lundi 30 janvier 2006
L'échec du journalisme citoyen ?
Pour Emmanuel Parody, qui évoque le sujet sur son blog (ici), "Dan Gilmor tire de son échec "des réflexions intéressantes sur le nécessaire encadrement du mode participatif mais où on lit clairement aussi la nécessité de maîtriser toutes les finesses du modèle économique et du marketing en ligne. Bref la bonne volonté ne suffit pas, place à la discipline."
Ce qui est justement le modèle d'un autre site de citizen journalism, dont le succès n'est plus à démontrer: "Ohmynews": "Ils ont développé un très strict encadrement du processus de publication avec des journalistes professionnels chargés non de produire mais de préserver la lisibilité et les standards du journalisme traditionnel." (Chaque article envoyé sur Ohmynews est accompagné d'une fiche de background permettant aux journalistes de vérifier les sources et le contexte dans lequel l'info a été récupérée)
Bref, analyse-t-il, "c’est un peu le paradoxe de ces initiatives qui réinventent avec passion le média d’information tout en instaurant peu à peu les processus, les règles de professionnalisation, qui font le socle un peu monolithique de la presse traditionnelle."
Il y aura bien évidemment des mauvaise langues pour conclure que ce constat signe l'échec du journalisme citoyen, qui ne peut pas survivre hors de règles du sacro-saint journalisme : la nécessité de vérifier l'information, le besoin d'un modèle économique (et donc la rémunération de ces "journalistes citoyens" qui deviennent de facto "professionnels")...
Mais il y a aussi et surtout le fait qu'ouvrir le média à "tout le monde"ne veut pas dire que "tout le monde" y aura accès. Parce qu'écrire, maîtriser un outil journalistique ou multimédia, n'est pas à la portée de tous, justement. Et qu'il est bien injuste de proposer une porte médiatique aux "citoyens" sans leur en donner la clef.
Nous vivons d'ailleurs ces problèmes presque tous les jours en presse quotidienne régionale. Nos milliers de correspondants locaux sont bien des non-professionnels, des "gens" qui parlent "aux gens" de leur village, ou de leur quartier. Et qui sont payés pour. Sauf qu'ils ne sont pas forcément représentatifs. Dans mon journal, j'ai fait une tentative de recrutement "ouvert", c'est à dire, en allant chercher les "correspondants" chez les "non lecteurs", sans leur réclamer des qualités rédactionnelles ("pas besoin de savoir écrire", leur disais-je, "une photo et quelques lignes suffisent") . Je suis tombé sur des candidats passionnants, qui avaient des tas de choses à dire, des tas de voisins à faire témoigner, mais qui ne savaient pas écrire. Leurs textes étaient impubliables. Et ils étaient parfois complexés par rapport à ça. En même temps, c'étaient les seuls de mes correspondants qui avaient de vrais sujets à me proposer: polémiques, en phase avec la vie quotidienne de leur commune, vivants... Je les paie donc pour leur info et j'envoie un journaliste faire le sujet avec eux. Vous aurez du mal à faire venir ces gens sur un "citizen media" .
C'est pour cela que je crois que ce thème du "citizen journalism" est un mythe. Sympathique, mais que l'on a tort d'opposer aux médias traditionnels. Créez votre citizen-média sans animation, ni gestion humaine, et vous risquez de vous retrouver avec une petite élite, pas forcément représentative. Le citizen journalism peut-il être "populaire" ? Voilà une bonne question...
Les médias traditionnels doivent comprendre qu'ils peuvent intégrer le citizen journalism dans leurs process de récolte et de fabrication de l'information. Ouvrir le système au maximum, mais tout en conservant une maîtrise professionnelle.
Mais le citizen journalism n'est pas plus "la" solution pour la presse que la convergence des médias. Le vrai problème ce n'est pas d'agréger les modèles (multimedia) ou d'en changer (citizen journalism), le problème c'est le contenu et la proximité de l'info.
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A lire également, le post de Francis Pisani sur le sujet (ici). Et notamment le témoignage de Claude Brunel de "citizenvalley.org".
La presse gratuite explose mais reste fragile
Le chiffre d'affaire de la presse gratuite d'information devrait doubler entre 2004 et 2006 (de 70M EUR de CA à 130M EUR). Une explosion compréhensible, vue la jeunesse du secteur, mais à relativiser :
"La presse gratuite, notamment les quotidiens et magazines d'information, est "de loin" le secteur le plus dynamique du secteur.
"Cependant, s'interroge Precepta, est-ce "un véritable potentiel de croissance" ou une "bulle spéculative"?. "La pérennité des titres de presse gratuite d'information (...) n'est pas assurée, surtout dans le contexte de rationalisation des dépenses publicitaires", estime l'étude."Et de douter "des chances de survie de certains titres dans les prochains mois."
Ouest France lance "un" blog
Ouest-France reçoit en moyenne "plus d'une centaine de demandes de parole chaque jour de ses lecteurs, avec des pics importants lors des grands événements", et c'est pour leur répondre que le journal a décidé de créer ce nouvel espace de dialogue, explique Didier Pillet, directeur de l'information et animateur du blog du journal (source AFP).Chaque post est écrit par Didier Pillet, à la manière d'un petit billet, sur un thème généralement national ou international. Les commentaires sont modérés : ils doivent être signés et "non agressifs". Cependant, s'ils peuvent commenter le blog du journal, les lecteurs du journal n'ont pas la possibilité de créer leurs propres blogs. Et ils ne peuvent pas commenter les autres articles publiés sur le site.
Déconstruire la presse locale, mode d'emploi
A supprimer, donc: les tableaux de la bourse (que l'on consulte en temps réel sur Internet), et plus généralement les infos économiques (un journal local ne peut pas rivaliser avec Internet et la presse nationale). A supprimer également les reporters que l'on envoie sur les grands événements déjà couverts par la presse nationale (ou sur "les grandes conventions politiques dont tout le monde se fiche"). Et dont l'unique motivation serait, affirme-t-il, de combler l'égo du journaliste. Des événements que la presse locale ne traitera pas mieux que les autres médias... Même perte de temps et d'argent avec l'actualité sportive nationale et internationale, les critiques de cinéma, les papiers magazines, et... les éditoriaux (alors que l'époque est à la multiplicité des opinions et à l'expression de tous).
Pour Jeff Jarvis, en économisant sur tous ces postes (10 à 20% des journalistes selon les quotidiens) on pourrait concentrer ses efforts financiers et humains sur ce qui intéresse vraiment le lecteur de la presse locale: l'info locale. L'auteur propose donc de limiter ce tronc commun des news à un digest du meilleur des dépêches d'agences.
Et de conclure sur la "vraie question" qui devrait se poser aujourd'hui à la presse locale: à quoi servons nous ? (un thème que j'avais longuement développé dans un précédent post): quel est le rôle, l'utilité d'un quotidien dans une communauté locale et dans la vie des ses lecteurs ? Voilà la question qu'il faut se poser.
Evidemment, Jeff Jarvis se fait insulter cordialement dans la pluipart des 80 commentaires qui suivent son post...
Il est vrai que l'on ne pourra sans doute pas faire table rase du jour au lendemain d'un mode de fonctionnement profondément ancré dans les pratiques de la presse locale. Mais avec la crise que traverse la profession, et les problèmes d'argent qui ne feront que s'agraver, la question de la rationalisation des moyens devra se poser sérieusement un jour où l'autre. La presse doit passer d'une logique de service public de l'info ("le journal doit tout couvrir") à une logique d'entreprise (et donc d'hyper choix de l'info). Une révolution...
