vendredi 23 mars 2007

Journalisme citoyen : vrais et faux débats

Le site de journalisme citoyen Agoravox organise demain à Paris les rencontres du "cinquième pouvoir" (les internautes), et le débat citoyens contre journalistes est aussitôt relancé.
Libération tente une synthèse dans son édition d'aujourd'hui ("La presse défiée par les amateurs"), tandis que Jeff Mignon prend le débat à contre-pied, sur son blog, en évoquant l'expérience de la presse quotidienne régionale ("Il y a bien longtemps que la PQR française fait dans le journalisme citoyen") : c'est vrai, la presse locale fabrique son information depuis plus de cinquante à partir des contributions de citoyens, des journalistes non professionnels mais investis dans la vie locale, que l'on appelle correspondants locaux de presse.

J'ai moi-même souvent défendu cette idée, mais la comparaison s'arrête là. Ce que je trouve très intéressant dans la pratique de la PQR, c'est qu'elle est fondée sur la capacité des journalistes localiers à éditer et valoriser des informations fournies par des non-professionnels. La clef est là.

Après, les correspondants sont payés pour leur travail. Ce qui n'est pas le cas, à quelques exceptions près (mais qui ne marchent pas aujourd'hui), des "journalistes citoyens". Je ne suis pas certain que ce serait une bonne chose, d'ailleurs. Que l'on rémunère un non professionnel pour un document, un sccop, une information de valeur, ok (mais ce n'est pas nouveau), que l'on en fasse un système (comme celui des correspondants), ce serait dénaturer le phénomène.

Alors faut-il opposer le journalisme citoyen au journalisme ? Faut-il l'encadrer dans un statut comme le propose le rapport Teissier ? Deux faux débats.

D'un côté, nous avons des internautes qui veulent participer au média mais ne savent pas toujours comment faire, de l'autre nous avons des journalistes dont c'est le métier. La presse n'est pas "défiée par les amateurs" comme le titre mon confrère de Libé, non, la presse est mise au défi de faire rentrer les amateurs dans la fabrique de l'information. Voilà un programme passionnant pour la profession. Et qui est le mieux formé pour cela ? Peut-être bien le journaliste de la PQR...

Je reviens encore une fois à notre expérience sur Quelcandidat.com, le média participatif de la politique, lancé il y a un mois en France par un quotidien régional.
Nous recevons chaque jour une quinzaine de contributions (articles, vidéos, propositions), sans compter les centaines de commentaires.

Il n'y a pas, comme su Agoravox, de comité éditorial qui sélectionne à la façon d'un jury les oeuvres des internautes pour les intégrer au site. Sur Quelcandidat, chaque jour, deux journalistes éditent tous les articles, les corrigent, vérifient l'info si besoin, refont les titres, mettent en Une, modèrent et relancent les débats. Nous recevons parfois des contributions très mal écrites, mais nous parvenons toujours à les retravailler et à les mettre en valeur, parce qu'elles expriment toujours quelque chose d'intéressant : une opinion, même mal construite, est le reflet d'une population et d'un lectorat. Il nous arrive même d'éditer les commentaires pour les rendre plus lisibles, et d'interpeler leurs auteurs.

Ce qui est intéressant, c'est que nous nous sommes rendu compte que nous faisions ce travail très naturellement. Pourquoi ? Parce que les journalistes de PQR sont habitués à corriger la copie des citoyens depuis des années...

L'avenir n'est pas dans le seul journalisme citoyen, finalement très élitiste : quand personne ne vous aide, seuls les intellectuels parviennent à prendre la parole.
On me demandait, à l'occasion d'une conférence : à quoi ça sert que les médias traditionnels fassent du journalisme citoyen puisqu'il y a déjà Agoravox et Dailymotion ?
Justement : à animer, trier, éditer, valoriser cette nouvelle matière.
C'est un vrai métier.
... Celui de journaliste ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre remarque est très intéressante concernant ce savoir faire largement partagé parmi les journalistes régionaux du re-travail éditorial de la "copie de citoyen". Cette culture (et cette compétence ;-) échappe en effet très largement aux journalistes parisiens.
Voilà peut-être pourquoi ils sont comme une poule face à un couteau devant ce fameux "contenu créé par les usagers" (UGC, User generated content, en anglais).
Ils commencent à peine à en deviner la richesse et l'intérêt à travers des expérimentations telles que celle d'Agoravox (on en voit les défaut aussi...), quand les colonnes de la presse régionale en sont pleines depuis toujours (et il a bien fallu quelqu'un pour le traiter!).
La même remarque s'applique à l'animation et la modération des forums: il s'agit typiquement d'une compétence parfaitement maîtrisée par les journalistes localiers et les secrétaires de rédaction de la presse régionale, à travers la gestion des réseaux de correspondants locaux. Pourquoi donc créer un nouveau métier, puisqu'il en existe déjà un fort proche, qui ne demande qu'à s'adapter et le ferait sans difficulté?

Anonyme a dit…

"le ferait sans difficulté", Narvic je crains que vous ne vous avanciez un peu trop, hélas... Entièrement d'accord sur le fond, nous avions la solution sous les yeux depuis le début.

Anonyme a dit…

Dans le genre photojournalisme, il faut voir http://phverant.blogspot.com

Alexandre a dit…

Parfaitement d'accord avec votre approche.

C'est d'ailleurs très similaire à ce que l'on fait sur cafebabel.com : un réseau de journalistes "citoyens" dans toute l'Europe, et une équipe de professionnels qui édite, vérifie les infos et publie les articles en 7 langues.

Sur la rémunération des auteurs, je pense aussi que ce n'est pas déterminant.

En revanche, je pense que pour ce qui est de s'inscrire dans du "scoop", c'est-à-dire dévoiler de l'info inédite, le journalisme citoyen pose ses limites. Tout simplement parce que la recherche de l'info à un coût. Et pour l'instant, le journaliste citoyen se cantonne plus à du commentaire (comme dans Agoravox) qu'à de l'investigation.

Alexandre
www.cafebabel.com

Anonyme a dit…

Benoît, je vous invite à suivre de près, sur toutes ces questions, l'aventure que lance demain 5 avril notreinfo.fr (NB:je ne suis en rien lié aux porteurs du projet, mais j'étais destinataire de leur dossier de presse): leur approche fait en gros la synthèse de bon nombre de vos suggestions concernant les pistes à explorer par la PQR... sans partir de la PQR. Gloups?

Anonyme a dit…

je suis etudiant en sciences de communications sociales en Iran et je suis interesse par le journalisme radio-televiosion pouvez- vous m'aider a trouver des sites ou blogs utiles dans ce domaine?
sur le journalisme citoyen et des weblogs j'en trouve beaucoup mais pour ca non.