mardi 28 février 2006

"Everyone can be a journalist"

La vérité sort parfois de la bouche de... l'ambassadeur de Jordanie au Maroc. Ancien journaliste et ancien ministre jordanien de l'information, Nabil al Sherif a expliqué à l'occasion d'une conférence à Casablanca que la presse écrite était condamnée à disparaître dans les prochaines années au profit de la publication et de la conversation sur Internet.
Rien de nouveau, mais il résume le problème assez bien. Et laisse entendre que les médias arabes sont également en train de faire leur mutation. A lire ici (en anglais).

“Thanks to the internet, every citizen has from now on the ability to have his own website. He can write articles, inform and analyze like any journalist. Everyone can be a journalist”, explique Nabil al Sherif. “Citizens are no longer receptive, they have the ability to own online papers and to intervene in the subject and give their opinion”. (...) “Internet is a danger but also an opportunity to promote the printed press. It is a call to change and promote.”
(photo: Kartouch / Moroccotimes.com)

lundi 27 février 2006

Pourquoi la pub sur Internet ne marche pas

C'est Charles-Henri Mourre, le Pdg de Leadium (et ex-Yahoo France) qui pose le problème :

Malgré une progression de 75% en 2005, écrit-il dans le magazine Stratégies du 23
février dernier, "la publicité en ligne ne représente que moins de 6% des budgets publicitaires et il n'est pas rare d'entendre des professionnels du marketing faire part ouvertement de leur scepticisme sur l'efficacité de ce média. Depuis deux ans, presque tous y ont pourtant goûté au moins une fois, mais la plupart d'entre eux n'en ont pas retiré le retour d'expérience escompté."

Bref, ne nous emballons pas, semble-t-il nous dire: si Internet représente l'avenir, la pub en ligne ce n'est pas encore ça.
Pourquoi donc ? Ce n'est évidemment pas une question d'audience. Il suffit de jeter un oeil sur l'OJD pour se rendre compte que l'audience des sites de news est en train de dépasser celle des quotidiens. La vraie raison de cette méfiance légitime des annonceurs, c'est la méconnaissance de l'outil par les publicitaires eux-mêmes.

"Les campagnes en ligne s'achètent en effet encore trop souvent comme un spot TV ou radio, ou comme la quatrième de couverture d'un magazine, sur un modèle d'achat d'espace lié au volume d'exposition de la publicité."
Les schémas de lecture des internautes sont pourtant radicalement différents de ceux des lecteurs ou des télespectateurs, beaucoup plus passifs. La pub sur Internet doit être interactive, et donc ludique, utile ou intéressante. Sinon l'internaute ne clique pas. Et le clic, c'est le nouveau modèle économique de la pub. L'éditeur est rémunéré à la transaction, ou au clic.


"On évoque désormais le concept de marketing à la performance", explique Charles-Henri Mourre.

Quand la pub n'est pas efficace sur Internet, c'est parce qu'on n'a pas exploité ses outils : ni les bons formats (rich media, advergaming, référencement...), ni le bon modèle économique (paiement à la transaction...).
Avec ses techniques de mesures bien plus précises et fiables que celles des médias traditionnels, Internet a tout d'un paradis pour les annonceurs... et les éditeurs.

La grande bataille de demain sera d'ailleurs celle de la qualification de l'Internaute. Exploiter l'interactivité pour mieux connaître son "client", et lui fournir la publicité qui l'intéresse. On ne vend plus d'espace (ni de "temps de cerveau disponible"), mais une fenêtre de dialogue avec un internaute consentant. On est bien loin du concept d'audience cher aux médias de masse. C'est même tout le contraire.

samedi 25 février 2006

Wikio, le kelkoo de l'information, version Web 2.0

C'est la nouvelle start-up de Pierre Chappaz, le créateur du génial comparateur de prix "Kelkoo".
Wikio devrait sortir à la fin du mois de février. Son slogan : "le média, c'est vous". Wikio (ici) est un moteur de recherche de "deuxième génération", qui viendra concurrencer "Google News" et "Yahoo News" en y intégrant une dimension interactive plus importante, en plein dans la vague Web 2.0.
Il s'agit donc d'un "moteur de recherche capable de naviguer dans la masse des informations en provenance de tous les médias, les anciens comme les nouveaux". Y compris les blogs, donc mais aussi les contributions apportées directement par les utilisateurs de Wikio. On pourra donc commenter l'information, mais également produire de l'information.
Voici ce qu'en dit Pierre Chappaz dans une interview accordée à VNUnet.fr (ici) :

"Nous proposerons plus de sources d'informations : 10 000 en langue française contre 500 sur Google News ou sur Yahoo News. Les sources seront catégorisées dans les détails. Nous disposons d'une équipe de documentalistes pour réaliser ce travail. La deuxième grande différence va porter sur l'intervention des utilisateurs. Ces derniers pourront publier leurs contributions directement sur notre moteur de recherche, à côté des articles des médias traditionnels et des autres blogs. Le ranking des articles sera calculé en fonction d'un algorithme mais il tiendra également compte du vote des utilisateurs. Dans le cadre de Wikio, nous proposerons un système de navigation par tag très sophistiqué, qui devrait représenter une innovation dans la manière de parcourir l'actualité. Par exemple, si vous tapez "Nicolas Sarkozy" dans le moteur, vous verrez une cartouche de tags proposant des sujets connexes : UMP, Cécilia, Chirac, etc."