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Pour aller plus loin : Il y a toujours eu débat sur la hiérarchisation de la Une: "infos locales ou informations générales ?" Pendant longtemps on a considéré qu'ouvrir le journal sur une Une régionale n'était pas valorisant. Ce qui est sûr, c'est que lorsque vous remplacez un titre national (c'est à dire, en gros, ce que les lecteurs ont vu à la télé la veille) par un titre local à la Une, vous augmentez vos chiffres de vente. Encore faut-il avoir quelque chose à vendre à la Une... Mais les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Mais pour aller plus loin, je crois qu'il faut toujours se poser la question de la hiérarchisation de l'info en partant de la "sphère" du lecteur, sans même s'interroger sur la frontière local/ pas local : Qu'est-ce qui va toucher le lecteur, qu'est-ce qui va l'interpeller le plus aujourd'hui ? Question que l'on va croiser avec : qu'est-ce qu'il attend de son journal local ? (sachant qu'il a aussi accès à la presse nationale et à Internet)
Eurosport renouvelle sa stratégie Internet en s'appuyant sur la communauté
Extrait du Journal du Net:
"Eurosport proposait déjà un service de blogs, il est désormais davantageDans la même logique, la chaîne aurait des projets de déclinaison de ses contenus multimédia en podcasting." A découvrir également sur leur site, leur nouveau "media center" qui permet de visionner des interviews ou des moments sportifs à la demande. Un modèle du genre.
présent sur la page d'accueil, qui met également en avant les sondages réalisés
et les forums de discussion. Mais Eurosport a surtout mis en place un nouveau
service proposant aux internautes de devenir reporter. Les lecteurs sont
sollicités pour envoyer leurs articles, leurs vidéos, leurs reportages sur le
site. "Un programme de Web-réalité", selon ses concepteurs, mais qui correspond
à une vision à long terme des nouveaux médias. "30 % des internautes
publient des informations sur les blogs, avance Xavier de Langlade, directeur
associé de FullSix. Nous passons peu à peu à un modèle de production de masse de
l'information et il faut aller chercher l'information là où elle est."
- (Lire l'article complet ici)
- (Le nouveau site d'Eurosport)
Journalistes: demain, tous blogueurs ?
Il y évoque
passionnante de cette ancienne chroniqueuse du NY Times qui a lancé, avec deux collaborateurs, le blog local "Barista of Bloomfield ave." (ici).
Le site est alimenté à la fois par les journalistes et par les lecteurs/internautes ": Lorsqu'il se passe quelque chose, ils vont voir sur le site si nous avons l'info. Si nous ne l'avons pas, il nous envoient une note", raconte l'éditorialiste (ici). Le succès de ce blog est le résultat d'une alchimie qui pourrait faire pâlir d'envie tout vrai journaliste local (info de voisinage, impertinence, interactivité, info pratique). Mais il vient aussi et surtout de la "manière" avec laquelle l'info est abordée.
Debra Galant, la redac chef, raconte l'un des ses premiers papiers: elle prend en photo les maîtres nageurs en train de jouer aux cartes ensemble au lieu de surveiller les enfants. Et elle poste la photo, titrant "c'est tellement mieux de se surveiller les uns les autres"... Les maîtres nageurs n'ont pas apprécié. Les mamans du quartier ont adoré. On retrouve ici la fraicheur, la pertinence qui manque aujourd'hui cruellement aux pages locales des quotidiens régionaux.
Est-ce à dire que les blogs sont mieux adaptés que les journaux pour créer cette dynamique d'info locale ? Oui, mais pas seulement. Ce que je remarque en premier lieu, c'est que le blog est tenu par des journalistes. Ce sont eux qui lui donnent son dynamisme et sa pertinence. Et ils le font parce que ce sont des journalistes que j'appelle "conversationnels", dans le sens où ils sont en échange permanent avec les habitants. On peut évidemment appliquer cet état d'esprit (qui est aussi une méthode de travail) en presse quotidienne régionale. Mais le journalisme hyperlocal est compliqué à développer en presse régionale parce qu'il demande de redéployer un nombre important de journalistes sur la petite locale (et de les faire travailler autrement, ce qui est encore plus compliqué).
Ce qui revient à dire: on remet les journalistes là où l'on a besoin d'eux. On les met dans les quartiers, les petites communes, et on les fait enquêter sur tout ce qui intéresse vraiement les habitants, sur tous ces petits tracas qui polluent notre vie quotidienne ("pourquoi il se passe cela et personne ne fait rien ?", "Qui est censé s'en occuper ?", "pourquoi ce gamin de 11 ans traine-t-il toujours dans la rue ?", "le maire a dit ça, mais dans ma rue il se passe tout le contraire" etc.). Et on en tire en général des histoires incroyables... Et on règle parfois des problèmes. Et le journal devient enfin "utile" à ses lecteurs. Sauf qu'il faudrait plus de journalistes. Plus la sauce prendra, plus il faudra de journalistes. Ce qui n'est pas rentable. Ce qui manque donc, c'est le modèle économique. En PQR, en tout cas.
Et c'est justement ce que je trouve intéressant dans l'expérience du blog hyperlocal. C'est qu'il dispose d'un vrai modèle économique, avec une autonomie qui lui permet d'adapter ses moyens au trafic généré par le site (et à tous les services que l'on peut imaginer autour de ce trafic).
Au Japon, un journal envoie 150 dépêches par jour vers les téléphones mobiles
Au total, note mon confrère de Libé, "grâce aux seuls abonnements, et hors revenus publicitaires (encore limités), l'Asahi Shimbun réalise, grâce à ses médias pour mobiles, un profit annuel estimé à 200.000 euros. Une marge encore négligeable, mais qui aide à amortir les investissements. Et conforte le journal dans sa stratégie et son positionnement comme fournisseur numéro un de services web pour téléphones mobiles."
On a ici un bel exemple de modèle payant pour l'info diffusée sur Internet. Avec deux éléments intéressants : la rentabilité du modèle (même si les marges sont encore faibles) et la non canibalisation de l'info pour le quotidien papier (il s'agit d'un faux problème, mais cette question inquiète beaucoup les journalistes !)
Au Japon, de nombreux quotidiens se sont jetés dans la brèche: infos économiques, alertes d'urgence, archives, etc. On imagine aisément les applications en France pour la presse quotidienne régionale : infos sportives, faits divers... mais aussi l'exploitation de bases de données d'infos pratiques, le genre d'infos dont on a besoin rapidement et en pleine rue: horaires, démarches administratives, pharmacies de garde, trafic etc.
PQR : Les nouveaux correspondants locaux de presse
"Le quotidien régional néerlandais, "De Twentsche Courant Tubantia" lance lundi
un journal numérique pour les habitants de Haaksbergen. Le site (ici), composé
d'informations locales, (est) produit par les habitants de la municipalité, les
associations locales et les associations de quartier." (source : "NIS News")
Argument du patron du quotidien néerlandais : "Nous avons juste un rôle de facilitateur". Faciliter l'accès à l'info et les liens dans la communauté, c'est l'un des rôles clefs de la presse quotidienne de demain.
Je suis allé jeter un oeil sur le site en question. Evidemment, comme la plupart d'entre vous, je ne comprends rien au néerlandais, mais ce que j'ai pu saisir est assez intéressant. L'info est classée selon un système précis et dynamique, mais égalemnet assez ouvert: infos services, agenda, reportages vidéo et photo, infos locales, sportives, et infos associatives. Chacun sait où placer son document. J'ai bien aimé le classement des reporters, sorte de Top 10 des correspondants les plus en vue.
Rien ne nous empêche de créer ce type de portail chez nous, en France. Car ce qui est intéressant à observer dans ce type d'expérience, c'est que la Presse quotidienne régionale est en train de se faire déborder sur son propre terrain. Cette information donnée aux habitants par les habitants, correspond grosso modo à notre système de correspondants locaux de presse (CLP). Sauf que nous les avons notablisés en les transformant en "sous" journalistes, moins bien payés, et moins considérés. Et s'ils sont souvent des relais, ils sont aussi parfois des écrans qui nous éloignent de la réalité de la vie quotidienne des lecteurs.
Ici, les habitants produisent gratuitement l'info, parce que ça les amuse et les valorise, et parce qu'ils trouvent une utilité au système. Ils produisent une info qui leur ressemble et qui leur est utile.
Il est intéressant de noter que cette info gratuite est souvent plus pertinente et vivante que l'info payée que nous fournissent généralement les correspondants locaux de presse...
Cela ne discrédite pas pour autant le rôle des CLP qui, lorsqu'ils sont managés correctement, peuvent être de véritables relais: ils appuient la présence du journal dans les villages et les quartiers, et sont un gage de fiabilité et de continuité de l'info.
Néanmoins, nous avons besoin de décoincer le système. Il nous coûte trop d'argent et nous éloigne des habitants.
