"Google et Yahoo connaissent l'importance du local".C'est le message alarmiste qu'a voulu faire passer Stephen Gray, directeur de "Newspaper Next" (Le programme d'innovation de l'Americain Press Institute) en ouverture du "Media Giraffe Project" qui se tient à Amherst (USA) jusqu'au 1er juillet.
Alarmiste, mais réaliste.
Tous les efforts des grands stratèges de l'Internet (Google, Yahoo, Microsoft) sont désormais tournés vers les services et l'information locale.
La proximité sera l'enjeu majeur des cinq prochaines années. C'est une menace, mais aussi une formidable opportunité pour la presse locale.
"Aujourd'hui, les gens veulent savoir ce qui se passe près de chez eux", a poursuivi Stephen Gray devant les représentants de l'industrie de la presse américaine. Une industrie sous la menace de ce qu'il appelle "disruptive innovation" (innovation de rupture) : des développements technologiques en rupture avec l'industrie traditionnelle, et qui pourraient pousser les lecteurs à chercher des sources alternatives d'information. Si les journaux ne prennent pas les devants.
Or, rapporte Gray, une étude de "Newspaper Next" révèle que 72% des patrons de presse ne savent pas comment transformer leur business pour s'adapter à l'ère digitale.
Inquiétant.
"Il est clair que l'industrie ne sait pas ce qu'il faudra faire demain."J'ajouterais qu'elle n'a non seulement pas de vision claire des changements majeurs qu'elle devra opérer demain, mais que la presse locale (qui est la première concernée) reste encore persuadée de maîtriser une information exclusive qui ne sera jamais concurrencée, les modèles économiques de l'info hyperlocale n'étant pas encore viables.
Au lieu d'être un atout, cette "presque-illusion" de maîtrise de l'info locale s'avère être un véritable frein à l'innovation.
"Les journaux doivent avoir une approche de l'individu et se demander : qu'est-ce qui se passe dans la vie quotidienne des gens qui peut les pousser à rechercher de l'information ?"Cela veut dire, concrètement qu'il faut essayer de cerner les différents publics (marchés de masse ou de niche) que la presse locale veut toucher, comprendre leurs besoins, et voir comment elle peut y répondre : avec quels produits, c'est à dire quels contenus et quels outils sur quels supports.
"Les médias traditionnels doivent maintenir leur coeur de marché (le quotidien papier) tout en développant leurs propres "disruptive products", leurs propres produits innovants afin de répondre aux besoins de leurs communautés."
Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que les journaux ne doivent pas "faire de l'Internet", comme je l'entend dire parfois, c'est à dire s'adapter parce qu'on y est bien obligé... c'est à dire recopier, en moins bien, ce qui se passe ailleurs. Ils doivent au contraire saisir cette formidable opportunité : tirer partie de leur immense expérience du local pour inventer de nouveaux produits.
"Ces innovations constituent une opportunité pour les journaux d'étendre leur marché et d'augmenter leur audience."
(Sources : journalism.co.uk, et "Media Giraffe Project")
5 commentaires:
"Aujourd'hui, les gens veulent savoir ce qui se passe près de chez eux" : avez-vous des statistiques précises à ce sujet ? Tout le monde n'est pas obnubilé par l'actualité locale...
Les ventes des quotidiens régionaux prouvent le contraire...!
Les chiffres ne disent pas le contraire. La presse quotidienne régionale subit une lente érosion, mais résiste mieux que la presse nationale. Et de manière générale, dans la plupart des communes, le quotidien leader est toujours le quotidien local. Le premier quotidien français est d'ailleurs un quotidien régional.
Le fait que les ventes baissent ne veut pas dire que les lecteurs ne s'intéressent pas au local, mais que les supports et les contenus ne sont plus adaptés aux besoins.
Il ne s'agit d'ailleurs pas tant de statistiques que d'une règle générique : celle de la proximité de l'information. Proximité thématique mais surtout géographique (voire identitaire), c'est toujours elle qui prime dans le choix de l'info. Les études lecteurs le confirment.
Reste à savoir quelle type d'info locale peut répondre à ces nouveaux besoins. Vous parlez "d'actualité locale", mais ce n'est qu'un volet de ce que j'appelle "info locale" et que Gray appelle "local stuffs"... On se rend compte que c'est surtout la valeur d'usage de l'info (son utilité) qui l'emporte.
Mais j'y reviendrai dans un prochain post.
Je vis dans une région, L'Alsace, où les quotidiens régionaux ont plutôt bonne réputation et d'excellentes pénétrations. Ces dernières années, ils n'ont cessé de se remettre en cause. " L'Alsace " vient de sortir sa nouvelle formule il y a un mois. Pourtant, malgré tous ces efforts qui vont dans le bon sens, la diffusion continue de s'éroder. J'ai l'impression que ce débat sur l'usage de l'info anime les rédactions depuis quelques années maintenant, mais que personne ne trouve la formule qui fait la différence. Les seuls à avoir bouleversé le milieu sont les gratuits, qui répondent à la problématique avec des nouveautés sur le fond et un prix nul. Dans notre société où le pouvoir d'achat des jeunes générations est tendu, la presse traditionnelle n'a cessé d'augmenter ses prix, allant à l'encontre de cette tendance de fond. Je me demande si la remise en cause ne devrait pas commencer là pour gagner de nouveaux lecteurs...
On dit parfois des nouvelles formules qu'elles habillent les morts :)
C'est un peu dur, mais ça a le mérite de faire réfléchir.
Personne ne trouve la formule parce que le support n'est peut-être plus adapté pour les nouvelles générations.
Les études montrent que les non-lecteurs n'achèteront jamais le journal. Sauf s'il est gratuit. Votre analyse n'est donc pas fausse, mais ce n'est pas en baissant le prix que l'on montera les ventes.
Le débat ne porte plus sur la conception de nouvelles formules, mais sur la pénétration du marché (donc l'audience)... quel que soit le support : journal payant, journal gratuit, internet etc.
On réfléchit donc toujours à l'usage de l'info, mais désormais on s'intéresse aussi aux supports les mieux adaptés.
Et là, c'est vrai, on peut effectivement constater que le modèle économique du journal payant est moribond. Pour l'instant.
Mais je connais aussi des patrons de gratuits qui s'inquiètent...
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