Je vous conseille également de lire le blog de Pierre Chappaz, "kelblog" (ici). Le chef d'entreprise y parle beaucoup des médias :

"Je pense que beaucoup de medias off-line auront confiance dans leurs atouts (crédibilité, réputation, professionalisme, marque établie...) et développeront une stratégie Internet adaptée au phénomène des blogs. Par exemple Le Monde et Le Nouvel Obs permettent déja de créer un blog chez eux.

Les medias tradionnels peuvent tirer parti du web, d'une part en répondant à l'attente des lecteurs qui veulent pouvoir s'exprimer et pas seulement lire comme on lit un journal papier, et d'autre part en référençant leurs sites le mieux possible dans tous les moteurs de recherche pour augmenter leur audience."


Il a raison, sauf qu'aujourd'hui ce sont des gens comme lui qui inventent les nouveaux outils de l'information. Pas les médias traditionnels. A méditer...

Ou encore :

"Les jeunes -et beaucoup de moins jeunes- veulent être des acteurs de l'information et pas seulement des spectateurs, des lecteurs, ou des auditeurs. Nous entrons dans une société ou l'info devient multi-forme, multi-source, une société qui permet à chacun de devenir un media."

vendredi 24 février 2006

La Bondy Blog Academy

Vous avez sans doute entendu parler de cette expérience menée à Bondy, par les journalistes de L'Hebdo. Après la crise des banlieues, l'automne dernier, le magazine suisse a décidé d'installer un bureau dans une banlieue française, Bondy, pour "comprendre et raconter les maux français". Chaque jour, l'Hebdo Bondy Blog (ici) inventait une nouvelle forme de reportage, où les journalistes racontaient librement la vie à Bondy, utilisant le "je" et instaurant une conversation avec les habitants.
Aujourd'hui, l'aventure continue, toujours aussi passionnante. Cette fois, les journalistes ont décidé de passer le relais aux habitants, en organisant une semaine de formation à Lausanne dans les locaux de la rédaction de l'Hebdo (lire ici).

"La solution (...) passe par la constitution d'une équipe de bloggers de Bondy, autour de laquelle, nous l'espérons, gravitera un nombre croissant de
journalistes citoyens. Et pour créer ce noyau dur, nous avons mis sur pied un
cours de formation d'une semaine, à Lausanne, avec l'aide, notamment, de
la Télévision suisse romande et de la Radio suisse romande. Avec une
nuance d'ironie, nous parlons de la "Bondy Blog Academy"…"

Les candidats : trois étudiants, un chômeur, une journaliste pigiste et un ouvrier.

Les quotidiens régionaux devraient suivre de près l'expérience de Bondy. Pour que les habitants s'approprient leur journal, pour que ce dernier ressemble à ce qu'ils vivent, il faut les faire participer. Par l'écriture, le relationnel ou le courrier. Je me souviens d'une phrase d'une lectrice, venue nous alerter sur des problèmes dans son quartier :
"Nous, on a l'escalier, mais vous avez l'ascenseur"
Mais il faut, pour cela, donner des "outils" aux lecteurs.

Voici deux idées :

- Une "Média academy" : former des équipes de lecteurs/habitants au "citizen journalism" en assouplissant les réseaux de correspondants de presse, encadrer leur activité rédactionnelle grâce à des conseils, des ateliers et une correction grammaticale.
- Un "SOS média" : mettre à disposition des habitants les forces de la rédaction pour enquêter et régler des problèmes, des injustices, qui les touchent dans leur quotidien. C'est comme ça qu'ils apporteront des sujets dont les autres médias ne parlent jamais. Ces sujets de la "vraie vie" sont légion... et souvent très vendeurs.

Ces deux "outils" peuvent fonctionner avec un "poste" de journaliste par bassin de 100.000 habitants.

L'interactivité ce n'est pas seulement ouvrir une tribune au lecteur, c'est aussi lui permettre de rapporter au journal des thèmes et des faits qui touchent de près les habitants. C'est bien souvent ce qui rend les quotidiens ou hebdo régionaux bien plus accrocheurs à la Une...

Médias : la confiance des Français en 2006

La Sofres vient de publier son nouveau baromètre Le Point/ La Croix sur la confiance des Français dans les médias (ici). Les chiffres sont globalement stables et même plutôt positifs : 48% des Français considèrent que "les choses se sont passées comme le journal les raconte" (pareil qu'en 2005). 47% estiment que non (-2% par rapport à 2005). La radio reste en tête et gagne 1% (54%), tandis que la télé continue de perdre du terrain (44% lui font confiance contre 45% en 2005). 54% des Français affirment ne pas croire ce que la télévision leur raconte...
Internet ne s'en sort pas mieux: 24% lui font confiance (+1), 22% ne lui font pas confiance (+2%). 54% sont sans opinion.
Par contre, les Français réaffirment leur intérêt pour les médias: ils sont 59% à suivre les infos avec "grand intérêt", soit une hausse de 2 points par rapport à 2005.