D'où le système que je propose de correspondants à plusieurs "niveaux", avec une progression dans le statut qui irait du "bloggeur citoyen" au CLP reconnu et rémunéré.On peut prévoir plusieurs niveaux et modes de rémunération (virement automatique sur un compte adhérent Internet, ou points cadeaux...). On peut également rémunérer les CLP à l'audience de l'article sur le Net...
Et un portail "citoyen" tel que celui créé par le "Twentsche Courant Tubantia" peut être la porte d'entrée pour instaurer ce nouveau système.
Qui commence ?
Les blogs de Midi Libre
Voici ce qu'en dit Michel Pelamourgue, rédacteur en chef multimédia à Midi Libre:
"Plus de (400) blogs sont aujourd'hui actifs et le nombre de pages-vues a
dépassé les 100 000 en décembre. Midiblogs a réussi à se faire un nom au pays
des blogs. Le site est aussi devenu un lieu d'expression. Chaque jour des
chômeurs prennent la parole pour raconter leur galère ou formuler des
propositions. Des étudiants, comme ceux du Master de journalisme s'essayent à
l'écriture et se forment à leur futur métier. Certains poussent des coups de
geule. D'autres exposent leurs photos ou leur peintures. Dautres encore n'ont
qu'un but: nous faire rire."
Pour lancer sa plateforme, Midiblogs a eu une bonne idée : inviter des personnalités locales à venir bloguer régulièrement sur le site. Leurs photos sont présentes sur la page d'accueil. On y retrouve également les blogs "coups de coeur" de la rédaction, et un fil des derniers posts. Chaque semaine, une page spéciale blogs est publiée dans Midi Libre avec une sélection de posts et de blogs.
Nous parlons à longueur de journée d'interactivité, de lien avec le lecteur, nous créons de jolies pages courriers de lecteurs et micro-trottoirs, en oubliant que la véritable interactivité est déjà sur le Net, à portée de main. C'est un formidable outil.
Presse: en quoi sommes nous utiles ?
Oui, sauf que Marianne n'analyse pas les causes profondes de la crise, et explique que si ces grands journaux s'écroulent, c'est parce qu'ils sont mal dirigés et mal positionnés politiquement. En gros, qu'ils ne reflèteraient pas l'opinion de leurs lecteurs. Exemple: ils ont fait campagne pour le Oui, tandis que leurs lecteurs ont voté Non. Après la fracture sociale, la fracture numérique et la fracture civique, voici la fracture médiatique... L'analyse est incomplète. Et dépassée. Elle repose sur cette vieille conception selon laquelle les journalistes sont là pour éclairer leurs lecteurs. La fracture vient-elle du fait que les journaux ne savent plus "bien" éclairer leurs lecteurs, que les lecteurs ne savent plus être éclairés (résultat de" l'abrutissement des masses", selon Marianne), ou plus simplement que le lecteur n'a plus besoin de la presse écrite pour se faire sa propre opinion ? La presse chute, les gens sont-ils moins informés ? Soyons sérieux.
La question que nous devons nous poser aujourd'hui, nous médias, n'est pas: comment mieux éclairer le bon peuple des lecteurs. Mais plutôt : en quoi sommes nous utiles ? On a coutume de dire que la première question à se poser dans une entreprise c'est : "what is your business ?" Je pense qu'il faut d'abord nous interroger sur notre utilité. Informer ? Certes. Mais en quoi l'information que nous publions est-elle utile ? Eclairer ? Peut-être. Mais en quoi notre éclairage est-il plus utile que celui d'autres spécialistes ?
En quoi sommes nous utiles ? Nous rendons service ? Ok. Lequel ? Publier des informations services repiquées sur les sites institutionnels ? Publier des conseils pratiques dont l'amateurisme n'échappe pas aux spécialistes ? Qu'est-ce que rendre service pour un journal ? Voilà une bonne question à se poser.
Et pourquoi cette notion de service, d'utilité, est-elle importante ? Parce qu'un quotidien doit s'appuyer sur une communauté.
Le journal "La Croix" l'a relativement bien compris. Il propose un quotidien pédagogique pour une communauté : les lecteurs de sensibilité chrétienne. Résultat : une diffusion en progression depuis sept ans. Pour les autres quotidiens nationaux, ça sera plus compliqué. Le Parisien annonce qu'il veut être le journal de la "France exacte", c'est à dire le journal de la majorité silencieuse, celui qui prend le pouls de la communauté nationale, et la laisse s'exprimer. C'est incantatoire, mais c'est un début de prise de conscience.
Pour la presse locale, la communauté est toute trouvée. Reste à répondre à la question magique: "en quoi sommes nous utiles ?" Et aller chercher les réponses partout où elles se trouvent. Et pas seulement sur le modèle "papier".
"Ce qui m'intéresse, c'est ce que je pense".
En une phrase, c'est toute la politique d'interactivité des quotidiens régionaux qui est jetée hors du lit. Alors que nous essayons de multiplier les points d'échange et d'expression : micro-trottoirs, courriers des lecteurs, publication de messages sms ou de blogs, nous prenons l'ampleur du fossé qui sépare les attentes des lecteurs et l'outil presse écrite. Je me souviens d'un autre focus group, il y a deux ans, où une lectrice avait commenté ainsi le micro-trottoir quotidien du journal (l'équivalent du "voix express" du Parisien): "J'aime bien cette rubrique parce que je me dis que je serai peut-être moi aussi interrogée un jour dans le journal". Même logique. C'est la possibilité de participer au débat qui intéresse, pas ce que pensent les autres, du moins pas fondamentalement.
C'est évidemment une des conséquences d'Internet et des blogs. L'intérêt, ce n'est pas de consommer l'info ou les blogs, c'est d'y participer, de laisser sa trace, de converser. Le lecteur ne veut plus être passif face à l'info.
Il faut désormais concilier les deux : la presse, traditionnellement ouverte sur le monde et les autres, et le lecteur de plus en plus centré sur lui-même. La conjonction parfaite des deux créera le média idéal.
Cela veut dire, déjà, que nous devons repenser la notion d'information/ conversation dans nos médias. Peut-être en commençant par ne pas essayer de faire de l'Internet sur le papier. Mais de le proposer au lecteur... sur Internet. Sur le papier, par contre, on pourra retrouver une autre fonction de l'information/ conversation : le témoignage et le retour d'expérience, à travers lesquels le lecteur pourra se reconnaître.
Presse: savons nous encore surprendre ?
A lire, ce post de Danielle Attias, citant un dossier publié dans le magazine "Medias" sur "les recettes des titres qui se portent bien" (ici).
Cité en exemple, l'hebdomadaire satirique "Le Canard enchainé" :
"€4,9m de bénéfices nets, 52k abonnements et 400k exemplaires vendus chaque
semaine en kiosque, avec des pics d'1m d'ex. lors de certaines affaires."
Charlie Hebdo affiche également une santé insolente: "Depuis un an, le titre
voit même ses ventes augmenter de 8% alors que les journaux traditionnels
continuent de voir leurs ventes baisser."
Les chiffres laissent rêveur. Aucun de ces titres n'a cherché à innover ni à évoluer. Ils ne proposent pas non plus de site Internet, et diffusent donc une information à froid, sans interactivité, sans aucune de ces ficelles qui modèlent la presse écrite d'aujourd'hui.
Analyse de Claude Engeli, le rédacteur en chef du Canard, sur les clefs de son succès:
"Nos lecteurs sont supposés lire un quotidien, un hebdomadaire, écouter la
radio, regarder la télévision. Le Canard vient en plus. Il doit donc créer la
surprise (...)".
