper-dynamique de sources d'information, que le journaliste doit savoir animer.

L'objectif étant de produire une info qui soit la plus proche du quotidien de ses lecteurs.

Les journalistes construisent donc leur information de façon poreuse, transcendant les notions d'objectivité et de subjectivité par celle de l'honnêté (formule empruntée à Philippe Couve).


- La participation n'a rien de nouveau. De tous temps, les non-journalistes ont participé à l'info. Créant même leurs propres médias (on l'a vu avec les radios libres).
Internet, qui n'est pas un média, mais une mécanique, a rendu cette dynamique de partage des données plus spontanée et plus libre.


- S'afficher média participatif aujourd'hui ne devrait plus être nécessaire. A terme, tous les médias sur le Net intègreront une dimension participative.

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