France Soir qui envisage de devenir un quotidien gratuit, Le Figaro dont la nouvelle formule n'a pas fonctionné (lire l'analyse de Jeff Mignon ici), celle du Monde qui prend le même chemin malgré les jolis chiffres (+19%) annoncés par le groupe la semaine dernière (le Figaro avait aussi annoncé une hausse le premier mois), Libération qui agonise dans le chaos, les nouvelles formules qui s'enchaînent et qui donnent bien souvent au lecteur fidèle un bon prétexte pour ne plus acheter son journal, et la presse quotidienne régionale qui s'écroule moins vite parce qu'elle n'a pas (encore) trouvé de concurent valable sur l'info de proximité... bref, comme le titrait l'hebdomadaire "Marianne" à la mi décembre 2005, en proposant de créer un téléthon pour la presse écrite : c'est la "catastrophe".
Oui, sauf que Marianne n'analyse pas les causes profondes de la crise, et explique que si ces grands journaux s'écroulent, c'est parce qu'ils sont mal dirigés et mal positionnés politiquement. En gros, qu'ils ne reflèteraient pas l'opinion de leurs lecteurs. Exemple: ils ont fait campagne pour le Oui, tandis que leurs lecteurs ont voté Non. Après la fracture sociale, la fracture numérique et la fracture civique, voici la fracture médiatique... L'analyse est incomplète. Et dépassée. Elle repose sur cette vieille conception selon laquelle les journalistes sont là pour éclairer leurs lecteurs. La fracture vient-elle du fait que les journaux ne savent plus "bien" éclairer leurs lecteurs, que les lecteurs ne savent plus être éclairés (résultat de" l'abrutissement des masses", selon Marianne), ou plus simplement que le lecteur n'a plus besoin de la presse écrite pour se faire sa propre opinion ? La presse chute, les gens sont-ils moins informés ? Soyons sérieux.
La question que nous devons nous poser aujourd'hui, nous médias, n'est pas: comment mieux éclairer le bon peuple des lecteurs. Mais plutôt : en quoi sommes nous utiles ? On a coutume de dire que la première question à se poser dans une entreprise c'est : "what is your business ?" Je pense qu'il faut d'abord nous interroger sur notre utilité. Informer ? Certes. Mais en quoi l'information que nous publions est-elle utile ? Eclairer ? Peut-être. Mais en quoi notre éclairage est-il plus utile que celui d'autres spécialistes ?
En quoi sommes nous utiles ? Nous rendons service ? Ok. Lequel ? Publier des informations services repiquées sur les sites institutionnels ? Publier des conseils pratiques dont l'amateurisme n'échappe pas aux spécialistes ? Qu'est-ce que rendre service pour un journal ? Voilà une bonne question à se poser.
Et pourquoi cette notion de service, d'utilité, est-elle importante ? Parce qu'un quotidien doit s'appuyer sur une communauté.
Le journal "La Croix" l'a relativement bien compris. Il propose un quotidien pédagogique pour une communauté : les lecteurs de sensibilité chrétienne. Résultat : une diffusion en progression depuis sept ans. Pour les autres quotidiens nationaux, ça sera plus compliqué. Le Parisien annonce qu'il veut être le journal de la "France exacte", c'est à dire le journal de la majorité silencieuse, celui qui prend le pouls de la communauté nationale, et la laisse s'exprimer. C'est incantatoire, mais c'est un début de prise de conscience.
Pour la presse locale, la communauté est toute trouvée. Reste à répondre à la question magique: "en quoi sommes nous utiles ?" Et aller chercher les réponses partout où elles se trouvent. Et pas seulement sur le modèle "papier".
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