mercredi 22 février 2006

Le site du nouvel Obs s'essaie au "payant"

On en parle (Jeff Mignon), mais en détail ici (Gilles Klein) : le news-magazine français "Le nouvel observateur" lancera début mars un service premium: "Club Obs.com" (ici). Assez proche de ce que propose le "Monde.fr", cette nouvelle plateforme d'infos quotidiennes rend payant un certain nombre de services auparavant gratuits, mais offre des "plus" comme les archives illimitées, une revue de presse étrangère, des confidentiels et une adresse mail... Le tout pour 2€ par mois (prix de lancement 1€).
Gratuit/ payant, le débat est loin d'être terminé. Ce qui est sûr, c'est qu'un média qui a de l'analyse et de la plus-value à vendre (ce qui est le cas du Nouvel Obs) serait idiot de ne pas le faire. Reste à savoir si ce mode de financement est le bon. Il y a des tas d'autres façons de monétiser un service sur Internet...
A suivre, donc.

lundi 20 février 2006

Les petites annonces du futur

Il y a une grande règle dans l'univers impitoyable de l'Internet 2.0 : n'essayez pas de rattraper votre retard sur les autres, mais inventez le futur.
C'est ce qu'est en train de faire Edgeio. Cette petite start-up travaille actuellement sur un programme révolutionnaire d'agrégation de petites annonces.
Le principe est simple (si j'ai bien compris) : vous postez votre annonce sur votre blog avec les balises (tags) appropriées, et Edgeio les inscrit à la bonne place dans sa base de données.
C'est tout simple (le programme utilise les standards RSS), et ça permet aux bloggers de passer leurs messages et leurs petites annonces directement sur leur blog, sous la forme qu'ils veulent... et Edgeio les trouvera tout seul.
Cela signifie que les bloggers n'auront plus à passer par un service de petites annonces pour vendre leur voiture, leur maison ou chercher un emploi... il pourront le faire depuis leur site, et ne seront jamais plus isolés. Car (si j'ai toujours bien compris), on ne devrait pas être obligé d'aller sur le site d'Egdeio pour avoir accès aux petites annonces. Edgeio étant une base de données associée à un moteur de recherche, le service est en principe dématéralisable. N'importe qui devrait pouvoir ouvrir un accès à cette base de données depuis son site.
Edgeio se paiera grâce à des pubs contextuelles et proposera aux vendeurs de rester en tête des listes moyennant finances.
Les sites de petites annonces et les journaux ont du souci à se faire.
Mais plus généralement, la démarche d'Edgeio doit nous faire réflechir sur l'évolution des pratiques au sein du Web 2.0., car rien n'empêche d'utiliser ce système pour agréger d'autres types d'informations. Avec la multiplication des blogs, la tendance est de tout faire depuis chez soi. "Chez soi" correspondant à un vague point, non-géographique, situé entre le maillage RSS/hypertexte et l'égo. Cela vaudra pour l'information demain. Je suis chez moi, je veux tout trouver et je veux être trouvé.

Edgeio sera lancé le mois prochain dans le monde...

A lire sur Edgeio :
- Jeff jarvis (Buzzmachine)
- Dan Farber (redac chef de ZD.Net aux USA)

dimanche 19 février 2006

Médias et banlieues : la fracture médiatique

J'ai été invité jeudi dernier, en tant que cadre de mon journal, à participer à un débat dans une petite salle paumée au milieu des cubes et des tours d'un quartier dit "sensible". Le thème: "les médias face aux habitants". En fait, j'étais invité sans trop d'espoir, ai-je appris (la plupart des médias concurrents s'étaient faits excuser), mais j'ai tenu à me déplacer. Au moins pour l'image.

Je ne l'ai pas regretté : je m'en suis pris plein la figure (pour le compte des médias), mais j'ai appris beaucoup de choses.

- D'abord que lorsque le cinéaste Luc Besson dit qu'il y a dans ces quartiers de la richesse, de l'inventivité et de l'intelligence que la France ne sait pas exploiter, ce n'est pas de la démagogie. Il a raison.

- Ensuite qu'il y a une vraie fracture entre les médias et les populations les plus défavorisées. Mais que plus qu'une cassure, il y a une souffrance. "Parce que les médias nous aident à penser et à voir le monde". La douleur est plus aiguë encore chez les jeunes issus de l'immigration. Ils reprochent aux médias occidentaux une posture "coloniale" dans le traitement de l'information.

"Vous faites les gros titres sur les faits divers dans les quartiers parce
que ça fait vendre, mais sans vous rendre compte de la souffrance que cela crée
chez nous".

Ce type de dilemne se pose chaque jour à mes journalistes. Et il est évidemment impossible de trancher de façon dogmatique sans s'interroger sur la nécessaire liberté d'informer. Et sur le fait que cacher les maux peut parfois faire plus de mal que leur révélation. Parfois, oui... pas toujours.

- Mais ce qui ressort de ces critiques c'est surtout la souffrance provoquée par l'absence de vraie conversation entre la presse et ses lecteurs. Par le sentiment d'être écarté des choix rédactionnels des médias locaux et du miroir grossissant qu'ils offrent.

