lundi 12 juin 2006

Bluffton Today : l’avenir est à l’hyperlocal

« En 2040, les gens ne liront plus les journaux. Ce n’est pas une question de papier ou d’encre, mais de contenu. Passer le contenu du journal sur le Web ne règlera rien».

Steve Yelvington, journaliste et désormais spécialiste en stratégie Internet, à l'initiative du Bluffton Today, a connu cette apocalypse avant l’heure. Etouffé par un climat hyperconcurrentiel, le « Savannah Morning News » en Caroline du Sud (USA) a perdu ses lecteurs. Le journal a fermé ses portes. Il a fallu tout reconstruire.
Et comme juste à côté, la petite commune de Bluffton était en pleine explosion, « nous avons décidé de bâtir un nouveau journal, gratuit, et un nouveau site Internet. »

La suite confirme une règle dont on entend de plus en plus parler ces derniers temps : l’Internet hyperlocal a de l’avenir. Mieux : plus la communauté est petite, plus les internautes accrochent (lire à ce propos, ici, la success story d'un média hyperlocal, "The Lawrence Journal World").

Ce qui est intéressant dans l’expérience du Bluffton Today, c’est qu’ils ont joué à fond la communauté et le lien social. Et que le site Internet a été utilisé au départ pour faciliter le lancement du journal.
Avec 16.000 exemplaires distribués aujourd’hui, « nous avons saturé toutes nos cibles géographiques. »
Le quotidien est gratuit et hyperlocal. Rien à voir avec nos gratuits français. « Il met l’accent sur la vie locale, sur les passions et les intérêts de la communauté ». L’info nationale est présente, mais en format condensé.

Parallèlement, le site internet (ici) organise la conversation. Ce site, hyperlocal lui aussi, propose bien sûr des news, des agendas et une foule infos utiles à la communauté. Mais il se veut surtout le reflet de cette communauté en faisant participer les internautes au contenu : « Nous ne demandons pas à la communauté de faire l’information, mais de converser, de réagir et d’envoyer ses photos. Sur les événements locaux, nous demandons aux internautes de photographier les gens présents, pas l’événement lui-même».
Résultat : le site Internet se remplit des visages colorés des habitants de Bluffton. « The face of real life », commente Steve Yelvington.

Néanmoins, la participation ne s’arrête pas à cette locale-miroir : le site propose aux internautes de créer leurs propres blogs, qui peuvent ensuite être repris sur le journal. « La conversation alimente l’info » et vice-versa.
« Avant, nous étions les gardiens de l’information et de la vérité.
Aujourd’hui, nous devons être là pour animer, guider, et savoir quand il faut se mettre en retrait »

Steve Yelvington n'aime pas le terme de citizen journalist. Il préfère parler de citoyens et journalistes s'aidant mutuellement.
18 journalistes travaillent au Bluffton Today (les rédactions print et web sont intégrées). 4000 membres sont enregistrés sur le site, et 630 sont des « actives conversation starters ». Chaque sujet attire sept commentaires en moyenne. 280 photographes parmi les citoyens ont posté des photos. 90% des ménages disent lire occasionnellement ou régulièrement le journal.
L’expérience est donc un succès. « La prochaine étape ? Reproduire l’opération sur Savannah»….

Le modèle économique est encore balbutiant, mais c'est dans l'addition des des marchés locaux sur la région que : le site ne rapporte pas d’argent. Mais le journal gratuit, oui. « C’est un modèle très prometteur », me confiait Steve Yelvington la semaine dernière, à l’issue de sa présentation lors du World Editors Forum au Congrès mondial des journaux de Moscou, sans avancer de chiffres. « Il y a de l’espoir pour l’augmentation du lectorat sur les supports écrits ».

1 commentaire:

hubert guillaud a dit…

Ces deux exemples, souvent cités, ont tout de même quelques particularités qui ont certainement un rôle dans le fait que la mayonnaise ait pris.

Bluffton a profité de l'explosion de sa population et de son renouvellement avec des jeunes cadres urbains cherchant à tisser de la sociabilité, et des médias locaux en recomposition comme tu le signales. Lawrence a bénéficié d'une très forte présence étudiante (25 000 étudiants sur 79 000 habitants).

La reproductibilité est tout de même une question de fond et on voit bien que c'est loin d'être aussi simple selon d'où l'on se place. L'impact n'est pas partout égal.

Le lancement de telles tentatives en France par exemple devraient pouvoir réfléchir à quelles villes cibles prendre en compte... Tiens oui, quelles villes pourraient être de bons candidats et pourquoi ?