Pour Danielle Attias:
"cette situation vaut également pour les titres de la presse traditionnelle,Nous avons eu l'occasion de tester cet "effet de surprise" sur quelques unes de l'édition du quotidien régional où je sévis. Les résultats des ventes ont toujours été positifs.Je crois que l'on tient là l'une des clefs (pas la seule) de l'avenir de la presse écrite. "L'info en plus". Surprendre le lecteur. Voilà un beau concept, qui nous changerait du "publions ce que le lecteur attend" (sait-il lui-même ce qu'il attend ?). Surprendre, c'est évidemment jouer la révélation, l'enquête, mais aussi se mettre du côté du lecteur, là où il ne s'y attend pas. C'est aussi mettre en avant des sujets que la presse traditionnelle valorise peu (question d'"image" ou d'habitudes...) et qui touchent pourtant notre quotidien.
papier ou en ligne. Ceux-ci paraissent à un moment où les news sont connues des
lecteurs, via diverses sources alternatives. Pour fidéliser son public et
acquérir de nouveaux lecteurs, il ne peut plus s'agir pour les journaux et leurs
sites de re-relater les faits d'une actualité disponibles ailleurs."J'aime bien
cette idée de "créer la surprise".
La publicité est-elle une information ?
Car cette question de frontière entre pub et information est un vrai problème pour les quotidiens régionaux. Un problème... et donc une solution en puissance, comme toujours.
Concrètement: un commerce vient d'ouvrir dans mon quartier --> est-ce une pub ou une info ? Le magasin de la rue principale brade son stock à -50% toute la semaine---> pub ou info ? Pub, évidemment. Oui, sauf que si je me place du point de vue du lecteur, le fait de savoir que, demain, tel ou tel magasin propose des promotions, c'est pour moi une information.
En fait, si l'on observe le problème de façon décomplexée, il n'y a pas de problème. Un journal est là pour informer le lecteur sur son environnement proche. Si une information est utile, elle mérite d'être donnée au lecteur.
Reste à savoir comment nous la gérons. Ce n'est pas parce qu'une information commerciale est intéressante pour le lecteur, qu'il faut la faire sortir du budget pub. Au contraire. On peut rapprocher cette problématique de la réflexion qui agite aujourd'hui les publicitaires: la pub ne doit plus être subie (et donc ennuyeuse), elle doit être intéressante, utile, distrayante. Les marques, les produits de consommation, les centres commerciaux, font partie de la sphère de vie, de la sphère émotionnelle et culturelle du consommateur.
On voit bien que, si l'on couple ces deux postulats (toute information utile, intéressante et distrayante doit être publiée / la pub doit être utile, intéressante et distrayante), il y a des tas de modèles à inventer en presse locale.
Ce qui nous plombe, c'est que nous avons pris l'habitude de vendre la publicité en termes d'espaces, et non d'information, d'intérêt pour le lecteur. Ce qui n'est intéressant ni pour l'annonceur, ni pour le consommateur.
On pourrait proposer aux petits commerçants un système "d'adhésion" à l'année, avec la possibilité de faire passer leurs "informerciales" en fonction de leur actualité (destockage, arrivage, opération spéciale...) ou de thématiques ponctuelles (soldes, fêtes, ou gammes de produits...). Pour donner de l'intérêt lecteur à cette "informerciale", il faut évidemment qu'un maximum de commerçants adhèrent au système (d'où l'idée du forfait à l'année) et que les opérations soient simplifiées :ils doivent pouvoir déclencher automatiquement leur info par Internet ou mobile.
Medias, la révolution numérique
Morceaux choisis :
Sur la publicité:
Michel Granjean, Pdg de MPG France :
Gérard Noël, vice PDG d'UDA :"En matière de publicité, le concept de l'audience est condamné d'ici deux à
trois ans (il sera remplacé par celui d'efficacité)".
Fred, de la boîte de pub "Marcel" :"Nous avons encore notre révolution culturelle à faire sur Internet"
Xavier Romatet, Pdg Tribal DDB :"La vraie publicité, c'est le site Internet qui génère de l'audience (ex la pub
Internet pour le poulet de Burger King). La pub traditionnelle est morte.
Plus personne n'est obligé de regarder une pub. La pub, c'est le moment le plus
chiant à la télé. C'est le seul espace où l'on va à l'encontre des règles
de l'audimat. Il faut créer un programme qui doit être intéressant au-delà
du produit. On assiste aujourd'hui un rapprochement entre le monde de
l'entertainment et celui de la pub".
Xavier Romatet :"Internet n'est pas qu'un média. C'est un événement encore plus important
que l'arrivée de la télé. C'est à la fois un espace de diffusion, un espace de
vente, et un espace de rencontres. La tendance d'aujourd'hui est d'inverser la
vapeur: le Web devient au coeur de la campagne pub."
Michel Grandjean :"Je me demande pourquoi il y a encore des directions Internet dans les
entreprises" (Internet est aujourd'hui au coeur des stratégies des
entreprises)
Matthieu de Lesseux, Duke Interactive : "30% des gens qui
achètent une voiture en Europe ont fait le choix sur Internet. Chez Nissan, 80%
des contacts concessionnaires viennent d'Internet. Les entreprises ne peuvent
plus ignorer cette réalité".
Sur la presse"Avec la 3G, le mobile va devenir un média de masse".
Quelques chiffres :
- Site du Financial Times : principe base
gratuite + service payant. Ressources 1/3 abonnement, 1/3 publicité,
1/3 redistribution de contenus (archives...). 4 millions de visiteurs
uniques / mois, 82.000 abonnés (version papier: 430.000 ex./ jour, 1 million de
lecteurs).
- Site du Monde.fr: principe base gratuite + service payant.
Ressources 40% abonnement (à 6€ par moi), 38% publicité, 22% redistribution de
contenu. 4,5 millions de visiteurs uniques, 77.000 abonnés. Chiffre d'affaires:
8,6 millions d'euros (prévision année prochaine: 10 à 11 millions d'euros).
-
Yahoo France : principe d'info/ entertainment, parfois
exclusive, achetée à des tiers (AFP, médias traditionnels,
pigistes) mais diffusée gratuitement. Ressources 35% services payés
par internaute, 65% publicité. 9 millions de visiteurs uniques (mais 18 millions
de francophones). 2 millions viennent sur Yahoo pour les infos (la majorité
vient pour le moteur de recherche, les autres pour le service mail, et enfin
pour l'info).
Débat :
Bruno Patino, président du Monde.fr, auteur de "Une presse sans Gutenberg", ed. Grasset :
"Internet, c'est l'univers de la concurrence pure et parfaite. Il y a donc une
tendance vers la gratuité, si et seulement si le contenu est substituable" (autrement dit, si l'info est exclusive, on peut faire payer. Analyse
contestée par la plupart des intervenants qui prévoient tous la
gratuité).
Olivier Fleurot, Managing Director, Financial Times Group :
"Le débat gratuit/ payant on l'a eu parce qu'on avait le même contenu sur le
papier et sur le Web. Les nouveaux produits spécifique Web que nous allons
développer seront gratuits".
Olivir Fleurot : "
Ce que nous connaissons aujourd'hui ne sera sans doute pas le modèle de demain.
Au débeut, nous avons mis nos mots sur le Web et on essayait de trouver un
équilibre économique viable. Nous allons désormais aller vers une deuxième phase
de développement et utiliser les capacités réelles du Web. En développant
l'interactivité et en porposant une plateforme permettant aux lecteurs
d'interagir entre eux (créer une communauté)."
Olivier Fleurot :
"L'internaute est né avec les jeux vidéo, il n'aime pas rester passif face à
l'info".
Olivier Fleurot :
"Au Financial Times, nous ne parlons plus de journaux ou de site Web, nous
voulons être la meilleure source d'information et d'analyse". (concept de
multicontenu et multidiffusion)
Olivier Fleurot :
"Actuellement, 10% de nos revenus viennent du numérique. En 2008, ce sera sans
doute 40%."
Olivier Fleurot :
"Quand on cherche une info, on va d'abord sur un moteur de recherche, pas sur
le site d'un journal".
Antoine Duarte, Directeur général de Yahoo France :
"L'achat de contenu, c'est le deuxième poste chez Yahoo (plus de 600 sources
d'infos). Donc sur l'avenir du contenu journalistique, je crois qu'il n'y a pas
de débat. L'information a un coût. Mais ce n'est pas une raison pour le faire
payer à l'internaute".
Antoine Duarte (à propos d'une réflexion de Bruno Patino sur le fait de faire payer l'info parce qu'elle est exclusive et de qualité) :
"Je ne crois pas que l'on puisse parler de bonne ou de mauvaise info à ce sujet.
Si les internautes viennent en majorité chez nous pour lire des infos, c'est
qu'ils estiment qu'elle est de qualité".
