mercredi 12 juillet 2006

"Demain, on n'imprimera plus de journaux"

C'est ce que prophétise Marty Weybret, le patron du Lodi News Sentinel, dans un éditorial intitulé "A quoi ressemblerons nous dans 125 ans ?" (lire ici, en anglais). Le Lodi News Sentinel est un petit quotidien régional américain couvrant l'actualité de Lodi, en Californie. 60.000 habitants pour la ville centre, et une diffusion du journal autour de 15.000 exemplaires (17.800 en 1992).
Et en lisant le long manifeste de Marty Weybret, publié samedi dernier, j'avoue avoir été assez ému. Sans doute parce que nous vivons tous la même chose. Nous, les acteurs de cette presse quotidienne régionale qui fait parfois triste mine aux yeux des jeunes générations. Alors que, dans son essence, elle n'a jamais été aussi indispensable à la communauté.
Voilà donc le patron d'une entreprise familiale qui écrit à ses lecteurs que le Lodi News Sentinel, leur journal, celui qui a accompagné leur quotidien durant des années, qui a peut-être publié la photo de leur baptème, puis celle de leur remise de diplôme, et annoncé un jour la mort d'un parent ou d'un voisin, que ce journal là est voué à disparaître sous sa forme actuelle. Pas tout de suite, mais sûrement. Un jour, l'imprimerie de papa fermera (le journal est dirigé par le père et ses deux fils). Webret leur écrit que l'histoire, là, aujourd'hui, est en train de souffler un autre air. Un autre vent. Qu'une grande page est en train de se tourner définitivement. Que le navire est sur le sable, un peu ébranlé, face à un nouvel océan, l'Internet.
Et que le Lodi News Sentinel est prêt à hisser ses voiles pour se lancer dans cette formidable aventure.
"Je suis sûr de cela, dans 125 ans, on n'imprimera plus de journaux à Lodi. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de journal. Si en 2113 les gens s'intéressent toujours à ce qui se passe dans leur communauté, alors il y aura toujours un business pour leur apporter des nouvelles sous forme électronique"
Marty Webret raconte le vieux combat des quotidiens régionaux pour ne pas perdre pied face aux médias radio, d'abord, puis la télé, et aujourd'hui cette hydre d'Internet : l'araignée Google, et l'ogre Monster.
C'est à qui sera le plus pratique. Et à ce jeu là, l'Internet et les innovations mobiles finiront par l'emporter un jour.
"Mais le vrai changement", ajoute Webret, "c'est l'interactivité. La possibilité pour le lecteur de nouvelles de devenir diffuseur. Nous avons toujours eu le courrier des lecteurs, mais quand votre opinion ou votre vidéo personnelle atteindra la communauté aussi facilement que nos infos, alors la société sera transformée. Ceux qui s'intéressent aux nouvelles seront capable d'être leurs propres reporters, ils influenceront donc notre traitement de l'information et décideront plus directement quelles infos concernant la communauté devront être couvertes."
Finalement, Webret voit dans le journal de demain non pas la disparition d'un métier, le journalisme, remplacé par le lectorat (comme on pourrait le croire à tort) mais une interactivité instantanée et vivante. Une sorte de conférence de rédaction ouverte et permanente avec les lecteurs. Un autre monde.
Sans arbres coupés.

(Source : Lodi News Sentinel, via Cyberjournalist.net)

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