mercredi 5 juillet 2006

Peut-on encore lancer un quotidien payant en France ?

Alors que la presse nationale française payante continue de sombrer dans la déprime, les décideurs allemands jouent les optimistes. Le groupe d'Axel Springer (Bild, Die Welt) s'apprêterait à lancer un nouveau quotidien... en France. C'est ce qu'assurait le "Le Parisien/Aujourd'hui en France" hier (repris par "Le Monde" ici), hypothèse confirmée aujourd'hui par le porte-parole du groupe berlinois (ici)
Ce nouveau quotidien s'inspirerait du concept de "Bild", le journal populaire allemand détenu par Axel Springer. Il serait distribué à 600.000 exemplaires et vendu à un prix très bas : 0,50 centimes d'euros. Toujours selon le "Parisien", c'est Didier Pourquery, l'ancien patron du gratuit Métro (et ancien rédact chef de feu "Infomatin"), qui serait nommé à la tête du titre.
A l'heure où la presse papier payante semble condamnée face à la génération du gratuit et du Net, l'annonce du lancement d'un nouveau quotidien a de quoi surprendre. Sauf que ce n'est pas la première fois que le groupe lance un nouveau quotidien, et que leurs dernières audaces ont été couronnées de succès. C'est ce que Mathias Döpfner, CEO d'Axel Springer, était venu expliquer en juin dernier à Moscou lors du Congrès mondial des journaux : "Print is not dead ! And journalism is alive", déclarait-il, chiffres à l'appui.
En 2004, le groupe allemand lançait "Die Welt Kompakt", une version tabloïd et "jeune" du quotidien "Die Welt". Un contenu très différent, mais produit par la même équipe éditoriale que ses deux grandes soeurs ("Die Welt" et le quotidien régional berlinois "Berliner Morgenpost"). Le journal est également moins cher (0,50 centimes) et bénéficie d'un bouclage plus tardif. Résultat : une augmentation de la diffusion de l'ensemble des journaux du groupe de 25% ("Die Welt", "Die Welt Kompakt", et une cannibalisation avec "Die Welt"" de 5%. Intéressant : le lectorat est composé à plus de 50% de non-lecteurs, annonce Döpfner. Précisant qu'il s'agit d'un "lectorat dynamique, jeune et éduqué". "C'est évidemment un modèle de lancement de quotidien, tous les coûts étant marginaux (impression et rédaction). Un avantage dont ne disposera pas le groupe en France.
Autre succès "springerien" : le lancement réussi en 2003 d'un quotidien populaire en Pologne. Conçu sur le modèle de "Bild", "Fakt" est devenu le plus gros quotidien national polonais en seulement trois mois, avec trois millions de lecteurs (sur 38 millions d'habitants) et 500.000 exemplaires vendus. La France n'est évidemment pas la Pologne, qui souffrait à l'époque d'une sous-implantation de la presse quotidienne. Mais les bons résultats du groupe d'Axel Springer font réfléchir. Le print a-t-il encore de l'avenir ?
Nous aurions tort de déclarer mort un support qui ne l'est pas. Pas encore. Même si en France, après l'explosion en vol de France Soir, et la déroute de Libé, je ne vois pas qui pourrait venir décrocher la timbale du print, si elle existe. Mais qui sait ?
L'avenir n'est ni aux gardiens du papier, ni aux prophètes du Web, mais aux pragmatiques qui auront su aller chercher leurs lecteurs là où il fallait les trouver. Non?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La déroute de france Soir et les difficultés de Libé ouvre probablement un créneau...