Je suis reparti avec des numéros de téléphones portables. Et deux propositions d'embauche de correspondants locaux de presse. Des correspondants modernes qu'il faut envisager aujourd'hui comme des "citizen journalists", des habitants qui nous parlent leur proximité.

Comment générer donc cette "conversation" entre médias et "lecteurs" ? Peut-être, en réinvestissant le terrain en profondeur, de cette façon.
Mais aussi avec Internet. L'outil "conversationnel" par excellence, même s'il est loin d'être complètement démocratisé (on a encore plus facilement accès au journal au bistrot qu'à Internet).

La constitution de trois grands groupes de PQR en France... et après ?

François-Régis Hutin, le patron de Ouest-France, le constatait lundi dernier dans les Echos :

"La recomposition de la Presse quotidienne régionale est en train de se terminer : trois grands groupes
sont constitués, les autres journaux indépendants veulent le rester, c'est tant
mieux".

Avec le rachat du pôle Rhône-Alpes de la Socpresse (Le Dauphiné Libéré, le Progrès et le Bien public) par le groupe l'Est Républicain et la volonté désormais officielle du groupe "Le Monde" (propriétaire de Midi Libre) de reprendre les régionaux d'Hachette Filipacchi Médias ("La Provence", "Nice Matin"...), la France de la PQR est désormais divisée en trois :

- Un pôle Sud (holding Le Monde / Hachette)
- Un pôle Ouest (Sipa - "Ouest France")
- Un pôle Est (Est Bourgogne Rhône-Alpes - "Est Republicain")

Restent quelques indépendants, ("Le telégramme de Brest", le groupe centre France avec "La montagne", "La dépêche du Midi"...) qui, selon "Le Monde" du 15/02 (ici) ne seraient "résignés à l'isolement". Il y aura donc sans doute encore du mouvement de ce côté-ci. En attendant, la France observe le phénomène d'un oeil un peu médusé, sans savoir quoi penser de ces grandes manoeuvres: signe de la fin ou renforcement ?


"La PQR n'est pas en mauvaise santé financière", souligne "Le Monde", "mais elle est confrontée partout aux mêmes difficultés, la baisse de
diffusion, qui s'est poursuivie en 2005 avec un repli de 1,5 % environ. En dix
ans, les ventes ont chuté de quelque 10 %, soit près de 700 000 exemplaires, et
le nombre de quotidiens est passé de 175 en 1946 à une soixantaine aujourd'hui.
Une chute encore plus forte dans les grandes villes. La PQR doit en effet faire
face à une forte concurrence, d'Internet mais surtout des journaux gratuits.
Certains ont décidé de créer leur propre réseau, Ville Plus."


Tous les quotidiens régionaux ne vont pas mal, certains ont même réussi à s'installer dans la croissance. Leurs recettes se ressemblent : indépendance, nervosité, et forte appropriation par leur lectorat (avec une forte présence sur le terrain et une locale exhaustive à l'ancienne). Une phrase d'une lectrice bretonne du "Télégramme de Brest" (journal indépendant) : "Ils osent dire les choses... et puis c'est notre journal". Tout est dit.

Les regroupements des titres présentent-ils une menace pour l'indépendance rédactionnelle de la PQR ? Je ne pense pas. L'indépendance d'un journal est une question de solidité des ventes et de répartition équilibrée de ses recettes publicitaires, pas de grands groupes.

Ces regroupements pourraient même être une chance pour la PQR, si elle se montre capable d'affronter les grands enjeux industriels qui l'attendent au tournant. Ce qui n'est pas gagné. Mais pas impossible.

En mutualisant ses moyens, techniques et rédactionnels (il n'y a aucune utilité à conserver des informations nationales et internationales propres à chaque titre), certes, mais surtout en les renforçant sur sa principale mission : la proximité. La proximité est une thématique d'avenir. C'est la seule, d'ailleurs, pour ce qui concerne la PQR.
Qu'est-ce que la proximité ? Il y aurait de l'or à se faire pour qui chercherait à répondre sérieusement à cette question !
Pour la PQR, cette proximité s'animerait autour de trois critères, qui sont autant de questions :
- Utilité (en quoi suis-je utile aux habitants ?)
- Conversation (qu'est-ce que ça veut dire : je converse avec les habitants ?)
- Appropriation (qu'est-ce qui fait ou fera dire à ces habitants : "c'est mon journal" ?).
Après : gratuit, payant, Internet, e-paper, i-pod, la forme importe peu... l'important, c'est la place de cette nouvelle PQR dans la vie des gens.

mercredi 15 février 2006

Quand le lecteur re-prend la parole

A lire, sur le blog de Jeff Mignon (ici), le retour d'expérience d'Olivier Chapelle, responsable multimédia de 'Alsace. Le quotidien régional vient de mettre en place, à l'instar de Ouest France, un blog de la rédaction (ici).
Ce qui est intéressant, au delà du succès de l'opération (plus de 350 commentaires sur l'un de leurs derniers posts), c'est la réaction d'une partie de la rédaction, qui a rapidement saisi l'utilité de l'outil pour recueillir notamment des témoignages:

