Je profite de la lecture d'un post très intéressant sur la fameuse rumeur qui a couru sur Twitter durant les événements de Mumbai (Bombay) pour répondre aux commentaires générés par mon dernier billet sur le sujet.
Stephane Dangel: "Comment par contre, authentifier avec un maximum de certitude une breaking news transmise par twitter ou n'importe quel autre device ?"Emmanuel Parody: "D'un autre côté Joannes a raison de pointer les erreurs et le bruit. A commencer par la pseudo intervention de la police indienne sur Twitter. A ma connaissance l'info a été démontée mais les sites qui se sont extasiés sur cette intervention ne se sont pas précipités pour corriger. L'émotion d'abord... "Certes Joannes passe à côté du phénomène mais je crois que dans ce phénomène il est beaucoup plus question d'émotions que d'informations."
Twitter, la plateforme de micro-blogging, considérée comme "la plus réactive" sur les attaques terroristes en Inde était-elle la plus fiable?
Sur son blog la journaliste indépendante Amy Garhan est une des rares à avoir enquêté sur cette fausse information qui, partie de Twitter, a été relayée par les plus grands médias, la BBC en tête, sans aucune vérification:
Selon le compte twitter "Mumbaiupdates", les autorités auraient demandé aux internautes de cesser de bloguer en live sur twitter afin de ne pas donner aux terroristes des informations qui pourraient leur être utiles. Le 26 novembre, sur le site de la BBC, à 11h, on pouvait lire:
“Indian government asks for live Twitter updates from Mumbai to cease immediately. ‘ALL LIVE UPDATES - PLEASE STOP TWEETING about #Mumbai police and military operations,’ a tweet says.”
La blogueuse a donc enquêté, assez rapidement. Une simple recherche sur twitter lui a permis de retrouver la trace de l'auteur, un certain Mark Bao, habitant Boston aux Etats-Unis. Pas à Bombay...
Ce dernier précise finalement, toujours sur son compte twitter, que finalement, l'info aurait été confirmée en vidéo par la police, mais qu'ils parlaient plus généralement de couverture en live de l'info, sans nommer spécifiquement twitter. Téléphone arabe. On en resterait donc à "couverture de l'info en live"... qui inclut la télévision.
Sauf que personne jusque là n'a confirmé la fameuse source vidéo (Bao n'a toujours pas répondu précisément aux questions d'Amy).
Quelles leçons tirer de cette rumeur relayée par Twitter et les médias?
La faute à Twitter... ou aux médias ?
Hum... voyons voir:
Evidemment, Twitter, comme toute source dite "brute" sur le Net (c'est à dire générée par les internautes, les blogueurs, les citoyens...), n'est pas fiable en soi.
Ce serait comme aller au bistrot, écouter ce qui se dit, et en conclure: "le bistrot est un média". Le bistrot est une source, les journalistes de terrain le savent bien. Pas un média. Twitter, c'est(presque) pareil.
Le problème, c'est que les journalistes traditionnels ne sont pas habitués au "fast checking" sur Internet (vérification rapide de l'information). Nombre d'entre eux sont encore un peu perdus face au web. Qui n'est pas un média, je le rappelle, mais un réseau, où s'échangent des informations, vérifiées et non vérifiées.
Inutile de se réjouir en criant: "Vous voyez? Internet n'est pas fiable!" Ce n'est pas pour cela que toutes les sources non journalistiques ne sont pas intéressantes, de grande valeur. Au delà des capacités d'auto-correction du réseau (façon wikipédia), c'est aux journalistes de se former à la vérification de l'info "brute" sur le Net. A eux de vérifer, d'encadrer les communautés pour en tirer le meilleur. C'est leur métier.
Enfin, pour répondre aux doutes émis par Emmanuel sur la qualité "informative" du "User generated content" (Sur Twitter, c'était de l'émotion, pas de l'info).
Encore faut-il comprendre ce que l'on entend par info. Est-ce de l'info de première main? Il y en a eu, mais très peu (lire aussi ici). Le reste? Beaucoup de veille d'infos en live sur les médias, ce qu'on appelle le "journalisme de liens" et qu'on ose enfin appeler de l'info.
Sur le Net, en plus de cette veille, très riche, très réactive (souvent plus réactive que celle des journalistes, c'est la force du réseau), il y avait aussi de la conversation (c'est de la valeur ajoutée d'info), mais également des photos sur place (c'est de l'info), et de l'émotion (de l'info?). Il y a aussi des témoignages de première main sur des blogs.
Oui, il y en a eu peu. Oui, il y en aura de plus en plus (avec l'arrivée du iPhone, notamment). Imaginez le même événement, aujourd'hui, en plein New York.
Il ne s'agit pas de remplacer l'info des agences par Twitter ou Flickr (la plateforme de photos), mais de les exploiter intelligemment, et de former les journalistes à les apréhender.
A lire également ce qu'en disait Francis Pisani sur son blog ce matin.
Ainsi qu'une discussion sur le sujet (en anglais): how should journalists use Twitter? (merci à Eric pour le lien)
2 commentaires:
Note que je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Bien sûr il incombe aux journalistes de vérifier l'info. Twitter n'est pas "en cause". En revanche la reprise en flux direct de Twitter, puisqu'on renonce à la médiation, relève de la recherche de l'émotion. C'est un choix périlleux à mon avis.
La possibilité de contacter l'emetteur est déterminant mais en toute franchise je n'ai pas senti ce recul chez ceux qui ont commenté les événements. La question n'est pas de critiquer Twitter qui peut jouer un rôle de diffuseur déterminant mais ce que l'on choisit d'en publier. Ouvrir le robinet ne me paraît pas le meilleur des choix.
Dans l'exemple du Post et le congrès du PS, les émetteurs ont été choisis ce qui me paraît un bon compromis.
Deux phénomènes s'entrechoquent :
- la volonté d'avoir une information chaude, immédiate, en direct
- la fiabilité
Twitter est rapide, son contenu n'est pas toujours intéressant, tout le monde en conviendra.
Mais concernant la fiabilité, d'une certaine façon, c'est simplement une question de temps (ce qui entre en conflit avec la première assertion mais pas seulement).
Précision : il faut du temps pour vérifier (le fameux fast-checking), mais si l'on considère que les journalistes ne sont pas tous au fait de Twitter, il leur faut prendre le temps d'identifier les sources fiables, comme pour tout autre type d'informateur (intuitu personnae, téléphone, courriel...). Le cas de Bombay montre que simplement les journalistes ont relayé... des sources inconnues afin de ne pas être doublés sur le "scoop", ce qui n'est simplement pas très professionnel.
Enregistrer un commentaire