Les magnats du blog
Le concept repose sur deux principes: la volonté des consommateurs de lire des infos pertinentes non-journalistiques, émanant de la communauté, et la notoriété des blogs auprès des entreprises, considérés aujourd'hui comme de potentiels leaders d'opinion (voir à ce propos l'expérience menée par le Nouvel économiste, qui a offert des abonnements à un panel de bloggeurs triés sur le volet).
Les blogs sont hébergés par Six Appart, la société de Loïc Le Meur (10 millions de blogs, dont ceux du Monde et de Libération).
C'est un concept que nous avons déjà commencé à appliquer en presse locale (remplacer certains correspondants ou journalistes par des spécialistes), mais qui rencontre évidemment beaucoup plus de succès sur le Net.
Une idée à suivre, notamment pour les quotidiens régionaux souhaitant développer un portail régional s'appuyant sur la communauté. Regrouper les blogs par localité est une bonne idée, mais on peut aussi les regrouper par thématique loisirs, avec des blogs "leaders" rédigés par des spécialistes rémunérés.
(lire l'article publié dans lle magazine Capital de novembre 2005)
Quelle place pour le quotidien papier demain ?
Rares sont les journalistes qui, en presse quotidienne régionale, ont pleinement conscience du danger. Rares sont ceux qui voient venir l'iceberg. Leur journal peut-il disparaître un jour ? Personne n'ose n'y croire. Et pourtant... Voyez le Progrès de Lyon. On n'a jamais été aussi proche du point de rupture, du point de non retour. Affaibli par se nouvelle formule (qui a agi comme un révélateur), il est comme une tortue sur le dos. Vieux malgré l'habillage. Fier, puissant, mais incapable de bouger rapidement devant l'obstacle. Il y a toute une culture à modifier. Et il est peut-être déjà trop tard.
Pour autant, la messe est-elle dite en PQR ? Non. Le seul modèle viable aujourd'hui doit se construire sur la base de trois pivots: payant/ gratuit / communauté numérique.
1/ Une tête de pont, le journal papier payant. Qui peut et doit survivre, parce que le lecteur a besoin d'un média palpable, concret, structurant. Un média d'excellence et léger, qui lui apporte l'éclairage, l'exclusivité, le lien. Mais ce n'est pas ce média qui fera vivre l'entité journal demain. Par contre, il faut continuer de le soutenir.
2/ Pour ce faire, il y a d'abord le second pivot: la presse gratuite, dont la PQR doit s'emparer. Parce qu'elle correspond aussi à une demande, spécifique, plus diluée. Presse quotidienne ou hebdomadaire, elle doit permettre au média de maîtriser le marché et de s'y adosser pour ne conserver dans le payant que l'essentiel et la révélation. C'est là notamment que l'on doit retrouver l'info service gratuite, le zapping de l'actualité.
3/ Enfin, le média doit s'appuyer sur le maillage numérique du territoire. Un portail régional qui porte une communauté, apporte de nouveaux services, une nouvelle interactivité et de nouveaux utilisateurs.
Ces trois pivots doivent fonctionner ensemble. Dialoguer ensemble. Le premier doit rester la tête de pont du paquebot, les deux autres vont aller chercher la matière et le maillage nécessaire pour rendre l'entreprise rentable. La publicité doit se tourner vers ces deux nouveaux médias, c'est là qu'est l'avenir. L'identité du journal, elle, passera par le média papier payant, dépouillé, fier et nerveux.
On pourrait ainsi imaginer une solution basée sur un tri-média. Un quotidien condensé, nerveux, combatif, qui donne de l'exclusivité, donne la parole, réveille le débat et révèle l'actualité. Un média hebdo ou quotidien gratuit aspirateur de pub et de lectorat, mais qui soit structurant et complémentaire. Et un maillage numérique ambitieux, via un portail internet basé sur l'échange, l'agrégation d'infos, et la communauté. C'est un modèle économique viable, qui redonnerait de la souplesse, de la fierté, de l'énergie et de la puissance à l'ensemble.
Oserons-nous le média total ?
Moi même, qui suis journaliste, me surprend à ne plus prendre en compte les avis de journalistes sur des sujets spécialisés mais à faire confiance aux blogs que je lis régulièrement et dont j'ai pu vérifier la pertinence. Et j'aime recevoir les avis des autres sur mon blog perso lorsque j'évoque des problèmes dans ma vie ou mon métier.
Je veux avoir le choix, je veux pouvoir m'informer le plus justement possible, mais je veux pouvoir aussi trier, mettre en concurence, demander l'avis d'experts sur une info qui me parvient. Je veux de vrais avis, portés par l'expérience, de vrais témoignages, je veux un peu plus de vérité, je veux que l'info ressemble à ce que je vis, qu'elle me concerne dans ma sphère intime comme dans le mmonde qui m'entoure.
Il faudra oser le média total. On cherche toujours la formmule idéale, mais on s'en rapproche. Les limites sont d'ailleurs plus techniques, plus que culturelles, j'en parlais récemment avec un ingénieur.
Un média qui démarre de ma vie, mes amis, qui aille de mon environnement direct, ma commune, ma région, jusqu'à l'environnement thématique et mondial. Mais je veux pouvoir interragir avec cette information, produire moi-même, recevoir des réactions, des corrections, je ne veux pas d'un seul canal à posture citoyenne (comme "agoravox"), je veux juste pouvoir moi-même décider de ce qui est important. Savoir qui est journaliste, qui ne l'est pas, qui parle à quel titre, d'où vient l'info, avoir accès à de l'info non vérifiée et à de l'info "contrôlée", je veux une info interconnectée, un média qui prenne en compte ce que je suis.
L'idéal serait d'aboutir à un portail régional/ intime, qui agrègerait tout ça.
La PQR a un boulevard devant elle . La "proximité" (au sens large), c'est son métier. Elle est la seule à pouvoir vraiment envisager un projet de cette dimension. C'est le meilleur moyen de remailler le territoire et d'échapper à sa dissolution dans la périphérie.
Voici le futur
Pour l'instant, ça ne fonctionne pas très bien. Mais l'idée est géniale. Je ne sais pas si Yahoo 360 va marcher, mais ce qu'il annonce oui. Ce que démontre ce nouveau concept, c'est... tout le contraire de ce que nous faisons dans la presse quotidienne régionale. Et exactement ce vers quoi nous devrions tendre.
Quel est le mot d'ordre de Yahoo ? "communauté, communauté" Ajoutez-y trafic et base de données, et vous aurez une idée de ce qui arrive. De ce que nous devrions prendre en main très rapidement. "Communauté, base de données, trafic, et proximité".
Sur Yahoo 360. Vous créez votre "page", une sorte de "bureau" virtuel sur Internet relié à la communauté. Vous y intégrez vos informations personnelles, votre photo, vos flux RSS pour recevoir des infos: et là, tout est au même niveau. La sphère de l'intime (le flux RSS des copains qui organisent des balades à vélo, les news de Libération, le blog de machin qui adore la pêche à la mouche... ce qui compte, ce n'est pas la pertinence de l'info, mais le temps passé devant l'écran. Et surtout la sphère du lecteur. Je me souviens avoir lancé l'idée il y a trois ans lors d'un atelier sur l'évolution papier de la version du journal: il faut partir de la sphère du lecteur, de sa sphère intime jusqu'aux cercles les plus éloignés, sans se préoccuper de la hiérarchie ou de la géographie. Nous avons appliqué ce principe, mais pas en profondeur. Trop idéal. Pour cela, il nous faut d'autres outils. Et Internet est le medium idéal pour cette info personnalisée.
Bref, je continue. A côté de cette info "sphérique" (d'où le 360...), l'utilisateur glisse dans sa page les lieux où il a habité, les écoles qu'il a fréquentées. En cliquant dessus, on voit s'afficher les photos et les liens vers les pages 360 de tous ceux qui sont également passés par là. En cliquant dessus, on a accès à leurs flux RSS, leurs blogs, leur liste d'amis.