"L'élément déclencheur a été un post sur le résultat du match de Coupe de France de football Colmar-Monaco que j'ai mis en ligne en direct, le 1er février vers 23 h, alors que l'existence du blog, lancé le 30 janvier dans la journée, n'avait pas encore été annoncée dans le print. Le nombre de réactions (exploitées dès le lendemain dans les pages sportives) a fait prendre conscience à un certain nombre de journalistes de l'intérêt du dispositif, au moins pour recueillir des témoignages. Depuis, nous avons repris une première fois des commentaires du post sur les caricatures de Mahomet dans les pages d'infos géné. Nous avons même, en anticipation, lancé des appels à témoignages concernant des dossiers en cours. La page print Interactif, reprenant avec régularité le contenu du blog, ne devait dans mon esprit voir le jour qu'au mois de mars, mais l'avalanche de réactions sur les caricatures nous a poussés à faire plus vite : d'où la parution de vendredi. À terme, la page devrait devenir hebdomadaire et les appels à contributions, issus de toutes nos rédactions, vont monter en puissance rapidement."
J'ai bien aimé aussi ce commentaire du même Olivier Chapelle, après la réaction d'un journaliste sur les dangers de la modération a posteriori des commentaires :
"On a eu un commentaire révisionniste sur le fil "caricature de Mahomet" et il a fallu moins de dix minutes pour qu'un lecteur nous le signale ainsi qu'à tous les lecteurs du blog, assurant ainsi l'automodération du fil. Sache, cher confrère, que le lecteur n'est pas ton ennemi..."
J'ai assisté récemment à de nombreuses réunions où il était justement question de l'interactivité (très à la mode) et de ce bon vieux courrier des lecteurs. Et j'ai été surpris de constater combien mes confrères se méfiaient de leurs lecteurs. La plupart des interventions concernaient les filtres à mettre pour éviter le "n'importe quoi"... Etonnant, à l'heure de l'explosion de la parole des "gens" sur le Net: des millions de messages plus ou moins anonymes dans les forums et les blogs. Un vivier d'expression qui s'autogère et n'en finit pas de grossir.

J'apprécie beaucoup le souci de l'Alsace de ne pas supprimer les commentaires mal écrits ou incompréhensibles. La prise de parole est aussi un apprentissage, du côté du lecteur comme du média traditionnel. Il ne faut pas casser ce lien qui commence à se renouer entre habitants et journalistes via les blogs des rédactions.
On a beaucoup parlé de la fracture citoyenne entre politiques et citoyens, mais encore trop peu de cette terrible fracture médiatique entre des journalistes locaux notabilisés, et des lecteurs qui ne les ont pas attendus pour re-prendre la parole.

lundi 13 février 2006

Cette presse locale qu'on ignore

A lire sur le blog d'Eric Maillard, DGA d'une agence de relations presse (ici) :
"Dans la blogosphère comme ailleurs", écrit-il, "la presse locale n'est
globalement pas considérée au niveau du succès et d'influence qui sont les
siens. (...) Les décideurs parisiens ou internationaux continuent à s'intéresser
en priorité à la presse nationale, notamment pour communiquer, en France. Même
lorsque de vrais problématiques locales existent."
Eric Maillard (qui a eu la gentillesse de citer mon blog) soulève un vrai paradoxe entre image et réalité. Il suffit d'aller faire un tour dans les bistrots de province pour s'en rendre compte: un sujet régional traité dans le quotidien régional a plus d'impact auprès de la population locale que le même sujet publié dans un quotidien national.
Les patrons de presse du monde entier n'ont aujourd'hui qu'un mot à la bouche: "proximité". Même les médias nationaux parient sur la proximité et la personnalisation de l'info. Et, signe qui ne trompe pas, après la "communauté" (encore une spécialité de la presse régionale), le "local" est en train de devenir le mot d'ordre chez les grands d'Internet, Yahoo, Google et MSN (avec notamment le développement du "local search" et la localisation de la pub).
Et pourtant, à Paris, comme en province (... et surtout en province !) on ne parvient pas à se défaire de cette image de "petit média". Local égal "sous national". C'est voir le problème à l'envers. Et ignorer que la presse locale a aujourd'hui de l'or entre les mains.

Orange se lance dans la téléphonie Wi-fi... et pourquoi pas la presse locale ?

L'opérateur de téléphonie mobile sera le premier à lancer en France le nouveau Nokia 6136 qui permet de téléphoner à la fois sur les réseaux GSM et Wi-fi. Ce qui signifie, en gros, que votre Freebox ou Livebox pourra remplacer demain votre antenne-relais de téléphonie mobile.
En pratique, le Nokia passera directement en mode voix sur IP (donc gratuit) lorsque vous vous trouverez en zone couverte par un émetteur Wi-fi. D'autres constructeurs de mobiles sont également sur le créneau.
Une façon intelligente, pour Orange, de contrer l'émergence de la téléphonie par Internet qui, avec le développement des réseaux Wi-fi et des téléphones compatibles, menace de plus en plus les opérateurs GSM classiques.
Mais cela veut aussi dire que l'on est en train, petit à petit, de standardiser le Wi-fi dans l'utilisation de la téléphonie mobile puisque l'on pourra switcher automatiquement entre la voix sur IP et le GSM en fonction du réseau.
Une évolution que les quotidiens régionaux devraient suivre avec attention. Proposer gratuitement un accès Wi-fi sur leur territoire ne représenterait pas un investissement très important (il suffirait déjà de couvrir quelques lieux publics stratégiques) et leur ouvrirait un champ d'audience énorme.

