Emmanuel Parody s'est amusé (ici) à comptabiliser les contributeurs non-journalistes sur "Ohmynews", référence mondiale du "citizen journalism" (il s'agit d'un site d'infos alimenté par des citoyens) : sur les 21 principaux contributeurs du média, 3 seulement ne sont pas journalistes. Les 18 autres sont des journalistes indépendants ou des étudiants en journalisme. Les trois non journalistes ? Un chercheur, un consultant et un enseignant.
Sur AgoraVox, le "Ohmynews" français, je n'ai pas trouvé la liste des principaux rédacteurs, mais aujourd'hui par exemple, le "rédacteur du moment" est un journaliste indépendant et encarté. Les rédacteurs du jour ne sont pas forcément journalistes, mais il y a beaucoup de militants associatifs et des intellectuels.
On voit bien ici la difficulté qu'ont les sites de "citizen journalism" à mailler la population.
Un média "citoyen" ne se lance pas naturellement. Il ne suffit pas d'ouvrir les vannes. Sinon, ce sont toujours les mêmes qui parlent.
On se rend rapidement compte, par exemple, qu'il faut d'abord bien définir le type de news que l'on souhaite obtenir : témoignage, info brute (faits divers par exemple), veille et reprise d'articles publiés chez les médias traditionnels (type "scoopeo"), commentaire de l'actualité (blog)... Pourquoi ? Parce que chaque type de news demande un mode de production différent. Si l'on veut recueillir auprès des "citoyens" l'ensemble de ces infos, il faut donc développer des interfaces différentes, et du personnel, pour aider les citizen journalists dans la production de ces informations.
Il y a d'ailleurs encore tout à inventer en matière d'interface, si l'on veut que des personnes ayant des difficultés à s'exprimer, puissent aussi commenter et rapporter des news.
C'est là que l'on se rend compte que si tout le monde peut, a priori, récolter, analyser ou hiérarchiser l'information, il existe bien un métier de l'information.
Il se définit, entre autres, à travers le process industriel qui va de l'organisation de la récolte de l'information à sa diffusion, en passant par le tri et la vérification. Quels que soient les contributeurs, d'ailleurs... Vérificateurs d'infos, éditorialistes, rédac chefs, tous n'ont pas à être journalistes. On peut varier les plaisirs. On peut même confier la hiérarchisation et le secrétariat de rédaction à la communauté. Le tout est d'organiser le mode de production.
2 commentaires:
D'accord avec vos commentaires, d'ailleurs je garde en mémoire un de vos excellents billets mettant en rapport le journalisme citoyen et votre expérience dans la gestion des réseaux de correspondants.
Ce qui m'intéresse ici c'est moins de découvrir qu'en fait l'encadrement et l'organisation est parfaitement calquée sur les médias traditionnels avec une équipe de journalistes salariés, que parmi les contributeurs se dégage spontanément un noyau dur de journalistes.
Le phénomène pourrait être comparé à la capillarité: on ne cherche pas à promouvoir des journalistes mais on établit au départ des règles de professionnalisme et des exigences qui sont celles des journalistes. Ceux qui maitrisent ces règles sont naturellement ceux qui s'approprient peu à peu le média. le phénomène existe aussi sur Current TV où j'ai été frappé de voir que la production qui passe le filtre de l'antenne est majoritairement issue de journalistes. Bien sûr cette population a aussi l'avantage considérable de disposer du temps, cette denrée rare, pour exercer cette fonction d'informer ce qui n'est pas le cas des autres citoyens.
Il y a sur ohmyNews une majorité de non-journalistes parmi les contributeurs mais au regard du volume publié le ratio s'équilibre ou s'inverse. ce qui relativise largement la portée utopique du "journalisme citoyen" sans pour autant en nier l'aspect enrichissant.
Je crains toutefois que la réelle originalité du phénomène doive surtout se chercher dans le modèle économique et le fait que tout ce beau monde accepte, au nom de l'utopie, de travailler sans être rémunéré en proportion du travail effectué...
excellente analyse. Aussi, pour inciter les citoyens à se lancer dans leurs propres investigations des médias "type" agoravox envisagent de rémunérer (en matériel par exemple) les vidéos d'actu inédites.
[post relayé]
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