dimanche 19 février 2006

Médias et banlieues : la fracture médiatique

J'ai été invité jeudi dernier, en tant que cadre de mon journal, à participer à un débat dans une petite salle paumée au milieu des cubes et des tours d'un quartier dit "sensible". Le thème: "les médias face aux habitants". En fait, j'étais invité sans trop d'espoir, ai-je appris (la plupart des médias concurrents s'étaient faits excuser), mais j'ai tenu à me déplacer. Au moins pour l'image.

Je ne l'ai pas regretté : je m'en suis pris plein la figure (pour le compte des médias), mais j'ai appris beaucoup de choses.

- D'abord que lorsque le cinéaste Luc Besson dit qu'il y a dans ces quartiers de la richesse, de l'inventivité et de l'intelligence que la France ne sait pas exploiter, ce n'est pas de la démagogie. Il a raison.

- Ensuite qu'il y a une vraie fracture entre les médias et les populations les plus défavorisées. Mais que plus qu'une cassure, il y a une souffrance. "Parce que les médias nous aident à penser et à voir le monde". La douleur est plus aiguë encore chez les jeunes issus de l'immigration. Ils reprochent aux médias occidentaux une posture "coloniale" dans le traitement de l'information.

"Vous faites les gros titres sur les faits divers dans les quartiers parce
que ça fait vendre, mais sans vous rendre compte de la souffrance que cela crée
chez nous".

Ce type de dilemne se pose chaque jour à mes journalistes. Et il est évidemment impossible de trancher de façon dogmatique sans s'interroger sur la nécessaire liberté d'informer. Et sur le fait que cacher les maux peut parfois faire plus de mal que leur révélation. Parfois, oui... pas toujours.

- Mais ce qui ressort de ces critiques c'est surtout la souffrance provoquée par l'absence de vraie conversation entre la presse et ses lecteurs. Par le sentiment d'être écarté des choix rédactionnels des médias locaux et du miroir grossissant qu'ils offrent.

Je suis reparti avec des numéros de téléphones portables. Et deux propositions d'embauche de correspondants locaux de presse. Des correspondants modernes qu'il faut envisager aujourd'hui comme des "citizen journalists", des habitants qui nous parlent leur proximité.

Comment générer donc cette "conversation" entre médias et "lecteurs" ? Peut-être, en réinvestissant le terrain en profondeur, de cette façon.
Mais aussi avec Internet. L'outil "conversationnel" par excellence, même s'il est loin d'être complètement démocratisé (on a encore plus facilement accès au journal au bistrot qu'à Internet).

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