(Source : l'Expansion)

dimanche 12 février 2006

Radioscopie d'une famille d'internautes

Passionnant article de Télérama à lire cette semaine dans l'édition du 8 février : "Internet: le virus gagne la famille" (ici).
Le magazine résume d'abord quelques chiffres utiles sur la place du Net dans nos foyers (sources Médiamétrie et EIAA): avec huit millions de foyers connectés (contre 500.000 en 2002) la France "vient de décrocher la plame de la plus forte croissance mondiale." Autres records : 13h passées devant Internet par semaine (contre 10 en Europe), 75% des Internautes en haut débit (55% l'an passé), 86 sites visités en moyenne par mois (contre 80 en Europe). Côté services et commerces, on apprend qu'un internaute sur deux a déjà consommé sur la toile, mais aussi que les services liés aux voyages et à l'hébergement "attirent en masse les plus de 55 ans" (les plus gros consommateurs ont entre 65 et 64 ans...). 9% des Français téléphonent par Internet et 40% des internautes auraient procédé à des démarches administratives ou fiscales via le Web (source Crédoc).

Télérama dresse également le portrait d'une famille d'internautes. Un couple avec deux enfants, habitant La Ferté-Bernard dans la Sarthe, pas forcément représentatif du quotidien du Français moyen, mais qui préfigure assez bien la place que prendra Internet dans nos foyers dans les deux prochaines années. La mère, prof d'anglais, utilise Internet pour préparer ses cours, tandis que le père, prof également s'en sert pour dialoguer avec ses élèves: "je les ai prévenus que je serais connecté à MSN Messenger (logiciel de messagerie instantanée) la veille du bac blanc pour qu'ils puissent me poser des questions." Le fils, 19 ans, lit la presse sur le Net, "chatte" sur les forums, et découvre de nouveaux groupes de hard rock... "On achète nos livres et nos disques par Internet, ça nous évite de prendre la voiture". Cette année, pour Noël, ils ont fait la moitié de leurs achats en ligne, rapporte le journaliste. Enfin, la fille, passe une heure par jour sur MSN messenger et peut tenir "jusqu'à 14 conversations en même temps". Quand on demande aux deux enfants s'ils préfèreraient garder la télé ou Internet, ils choisissent sans hésiter Internet (selon Ipsos, Internet est devenu le média préféré des 15-25 loin devant la télé), notamment en raison de cette dimension communicante de la toile avec le "chat" (MSN messenger) et les forums.

samedi 11 février 2006

Quand les blogs corrigent la presse locale

A lire ce blog amusant (et terrifiant !) d'un lecteur de la presse locale normande (ici). Il lit les journaux tous les matins et s'emploie à relayer sur le Net toutes les fautes d'orthographes et les coquilles qu'il y trouve. Le tout avec beaucoup d'humour.
C'est un exemple intéressant de ce fameux "retour" lecteur, cet échange libre, qui manque tant aujourd'hui à la presse écrite. Forcément, là, le retour n'est pas très glorifiant pour le journal... mais c'est un risque à prendre. Je suis sûr que les deux quotidiens épinglés dans ce blog auraient intérêt à exploiter ce type d'initiative. Ne serait-ce que pour déceler leurs propres erreurs et optimiser le travail de leur secrétariat de rédaction...

vendredi 10 février 2006

La télé d'Amanda

Preuve que décidément tout le monde peut devenir célèbre et créer son média sur Internet : le vidéo-podcast "Rocketboom".
La conception est simple à pleurer : une jolie fille (l'animatrice Amanda Congdon) présente de façon sympa l'actualité du Net et d'ailleurs. Résultat : le site est classé 159eme sur 25 millions de blog par Technorati. Et il reçoit 130.000 visiteurs/ "télespectateurs" chaque jour (Mise à jour : 350.000 au mois d'avril 2006). Le vidéo-journal est également disponible sur Tivo (l'appareil de sélection télé américain), et sur I-Tunes.
Fort de son succès, le créateur de Rocketboom, Andrew Baron, a choisi de vendre son premier espace publicitaire sur... e-bay.

(Lire également l'article de Vincent Abry sur Agoravox et, en anglais, celui du NY Times)

Vous venez de changer de formule ? Pas le temps de vous reposer !

C'est en substance ce que proclame Pelle Anderson, l'un des créateurs du concept de "Metro", le quotidien gratuit qui a tant fait trembler la presse écrite.
Dans une tribune publiée sur "Techniques de presse", le magazine de l'Ifra (ici), il explique pourquoi les patrons de presse ne doivent pas "s'endormir sur leurs lauriers
"Quelle part de votre revenu provient des annonces classées ? Pour Dagens Nyheter à Stockholm, le réveil a été dur en 2004 lorsque Metro a lancé, contre toute attente, un hebdomadaire gratuit contenant des annonces immobilières et distribué à tous les foyers de Stockholm."

