mardi 4 avril 2006

Gratuit / Payant : quel est le bon business model ?

Presse écrite ou sur Internet, le débat est loin d'être terminé. Les modèles économiques en sont encore au tatonnement.
En Juin prochain, à Moscou, la World Association of Newspapers se fera l'arène de ce débat en invitant lors de son colloque annuel deux papes du payant et du gratuit (lire ici). D'un côté, Mathias Döpfner, le PDG d’Axel Springer, le plus grand groupe de presse allemand (Bild, Die Welt...), viendra expliquer que le modèle économique des quotidiens gratuits est voué à l'échec :

"M. Döpfner pense que les médias traditionnels sont menacés par le vieillissement de la société et la désaffection des jeunes lecteurs au profit des médias numériques. Mais les journaux gratuits ne sont pas la réponse. Dans une présentation intitulée "L’avenir des journaux : le journal de l’avenir", il suggérera des moyens de sortir de la "supposée crise de la presse" - en imbriquant étroitement les activités en ligne et imprimées et en lançant de "bons vieux journaux", comme Welt Kompakt, publié par le groupe en Allemagne.
M. Döpfner interviendra dans la session "Les Innovateurs en matière de produits," qui examinera comment les éditeurs déclinent la marque du journal principal pour créer une plus large gamme de produits imprimés, ciblant de nouveaux segments du marché et générant des revenus supplémentaires."
En face, Pelle Tornberg, Directeur exécutif de Metro International, le géant des quotidiens gratuits, viendra prècher exactement le contraire :

"Il estime en effet que les quotidiens gratuits remplaceront un jour leurs homologues payants les jours de semaine, et que 95 % des titres payants "survivront" sous forme de produits de niche que les lecteurs achèteront uniquement le week-end."

Sur Internet, les avis sont aussi partagés. Faire payer l'accès au site du quotidien (Le Parisien), faire payer une partie de l'info à travers un service premium (Le Monde) ou offrir l'info locale en continu sans rien faire payer (La dépêche du midi).
Chacun a ses papes, et le peu de chiffres significatifs qui circulent aujourd'hui tendent à prouver qu'aucun business model n'est capable de convaincre définitivement.
A tel point que l'American Press Institute a lancé l'an passé un programme de deux millions de dollars pour chercher et tester les business model de la presse de demain (voir le projet "Newspaper Next", ici).
Leur point de départ est intéressant. Plutôt que de se dire "les gens auront toujours besoin de la presse écrite", point final... ils renversent la réflexion: intéressons-nous librement aux nouveaux modes de vie des consommateurs et donc à leur nouveau "régime d'information". De quel type de produit d'information ont-ils besoin, et quand et comment ? Et créons un modèle à partir de ça :
Clark Gilbert,professeur à Harvard et directeur de la boîte de consulting Innosight : "I have no more important piece of advice for this industry than to bring in the non-consumer and build a newspaper model around them" (aller chercher le "non consommateur" et construire un modèle de presse autour de lui)
Ce qui veut dire que la question fondamentale n'est pas tant : faut-il vendre ou "offrir" nos produits (financés par la pub) que : de quoi ont besoin les consommateurs d'infos aujourd'hui ? S'il y a un besoin et une réponse adaptée, alors il y a un modèle économique.

Le business model Internet de la presse aujourd'hui est finalement aussi vieux que le commerce tunisien : il consiste d'abord à rendre service et à attirer les consommateurs chez soi. De les inviter à "vivre" et à circuler dans ses rayons et ses rues, même quelques secondes, un peu comme un supermarché ou une place publique dans une ville. Devenir un supermarché de l'information, ou, au moins (l'internaute étant de plus en plus nomade et fragmentaire), y participer. Devenir indispensable, surtout.
Tout ça démarre forcément par une base de gratuit, à équilibrer, sachant que le gratuit est irréversible (les enquêtes montrent que les Internautes refusent de payer ce qu'ils avaient gratuitement auparavant). mais qu'il génère une activité et une circulation. Une fois dans la place, l'internaute (à condition qu'on lui permette d'interagir), consomme naturellement d'autres services d'information ou commerciaux... gratuits ou payants (surtout gratuits, d'ailleurs). A partir de là, le business model est plus "facile" à composer et à recomposer en fonction du marché (on paie ce dont on a besoin et qu'on ne trouve pas ailleurs, ou pas assez vite ailleurs... et ce jusqu'à ce qu'on le trouve ailleurs). L'essentiel est d'abord de générer du trafic et de l'activité. Puis de savoir l'exploiter.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Les visions de Döpfner et Tornberg sont complémentaires. Il me parait évident que le gratuit est le mass media de demain, et que les médias payants évolueront vers des niches plus ou moins larges mais très segmentantes.
Reste la question de la ventilation des recettes publicitaires... Et c'est là que les choses risquent de devenir compliquées... Investissements publicitaires stables ou en croissance très modérées, face à la multiplication des supports, et l'atomisation des audiences... A suivre de près.

Anonyme a dit…

je suis tombé sur votre blog suite à ma rencontre avec hubert guillaud du blog leromanais.

J'aime également beaucoup la manière dont vous exposez votre thème.

Chrys
Greblog | MonGrenoble

Anonyme a dit…

ah j'oubliais..

je viens de vous linker en blogroll sur Greblog | MonGrenoble, rubrique "nous aimons ces blogs..."