En bas à droite de la page, il y a justement la liste d'amis. On peut évidemment les contacter en direct s'ils sont connectés, mais on peut surtout cliquer sur leur photo et aller sur leur page et accéder à leur cercle d'amis. Et élargir le sien. Nous nous sommes amusés à remonter, de fil en aiguille, jusqu'au site du patron de Yahoo Monde. Juste par le biais des relations.
La situation de la presse française dans les prochains mois ?
On peut s'en inquiéter, mais on peut aussi y voir une raison d'espérer. Le risque n'est pas de voir la presse quotidienne se réorganiser. Le risque, c'est qu'elle s'y prenne trop tard.
Les métiers et les missions de la presse écrite doivent changer. Et changer vite. Sinon, il faudra effectivement s'attendre à de vrais plans sociaux.
Cependant, il y a encore de vrais blocages internes. Sans doute parce que nous ne sommes pas toujours très clairs sur nos projets futurs, et que nous sommes encore dans l'impossibilité de mettre les personnels face à un plan précis d'évolution. Mais pas seulement. La presse, régionale surtout, traverse une crise profonde et grave. Bien plus grave qu'on ne veut le dire en interne. La crise est larvée, les tensions de plus en plus fortes, tout ça devrait bientôt nous exploser au visage et nous mettre (enfin ?) face à nos contradictions. Quelle décision prendrons-nous alors ?
Tout se jouera dans les années, voire les mois, qui viennent. Et si, sans ce laps de temps, la PQR démontre qu'elle n'est pas capable de se réformer, d'autres prendront la place qui lui est "réservée" sur les nouveaux médias de l'info.
L'attitude de la PQR vis à vis d'Internet varie évidemment selon les titres. Nous sommes dans une phase de prise de conscience, et cette dernière est plus ou moins avancée, plus ou moins parcellaire, d'un journal à un autre. Disons que ça commence à bouger. Beaucoup aux Etats-Unis. Assez peu en France, encore. Sans doute parce que le chantier est immense, la remise en cause trop profonde, les tensions sociales trop électriques.
La PQR a pourtant toute sa place sur Internet. Dans le sens où elle a là une occasion inespérée de reprendre sa place au centre de la vie quotidienne des habitants de ses régions. Pas en tant que mass-média, cette ère est terminée, mais comme espace d'échanges, d'informations, d'expression populaire et de services. Personne n'a encore trouvé le I-pod de la PQR-Internet. Nous devrons expérimenter sans relâche pour trouver, ajuster de nouveaux outils.Mais la clef, le coeur du métier est là: proximité. Qu'est-ce que la proximité ?
Les maîtres du temps
De son côté, les journaux papier ne prennent que 12mn du temps quotidien des Américains (les chiffres sont à peu près équivalents en France: entre 12 et 20 mn)
Des chiffres américains à croiser avec une étude française: D’après un sondage Ipsos réalisé pour MSN France, 61% des 15-25 ans citent Internet quand on les met en demeure de ne choisir que deux médias. Soit au premier rang devant la télévision (49%) (source L'Expansion).
On compare ici le temps passé devant chaque média et sa crédibilité. Pour les jeunes, Internet est devenu le premier média d'information. Ils seront les lecteurs de demain.
Dans cette bataille du temps pris au consommateur, l'ordinateur (mais demain peut-être le téléphone mobile) est en train de supplanter la télévision, mais avec des implications différentes: le mode de consommation n'est plus passif. L'internaute sélectionne ce qu'il veut voir ou lire, plaçant au même niveau le blog et le média traditionnel (Selon l'Ipsos, un Américain sur trois a déjà lu un blog. La moitié des lecteurs de blogues les décrivent comme donnant des informations véridiques ou relativement véridiques. Et parmi ceux qui ne lisent pas de blogues, ils décrivent ceux-ci comme étant véridiques dans seulement 22% des cas).
C'est finalement une chance pour la presse écrite. Autant elle ne pouvait pas faire grand chose face à la télévision, autant elle peut déployer toutes ses compétences sur Internet dans le traitement et l'échange d'informations. Mais pas comme nous le faisons aujourd'hui, c'est à dire en essayant de nous imposer sur le Net en tant que média. Face à la "googlisation" de l'info, c'est la notion même de média qui est remise en cause. Il ne doit plus être seulement producteur de flux mais répartiteur de flux. Il ne sert à rien d'avoir le train le plus rapide et le plus moderne pour gagner, il faut d'abord maîtriser l'aiguillage. C'est ce qu'on appelle les points d'asphyxie ou d'engorgement.
Mais il ne s'agit pas simplement de créer un portail Internet (ou mobile) bien rangé pour l'Internaute, car cela reviendrait, encore une fois, à se poser comme producteur de flux (même si celui-ci ne nous appartient pas). Il faut créer du lien, du flux, de l'échange, être au centre des communautés géographiques et thématiques, ne plus raisonner en terme de portail mais d'interconnections et de convergences. Cela veut dire qu'il faut maîtriser les outils générateurs de flux autant que le flux lui-même.
La presse écrite, et notamment locale, a une carte à jouer : en créant des communautés et des outils d'échange pour ces communautés, elle peut retrouver toute sa place. Comme elle l'était il y a cinquante ans.
....
(Relativisons: selon une étude menée en Angleterre auprès des chauffeurs de taxi, des coiffeurs et des patrons de pub , 70% d'entre eux n'ont jamais entendu parler du blogging !
Par contre, on ne leur a pas demandé s'ils lisaient la presse écrite...)
(Et enfin, cette étude citée par BBC News: "L'information trouvée sur les blogs est jugée aussi crédible que celle diffusée par les magazines (49%), les journaux (46%) et la télévision (40%). Toujours selon ce sondage, cette crédibilité s'explique par le fait que les blogs sont rédigés par de vraies personnes et font état d'expériences vécues.")
Internet: l'apothéose de la presse écrite ?
La presse quotidienne est, à mon avis (mais je ne suis pas objectif...), la mieux placée pour prendre à bras le corps la mutation de l'info via internet. Nous n'assisterons peut-être pas à la fin de la presse écrite, mais à son apothéose.
Ce ne sont pas ses compétences qui sont remises en cause par l'explosion de la sphère Internet mais leur positionnement. Il faut réflechir à la mise en oeuvre de ces compétences propres dans une autre dimension. Cette fameuse quatrième dimension de l'info dont je parlais précédemment. On pourrait presque parler d'ère de la maturité pour la presse écrite.
Blogueurs et journalistes (suite) : de l'information à la conversation
"Au début des années 2000, les blogs étaient aux Etats-Unis un moyen sophistiqué
d'échanger des idées et des opinions parmi un public très intellectuel, au sujet
de thèmes précis. Lorsque j'ai découvert ce mode de communication, j'ai trouvé
qu'il s'agissait d'un extraordinaire outil de publication individuel. Il est
bien plus facile à concevoir qu'une page web traditionnelle. Il correspond
surtout à la véritable vocation d'Internet ; il n'est pas un moyen
supplémentaire de diffusion, mais il est également un vecteur de conversation.
Le XXe siècle a été celui de la diffusion unilatérale ; nous entrons désormais
dans le siècle de la conversation. L'intérêt du blog par rapport à la page web
est justement de pouvoir engager une conversation tandis que la page personnelle
ne reste qu'un moyen de diffusion."
Je crois que les médias traditionnels oublient encore la dimension "conversationnelle", d'échange, du phénomène blog. Nombre de journalistes comparent le blog à un micro-trottoir amélioré.
Je me souviens d'une phrase qu'un ancien directeur de la section scolaire d'Apple France m'avait glissé il y a cinq ans: beaucoup d'enseignants n'ont toujours pas compris ce qu'était Internet. Ils le voient comme un nouveau média, qu'on lit ou qu'on consomme. Alors que le plus important c'est ce que l'enfant va y apporter. C'est d'abord un espace d'échange et de création commune, qui prend sa dimension par l'échange qu'il génère.
En résumé, ne lisez pas les blogs, faites des blogs.
Nous, journalistes, sommes devant la blogosphère, comme face à la quatrième dimension.