Pour lui, le modèle des annonces publiées dans un journal payant "est déjà mort".
Et, à long terme, "toutes les annonces classées seront sur Internet".

Plus généralement, Pelle Anderson, pense que l'avenir est à la convergence des médias vers une sorte de I-pod/ téléphone portable qui permettra d'avoir accès de partout (via notamment les réseaux locaux wi-fi) à la télévision, la radio et l'internet.
Il conseille également aux médias de s'intéresser de très près au "citizen journalism" et aux phénomène des blogs locaux:

"Dans certaines villes, les blogueurs les plus populaires finissent par contribuer à de nouveaux portails urbains sur le Web et sont rémunérés selon le nombre de lecteurs qu’ils attirent. Rien n’empêchera un journal de voler cette idée."

jeudi 9 février 2006

Un quotidien teste le "premier" journal en e-paper

C'est une "première européenne", annonce "L'écho" (ici) : le quotidien économique flamand "De Tijd" proposera à deux cents de ses lecteurs de recevoir au cours d'une période d'essai (d'avril à juillet), leur journal en "papier numérique" (e-paper).

"Pendant trois mois, les possibilités du papier numérique (e-ink) vont être étudiées. Les 200 lecteurs recevront un appareil de Philips, qui a développé la technologie. L'appareil dispose d'un écran de type papier numérique au format A5. L'écran est également très fin et pourra à l'avenir être flexible."

L'information sera téléchargeable sur le "e-book" chaque jour via Internet (ADSL ou Wi-fi). Pendant la période de test, la version électronique ne reprendra que la version papier. Mais il serait virtuellement possible de télécharger des mises à jour plusieurs fois dans la journée.

On assiste en fait à une jonction entre l'écran et le papier. Le lecteur conserve la prise en main traditionnelle de son journal, mais l'info qui y est proposée fonctionne comme sur une écran d'ordinateur, avec donc possibilité de "faire bouger les photos" comme dans Harry Potter, mais aussi de jouer sur l'hyper-texte. Le mode "d'écriture" doit donc être, à terme, multimedia.
Pour l'instant, l'e-book est évalué à environ 400 euros. On peut imaginer un sytème similaire à la téléphonie mobile, où l'appareil serait offert aux lecteurs en échange d'un abonnement.
"Nous voyons l'e-ink comme une complémentarité au journal actuel, et nous ne nous attendons pas à ce que les lecteurs échangent massivement leur version papier contre la version numérique", souligne Peter Bruynseels du quotidien "De Tijd".
On assiste ici à l'effort intéressant d'un groupe de presse qui a compris qu'il ne suffisait pas d'être présent sur Internet, mais qu'il fallait aussi songer à se doter de nouveaux outils industriels. Parce que, finalement, personne ne sait exactement à quoi ressembleront l'info et le média de demain.
Difficile, néanmoins, de savoir si ce modèle là (l'e-paper) sera standard demain, où si les "lecteurs" seront déjà passés à autre chose. Il existe en effet d'autres options industrielles pour la presse.

vendredi 3 février 2006

Un service d'informations interactif lancé au Japon

J'évoquais dans un précédent post la nécessité pour les médias traditionnels d'inventer des outils innovants s'ils veulent prendre leur place sur le Net. Inventer l'info de demain, au lieu de se contenter de suivre le vent.
L'Agence France Presse et le groupe japonais de services Internet et de télécommunications Softbank viennent justement de lancer un site Internet original au Japon: "AFP-BB" est le tout premier "service d'informations interactif et gratuit au Japon".
Ce service, "qui vise à stimuler le débat sur l'actualité mondiale est nationale" est alimenté par les photos, les textes, l'infographie et la vidéo produits par l'AFP. Le site joue sur la communauté, "une communauté de passionnés de l'actualité".
Pour le Pdg de l'AFP, Pierre Louette: "L'originalité du projet tient à ses clients, les usagers à haut-débit et à l'occasion qu'il leur offre de commenter et de débattre de l'actualité".
"Entièrement financé par la pub", AFP-BB "se présente comme un menu de trois rangées horizontales de photos qui défilent sur l'écran: la première affiche les 100 faits les plus importants, la deuxième les 100 dernières photos mises en ligne, et la dernière les 100 images les plus regardées (...). Les visiteurs peuvent créer un blog ou commenter l'actualité et susciter ainsi ceux des autres usagers. Ils sont aussi invités à paramétrer leur page en fonction de leurs centres d'intérêt."
(Source: AFP)

mercredi 1 février 2006

Les choix des patrons de presse pour 2006

A lire, ce dossier publié par l'Ifra (international association for newspaper and media publishing) dans son magazine de janvier (ici). "Techniques de presse" a mené l'enquête auprès de plus de 200 dirigeants de presse du monde entier pour connaître leurs priorités stratégiques et budgétaires pour 2006. Les réponses sont parfois surprenantes.
En tête des priorités des patrons de presse (à 54%) : le développement de la marque. Les nouvelles activités et la recherche de nouveaux business models n'arrivent qu'en quatrième position.

"Les groupes de presse se preçoivent historiquement comme des fournisseurs
de contenus",
analyse le magazine professionnel. "Force est de constater qu'en
matière de contenus, le paysage s'est considérablement encombré ces dernières
années."


Autrement dit, la peur d'être noyé dans la masse, dans un environnement de plus en plus difficile à cerner pour les médias traditionnels : "Si nous n'avons pas une marque solide, les gens ne prêteront pas vraiment attention à ce que nous aurons à leur dire", commente Poul Melbye, directeur stratégie et développement de Politiken au Danemark.

Autre priorités : développer de nouvelles audiences (2eme position) et de nouvelles activités, tout en réduisant les coûts de personnel (en sixième position). Des projets de développement ambitieux et de fortes réductions de coûts ne sont pas incompatibles, estiment les éditeurs interrogés. Il s'agit pour beaucoup de mettre le frein budgétaire sur les activités traditionnelles afin d'investir sur des secteurs à fort potentiel (et moins coûteux) comme les nouveaux médias. Mais il s'agit surtout d'un défi à l'intelligence :

Barry Dennis, DG d'Archant Norfolk: "Non seulement vous devez être plus
intelligents dans vos réflexions et vos actes, mais en plus vous devez continuer
à innover. Souvent, ça ne vous coûtera pas un sou. Il est impressionnant de
constater le pouvoir d'innovation qui est verrouillé au sein même de nos
équipes".

Enfin, si la volonté d'élargir la stratégie Internet est toujours présente chez les éditeurs papier, ils n'expriment en revanche que peu d'intérêt pour le développement de nouveaux contenus (audio, vidéo), ou du "citizen journalism". Les priorités ne sont plus là. On pourrait être surpris. En fait, il y a une certaine sagesse dans ce manque d'emballement pour les nouveaux "outils" du Net. Il ne suffit pas de s'accrocher aux gadgets en vogue pour se rassurer, il faut aller au fond des choses. C'est à dire comprendre ce que la révolution Internet a changé dans le paysage médiatique, et dans la manière dont le public nous perçoit et reçoit l'information.

Le véritable enjeu des médias de demain, c'est la proximité: "l'utilité" de l'info, et l'hyper-personnalisation.

"You've got to get to the neighborhood level"

Dans un article ("Papers take a leap forward, opening up to new ideas") consacré aux questionnements et aux tatonnements de la presse écrite face aux nouveaux enjeux de la presse, David Lieberman (USA Today) énumère trois pistes majeures suivies par les médias traditionnels pour survivre dans ce nouveau marché : les quotidiens gratuits urbains, les nouveaux médias (infos sur I-pod, téléphones mobiles, Playstation et PSP), et surtout l'info "hyperlocale" sur Internet.
Alors que leurs ventes continuent de baisser (-2,4 en cinq ans, et -2,9 l'an passé) les médias continuent de dépenser des millions en équipement et reporters pour couvrir l'actualité mondiale, nationale ou régionale, et diffuser leurs informations en masse auprès du plus grand nombre de foyers... "Le problème", constate David Lieberman, "c'est que les gens s'intéressent surtout à ce qui se passe dans leur voisinage".
C'est ce qu'a compris Morris Communications avec "Bluffton Today", un quotidien local gratuit de 32 pages associé à un site internet communautaire et interactif, lancé en avril dernier dans cette petite ville de Caroline du Sud (28.000 habitants).

Il n'est pas encore question de rentabilité:
"This is an experiment", insiste Jim Smith, de Morris Publishing Group, qui
encourage les autres médias à essayer le "Bluffton Model": "You've got to get to
the neighborhood level".
C'est la règle de la proximité poussée à son extrème: parlez de ce qui intéresse le lecteur. Ce qui implique naturellement de franchir une nouvelle frontière dans l'information: celle de l'intimité.

Le site internet du "Bluffton Today" mélange donc infos locales, citizen journalism, blogs (notamment le blog quotidien du proviseur du lycée), photos de famille, sondages (concours du chien le plus sympa...) et petites annonces.

Pas très compliqué à mettre en place, apparemment ("any newspaper could do that"). Il suffit que la sauce prenne. Et que l'on ait les moyens d'encadrer et d'animer toute cette info communautaire autogénérée.

Quoi qu'il en soit, ce type de media semble passionner les internautes, à condition de jouer la carte de la communauté (blogs, photos de famille, services de proximité) autant que celle de l'info locale.

Pour David Liberman, la presse traditionnelle américaine vit une période d'expérimentation unique dans son histoire. "Media's sleeping giant is waking up", commente-t-il. Une vraie révolution culturelle et industrielle, qui commence à peine à toucher la France.

Reste à savoir si la presse écrite, qui était maître jusqu'ici de son outil industriel (l'imprimerie), saura faire autre chose que du suivisme en calquant sur son secteur les méthodes des maîtres de l'Internet que sont Google, Yahoo et les fournisseurs de blogs. N'est-elle pas capable d'inventer, elle aussi, de nouveaux outils industriels dans ce domaine ?
Des outils dédiés à l'information sur Internet, à propos de laquelle nous avons encore tout à inventer...