Bloggeurs et journalistes
"Je pense donc qu'il ne s'agit pas tant de définir les weblogs comme une
nouvelle forme de journalisme que comme un nouveau média. Ils sont en effet bien
plus que du journalisme : en même temps un réseau social, un maillage d'intimes,
un réseau de recommandation et un espace de débat. Il serait donc plus juste, à
mon sens, d'en parler comme d'une nouvelle pratique, un à côté du journalisme,
qui quelquefois s'en rapproche au point de s'y fondre. Un à côté qui est la
forme la plus aboutie d'un ensemble d'outils nouveaux de communication : wikis,
chats, forums, messageries… Le weblog ne s'occupe pas que de production et de
diffusion d'informations."Les journalistes ne doivent donc pas se sentir
"menacés" par les weblogs, mais ils ne peuvent plus, aujourd'hui, ne pas les
prendre en compte. Cela peut être leur massue, leur tremplin, leur poil à
gratter, mais surtout le guide qui mènera les individus en réseau vers leur
travail. Aujourd'hui, chacun personnalise son information, pioche selon ses
intérêts, ses envies, les stimulations qui lui sont données. Les weblogs
deviennent, peu à peu, la matrice de cette nouvelle consommation de
l'information."
Il y a effectivement nécessité pour les journaux à prendre en compte ces nouveaux outils et à les organiser. Faire en sorte que la blogosphère devienne partie intégrante du média. Il y a là toute un système à imaginer.
Les journalistes doivent s'approprier le phénomène, non pas comme un nouveau média indomptable et concurent mais plutôt comme un nouvel instrument de récolte et de circulation de l'info.
Mais aussi comme une nouvelle façon d'aborder leur relation au lecteur et à l'info, c'est à dire en engageant une conversation.
En résumé: ils doiventaborder leur métier différemment. Et passer du témoignage journalistique (le journaliste révèle ou témoigne de l'événement) à l'ingénierie de l'information : je ne suis plus le seul fournisseur de l'info, je la fais aussi circuler.
Et à ce propos, cette réflexion de Jeff Mignon de Médiacafé:
"Pour la presse quotidienne, il s'agit de revoir en profondeur le business
model. Il s'agit de passer d'un modèle "uni plate-forme" (papier) à un modèle
"multi plate-forme" (multimédia), d'un modèle "uni produit" (journal) à un
modèle "multi produit" (journaux + web + téléphone portable + produits dérivés +
etc), d'un modèle "uni dimentionnel" (la fourniture d'infos) à un modèle "multi
dimentionnel" (la fourniture de services et d'outils). Et d'assurer, dans les
mois et les quelques années à venir la transition d'un modèle à l'autre.
(...)
Il ne s'agit plus uniquement de fournir des informations à la
communauté. Il s'agit de fournir des outils à cette communauté. Des outils de
communication et des outils d'aide au choix. En particulier, pour les 18-34 ans.
Il s'agit de passer de "news organization" à "use organization".
Wikimania
"On parle beaucoup de blog mais peu de wiki pour la presse locale. Mais pourquoi
les sites internet des quotidiens locaux n'offrent-ils pas la possibilité, à
leur audience, de créer des wiki à thèmes ?
"Je rappelle en deux mots ce
qu'est un wiki (l'image ci-dessus en exprime aussi parfaitement l'idée) :
"Un wiki est un site Web dynamique permettant à tout individu d'en modifier
les pages à volonté. Il permet non seulement de communiquer et diffuser des
informations rapidement (ce que faisait déjà Usenet), mais de structurer cette
information pour permettre d'y naviguer commodément." (d'après l'encyclopédie
wikipedia.fr)
"Pourquoi, par exemple, ne pas créer un livre de recettes
régionales ou locales sous la forme d'un wiki ? Chacun viendrait y mettre ses
recettes. Elles seraient enrichies des petits trucs de chacun.
"Pourquoi ne
pas créer un guide local des loisirs, des livres d'histoire locaux à thèmes, un
roman à plusieurs, un guide des restaurants locaux, un guide d'achat… les idées
ne doivent pas manquer. Des idées qui permettrait d'augmenter le lien social de
la communauté que sert le journal.
"Car c'est ça l'idée profonde du wiki,
créer un texte social, un lien social. Une activité qui ne nuirait pas à l'image
d'un quotidien local. Non?
"En plus d'informations, c'est d'outils dont a
besoin le consommateur/lecteur. Les outils d'expressions et de socialisation
devraient toucher une large audience. Les journaux ont le choix : les proposer à
leur communauté ou regarder des startups le faire… et les acheter ensuite. À
moins que ce soit les startups qui achètent les journaux."
Il y aurait beaucoup à dire sur le wiki et son exploitation par la presse locale. Sur le papier, c'est l'outil idéal. Il permettrait à la fois de répondre à nos velléités d'interactivité et de proximité. Dans la pratique, ce n'est pas encore simple. D'abord parce que l'outil fonctionne relativement bien lorsqu'il est pris en main par une communauté d'habitués, sensibilisée à la "netiquette". Lorsque l'on touche le grand public, notamment le lectorat de la PQR, c'est déjà moins simple. Le Los Angeles Times a lancé il y a quelques mois un wiki-éditorial pour permettre à ses lecteurs de rédiger une sorte d'édito commun censée refleter l'opinion publique. L'opération a capoté. Le wiki était envahi par des messages indésirables ou hors-sujets. Mais l'idée de base était bonne et pourrait être exploitée différemment (en l'ouvrant à un lectorat d'abonnés à un service "premium" par exemple).
Mais l'exploitation du wiki pour les infos pratiques est une idée à creuser. Le tout est de doter les quotidiens d'une plateforme internet cohérente, pour ne pas limiter le wiki à un gadget éditorial. Il y a tout un chantier à mettre en oeuvre.
Internet payant ou Internet gratuit avec publicité ?
Interview de Julien Jacob, pdg de Znet.fr: "2004 a été une année charnière pour la plupart des grands éditeurs en ligne européens. 65% des membres de l’OPA Europe ont atteint le seuil de rentabilité. Les autres devraient le faire en 2005. Et ce n’est que logique. Les coûts restent constants alors que la publicité explose. Et pas seulement les liens sponsorisés, la publicité de marque aussi. De plus en plus d’annonceurs y ont recours. En toile de fond, les usages continuent de progresser très favorablement. La croissance du trafic est phénoménale, portée par le succès du haut débit. Et la crédibilité d’Internet est là, notamment chez les jeunes, ce qui est porteur d’avenir. D’après un sondage Ipsos réalisé pour MSN France en octobre, 61% des 15-25 ans citent Internet quand on les met en demeure de ne choisir que deux médias. Soit au premier rang devant la télévision (49%). En clair, tous les signaux sont au vert. Sans tomber dans un optimisme délirant, nous sommes au début d’un cycle qui peut durer une dizaine d’années. Et je pense qu’en 2005, beaucoup d’éditeurs vont recommencer à investir pour produire une offre éditoriale meilleure."
Et sur le modèle payant: "J’observe d’abord qu’on ne parle plus des contenus payant comme alternative: cela correspondait à un moment où la pub ne marchait pas. Aux Etats-Unis, la tendance est d’ailleurs à l’ouverture des sites, pas à la fermeture. Le rachat du site gratuit CBSMarketWatch par Dow Jones est aussi significatif à ce niveau. En revanche, la publicité ne sera jamais le modèle unique. Le Monde et Les Echos ont par exemple mis en place des zones à contenus payants très complémentaires. Mais la pub représentera probablement le modèle principal. On arrive en fait dans un modèle de médias en accès libre, déjà exploré par la radio et la télévision ou par la presse en distribution gratuite, même si Internet possède ses spécificités."
Dans le même temps, la pub dans la presse traditionnelle est moribonde (Newsletter de CB News, 22 juin 2005, reprise sur le site de l'Acrimed) : « Le marché ne redémarre toujours pas. 1 772 millions d’euros ont été investis en publicité au mois de mai selon les chiffres publiés par TNS Media Intelligence. Bientôt à mi-parcours, le marché progresse de 3,9% depuis janvier quand la progression était de 9,7 % sur la période équivalente en 2 004. Pour le deuxième mois consécutif, la télévision est en baisse à -1% en mai. Même tendance baissière pour la presse magazine avec -1,2%. La PQN et la radio redressent un peu la barre avec respectivement +8,1% et +7,2%. La publicité extérieure progresse de 4,6%, le cinéma de 64,4%. Et Internet continue son inexorable progression avec 86 millions d’euros, soit une hausse de 44% »
Katrina: presse locale et blogs dans l'oeil du cyclone
Que les blogs se soient enflammés face au désastre du cyclone Katrina en Louisiane l'été dernier n'a rien d'étonnant. Ce qui est plus intéressant, par contre, c'est la façon dont les quotidiens locaux se sont emparés de l'outil :
"Le Times-Picayune est un grand journal de Nouvelle-Orléans qui tire habituellement à 270 00 exemplaire. Dès l'arrivée de l'ouragan les journalistes se sont réfugiés dans une ville des bayous à 100 km, et ils sont parvenus à conserver leur site Internet, qui a été aux premières loges de l'histoire, recueillant les milliers de témoignages de citoyens.
Pour sa part le Sun Herald de Biloxi, qui avait «réquisitionné» 50 journalistes et photographes pour couvrir l'événement, est parvenu à distribuer des exemplaires imprimés dans les abris des réfugiés, avec l'aide technique d'un autre journal en Géorgie qui appartient au même groupe de presse..
"(...) Ces deux journaux ont également hébergé des blogues et des forums de discussion ouverts aux citoyens, qui ont joué un rôle fondamental depuis les derniers jours.
"(...) Ces témoignages dévastateurs, ces appels à l'aide désespérés, vous en trouviez des milliers ces derniers jours. À quel point ces blogues ont-ils fait prendre conscience de la lenteur des autorités à réagir ?
"Kaye Trammel, de Baton Rouge, est professeur de communications à la Louisiana State University. (...) Devant la rapidité des blogues à décrire la situation effrayante sur le terrain, Kaye Trammel se demande si les villes et les gouvernements ne devraient pas, justement, intégrer les blogues dans leurs propres plan d'urgence pour améliorer leur temps de réaction."
(Extrait du "Devoir" su 06/09/05, droits réservés)
Voilà un bel exemple de journal "utile", que les Louisiannais ont sans doute été fiers d'appeler "mon journal". Au delà de cette exploitation intelligente de l'Internet par le papier, cet attachement de la communauté à son média local est l'une des clefs de la presse quotidienne régionale d'aujourd'hui.
dimanche 29 janvier 2006
Gratuité chérie
Quelle plus-value apporte aujourd'hui la presse payante pour justifier l'achat d'un quotidien ?
Cet argument selon lequel la presse gratuite serait du sous-journalisme ne tient plus. Parce qu'aujourd'hui, les gratuits se comportent de plus en plus comme de vraies rédactions et que les payants s'embourbent dans des modes de fonctionnement qui plombent leur créativité. La qualité n'est plus l'apanage de la presse payante.
Pire, les journaux gratuits ont démasqué la pauvreté rédactionnelle de certains journaux payants. Les pages d'informations générales (actualité nationale et internationale) d'un quotidien régional sont constituées à 80% de dépêches AFP, et ses pages locales sont assurées, dans les mêmes proportions, par des correspondants locaux (non professionnels). Où est la plus-value ?
Et demain, ne nous voilons pas la face, l'actualité hyperlocale (des petites communes) sera proposée gratuitement sur Internet. On en trouve déjà quelques exemples.
Nous survivons aujourd'hui grâce à un lectorat fidèle, mais vieillissant. La nouvelle génération ne suit pas. Ou achète le journal occasionnellement.
Pour s'en sortir, la presse locale doit donc offrir autre chose. De l'info exclusive, de l'info qui dérange, de l'info utile à la communauté.
Il ne s'agit plus seulement d'être un "bon" journal, d'être "complet", d'offrir "plus d'infos". Nous ne sommes plus un service public, si nous l'avons jamais été.
Une seule révélation à la Une peut justifier l'achat d'un journal. Et une par jour, c'est suffisant. Une révélation se valorise et mérite son prix. Pas la peine de la vendre en vrac avec d'autres révélations.
Dans un quotidien, un seul bon titre en Une est capable de faire varier très sensiblement les chiffres de vente, et de capter les lecteurs occasionnels (qui ne seront sans doute jamais fidèles). Que va me révéler mon journal aujourd'hui ? Qu'allons nous révéler à nos lecteurs demain matin ? Rien ? Alors pourquoi vendre nous ? Pourquoi ne pas le donner ?
Nous devons donc faire en sorte que ce que le lecteur paie, c'est bien l'info exclusive et non pas l'info qu'il peut trouver gratuitement ailleurs. Maintenant, allez acheter votre journal local, et faites vos comptes...
Nous devons passer du journalisme local exhaustif et pépère au journalisme local de "coup".
Voilà pour la première étape. La seconde ? Pourquoi vos anciens lecteurs disaient-ils "mon journal" lorsqu'ils parlaient de leur quotidien régional ? C'est quoi "mon journal" pour le lecteur d'aujourd'hui ? Voilà un bon sujet de réflexion.
vendredi 27 janvier 2006
Demain tous journalistes ?
La question est devenue banale. Le quotidien Libération, entre autres, la pose régulièrement à ses lecteurs. Normal: leurs ventes baissent et Libé est un journal qui se veut dans l'air du temps. Sauf qu'acheter un journal, ce n'est plus vraiment dans l'air du temps. Alors on s'interroge, maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on fait de ça ? Parce que s'il reste des quotidiens qui parviennent encore à remonter leurs chiffres de vente, tout le monde sait qu'il y a quelque chose de pourri dans le système et que, à terme, il faudra bien trouver une solution.
Car la question n'est plus seulement celle de la gratuité de l'info sur le Net (et aussi sur le papier, d'ailleurs, mais ce n'est qu'une conséquence de l'effet Internet), mais surtout celle de la notion même d'information qui est en train d'évoluer. On le sait, et j'enfonce encore de grosses portes ouvertes, le journaliste n'a plus le monopole de l'information, il n'est plus le témoin privilégié (et éclairé) de l'événement. On lui refuse même maintenant le monopole de l'analyse de l'actualité. Quand Paris Match a publié des pages entières de photos d'amateur des attentats de Londres, prises avec un téléphone portable, nous avons tous compris qu'une étape avait été franchie. Rien de scandaleux, d'ailleurs, les documents étaient bons et avaient valeur d'info.
Cyril Fievet, redac chef du mag Pointblog sur Internet (Libération 20/08/2005): Les photos et textes des amateurs n'ont aucune valeur journalistique, dit-il, «mais cela ne veut pas dire qu'elles n'ont pas de valeur. Ces images ou ces textes ont la valeur de ce qu'on vécu des citoyens. Le citoyen relate ce qu'il voit. »
Soit.
Au journaliste donc de traiter, de recouper cette nouvelle matière informative. Rien de vraiment nouveau, d'ailleurs, la presse régionale (PQR) le fait depuis cinquante ans. La grande majorité des articles publiés par la PQR sont écrits par des correspondants locaux, c'est à dire par des non professionnels. Ces articles amateurs sont censés être repris par des journalistes professionnels avant publication.
Oui mais ...
Oui mais il y a dans le phénomène Internet (dans lequel j'inclus les forums, les blogs, les podcast, les sites Wiki...) un ferment qui révolutionne complètement notre manière d'aborder et de produire l'info. Les médias traditionnels sont non seulement en train d'être ringardisés mais, surtout, ils prennent de plus en plus le risque de passer à côté de l'information, parce que la notion même d'information a changé. L'info n'est plus une donnée qu'on s'échange, elle est déjà un échange. Elle inclut les notions de réseau, de lien, de vécu inividuel... bref, tout ce qu'on ne trouve pas dans un quotidien.
Notre problème à nous, journalistes, n'est pas de savoir comment nous pouvons sauver notre métier ou nos supports. Mais de nous interroger sur cette matière vivante qu'est devenue l'info et d'essayer de comprendre comment nous pouvons l'aborder, l'enrichir et même la stimuler. Car si notre rôle n'est plus d'informer il est encore de traiter, de décrypter, de donner à réfléchir, à savoir... et à s'émouvoir.
Au fond, il y a encore un grand vide dans tout ça. Et donc une vraie terre d'exploration pour les journalistes de demain. D'où qu'ils viennent: de l'info amateur, ou des médias traditionnels.
Question: comment on fait ?